Editorial 11-12-2010 - Les banquiers nous ruinent, ruinons les banquiers !

Pour nous défendre, n’hésitons pas à frapper les classes dirigeantes au coffre-fort

Cantona n’est pas parvenu, par son appel à retirer notre argent de nos comptes en banque, à faire chuter les établissements bancaires, s’étonnent, ou se rassurent, les commentateurs des média, de la finance et du monde politique. Mais, sur le moment, ils étaient bien plus inquiets. Ils ont hurlé à l’irresponsabilité. Jean-François Sammarcelli, directeur délégué général de la Société générale a déclaré que « retirer son argent des banques, c’est extrêmement dangereux à la fois pour soi (...) et ce serait aussi dramatique pour l’ensemble du système ». Les banques, qui auraient été incapables de faire face si un dixième des clients avait fait sortir leurs avoirs, ont retardé les opérations de sortie de fonds et la Société Générale s’est même déclarée en panne ordinateur pour les retraits par carte bancaire.

Des Verts au Front national, en passant par l’UMP et le PS, les responsables politiques invités sur les ondes ou à la télévision mardi matin ont tous fustigé cet appel fait aux particuliers de vider leurs comptes en même temps, afin que "les banques s’écroulent". Le ministre du Budget François Baroin a brocardé samedi l’appel "grotesque et irresponsable". "En tout cas, si des fans retirent leurs billes de leur assurance vie, la responsabilité de M. Cantona sera engagée sur la vie de ces gens-là", a-t-il ajouté. Christine Lagarde, rageuse, a affirmé : "Monsieur Cantona n’est pas à une provocation près". Pour Roselyne Bachelot, "ce sont les Français les plus modestes qui morfleraient".

La gauche et les syndicats n’ont pas dit mieux, montrant qu’ils étaient très responsables vis-à-vis du système. La CGT a déclaré : "Ce n’est pas une bonne stratégie." On l’a vue sa stratégie efficace pour défendre nos retraites et elle n’est certainement pas de frapper les banques au coffre-fort ! Pour Aubry, "Cantona marque un but contre son camp.". Elle a précisé : "à l’évidence, sa réponse n’est pas la bonne. Je dirais même qu’il marquerait vraiment un but contre son camp, contre la France, contre nous tous en réalisant cela." Mr. Mélenchon a déclaré sur France Info : "Je ne sais pas si on gagnerait quelque chose à une faillite générale et instantanée du système." De même, pour Nathalie Arthaud (Lutte Ouvrière), "le problème c’est que les banques, on en a besoin, elles sont utiles". L’association altermondialiste Attac, qui dénonce régulièrement la toute-puissance du monde bancaire, restait prudente. "On ne demande pas aux gens de retirer en masse leur argent des banques", a déclaré à l’AFP Thomas Coutrot, coprésident de l’association. Besancenot l’a déconseillé car pour lui, "la réalité, c’est que beaucoup de ceux qui rêveraient de la faire n’ont plus forcément de l’argent sur leur compte en banque." Pas bien radicaux, les dirigeants « de gauche » !

Les banques ont bien failli envoyer par le fond tout le vaisseau du capitalisme en 2008 du fait de leurs spéculations folles. Le capitalisme s’en est sorti en volant les fonds publics au point que les services publics sont en voie de destruction et qu’on a hypothéqué l’avenir des générations futures. Et les banques recommencent à faire des fortunes en spéculant et en préparant le prochain krach.

C’est le système lui-même qui, sans l’aide de Cantona, se dirige tout droit à son propre effondrement en nous volant des sommes colossales et en nous envoyant direct en enfer. Et, d’autre part, tout le système et ses défenseurs s’indignent du soi-disant chantage d’un individu se permette de dire... qu’il va retirer "son" argent de la banque ! Comme si des chantages, on n’en vivait pas tous les jours de la part des banquiers, des financiers et des capitalistes. A commencer par celui consistant à dire que si on n’inoculait pas immédiatement des centaines de milliards, on allait tous en enfer. Et, tous les jours, des banques nous retirent nos comptes en banque et cela n’indigne pas tout ce joli monde ! Tous les jours, des salariés se voient retirer durablement ou définitivement leur chéquier, leur compte en banque, leur chauffage, leur emploi, leur logement, leur eau, leur gaz, leur électricité... Tous les jours les spéculateurs détruisent des entreprises, des monnaies, des économies, des Etats, en retirant leurs fonds, mais cela n’entraîne pas tant d’indignation … que si nous voulons retirer notre argent de notre compte...

Alors oui, frapper les capitalistes au coffre-fort est une idée qui a de l’avenir, même si Cantona n’est pas en état de la mettre en route tout seul, les travailleurs le peuvent. Des comités de travailleurs se liant à l’échelle de tout le pays peuvent très bien répondre à tous les chantages patronaux et gouvernementaux par une telle mesure.

Plus que jamais il faut combattre l’idée fausse selon laquelle on pourrait se défendre sans frapper le système. Les travailleurs organisés en comités pourraient tout à fait faire plier le capital en le menaçant au coffre-fort.