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La science donne-t-elle la preuve de la non-existence de dieu ?

mercredi 23 mars 2011, par Robert Paris

Matière et révolution est un site qui combat la religion au nom de la libération des hommes de l’oppression sous toutes ses formes. Pas au nom de l’idéologie soi-disant objective de la société capitaliste soi-disant scientifique. En fait, l’idéologie de la société bourgeoise n’a rien de commun avec la science même si cette dernière est assez vulgarisée.

"La religion traduit le chaos de la nature et le chaos des rapports sociaux dans le langage d’images fantastiques. Seule l’abolition du chaos terrestre peut supprimer à jamais son reflet religieux. Une direction consciente, raisonnable et planifiée, de la vie sociale, dans tous ses aspects, abolira définitivement tout mysticisme et diablerie."

Léon Trotsky dans "Sens et méthodes de la propagande anti-religieuse" (1925)

La méthode scientifique contre la méthode créationniste

Science : voici les faits et cherchons quelle conclusion en déduire

Religion : voici la religion et tirons les faits pour les faire entrer dans cette vision a priori

En fait, et ce n’est pas qu’un jeu de mots, il est très difficile de distinguer les faits des analyses de ces faits et donc des théories et très difficile d’opposer théories exactes et présupposés faux....

La démarche scientifique peut sembler très opposée à la démarche religieuse et pourtant...

Pourtant, dans ce monde "très scientifique", les religions se portent très bien.

Pourtant, dans ce monde très technique, les interrogations sur l’univers et son sens sont loin d’être réglées...

Pourtant, les hommes ne ressentent pas que la science réponde à toutes leurs questions....

Pourtant, bien des scientifiques eux-mêmes sont religieux.

Pourtant, rien ne prouve que la science sans philosophie, telle qu’elle est développée par les classes dirigeantes, soit une rupture avec la pensée métaphysique, non dynamique, non dialectique....

Car la science, même sans influence religieuse, peut parfaitement être transformée en dogme, peut tout aussi bien être tournée contre une philosophie scientifique. Il est très aisé de croire au dieu nature. Il est encore plus aisé de suivre l’autorité scientifique avec la même obéissance aveugle que celle qui sert à obéir aux religions.

La conception scientifique peut parfaitement devenir anti-historique, anti-dialectique, figée et dogmatique et elle y parvient fréquemment. Elle peut aller contre les faits... du moins pendant un certain temps. Et surtout, elle peut parfaitement s’accommoder d’une philosophie non scientifique. C’est ce que l’on constate tous les jours ! Cela signifie une philosophie qui ne correspond pas au caractère dynamique de la transformation révolutionnaire du monde réel.

Combien de scientifiques sont fiers de se dire cartésiens, c’est-à-dire adeptes de la dualité corps/cerveau ? Combien de médecins et de spécialistes de la médecine affirment, par exemple, qu’il y a d’un côté les maladies physiques et de l’autre les maladies psychologiques...

Karl Popper, auquel bien des scientifiques accordent une importance imméritée, a théorisé l’existence de plusieurs mondes, ce qui justifierait, selon lui, une séparation entre corps et esprit. Il écrit ainsi dans « La connaissance objective » : « Je propose donc, comme Descartes, l’adoption d’un point de vue dualiste bien que je ne préconise pas bien entendu de parler de deux sortes de substances en interaction. Mais je crois qu’il est utile et légitime de distinguer deux sortes d’états (ou d’événements) en interaction : des états physico-chimiques et des états mentaux. » Le neurologue John Eccles, collaborateur de Karl Popper, théorise la même séparation cerveau/conscience dans « Comment la conscience contrôle le cerveau » : « Le présent ouvrage a pour objectif de défier et de nier le matérialisme afin de réaffirmer la domination de l’être spirituel sur le cerveau. (...) Cette conclusion a une portée théologique inestimable. Elle renforce puissamment notre foi en une âme humaine d’origine divine. Cela va dans le sens d’un dieu transcendant, créateur de l’univers. Il rappelle un autre livre que j’écrivis en compagnie de Popper : « La Conscience et son cerveau » (1977). (...) La transmission synaptique chimique constitue donc le fondement de notre monde conscient et de sa créativité transcendantale. »

Des scientifiques ayant une conception métaphysique, quoi de plus courant ! Il suffit d’admettre toutes les séparations définitives entre domaines des sciences, entre sciences dures et sciences molles, entre l’homme et la nature, entre la matière et l’esprit. Il n’est pas besoin pour cela d’adhérer à une quelconque église....

Les matérialistes ne sont nullement forcément ni dialecticiens, ni adeptes de conceptions historiques ou dynamiques. le matérialisme le plus couramment défendu par les scientifiques est anti-historique et anti-dialectique.

En fait, l’hostilité à la religion n’est pas nécessairement synonyme de science. Certains ont fait de la lutte contre la religion un but en soi qui ne va guère avec la recherche du fonctionnement réel du monde.... et encore moins avec le combat pour sa transformation.


PLAN DE L’ARTICLE

Introduction

1°) La théorie de l’évolution et la religion

2°) La connaissance des lois physiques et la thèse de la création du monde (du Big Bang au "commencement de l’univers")

3°) La matière et son auto-organisation sont-ils des preuves contre l’existence de dieu ?

4°) La nature n’a pas besoin d’un dieu pour être expliquée. C’est l’homme qui a besoin parfois d’un dieu pour être soulagé. La vraie inutilité de dieu ne découle pas du domaine de la science mais de celui de l’activité humaine et sociale.... parce que la vraie source des religions est dans la souffrance des hommes et pas dans la méconnaissance du monde.

5°) La science ne peut répondre à une question sur ce qui n’existe pas... Combattre la religion, c’est combattre l’image qu’ont les hommes du monde, ce n’est pas combattre la réalité.

6°) Ce n’est pas la science ni l’instruction qui peuvent combattre la religion mais la lutte pour la transformation du monde peut rendre inutiles toutes les prières du monde...


Introduction

Stephen Hawking a affirmé que la cosmologie moderne est une preuve de la non-existence de dieu. Déjà Darwin souhaitait se servir de sa thèse évolutionniste pour démolir la religion.

