Accueil > 03 - HISTORY - HISTOIRE > 2eme chapitre : Révolutions de l’Antiquité > Le peuple des chasseurs de la préhistoire

Le peuple des chasseurs de la préhistoire

mardi 26 juillet 2011, par Robert Paris

Les civilisations historiques nées après l’apparition de l’agriculture et des villes ont cru avoir inventé l’homme créateur, inventeur, poète, artiste, social, sensible et diffuseur de connaissances. Elles se sont trompées : bien avant l’Histoire écrite, l’homme s’est lui-même transformé en chassant, en pêchant, en tirant à l’arc, en cueillant, en constituant des tribus, en se trouvant des refuges comme les cavernes, en observant la nature et en étant ému par elle, en sculptant, en gravant, en peignant et en bâtissant, en s’inventant des histoires fantastiques et cultuelles autour de ces activités, en taillant des outils en pierre, en bois, en cuir, en coquillage, en corne... et aussi en produisant une importante œuvre artistique, morale, politique et sociale... Il est probable qu’il y ait plus de l’homme chasseur-cueilleur en nous que nous ne le pensons.

La chasse et la cueillette sont les premiers modes de subsistance de l’Homme. Elles consistent à prélever sur la nature ce qu’elle fournit spontanément. Elles précèdent l’élevage et l’agriculture et peuvent forcer au nomadisme, si les troupeaux qui fournissent la subsistance principale se déplacent ou si les ressources du terroir sont épuisées. « Je cherche des hommes et non des pierres », aimait à dire André Leroi-Gourhan (1911-1986). Le projet fondamental du grand préhistorien fut de comprendre l’homme de la préhistoire, sa culture, son mode de vie, ses pensées, retrouver l’homme derrière le fossile ou le silex. « Faire de la préhistoire pour exercer sa curiosité sur un bric-à-brac de cailloux et d’os cassés serait une préoccupation vaine : les oiseaux qui chantent et les ruisseaux qui coulent ont vraiment plus d’attrait. Mais profiter de ce que nous savons sur les temps écoulés pour mieux comprendre ce qu’est l’homme, c’est assurément rendre hommage aux milliards d’êtres qui sont morts en transmettant aux suivants le secret de la fabrication du biface, jusqu’au jour où leurs successeurs ont décidé un peu vite qu’ils étaient devenus des Homo sapiens, des "hommes sages". » L’homme a donc été un chasseur-cueilleur jusqu’à la révolution néolithique. Toutes les découvertes archéologiques concordent pour étayer l’hypothèse selon laquelle jusqu’à il y a vingt mille ans, tous les êtres humains étaient des cueilleurs-chasseurs. Aujourd’hui, on trouve des cueilleurs-chasseurs en Arctique, dans les forêts tropicales humides où les autres formes de subsistance sont impossibles.

Morgan a pour la première fois donné des éclaircissements qui ont fait date en 1877, dans sa Société primitive. Morgan, qui a passé une grande partie de sa vie parmi les Indiens d’une tribu iroquoise, dans l’État de New York, et a étudié très à fond la situation de ce peuple primitif de chasseurs, en est venu en comparant le résultat de ses recherches avec les faits connus concernant d’autres peuples primitifs, à une nouvelle et vaste théorie des formes d’évolution de la société humaine dans ces longues périodes de temps qui ont précédé toute connaissance historique. Ces idées, qui font de Morgan un pionnier et qui restent pleinement valables même aujourd’hui malgré un apport abondant de nouveaux matériaux permettant d’en corriger certains détails, peuvent se résumer dans les points suivants -

1. Morgan a, le premier, apporté un ordre scientifique dans l’histoire des civilisations préhistoriques, d’une part en y distinguant différentes étapes de l’évolution, d’autre part en mettant en lumière le moteur fondamental. Jusque-là, l’immense période de vie sociale précédant toute histoire écrite et en même temps les rapports sociaux chez les peuples primitifs vivant encore aujourd’hui avec toute la variété de formes et d’étapes, formaient plus ou moins un chaos dont tel ou tel chapitre ou fragment était ici et là tiré des ténèbres par la recherche scientifique. Les notions d’“ état sauvage ” et de “ barbarie ” qu’on appliquait sommairement à ces états de l’humanité n’avaient qu’une valeur négative, caractérisant l’absence de tout ce qu’on considérait comme le signe de la “ civilisation ” selon les conceptions d’alors. De ce point de vue en effet, la vie proprement civilisée et humaine de la société commençait avec l’histoire écrite. Tout ce qui relevait de l’“ état sauvage ” et de la “ barbarie ” constituait pour ainsi dire une étape inférieure et honteuse, antérieure à la civilisation, une existence quasi animale sur laquelle l’humanité cultivée d’aujourd’hui ne pouvait que jeter un regard de mépris condescendant. De même que pour les représentants officiels de l’Église chrétienne, toutes les religions primitives et antérieures au Christianisme ne sont qu’une longue série d’égarements dans la quête de la vraie religion, de même pour les économistes en particulier, toutes les formes primitives d’économie n’étaient que des tentatives maladroites avant la découverte de la seule forme économique véritable, celle de la propriété privée et de l’exploitation avec lesquelles commencent l’histoire écrite et la civilisation.

