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Les révolutions de l’Inde antique

vendredi 23 juillet 2010, par Robert Paris

Texte 1

Texte 2

Florence Leroy dans « La civilisation disparue de la Vallée de l’Indus » :

« Il y a cinq mille ans, apparut sur les rives de l’Indus une civilisation urbaine sophistiquée. Sans temple, palais, ni armée.

Comme chaque matin pendant la saison commerciale, la ville de Harappa se réveille au bruit des chars à bœuf dévalant les rues et des boutiquiers proposant bracelets de coquillages ou colliers de fines pierres précieuses. De riches marchands venus des lointains pays d’Oman, d’Afghanistan et d’Asie centrale débattent avec les inspecteurs de l’octroi des taxes qui vont être appliquées au lapis-lazuli, à l’or, l’argent et l’étain qu’ils espèrent écouler au près de clients fortunés. Après quelques nuits passées au caravansérail aménagé aux portes de la cité, ils repartiront, emportant dans leurs bagages des céréales, du bétail, des tissus de coton et peut-être de soie, et les perles de coraline et bracelets de coquillages qui ont rendu les artisans de l’Indus célèbres de la Mésopotamie à l’Himalaya. Les paysans sont venus nombreux de la plaine féconde qui entoure la ville pour vendre leurs surplus (…) des ouvriers nettoient les les énormes cuves servant d’égout installées dans les artères principales, terminus des conduits d’évacuation venant des latrines et des salles de bain des habitations. Par des canalisations plus larges, ces boues fertiles se déverseront dans les champs, à l’extérieur des hautes murailles de la ville.
C’est un jour comme un autre, il y a quatre millénaires, à Harappa, prospère cité de la verte plaine du Sindh (actuel Pakistan), riche de 40.000 habitants. (…) La plus grande ville de ce que les archéologues appellent la civilisation harappéenne ou de l’Indus, du nom du fleuve qui en fut l’artère vitale et qui fit sa prospérité. (…) « On a longtemps cru que l’idée de ville avait été importée du Proche-Orient et mise en pratique dans la vallée de l’Indus par un groupe dynamique », observe Jean-François Jarrige, ancien directeur du musée Guimet à Paris et l’un des rares Français à avoir effectué des fouilles dans la région. « Mais aujourd’hui, nous savons, grâce aux travaux que nous avons menés à Merhgarh, au Baloutchistan (Pakistan), que des agglomérations bien planifiées se sont formées dès la fin du huitième millénaire, avec la domestication de plantes comme l’orge et le développement du pastoralisme. » (…)
C’est vers 2800-2600 avant notre ère, à cause peut-être de changements climatiques poussant les montagnards vers les plaines, que se développent véritablement de grandes agglomérations, à partir de villages fortifiés le long de routes commerciales ou près de terres agricoles bien fertilisées par les alluvions de l’Indus. (…) C’est alors qu’apparaissent sur des sceaux et des poteries les premiers signes d’une mystérieuse écriture encore indéchiffrée, parallèlement à une explosion du savoir-faire artisanal. L’âge d’or de la civilisation harappéenne débute, tandis que se développe un véritable maillage de cités partageant un destin commun culturel. (…) Pas de secret : si tout fonctionne aussi bien, c’est avant tout grâce aux deux classiques « mamelles » : labourage et pâturage : une agriculture et un élevage assez productifs pour nourrir sans trop de peine des urbains nombreux. Il se trouve que les inondations venues de l’Himalaya viennent gonfler l’Indus en été, juste avant les semailles. L’exploitation de la crue ne nécessite donc pas de grands travaux d’irrigation. Les hommes de l’Indus montrent dès lors d’éclatantes qualités commerciales, faisant des villes de Harappa et Mohenjo-Daro de véritables plaques tournantes du commerce de l’Asie du sud. On en retrouve trace jusqu’en Mésopotamie, lorsque le roi Sargon d’Akkad, vers 2300 avant J.-C., indique que les marchandises de Mehuhha (nom akkadien de la vallée de l’Indus) sont si précieuses qu’elles ne doivent pas être déchargées dans le port de Ur mais remonter l’Euphrate jusqu’à Akkad. Deux siècles plus tard, la tombe de la reine sumérienne Paabi recélait déjà, entre autres trésors, de précieux bijoux en perles de cornaline. (…) « Dès l’époque de Mehrgahr, au siècle millénaire avant JC, ce qui intéresse les hommes de l’Indus, c’est de transformer les matériaux, d’exploiter des secrets techniques », note Jean-François Jarrige. « On a retrouvé trace dans la région d’un négoce intense de lapis-lazuli avec les mésopotamiens, grands amateurs d’objets exotiques. » La préférence donnée au commerce devait frapper tout étranger arrivant dans une ville de l’Indus. (…) On chercherait en vain dans la région de l’Indus la représentation des batailles sanglantes et glorieuses, des hauts faits d’armes de rois prestigieux qui paraissent la règle dans les empires contemporains. (…) Une vaste civilisation préoccupée de prouesses technologiques, dédiée au commerce et au confort, voilà la première image que nous offre la région. Mais ce qui devait frapper le plus le visiteur, c’est l’absence. De batailles et de dieux. D’individus distingués pour leurs prouesses militaires, leur autorité politique ou leur art. D’effigies monumentales. (…) Selon les mots de Gregory Possehl, un « système socio-culturel sans visage, sans Etat ». (…) Le développement de la civilisation harappéenne répondrait non à une volonté de conquête, mais aux exigences de marchands désireux d’accroître leur aire de développement. (…) Nul besoin donc d’un pouvoir aux mains de rois et de prêtres comme les premiers archéologues l’ont imaginé. (…) Comment une culture si brillante, si structurée, a-t-elle pris fin ? Ce n’est pas la moindre des énigmes fascinantes qu’elle offre aux chercheurs. (…) Si Harappa a été habitée jusque vers 1300 av J.-C., tout semble indiquer que les murs et les égouts ne sont plus entretenus, et que les pouvoirs publics sont impuissants à contrôler, sans armée, une ville devenue surpeuplée. »

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