Mais la science peut très bien développer une pensée de type religieux, fondée sur la croyance, fondée sur la fixité, fondée sur l’ordre....

"Si la religion fut longtemps l’opium du peuple, la Science est en bonne place pour prendre le relais. Les protestations contre la course aux armements, que certains physiciens affectent de signer aujourd’hui, nous éclairent au plus sur leur complexe de culpabilité, qui est bien dans tous les cas l’un des vices les plus infâmes de l’homme. La poitrine qu’on se frappe trop tard, la caution donnée aux mornes bêlements du troupeau par la même main qui arme le boucher, nous connaissons cette antienne. Le christianisme et ses miroirs grossissants que sont les dictatures policières nous y ont habitués."
(André Breton / Démasquez les physiciens, videz les laboratoires ! / 18 février 1958)

"M. Arago avait une anecdote favorite. Quand Laplace eut publié sa Mécanique céleste, disait-il, l’empereur le fit venir. L’empereur était furieux. " - Comment, s’écria-t-il en apercevant Laplace, vous fait tout le système du monde, vous donnez les lois de toute la création et dans tout votre livre vous ne parlez pas une seule fois de l’existence de Dieu ! - Sire, répondit Laplace, je n’avais pas besoin de cette hypothèse."
(Victor Hugo /Choses vues / 1887)

Einstein : « Ce que vous avez lu sur mes convictions religieuses était un mensonge, bien sûr, un mensonge qui est répété systématiquement. Je ne crois pas en un Dieu personnel et je n’ai jamais dit le contraire de cela, je l’ai plutôt exprimé clairement. S’il y a quelque chose en moi que l’on puisse appeler "religieux" ce serait alors mon admiration sans bornes pour les structures de l’univers pour autant que notre science puisse le révéler. » Dans Le côté humain, Éd.Helen Dukas et Banesh Hoffman, lettre du 24 mars 1954.

"Le mot Dieu n’évoque, pour moi, rien d’autre que l’expression et le résultat de la faiblesse humaine, et la Bible, une collection de légendes honorables, mais primitives et assez naïves."

Einstein dans une lettre au philosophe Eric Gtkind (1954)

"Seuls les croyants qui demandent à la science de leur remplacer le catéchisme auquel ils ont renoncé, verront d’un mauvais oeil qu’un savant poursuive et développe ou même qu’il modifie ses idées."
(Sigmund Freud / 1856-1839 / Au-delà du principe de plaisir)

"Dans la phase animiste, c’est à lui-même que l’homme attribue la toute-puissance ; dans la phase religieuse, il l’a cédée aux dieux, sans toutefois y renoncer sérieusement, car il s’est réservé le pouvoir d’influencer les dieux de façon à les faire agir conformément à ses désirs. Dans la conception scientifique du monde, il n’y a plus place pour la toute-puissance de l’homme, qui a reconnu sa petitesse et s’est résigné à la mort, comme il s’est soumis à toutes les nécessités naturelles."
(Sigmund Freud / 1856-1839 / Totem et tabou / 1913)

Comme Karl Marx, Friedrich Engels ou Léon Trotsky, les révolutionnaires se gardaient de considérer que le développement scientifique devait seulement servir à combattre la religion. Ainsi, dans son « Ludwig Feuerbach », Engels reconnaissait au philosophe Feuerbach le mérite d’avoir combattu l’idéalisme (en particulier celui de Hegel) et la religion, mais il se méfiait des critiques « matérialistes » de Hegel. Il remarquait que « Les vulgarisateurs qui, de 1850 à 1860 débitaient en Allemagne leur matérialisme, ne dépassèrent en aucune façon le point de vue de leur maître. Tous les progrès des sciences naturelles faits depuis lors ne leur servirent que de nouvelles preuves contre la croyance en un créateur (...) » Engels voyait un tout autre intérêt aux recherches scientifiques et au développement des conséquences de ces progrès de la recherche : « Mais ce sont surtout trois grandes découvertes qui ont fait progresser à pas de géant notre connaissance de l’enchaînement des processus naturels ; premièrement la découverte de la cellule (...) deuxièmement la découverte de la transformation de l’énergie, enfin la démonstration d’ensemble faite pour la première fois par Darwin (...). Grâce à ces trois grandes découvertes et au progrès formidable des sciences naturelles, nous sommes aujourd’hui en mesure de pouvoir montrer dans les grandes lignes l’enchaînement entre les phénomènes de la nature (...). C’était autrefois la tâche de ce que l’on appelait la philosophie de la nature (...) » Cette tâche était donc reprise par les révolutionnaires. Lénine ne débutait-il pas son ouvrage sur la crise de la physique du début du 20ème siècle, d’où allaient naître physique quantique et relativité, intitulé « Matérialisme et empiriocriticisme », par ce propos : « En ce qui me concerne, je suis aussi un « chercheur » en philosophie. » Et il montrait les implications philosophiques, sociales et politiques de l’idéologie diffusée par le physicien Mach, qui allait être à l’origine du positivisme* (voir annexe à la fin du texte). Ce courant niait la possibilité de philosopher sur les sciences et même de connaître la nature sous prétexte de limitations des capacités de nos sens. C’était comme si le monde que nous étudions n’était qu’un monde pour l’homme. Venu de scientifiques, cette philosophie positiviste, qui prétendait combattre toute métaphysique, entraînait un scepticisme vis-à-vis de la science et de toute philosophie scientifique.

1°) La théorie de l’évolution et la religion

"La science et le Christ n’ont rien à voir l’un avec l’autre, sinon dans la mesure où l’habitude de la recherche scientifique enseigne la prudence au moment d’accepter une preuve quelle qu’elle soit. En ce qui me concerne, je ne crois pas qu’une révélation ait été faite. "

(Charles Darwin / 1809-1882 / juin 1879)

"Le vrai matérialisme fait de Dieu une impossibilité, de la révélation une vue de l’esprit, et de la vie future une absurdité."

