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La « deuxième révolution » égyptienne

mercredi 8 juin 2011, par Robert Paris

"La deuxième révolution de la colère" : c’est le nom de l’événement créé sur Facebook par des protestataires égyptiens. Ils appellent à un rassemblement le 8 juillet prochain pour "sauver la révolution" et exhorter les politiques à s’attacher prioritairement aux revendications qui ont mené à la chute d’Hosni Moubarak.

Sur les 55 000 profils Facebook invités à participer à « La 2e révolution de la colère », plus de 9 000 ont déjà répondu présent à l’appel du 8 juillet au Caire. « Politiques de tous les bords qui débattez pour savoir s’il faut d’abord une Constitution ou des élections, sauvez d’abord votre révolution, sauvez l’Égypte d’abord. Notre révolution s’effondre », peut-on lire sur la page du résau social.

Les militants estiment que les revendications initiales, qui ont conduit Hosni Moubarak à quitter le pouvoir, ne sont pas satisfaites. Selon ces derniers, les échéances de calendrier se sont substituées à la défense des droits et des libertés.

Garantir les fondements de la démocratie

Cet appel à manifester est lancé dans un climat préélectoral dominé par la perspective d’une victoire du parti religieux des Frères musulmans aux prochaines législatives, en septembre 2011. De nombreuses voix appellent au report des élections pour laisser le temps aux partis de se structurer. Elles réclament également la rédaction d’une nouvelle Constitution en amont des scrutins afin de garantir les fondements d’un État démocratique et que la loi fondamentale ne puisse pas être rédigée sous la supervision d’un Parlement islamiste.

Le CSFA, objet de toutes les critiques

Des revendications que les auteurs de l’appel à manifester le 8 juillet estiment prématurées. Selon ces derniers, les priorités concernent la liberté d’expression dans le pays, la bonne tenue des procès publics et la fin des procès de civils en cours martiale.

À la tête du pays depuis la chute d’Hosni Moubarak, le Conseil suprême des forces armées (CSFA) est l’objet de tous les mécontements. Les militants de la place Tahrir accusent l’armée de persister à employer les méthodes de l’ancien régime pour réduire à néant la protestation.

La « deuxième révolution » égyptienne

Par Joseph Kishore

4 juin 2011

Les manifestations de vendredi dernier en Égypte ont été parmi les plus importantes depuis que le mouvement révolutionnaire des ouvriers et des jeunes a mis fin au pouvoir du dictateur Hosni Moubarak en février 2011. Des centaines de milliers de personnes se sont rassemblées au Caire, la capitale, et dans d’autres villes, pour dénoncer la politique du gouvernement militaire mis en place après la chute du président Moubarak.

Parmi les slogans des manifestants il y avait l’appel à une « seconde révolution. » Dans cette formule se trouve une prise de conscience cruciale, à savoir que la chute de Moubarak, trois mois et demi auparavant, n’a pas satisfait les aspirations démocratiques et sociales fondamentales des manifestations des masses.

Quant aux droits démocratiques, le régime militaire a maintenu en place les lois d’état d’urgence, dont l’abolition était une revendication centrale de la révolution. En mars, les militaires ont mis en œuvre une nouvelle loi interdisant les grèves ou les manifestations qui touchent l’économie. L’armée garde la mainmise sur les discussions concernant les changements constitutionnels et contrôlera étroitement les élections éventuelles, si elles ont jamais lieu.

L’armée a déjà brutalement attaqué les jeunes manifestants sur la place Tahrir. Ses méthodes de répression, cependant, sont destinées à toutes les couches de la classe ouvrière, qui a été la principale force sociale qui a conduit la révolution égyptienne. Les grèves qui avaient éclaté dans les jours précédant le 11 février se sont poursuivies et élargies par la suite, tandis que les travailleurs cherchaient à obtenir satisfaction de leurs demandes pour une plus grande égalité, l’amélioration des salaires, l’annulation des privatisations et le droit démocratique de résister aux diktats des entreprises. Les dernières semaines ont vu une reprise des luttes, y compris par les travailleurs d’usine et les médecins.

En plus de la répression par l’Etat, la classe ouvrière égyptienne est aujourd’hui confrontée à un approfondissement de la crise économique. Le chômage a bondi à près de 12%. La classe dirigeante égyptienne utilisera le chômage de masse pour faire reculer la demande de meilleurs salaires et conditions.

En matière de politique étrangère, le nouveau gouvernement a maintenu en place la pierre angulaire de l’Etat égyptien depuis des décennies : son alliance avec les États-Unis. Le gouvernement a joué un rôle crucial en aidant l’intervention impérialiste dans la Libye voisine. Quant à Israël, les mesures limitées qui ont été prises, telles que l’ouverture partielle de la frontière de Rafah avec la bande de Gaza, ont pour objet de contenir l’opposition intérieure et la préservation de l’alliance stratégique de l’Egypte avec Israël.

Les États-Unis jouent un rôle essentiel dans le renforcement du régime militaire. Pendant des décennies, le gouvernement américain a soutenu la dictature de Moubarak, lui fournissant des milliards de dollars chaque année pour financer l’appareil militaire et policier. Alors que les manifestations se multipliaient en début d’année, l’administration Obama a abord ouvertement soutenu Moubarak, puis a travaillé dans les coulisses pour organiser une « transition ordonnée », qui aurait permis de maintenir Moubarak au pouvoir pendant une période prolongée. Finalement, forcés d’abandonner leur client, les États-Unis coopèrent maintenant avec les militaires pour préserver leurs intérêts.

Les États-Unis et les puissances européennes cherchent à exploiter la situation pour ouvrir l’économie égyptienne davantage à la pénétration étrangère. C’est la libéralisation du marché qui a provoqué l’inégalité sociale, laquelle a contribué, en premier lieu, à susciter la révolution.