Morgan a porté à cette conception un coup décisif en présentant l’histoire primitive de la civilisation comme une partie infiniment plus importante dans l’évolution ininterrompue de l’humanité, plus importante tant par la durée infiniment plus longue qu’elle occupe par rapport à la minuscule période de l’histoire écrite, que par les conquêtes capitales de la civilisation qui ont eu lieu justement pendant cette longue pénombre, à l’aurore de l’existence sociale de l’humanité. En donnant un contenu positif aux “ dénominations ” d’état sauvage, de barbarie, de civilisation, Morgan en a fait des notions scientifiques exactes et les a utilisées comme instruments de la recherche scientifique. L’état sauvage, la barbarie et la civilisation sont, chez Morgan, trois étapes de l’évolution humaine, qui se différencient entre elles par des signes distinctifs matériels tout à fait déterminés et se décomposent elles-mêmes en niveaux inférieur, moyen et supérieur, que des conquêtes et des progrès concrets et déterminés de la civilisation permettent de distinguer. Certains pédants qui croient tout savoir peuvent aujourd’hui arguer que le niveau moyen de l’état sauvage n’a pas commencé par la pêche, comme Morgan le pensait, ni le niveau supérieur par l’invention de l’arc et de la flèche, car dans beaucoup de cas l’ordre aurait été inverse et dans d’autres cas des étapes entières ont manqué par suite des circonstances naturelles ; ce sont là des critiques qui peuvent du reste être faites à toute classification historique si on la prend comme un schéma rigide ayant valeur absolue, comme une chaîne d’esclaves de la connaissance, et non comme un fil conducteur vivant et souple. Ce n’en est pas moins le mérite historique de Morgan que d’avoir créé par sa première classification scientifique les conditions préalables à l’étude de la préhistoire, tout comme c’est le mérite de Linné d’avoir fourni la première classification scientifique des plantes. Avec une grande différence cependant. Comme on le sait, Linné a pris comme fondement de sa systématisation des plantes un signe très pratique, mais purement extérieur - les organes de reproduction des plantes - et il a fallu par la suite, comme Linné lui-même le reconnaissait, remplacer ce premier expédient par une classification naturelle plus vivante du point de vue de l’histoire de l’évolution du monde végétal. Au contraire, c’est justement par le choix du principe fondamental sur lequel il a fondé sa systématique que Morgan, a le plus fécondé la recherche : il a pris pour point de départ de sa classification le principe selon lequel c’est le mode de travail social, la production qui, à chaque époque historique, dès les débuts de la civilisation, détermine en premier lieu les rapports sociaux entre les hommes et dont les progrès décisifs sont autant de bornes millaires de cette évolution.

2. Le deuxième grand mérite de Morgan a trait aux rapports familiaux dans la société primitive. Là aussi, sur la base d’un vaste matériel qu’il s’est procuré par une enquête internationale, il a établi la première succession scientifiquement fondée dans les formes d’évolution de la famille, depuis les formes les plus basses de la société primitive jusqu’à la monogamie aujourd’hui dominante, c’est-à-dire jusqu’au couple permanent légalisé par l’État et où l’homme a la position dominante. Certes, le matériel découvert depuis lors a apporté mainte correction au schéma de l’évolution de la famille selon Morgan. Cependant, les traits fondamentaux de son système comme première échelle des formes de la famille humaine, des ténèbres de la préhistoire jusqu’au présent, guidée rigoureusement par l’idée de l’évolution, restent une contribution durable à l’acquis des sciences sociales. Morgan n’a pas enrichi ce domaine seulement par sa systématique, mais par une idée fondamentale et géniale sur les rapports entre les relations familiales dans une société et le système de parenté qui y prévaut. Morgan a pour la première fois attiré l’attention sur ce fait frappant que chez beaucoup de peuples primitifs les véritables relations de parenté et de descendance, c’est-à-dire la famille véritable, ne coïncident pas avec les titres de parenté que les hommes s’attribuent mutuellement, ni avec les obligations mutuelles qui découlent pour eux de ces titres. Le premier, il a trouvé à ce phénomène mystérieux une explication purement matérialiste dialectique. “ La famille ”, dit Morgan, “ est l’élément actif, elle n’est pas stationnaire, elle progresse d’une forme inférieure vers une forme plus élevée, dans la mesure où la société évolue d’une forme inférieure à une forme plus élevée. Par contre, les systèmes de parenté sont passifs, ils n’enregistrent qu’à intervalles très longs les progrès que la famille a accomplis au cours des temps et ne connaissent de modifications radicales que lorsque la famille s’est radicalement modifiée. ” De là vient que chez les peuples primitifs, des systèmes de parenté qui correspondent à une forme antérieure et déjà dépassée de la famille. sont encore en vigueur, comme d’une manière générale les idées des hommes s’attachent longtemps à des situations qui sont déjà dépassées par l’évolution matérielle effective de la société.