(Charles Darwin / 1809-1882 / juin 1879)

"J’en étais progressivement venu, à cette époque, à voir que l’Ancien Testament, de par son histoire du monde manifestement fausse, avec la tour de Babel, l’arc-en-ciel comme signe, etc., et son attribution à Dieu des sentiments d’un tyran assoiffé de vengeance, n’était pas plus digne de foi que les livres sacrés des hindous, ou les croyances de n’importe quel barbare. Une question s’imposait alors continuellement à mon esprit, et refusait d’en être bannie : est-il croyable que si Dieu avait dans l’instant, à révéler aux hindous, il permettrait que cela soit lié à la croyance de Vishnou, Shiva, etc., comme le christianisme est lié à l’Ancien Testament ? Cela me paraissait tout à fait incroyable."

(Charles Darwin / 1809-1882)

Bien qu’il utilisait le terme « agnostique » à la fin de sa vie, ce choix de vocabulaire visait à ne pas heurter les scrupules de la société victorienne et les convictions religieuses de son épouse. « L’incrédulité gagna sur moi très lentement, mais elle fut à la fin, complète, écrit Darwin dans son Autobiographie. [...] Je n’ai jamais douté depuis, même une seule seconde, que ma conclusion ne fut correcte. »

La discontinuité a longtemps été considérée comme synonyme d’absence de causalité, d’impossibilité d’explication scientifique et même de création divine. La question religieuse, aussi bien que la lutte contre l’influence de la religion en sciences, a influencé les scientifiques, les poussant à rejeter la discontinuité, et on peut dire que la plupart des scientifiques en étaient parfaitement conscients. Ainsi, Darwin, qui affirmait dans « L’origine des espèces » que « la nature ne fait pas de sauts », souhaitait au travers de sa théorie de l’évolution faire œuvre de matérialiste, et combattre la métaphysique, sans le faire ouvertement. Il explique dans un courrier : « Pour éviter de déclarer à quel point je crois au matérialisme, dire seulement que les émotions, les instincts, les degrés de talent sont héréditaires (...) » Il se sert consciemment des préjugés de son époque pour faire avancer la science. Or, pour Darwin, toute discontinuité sous-entend un miracle divin, comme le rappelle le néodarwinien Ernst Mayr dans son article de la revue « Pour la science » de septembre 2000 : « En 1850, de nombreux philosophes et scientifiques étaient chrétiens. Ils admettaient que le monde avait été créé par Dieu et que celui-ci avait institué des lois permettant une parfaite adaptation de tous les organismes les uns aux autres ainsi qu’à leur environnement. (...) La théorie de l’évolution par la sélection naturelle explique l’adaptation et la diversité du monde d’une façon matérialiste, sans faire appel à un Dieu créateur ni à un « Grand Horloger ». L’éviction de Dieu laissa la place aux explications scientifiques des phénomènes naturels (...) » Effort vers la connaissance scientifiques certes, le combat contre les a priori des religieux s’appuyait, pour des raisons sociales, sur d’autres a prioris. Darwin choisit de rejeter l’évolution discontinue par rejet de la religion, mais ce n’est pas la seule raison. Comme bien d’autres scientifiques, Darwin est un adepte du progrès technique, social et politique que suppose société bourgeoise. Il souhaite une transformation sociale graduelle. La défense de l’ordre social n’est pas le dernier motif du rejet de la discontinuité car, dans le domaine social, rupture est bel et bien synonyme de révolution. N’oublions pas que l’expression la plus courante utilisant le terme de « continuité » est celle de continuité de l’Etat, qui reste l’objectif politique de toutes les classes dirigeantes au travers des crises. Gradualisme ou transition, il n’y a pas là seulement une observation de la nature, mais aussi un point de vue, un choix. Celui qui privilégie les changements graduels, sans révolution, choisit la continuité. Celui, qui étudie la dynamique fondée sur le changement radical, recherche au sein de la dynamique les phases de rupture. Cela ne signifie pas qu’il faille être révolutionnaire pour être scientifique, bien sûr, mais que les idéologies dominantes comptent en sciences. Gould indique ainsi que « Ce gradualisme du darwinisme a été enraciné dans les vues philosophiques de la société victorienne. De cette « évolution », on élimine tous les sauts, les changements brusques et les transformations révolutionnaires. Ces perspectives anti-dialectiques (...) ont profondément enraciné dans la pensée occidentale ce biais qui nous prédispose à rechercher la continuité et le changement progressif. »

2°) La connaissance des lois physiques et la thèse de la création du monde (du Big Bang au "commencement de l’univers")

Il convient certes de ne pas tomber dans le piège des conceptions créationnistes [17], et plus généralement idéalistes (selon lesquelles le monde ne pourrait pas s’explique entièrement par des causes purement physiques mais également métaphysiques). Mais il est aussi important de ne pas rejeter des études scientifiques sur le seul fondement qu’elles défendent l’idée de structurations nouvelles pouvant « apparaître » brutalement sans avoir été préalablement préparées, l’idée de création spontanée par un développement physique. Des évolutionnistes, comme Guillaume Lecointre, Jean Bricmont ou Jean-Paul Krivine, prétextent souvent des dangers des dérives créationnistes pour rejeter toute conception scientifique se fondant l’idée de sauts dans la nature, toute thèse non linéaire [18], discontinue et non-réductionniste, défendue par des biologistes ou paléoanthropologues comme Jean Chaline, Christian De Duve, Stephen Jay Gould, Ian Tattersall ou David Raup. En théorie de l’évolution, l’idée des discontinuités est ainsi combattue au nom du dogme évolutionniste par les néo-darwiniens. Ils taxent les théoriciens de l’évolution qui ne sont pas adeptes du progressisme (qu’il faudrait appeler « Révolutionnistes ») de créationnisme, et les accusent de vouloir le retour au dogme religieux. Accusation fallacieuse et qui ne suffit pas à discuter les thèses scientifiques avancées. Ils trouvent pour étayer leur propos quelques cas comme celui des théoriciens du « dessein intelligent », selon lesquels la nature poursuit un objectif, ou quelques scientifiques ouvertement religieux comme Anne Dambricourt [19]. Mais cela ne devrait pas leur suffire ni leur éviter d’argumenter sur le fond avec ces auteurs comme c’est malheureusement le cas. En effet, qui oserait dire que les études de Leibniz sont à rejeter du fait que sa recherche était, selon lui, fondée sur sa métaphysique ?