Dans son discours sur le Moyen-Orient au début du mois, Obama a insisté sur le fait que le « soutien de l’Amérique à la démocratie » sera conditionné par « la protection de la stabilité financière, le développement de la réforme, et l’intégration des marchés concurrentiels les uns avec les autres et avec l’économie mondiale. » Ce sont des mots codés pour la destruction des industries nationalisées et la mise à disposition de la classe ouvrière égyptienne à son exploitation par les sociétés transnationales. Le sommet du G8 la semaine dernière a réitéré ce point, liant l’aide dérisoire du FMI et d’autres institutions à « la réforme du marché. »

Le World Socialist Web Site avait prononcé une mise en garde le 10 février, à la veille de l’éviction du président Moubarak : « Le plus grand danger pour les travailleurs égyptiens, c’est qu’après avoir fourni la force sociale essentielle pour arracher le pouvoir des mains d’un dictateur vieillissant, rien de concret ne va changer sauf les noms et les visages de certains membres du personnel de premier plan. En d’autres termes, l’Etat capitaliste restera intact. »

Des conflits sociaux nouveaux et explosifs se profilent à l’horizon. Pour que ces luttes soient fructueuses, il est nécessaire de tirer les leçons de la première étape de la révolution égyptienne. L’évolution de la révolution est une autre puissante confirmation de la théorie de Trotsky de la révolution permanente, qui soutient que les aspirations démocratiques des masses dans un pays colonial anciennement opprimé comme l’Egypte, et leur libération de la domination impérialiste, ne peuvent se réaliser que grâce à la conquête du pouvoir politique par la classe ouvrière sur la base d’un programme internationaliste et socialiste.

En l’absence d’un programme politique indépendant et d’un parti de la classe ouvrière, les premières étapes de la révolution en Egypte ont été dominées politiquement par les partis de « l’opposition » bourgeoise. Le rôle essentiel des Frères musulmans et les couches (ndt. sociales) autour de Mohammed El Baradei pendant les événements de janvier et février, qui se sont initialement développés en dehors de leur contrôle, a été d’agir comme un frein sur les aspirations révolutionnaires des masses. Ils ont encouragé la croyance illusoire que l’armée était une « armée du peuple, » le meilleur moyen pour désarmer les travailleurs et éviter une lutte décisive contre le régime.

Ce rôle a été poursuivi après la chute de Moubarak. Les Frères musulmans soutiennent ouvertement le gouvernement militaire, dénonçant les protestations de vendredi dernier et attaquant « les laïcs et les communistes » pour les avoir organisées. Quant à M. El Baradei, pendant les jours pré-révolutionnaires, il a averti que « l’Egypte était sur le point d’exploser » et que « l’armée devait intervenir pour sauver le pays. » Maintenant, il se livre à des avertissements quant à « une autre révolution, la révolte des pauvres. » Son but est de conseiller les États-Unis et le gouvernement militaire quant à la meilleure façon pour prévenir un tel soulèvement.

Dans l’orbite des forces de l’opposition officielle se trouvent divers groupes prétendument de gauche et les « syndicats indépendants. » Des groupes comme les socialistes-révolutionnaires et le parti socialiste égyptien en Egypte, ainsi que leurs alliés internationaux, y compris le Parti socialiste des travailleurs en Grande-Bretagne et l’International Socialist Organization aux États-Unis, ont soutenu El Baradei et les Frères musulmans en tant qu’agents du changement progressif avant le départ de Moubarak.

Maintenant ces groupes se sont mis d’accord sur la base d’une plate-forme commune dont le but essentiel est d’empêcher un mouvement socialiste indépendant de la classe ouvrière. Un peu plus tôt ce mois-ci, les différents « groupes » de gauche en Egypte se sont unis pour former le soi-disant Front socialiste, qui proclame sa volonté de « coopérer avec toutes les forces progressistes et démocratiques pour atteindre les objectifs nationaux communs. » En d’autres termes, ils continueront leurs efforts pour subordonner la classe ouvrière à l’opposition bourgeoise.

La tâche de base des travailleurs égyptiens est la construction d’une nouvelle direction révolutionnaire, qui vise à mobiliser la classe ouvrière dans la lutte pour le pouvoir et à mettre un terme à la domination capitaliste. Cependant, les luttes qui se déroulent en Egypte ne peuvent pas réussir dans la seule Égypte, et les leçons de l’Egypte ne sont pas seulement des leçons pour les travailleurs égyptiens.

Deux ans et demi après le début de la crise financière de l’automne 2008, les travailleurs ont commencé à se battre sur une échelle de masse. La classe dirigeante et ses représentants politiques se sont engagés dans une campagne mondiale pour faire perdre aux travailleurs les acquis gagnés par la lutte au fil des générations. La guerre en Libye et les efforts déployés par les États-Unis pour renforcer le régime militaire en Egypte font partie d’un processus mondial qui comprend des coupes historiques dans les programmes sociaux en Europe et aux États-Unis.

Les événements de février en Egypte et les soulèvements au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ont été le début d’une contre-offensive de la classe ouvrière. Ils ont résonné puissamment à travers le monde. Ils ont donné une impulsion aux luttes des travailleurs dans l’État américain du Wisconsin, le début de la réapparition des travailleurs américains en lutte ouverte. Maintenant, en Europe, les travailleurs et les jeunes, par dizaines et centaines de milliers, manifestent contre une attaque historique contre chacun des acquis remportés au cours du 20e siècle. Le continent européen est au bord d’une nouvelle crise économique, qui coïncide avec des signes évidents d’un nouveau ralentissement de l’économie mondiale dans son ensemble.

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