Certains peuples avaient jusque récemment un mode de vie de chasseur-cueilleur. Alain Testart, ethnologue français, publia en 1979 un article sur "Les Sociétés de Chasseurs-cueilleurs". Il y développe deux problématiques. La première traite des ressemblances entre le modèle de vie des sociétés de chasseurs-cueilleurs contemporaines et celui des sociétés du paléolithique. Puis il redéfinit la révolution néolithique en attribuant le passage à un mode agro-pastoral à la découverte des techniques de stockage.

Article de Marylène Patou-Mathis

"Les San du Kalahari, une image de la vie de nos ancêtres ?" Religions, classes et Etat

"Comment connaître le mode de vie des hommes de la préhistoire ? La première source est celle des traces archéologiques. A partir des outils, des vestiges d’habitat, elle nous livre des indices sur le mode de vie des hommes de la préhistoire, mais des indices forcément partiels. D’où l’intérêt d’observer comment vivent les dernières sociétés de chasseurs-cueilleurs encore présentes sur la planète. Ce fut le cas de quelques groupes d’Aborigènes d’Australie, d’Inuits ou de populations san du désert du Kalahari qui ont vécu jusqu’à il y a peu selon un mode de vie de chasseurs-cueilleurs nomades. (...)

Les populations san sont souvent appelées "Bushmen". Mais Bushmen est un terme dévalorisant qui signifie "l’homme de la brousse". Autrefois, ce peuple occupait toute l’Afrique australe. Ce n’est donc pas la vie dans le désert qui a façonné sa morphologie. Durant des centaines, voire des milliers d’années, les San ont perpétué leurs traditions ancestrales, et ce malgré l’arrivée, à différentes reprises, de peuples pratiquant d’autres modes de vie (...)

L’organisation de la société san repose sur un ensemble de groupes, ou clans, ayant les mêmes coutumes et partant le même dialecte, liés entre eux par un système d’alliances qui forme un réseau leur permettant de survivre durant les périodes de disette. Le groupe est composé de dix à quinze familles qui se séparent au fil des saisons selon l’unité fondamentale de la bande. Celle-ci, forte d’une trentaine de membres au plus, correspond au noyau de la société. la bande est très soudée, car ses membres sont tous plus ou moins apparentés. La famille, parents et enfants, est son élément fédérateur : elle a sa propre hutte, la sphère privée étant ainsi préservée. (...)

Chez les San, il n’y a pas d’autorité centrale, pas de chef, mais souvent un patriarche élu. Il est respecté par tous et représente le groupe ou la bande dans certaines occasions : respect du territoire, rassemblements, litiges, ... Le plus souvent, les problèmes sont réglés par les chasseurs les plus habiles ou par les anciens souvent plus expérimentés. Toutes les décisions sont prises lors des délibérations entre adultes. La "propriété privée", à l’exception de certains points d’eau familiaux, n’existe pas chez les San. L’individu, comme le sol et ce qu’il y a dedans et dessus, appartient à la nature. Au sein des groupes, la liberté individuelle est respectée et une certaine égalité règne entre hommes et femmes. La division sexuelle du travail est bien marquée. Les femmes, par exemple, cueillent les végétaux et les hommes chassent le grand gibier. Toutes les nourritures, végétales et animales, sont équitablement réparties ; le partage est une des caractéristiques du comportement social des peuples chasseurs. Le chasseur habile ne tire ni prestige ni bénéfice personnel, c’est le complexe dit d’"humilité" (...)".

Ecrits sur le peuple des chasseurs

Deuxième partie

D’où vient leur art

L’art pariétal

Le peuple des chasseurs de la préhistoire au musée de Saint Germain en Laye

Deux peuples chasseurs : néanderthal et sapiens

Comment fonctionnait la société ?