Il existe bien sûr des créationnistes pour s’appuyer sur certains résultats de la recherche scientifique mais cela ne juge pas du tout de leur validité. Personne ne propose de renoncer au « Big Bang » (ou, plus exactement, à l’idée d’un cosmos construit par des transitions successives qui ont produit la matière et la lumière) sur le seul argument que des créationnistes s’en servent (le terme Big Bang étant d’ailleurs plus que malencontreux vu que personne parmi les physiciens ne croit actuellement à une explosion originelle) pour y voir la création du monde créé par dieu. Une thèse selon laquelle il y a eu de multiples créations par la matière, avec notamment des créations/annihilations en permanence dans le vide, apporte-t-elle de l’eau au moulin de la divinité ? Voilà un dieu qui a bien du mal à arriver à ses fins ! Des idées scientifiques ne sont pas mises en cause parce que les religieux s’en emparent ou font mine de reprendre à leur compte leurs thèses. Un site créationniste intitulé « Qu’est-ce que la théorie créationniste », sur internet en 2005, cite ainsi les scientifiques David Raup et Christian De Duve prétendument à l’appui de sa thèse : « La théorie créationniste prédit que toutes les formes de vie sont apparues de façon indépendante et soudaine. » Voilà un dieu qui n’aurait pas réalisé le monde en sept jours, mais s’est avisé de changer sans cesse de modèle ! La « création » permanente, que l’on constate, a-t-elle alors besoin d’un dieu ? Pour notre part, nous n’adopterons pas seulement le terme de « création naturelle » mais celui de « révolution ». On se heurte là à un a priori (religieux ?) de certains scientifiques qui considèrent que « révolution » n’est pas un terme scientifique. Peut-on donner de la révolution, phénomène politique et social bien connu, une description en termes scientifiques ? Il serait juste de parler d’une transformation qualitative et ponctuée, ce qui suppose l’interaction entre niveaux hiérarchiques, dans laquelle l’émergence de l’ordre est liée à la non linéarité du phénomène qui permet l’interaction d’échelle à proximité d’une zone critique. En termes moins spécialisés, cela signifie que plus une transition est rapide, plus elle peut développer d’énergie, plus elle permet à un niveau inférieur d’organisation d’interférer au niveau supérieur de la structure. Et surtout le niveau supérieur détermine le sens de l’action au niveau sous-jacent. C’est une nouvelle vision de la matière et du déterminisme découlant de multiples études. Elle a l’avantage de souligner l’importance des processus plus que des états transitoires. Elle tient compte non seulement des résultats exprimés mais des diverses déterminations possibles. On ne peut à la fois considérer l’espèce comme définie de manière fermée et ensuite chercher le mode d’évolution des espèces. Le déterminisme ne suppose plus que l’avenir soit pré déterminé ni même prédictible puisque des bifurcations peuvent entraîner vers plusieurs avenirs, un véritable « jeu des possibles » comme le suggère François Jacob. Eh bien, l’atome, la particule ou la société ne sont pas moins que la vie un jeu des possibles tout en obéissant à des lois du non équilibre. Il y a une histoire objective soumise à la causalité, mais celle-ci n’est pas linéaire.

Certains auteurs actuels, qui se disent « matérialistes », défendent le déterminisme de la matière mais en s’accrochant à l’ancienne version de la matière et du déterminisme, et mènent ainsi un combat d’arrière garde contre la religion et l’irrationnel. Certes, ils remarquent et combattent à juste titre le développement de fausses sciences. Ces « pseudo-sciences » [20], font appel à des notions métaphysiques mêlées à celles tirées des sciences. C’est le cas notamment du concept de « dessein intelligent » ou encore celle de « principe anthropique », version moderne du jardin d’Eden – l’univers construit pour l’homme – en somme la croyance en un créateur divin, qui prête à la nature un but préétabli et une action bien dirigée. « Le « principe anthropique », énoncé en 1974 par B. Carter de l’Observatoire de Meudon, affirme que les constantes fondamentales ont la valeur qu’elles ont pour permettre l’apparition de l’homme. C’est dire que l’Univers aurait été produit POUR l’Homme. Et pourquoi le monde y compris l’homme, ne serait-il pas un jardin prévu pour le cafard ou pour la bactérie ? Cela signifie que les constantes qui déterminent les fondements de la physique ont été déterminées il y a des milliards d’années avec une précision extraordinaire uniquement pour permettre la vie consciente bien plus tard. Et où cette volonté préexistante de construire la pensée consciente aurait-elle été inscrite ? Voilà une question qui reste sans réponse. On a là une version ancienne du déterminisme et, en même temps, un accommodement avec la conception religieuse, créationniste, de l’histoire. Qui dit « créé POUR » dit un créateur, même si une partie des partisans du principe anthropique se défendent de rouler pour les religions. Et, surtout, concevoir les lois de la nature comme des règles POUR arriver à un but, c’est renoncer à la démarche scientifique qui consiste à étudier COMMENT fonctionne la nature et non à lui prêter une volonté. L’apparition de la conscience humaine a toujours été une énigme et les premières idéologies étaient des animismes prêtant une volonté à la nature. Les premières religions prétendaient que chaque acte de la nature avait un but. La foudre tombait sur une maison pour punir ses habitants. Aujourd’hui, avec notre connaissance des multiples bifurcations et catastrophes de l’histoire de l’univers (des milliards de milliards), il faudrait croire que chacune d’elles serait orientée pour bâtir, bien plus tard, une espèce sur une poussière de l’univers : la terre ! Et il est affligeant de constater qu’un grand nombre d’astrophysiciens croient à cette thèse !

Il n’y a rien à redire à vouloir combattre des idéologies rétrogrades qui veulent nous faire retourner au créationnisme mais cela ne doit pas servir de prétexte, au nom de la science, pour combattre la recherche sur les sauts dans la nature comme prétendent le faire certains scientifiques. Ainsi, dans « Science du chaos ou chaos en sciences », Jean Bricmont, sous prétexte de débusquer dans la science le diable métaphysique et religieux, a combattu toute thèse du changement brutal, notamment les conceptions de Stephen Jay Gould, qui n’ont rien de religieux et condamné comme fausse science la théorie du chaos [21]. Ce courant rejette particulièrement la dialectique de Hegel : « Quid du matérialisme dialectique ? La philosophie (...) doit pouvoir s’émanciper de certains concepts superfétatoires (...) (comme) la dialectique d’obédience hégélienne –trop intuitive, trop imprécise, trop peu opératoire (.. ) ». Ceux qui se réclament d’idées progressistes, se disant marxistes parfois, sont eux aussi hostiles aux thèses du changement radical. Dans l’ouvrage collectif « Les matérialismes », Yvon Quiniou de la Revue « Actuel Marx », dans son article « Visages du matérialisme », allie une petite reconnaissance à Lénine (« Lénine, en son temps, avait apporté une réponse extrêmement rigoureuse ») à un combat radical contre … le radicalisme de la transformation de la matière qui se conclue par : « L’évidence s’impose que la réalité matérielle est productrice de nouveauté – je n’ose pas dire créatrice en raison de la consonance religieuse de ce mot – et que cette nouveauté se laisse comprendre scientifiquement, sur le seul plan de l’immanence naturelle, qu’elle n’a donc rien de mystérieux : elle est un mixte de continuité et de discontinuité, la discontinuité étant le résultat de la continuité (...) » Ces « matérialistes » affirment même que la discontinuité qui ne se résoudrait pas dans la continuité ne serait que le retour aux croyances anti-scientifiques ! « Le matérialisme est un monisme et un continuisme » écrivent Jean Dubessy, Guillaume Lecointre et Marc Silberstein dans « Les matérialismes et leurs détracteurs ». Pourtant, avec la théorie du chaos, les phénomènes critiques auto-organisés, l’émergence n’a rien d’un retour au religieux. Le paléontologue Stephen Jay Gould écrit ainsi dans « Le renard et le hérisson » : « Les propriétés qui apparaissent dans un système complexe sous l’effet des interactions non linéaires de ses composants sont dites émergentes – puisqu’elles n’apparaissent pas à un autre niveau et ne sont révélées qu’à ce niveau de complexité. (...) L’émergence n’est donc pas un principe mystique ou anti-scientifique, ni une notion susceptible d’avoir des échos dans le champ religieux (...) C’est une affirmation scientifique sur la nature des systèmes complexes. »

3°) La matière et son auto-organisation sont-ils des preuves contre l’existence de dieu ?

La science moderne peut concevoir comment, par auto-organisation, les cellules nerveuses fabriquent un cerveau, le vide fabrique la matière des particules, les particules fabriquent les corps et leurs états, la matière fabrique le vivant, le vivant fabrique l’homme... ce sont de s processus émergents avec apparition de niveaux d’ordre qui n’existaient pas auparavant. Cependant ces processus n’ont rien de mystérieux ou de religieux.

Le nuage, le cerveau, la ville, la cellule, l’étoile, la galaxie, la terre, la civilisation sont des structures complexes auto-organisées. Leur existence, leur transformation ne sont pas pilotées de l’extérieur par un concepteur et un artisan. Elles sont elles-mêmes, en cours de route, leur propre concepteur et leur propre artisan, y compris le concepteur et l’artisan de leur propre mort. Elles sont le produit des multiples rétroactions qui les habitent ainsi que des interactions avec le milieu. Leur ordre est le produit d’un désordre ambiant autant que des lois qui s’imposent à leur niveau.

Ces structures sont créées mais elles ne le sont pas par un créateur. Ce sont des produits spontanés de la transformation de la matière qui passe d’une structure à une autre aussi naturellement que de l’eau liquide se transforme en eau glace...

L’auto-organisation vise à comprendre comment de l’ordre peut apparaître spontanément au sein du désordre. Des niveaux de structuration peuvent ainsi apparaître sans intervention d’une quelconque volonté et du fait des propriétés des lois naturelles. Ainsi, un nuage de gaz et de poussière donne une étoile. Le désordre des dépôts de molécules donne la structure du cristal. Le désordre des interactions moléculaires donne le processus vivant, etc....

Le terme d’auto-organisation fait donc référence à un processus dans lequel l’organisation interne d’un système, habituellement un système hors équilibre, augmente automatiquement sans être dirigée par une source extérieure. Typiquement, les systèmes auto-organisées ont des propriétés émergentes.