Portfolio

Messages

  • Ces objets, peintures rupestres, gravures, sculptures, ces femmes, animaux, outils décorés, ou simplement taillés symétriquements, sont comme autant de souvenirs d’un pays lointain et en même temps boulversent par un flot d’émotions car en les regardant, on les imagine très familiers et en même temps force de la nature : les attitudes, regards, formes, gestuels, sont la marque de représentations des grands artistes, même si eux ces hommes et femmes ne se considéraient absolument pas comme des Picasso ou Michel Ange, mais surement comme des "chamanes" et des êtres assez fragiles dans un monde ou il faut s’adapter et entreprendre des actions inattendues et des voyages (géographiques et psychique) lointains pour survivre !

    Ce que les préhistoriens appellent communément l’art pariétal, se trouve par fragments sur tous les continents, et dans énormément de régions du monde apparaissent au fur et à mesure des fouilles, les vestiges de vraies civilisations existant bien avant celles des pyramides, des temples, des guerres et de la barbarie organisée par les classes dirigeantes des premiers Etats.

    La grotte Chauvet contient des peintures datant d’environ 32000ans (voir la vidéo ici) et les premières cités Etat apparaissent il y moins de 4000ans : autant dire que nos ancêtres (homo sapiens) ont vécu sans Etat pendant des dizaines (centaines) millénaires et que cette apparition de l’Etat est une sorte d’accident dans l’histoire humaine.

  • Dans toute la région qui entoure le Lesotho vivait le peuple San, les hommes des bois, un très ancien peuple chasseur. Les San étaient des nomades, des chasseurs-cueilleurs, alors ils n’ont pas laissé beaucoup de restes archéologiques de leur passage. Par contre, ils avaient un petit côté artistique et ils ont laissé des dessins sur les parois des grottes qu’ìls occupaient. Après quelques millénaires d’existence, le peuple San s’est éteint dans la région vers le tournant du XXe siècle, victime à la fois du monde moderne et des attaques du peuple Khois, en représailles aux raids que menaient les San sur leur bétail. Il existe toutefois quelques poches de San vivant toujours quelque part entre la Namibie et le Botswana.

    Les San seraient présents dans la région depuis 44 000 ans. Comme les pasteurs Khoïkhoï, ils pratiquent les langues à clics du groupe khoïsan, un ensemble linguistique sans intercompréhension mais distinct des langues nigéro-congolaises majoritaires en Afrique subsaharienne. Persécutés par les Bantous et les Boers puis marginalisés par les colons britanniques, ils vivent aujourd’hui principalement dans le désert du Kalahari. Traditionnellement chasseurs-cueilleurs, ils sont désormais largement sédentarisés et ne seraient plus qu’environ 100 000.

    Ce peuple nomade de chasseurs-cueilleurs occupait jadis toute l’Afrique australe. L’arrivée successive des Hottentots vivant d’élevage et parlant une langue de la même famille, puis des Bantous, agriculteurs sédentaires, a décimé cette population et l’a repoussée vers des terres de plus en plus ingrates. L’arrivée des Hollandais (Boers) et huguenots au XVIIe siècle puis des Britanniques acheva de les réduire à la misère en les chassant de leurs terres ancestrales. Au XVIIIe siècle, les fermiers blancs se regroupaient en milices (kommando) qui lancèrent des expéditions punitives contre les Bochimans.

    Aujourd’hui relégués sur l’une des terres les plus ingrates du monde, le désert du Kalahari, les Bochimans risquent encore de devoir migrer car le gouvernement du Botswana affirme vouloir les intégrer aux bienfaits de la civilisation mais, selon les intéressés, il s’agit surtout de laisser la place à la prospection diamantaire que projetterait la De Beers.

    En 1991, le Botswana Christian Council a publié un rapport à propos d’une affaire concernant des Bochimans suspectés de chasser sur une propriété privée et qui ont été appréhendés et torturés par des gardes des « Game reservations » (réserves pour safaris).

    En 1997, beaucoup furent expulsés de chez eux dans le Kalahari et ceux qui sont restés ont subi des diminutions draconiennes de leur territoire de chasse, un harcèlement continuel et des tortures. Au début de l’année 2002, le harcèlement s’est intensifié : leurs pompes à eau ont été détruites, les réserves d’eau vidées dans le désert et la chasse et la cueillette interdites6. Considérés comme des braconniers, pratiquement tous les Bochimans ont alors été expulsés de la Réserve du Kalahari mais un grand nombre d’entre eux est depuis retourné sur leurs terres ancestrales et beaucoup d’autres veulent en faire autant.

  • Si une société restée à l’âge des cavernes avait survécu, il est fort probable que la société moderne l’aurait rejeté de manière raciste, lui aurait mené la guerre d’une manière ou d’une autre : la… chasse aux chasseurs !!!

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.