Le terme de « création naturelle », ou d’« organisation spontanée », (production brutale d’une structure qui n’était pas précédemment conçue) ne doit pas prêter à confusion. Il n’a rien à voir avec l’idée d’un pouvoir créateur, métaphysique ou extra physique. Il ne ramène ni à la notion religieuse de « dessein intelligent » ni à celle, plus hypocrite, de « principe anthropique », selon laquelle la nature a été conçue pour l’homme. Le biologiste François Jacob rappelle dans « La logique du vivant » : « Ce qu’a démontré la biologie, c’est qu’il n’existe pas d’entité métaphysique qui se cache derrière le mot de vie. Le pouvoir de s’assembler, de se reproduire même appartient aux éléments qui composent la matière. » Et le physicien Cohen-Tannoudji rajoute dans son ouvrage « Matière-espace-temps » que « Notre dialogue avec la nature est bien mené à l’intérieur de la nature et ici la nature ne répond positivement qu’à ceux qui explicitement reconnaissent qu’ils lui appartiennent. » Les notions d’émergence et de transition n’apportent nullement de l’eau au moulin du créationnisme. Au contraire, la religion, tentative imaginaire de recréer de la continuité dans les discontinuités naturelles les plus évidentes (mort, naissance, choc), est particulièrement remise en question par la découverte scientifique du caractère fondamental de la discontinuité dans la nature (le quanta, le saut d’un état à un autre, le gène, la transformation génétique, etc). La métaphysique créationniste est battue en brèche par la découverte de l’ « auto-organisation de la matière », de l’« émergence des structures dissipatives », de la source génétique de l’ « horloge biologique de l’hominisation » et du lien entre cerveau physique et conscience. L’une des conséquences cruciales de ces nouvelles connaissances est qu’il n’y a plus d’opposition entre la conscience (mécanisme donnant du sens aux événements réels), la vie (mécanisme extrayant une commande de production des interactions moléculaires en désordre) et la matière (définie comme le mécanisme donnant de l’ordre transitoire au désordre du vide). Les dernières expériences du neurobiologiste Patrick Haggard, confirmant celle de Libet [3], montrent que c’est le cerveau qui commande la conscience. Grâce à ces développements scientifiques, les prétendus « mystères » de l’apparition de la matière dans le vide, de la vie, de l’intelligence et de la conscience humaines sont soustraits à la croyance magique et divine. Et la métaphysique n’est pas remplacée par une idéologie coupée du monde réel, comme chez les intellectuels staliniens. Le neurobiologiste Jean-Pierre Changeux affirme ainsi dans « L’homme neuronal » que « L’identification d’événements mentaux à des événements physiques ne se présente en aucun cas comme une prise de position idéologique, mais simplement comme l’hypothèse de travail la plus raisonnable et surtout la plus fructueuse. » C’est la recherche scientifique qui nous mène aux créations mais celles-ci sont tellement nombreuses, tellement permanentes au cours de l’histoire, ont lieu à toutes les échelles, qu’elles seraient difficilement interprétables comme l’action d’une puissance extérieure à la nature. Et ce d’autant moins que l’ordre qui ressort de ces « créations » n’est pas préétabli, ne vise pas un but et est bâti sur les interactions multiples « au hasard ». Certains propos scientifiques reviennent au créationnisme de manière habile en relevant l’impossibilité de produire un monde qui fonctionne aussi précisément sans concevoir un but. Le cerveau humain leur semble particulièrement impossible à bâtir sans plan préétabli. La vie ne le serait pas moins. L’impossibilité pour l’homme de bâtir artificiellement la vie et le cerveau leur semble un argument irréfutable. Ils rajoutent que les constantes de la physique devaient avoir exactement la valeur qu’elles ont pour permettre la vie telle qu’on la connaît. Les connaissances que nous possédons aujourd’hui nous permettent justement de répondre à ces arguments. Ainsi, nous exposerons la production du cerveau par multiplication et connexion au hasard des neurones et, ensuite, par apoptose massive de tous les neurones et toutes les connexions non efficientes c’est-à-dire sans lien efficace avec le fonctionnement du corps lui-même en train de se construire. Il s’agit d’un des processus d’auto-organisation du vivant impressionnant mais aisément concevable et qui n’est plus en rien un mystère. La structure du vivant la plus complexe, le cerveau, n’est rien d’autre qu’un processus de développement par multiplication des connexions puis sélection par destruction massive. C’est ce qu’Ameisen appelle la « sculpture du vivant » puisque que l’apoptose élimine au sein de la masse des neurones comme le sculpteur au sein de la matière. Les sciences ne sont pas plus sensibles aux arguments religieux même si la société en crise en est toujours dépendante.

4°) La nature n’a pas besoin d’un dieu pour être expliquée. C’est l’homme qui a besoin parfois d’un dieu pour être soulagé. La vraie inutilité de dieu ne découle pas du domaine de la science mais de celui de l’activité humaine et sociale.... parce que la vraie source des religions est dans la souffrance des hommes et pas dans la méconnaissance du monde.

Léon Trotsky

1925

"L’abolition complète de la religion ne sera atteinte que dans une structure socialiste complètement développée, c’est à dire, lorsqu’il y aura une technique qui libérera l’homme de toute dépendance dégradante envers la nature. Cela n’est possible que dans le cadre de rapports sociaux déniés de tout mystère, parfaitement lucides et n’oppressant pas l’humanité. La religion traduit le chaos de la nature et le chaos des rapports sociaux dans le langage d’images fantastiques. Seule l’abolition du chaos terrestre peut supprimer à jamais son reflet religieux."

Léon Trotsky Sens et méthodes de la propagande anti-religieuse

"Il est de nos jours parfaitement évident et incontestable que nous ne pouvons pas mener notre propagande anti-religieuse par la voie d’un combat direct contre Dieu. Cela ne saurait nous satisfaire. Nous remplaçons le mysticisme par le matérialisme, en donnant la plus grande importance à l’expérience collective des masses, en renforçant leur influence active sur la société, en élargissant l’horizon de leurs connaissances positives, et c’est sur ce terrain aussi, chaque fois que c’est nécessaire, que nous portons des coups directs aux préjugés religieux."

Comme le souligne Daniel Guérin dans "La révolution française et nous", il faut combattre la religion :

"Quand nous comparons l’état actuel du problème religieux, la situation de l’Eglise dans la société d’aujourd’hui, la passivité, la timidité, pour ne pas dire davantage, dont font preuve nos contemporains à l’égard du cléricalisme tentaculaire, nous ne pouvons nous faire à l’idée que des hommes d’il y a cent cinquante ans aient pu porter à la religion catholique un coup aussi rude. (…) Tandis que la double cognée du progrès économique et du développement du savoir attaque l’arbre séculaire de la superstition, d’autres forces retiennent provisoirement une partie de la société sous l’emprise des hommes noirs, ces anachronismes vivants. L’une de ces forces prend son origine dans le revirement de la classe dominante vis-à-vis de l’Eglise. A la fin du 18ème siècle, la bourgeoisie était tiraillée entre deux tendances contradictoires : d’une part, son affranchissement définitif en tant que classe exigeait qu’elle combattît sans ménagements l’Eglise, alliée au féodalisme et à l’absolutisme, tandis que, par ailleurs, sa cupidité lui faisait convoiter les riches biens temporels du clergé ; d’autre part, la crainte du mouvement autonome des masses l’incitait à ne pas se priver de l’appui de Dieu. La religion n’était-elle pas le fondement le plus solide de la morale bourgeoise ? N’était-elle pas plus capable que toute autre discipline de maintenir le peuple dans l’obéissance ? (…) Aujourd’hui, au contraire, la bourgeoisie devenue clase dominante (…) n’a plus besoin de combattre l’Eglise. (…) Un autre facteur explique la survivance de la religion : c’est la situation chaotique dans laquelle se débat l’humanité d’aujourd’hui, bouleversée, déchirée par l’agonie du système capitaliste, par les crises périodiques de surproduction et de chômage, par les guerres planétaires s’allumant à intervalles de plus en plus rapprochés. L’individu se sentant écrasé par des forces qui le dépassent, dont il ne comprend pas bien le mécanisme et contre lesquelles il imagine être impuissant, se laisse envahir par la peur, comme ses lointains ancêtres en présence des phénomènes de la nature (…) Beaucoup de militants révolutionnaires ignorent le phénomène religieux. (…) On affecte d’ignorer la religion. On s’abrite derrière le cliché que le la religion est « affaire privée ». On construit une cloison étanche entre elle et les autres problèmes. (…) L’avant-garde révolutionnaire a été amenée à négliger la question religieuse par réaction contre l’anticléricalisme bourgeois. La bourgeoisie libérale (…) a mené cette lutte contre la religion de façon puérile, désuète, inefficace du fait qu’elle s’est gardée, et pour cause, de toucher aux racines matérielles de la religion, c’est-à-dire à l’oppression capitaliste. D’une façon qui a été même dangereuse pour le prolétariat, car, en l’amusant avec cette guérilla contre la « calotte », elle a essayé de le détourner de la lutte de classes. Elle lui a donné à « bouffer du curé » pour l’empêcher de s’en prendre au patron. (…) Les militants (…) n’ont retenu de la pensée socialiste que la polémique contre l’anticléricalisme bourgeois (…) La tentative de déchristianisation de l’an II mérite d’être mieux connue et nous aurions intérêt à nous en inspirer davantage dans notre lutte contre l’Eglise. Les pleutres, les défaitistes qui s’exagèrent l’emprise de l’Eglise (…) qui renvoient aux calendes grecques la libération des âmes, (…) devraient méditer sur l’étonnante facilité, la fulgurante rapidité avec laquelle la majorité de la population française d’alors, non seulement dans les villes mais aussi dans les campagnes, rompit avec ses traditions ancestrales, brisa les hochets de la « superstition », chassa les prêtres. (…) Cependant, l’expérience de l’an II nous enseigne, en même temps, la fragilité d’une entreprise de déchristianisation qui ne s’attaque pas, simultanément, à l’ordre bourgeois, aux racines matérielles de la religion. »

5°) La science ne peut répondre à une question sur ce qui n’existe pas... et combattre la religion ne suffit pas, c’est combattre l’image qu’ont les hommes du monde, ce n’est pas combattre la réalité.

"La production des idées, des représentations et de la conscience est d’abord directement et intimement liée à l’activité matérielle et au commerce matériel des hommes, elle est le langage de la vie réelle. Les représentations, la pensée, le commerce intellectuel des hommes apparaissent ici encore comme l’émanation directe de leur comportement matériel. Il en va de même de la production intellectuelle telle qu’elle se présente dans le langage de la politique, des lois, de la morale, de la religion, de la métaphysique, etc. d’un peuple. Ce sont les hommes qui sont les producteurs de leurs représentations, de leurs idées, etc., mais les hommes réels, agissants, tels qu’ils sont conditionnés par un développement déterminé de leurs forces productives et des relations qui y correspondent, y compris les formes les plus larges que celles-ci peuvent prendre. " Extraits de l’"Idéologie allemande" de Marx et Engels

suite à venir....

6°) Ce n’est pas la science ni l’instruction qui peuvent combattre la religion mais la lutte pour la transformation du monde peut rendre inutiles toutes les prières du monde...

Il ne suffit pas de libérer la pensée. il ne suffit pas de libérer la philosophie. il faut libérer l’homme et la société.

En fait, il semble bien que les peuples en révolution aient souvent renversé en même temps les temples et les palais, les rois et les dieux. En témoignent des révolutions de l’antiquité comme celle d’Egypte ou celles de Grèce, celles d’Amérique centrale, ou encore des Iles de Pâques, pour ne citer que celles-là. Les prêtres étaient déjà une des institutions du pouvoir et le renversement de l’Etat ne pouvait se satisfaire de laisser en place un de ses éléments aussi important. Par contre, on ne soulignera jamais assez l’importance toujours actuelle de la lutte contre cette institution qu’est la religion, lutte qui n’est pas seulement une lutte pour la libération idéologique de l’individu mais une partie de la lutte politique contre le pouvoir de la classe dirigeante. Aujourd’hui encore, les révolutions ont besoin de détrôner non seulement les chefs d’état mais les chefs de la justice, de la police, de l’armée et aussi de la police de la pensée : la religion et l’école (y compris l’école laïque et républicaine, c’est-à-dire bourgeoise). On se choquera, j’espère, de ce parallèle entre l’école et la religion. En allant plus loin, je pense qu’il faut détrôner les religieux de la pensée de tous les domaines où ils professent, y compris les sciences, y compris et surtout du royaume religieux … des mathématiques. Notre combat contre les conceptions religieuses prend donc des formes nouvelles, même si les anciennes formes de religion ont subsisté et le combat contre elles est tout aussi actuel. Il n’y a pas de libération possible sans libération de la pensée … Mais, et surtout, l’essentiel n’est pas là. Encore une fois, c’est toutes les institutions qu’il faudra renverser. L’éducation bourgeoise n’est pas nuisible dans le sens de sa diffusion de connaissances mais de celui d’imposition d’un mode de pensée lié à la classe dirigeante. C’est cela la révolution dans la révolution. Il y a la révolution sociale, mais elle est inséparable des révolutions dans les mœurs, dans les relations humaines, dans les relations sexuelles, dans les relations parents/enfants et dans les idéologies. Encore une fois, inutile de cacher une nécessité, inséparable de toutes les autres révolutions : il faut renverser de leur trône les religions, toutes les religions, y compris le marxisme quand il est érigé en religion. Bien sûr, notre ennemi n’est pas le peuple des croyants. Notre but n’est pas de les insulter dans leurs convictions, de les opposer aux autres croyants, aux non-croyants. Au contraire, nous voulons abattre les murailles idéologiques qui séparent les peuples, les opprimés entre eux. Nous voulons abattre les faux liens qui attachent les opprimés à leurs oppresseurs, liens dont les religions ne sont pas les moindres. Tant qu’on nous dira qu’un Musulman ne peut pas penser comme un Chrétien et un Bouddhiste, l’Humanité ne sera pas libre.

Messages

  • "Ce que vous avez lu sur mes convictions religieuses était un mensonge, bien sûr, un mensonge qui est répété systématiquement. Je ne crois pas en un Dieu personnel et je n’ai jamais dit le contraire de cela, je l’ai plutôt exprimé clairement. S’il y a quelque chose en moi que l’on puisse appeler "religieux" ce serait alors mon admiration sans bornes pour les structures de l’univers pour autant que notre science puisse le révéler."

    (Albert Einstein / 1879-1955 / "Albert Einstein : le côté humain" édité par Helen Dukas et Banesh Hoffman, lettre du 24 mars 1954)

  • Ceci dit l’article visait plutôt à combattre l’idéologie de la croyance religieuse dans la supériorité idéaliste de la science. Car la science peut aussi se transformer en religion !

  • Un certain Robert Paris (celui qui a parait-il peur de condamner l’Islam) a écrit ici : http://www.matierevolution.fr/spip.php?article1573

    Pour nous, la question du voile n’est pas une simple question ni de liberté religieuse ni de relations avec l’Etat, c’est d’abord une question de lutte contre toute forme d’oppression : en l’occurrence l’oppression des femmes.

    Le voile et toute domination religieuse (de toute religion) c’est l’oppression des femmes !

    Notre boussole ce n’est pas ce que disent ou font les Etats bourgeois : c’est la lutte des travailleurs révolutionnaires aux côtés de tous les opprimés et les femmes sont parmi les plus opprimés de cette planète !!!

    En conséquence, nous ne pouvons considérer que le "droit à porter le voile" soit une liberté même si nous ne comptons pas sur l’Etat bourgeois pour soutenir la liberté des femmes.

    Les femmes ne sont pas libres en France et l’Etat bourgeois ne défend nullement leur liberté.

    Il suffit pour s’en rendre compte de rappeler combien de femmes meurent chaque année sous les coups de leurs maris, combien de femmes sont entre les mains des réseaux de la pornographie, etc, etc...

    Mais le fait que l’Etat impose le rejet du port du voile à l’école et du voile intégral dans les lieux publics ne signifie pas que le voile soit à défendre.

    Aucune prison pour les femmes n’est à défendre. Même au nom de la volonté -soi disant - des femmes de le mettre.

    Même si un opprimé défendait son oppression, nous ne la défendrions pas !

  • A mon sens opposer une approche linéaire, non-linéaire ou alinéaire, revient de fait à nous forcer dans un choix binaire. Si pour modéliser l’évolution – sur un axe de temps - j’utilise l’image d’un homme qui court (sans jamais s’arrêter) sur une surface plane je me représente à moi-même une certaine linéarité, toutefois à mesure qu’il avance (sans jamais s’arrêter) il va boire, manger, déféquer, se reproduire, se battre, perdre, gagner. Puis comme cela arriverait naturellement la surface devient rocailleuse, il court toujours, mais doit fournir un effort supplémentaire soit pour éviter les irrégularités du sol, soit pour résister à son ralentissement du fait d’un manque d’accroche au sol, il va donc à mesure développer soit une agilité qui peut prendre la forme d’une stratégie d’évitement comme le ferait une gazelle qui saute ou zigzague (évitement horizontal ou vertical et vitesse), soit la force brute comme l’éléphant (ligne droite et lenteur), ce qui dépendra de ce qu’il est déjà en partie à cet instant, si par contre il peut développer les deux aptitudes, certains descendants feront peut-être pour certains le choix de l’agilité alors que d’autre feront celui de la force ce qui peut déjà se traduire par une première branche en « Y » ou bifurcation dans l’évolution. Il court toujours l’histoire n’est pas fini le terrain est très accidenté, il y a des brèches profondes, il faut maintenant sauter… l’axe de temps n’est plus « linéaire » (pourtant aucun dieux planqué derrière un buisson ardant ou un nuage) qui va sauter ? Admettons que notre homme qui court va sauter, il sait être agile, ses enfants « gazelles » vont suivre, ses enfants « éléphants » eux resteront au seuil marquant ainsi une étape (ce qui ne signifie pas la mort – ils courent toujours - mais plutôt une bifurcation vers « autre chose »…) …ceux qui ont sauté sont en rupture avec ceux qui sont resté en arrière (ce qui d’ailleurs n’est la « faute » de personne), une « disruption » ainsi donc une discontinuité ou pour employer un jargon plus scientifique une « singularité » or c’est bien de cela dont il s’agit. Notre homme court toujours, il sait sauter et certains de ses cousins aussi, le terrain change brutalement il y a un tremblement de terre avec de la lave en fusion, pour gagner l’autre rive il faut sauter dans le vide, la faille mesure 10 000 mètres en largeur et fait 50 000 mètres de profondeur, au fond l’océan, notre homme saute et va nager pour atteindre l’autre rive, d’autres vont se noyer, la morsure du feu fait que certains vont apprendre à nager ils finiront poissons, lui sort de l’eau il sait nager mais ne devient pas poisson pour autant, certains autres durant la chute se mirent à planer et ils devinrent oiseaux, au sol quelques brindilles en feu que notre homme va saisir il a froid il va faire nuit il voit du métal fondu et se souvient des oiseaux chaque chose en son temps… il faut courir.

    Dans cet exemple un peu simpliste que je viens de bricoler, on ne peut que très vite s’apercevoir que les notions de linéarité ou de chaos ne s’excluent pas forcément, linéarité et chaos peuvent se combiner au gré des circonstances encore faut-il pour cela faire preuve d’honnêteté intellectuelle, sachant que chez les scientifiques (comme partout) certains choix sont dictés par l’offre des subventions…

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