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La révolution continue dans le monde arabe

mercredi 17 août 2011, par Robert Paris

YEMEN

Yémen : la révolte contre le régime du président Saleh prend de l’ampleur

Appelant à la victoire contre les « tyrans », des centaines de milliers de Yéménites ont manifesté vendredi. En convalescence en Arabie saoudite, le président Saleh entend s’en remettre au plan des monarchies du Golfe pour une transition pacifique.

Des centaines de milliers de Yéménites ont manifesté vendredi, appelant à la victoire contre les « tyrans ». La veille, le président contesté Ali Abdallah Saleh avait annoncé qu’il s’en remettait au plan des monarchies du Golfe pour un transition pacifique au Yémen.

Des manifestations similaires se sont déroulées dans la deuxième ville du pays, Taëz, ainsi qu’à Ibb, Hudaydah, Saada, Aden et Marib. « Dieu dans sa grande miséricorde nous accorde la victoire pendant le ramadan », scandaient les manifestants rassemblés sur l’avenue Sittine, dans l’ouest de la capitale Sanaa.

« Révolution, révolution de tous contre les tyrans », ont-il également crié au cours des manifestations du « Vendredi de la victoire », appelant de leur voeux la création d’« un nouveau Yémen ».

Parallèlement, des dizaines de milliers de partisans du président Saleh se sont rassemblés sur la place Sabiine dans le sud de la capitale, unis autour du slogan « le peuple veut Ali Abdallah Saleh. » Ils ont déployé des portraits du président yéménite au cours d’une journée qu’ils avaient pour leur part baptisée « journée de l’alliance nationale pour protéger la légitimité de la Constitution ».

En convalescence en Arabie saoudite, le président Saleh a indiqué jeudi s’en remettre au plan des monarchies du Golfe pour une transition pacifique dans son pays, où des protestations populaires réclament depuis fin janvier son départ. Au pouvoir depuis 1978, M. Saleh avait pourtant refusé à plusieurs reprises de signer le plan du Golfe, malgré de fortes pressions régionales et internationales.

Elaboré en concertation avec les Etats-Unis et l’Union européenne, ce plan prévoit la formation par l’opposition d’un gouvernement de réconciliation et la démission un mois plus tard de M. Saleh en échange d’une immunité. Ali Abdallah

Saleh était hospitalisé à Ryad après avoir été blessé dans une attaque du palais présidentiel à Sanaa le 3 juin.

Sur le terrain, la ville de Taëz a été le théâtre jeudi d’une attaque d’hommes armés, présumés liés au parti islamiste al-Islah. Citant un responsable de la sécurité, le site 26sep.net du ministère de la Défense indique que ces hommes ont « attaqué un poste de sécurité à Taëz, tuant un membre des forces de sécurité et en blessant un autre ».

Deux civils ont également été blessés dans cette attaque qui, selon 26sep.net, « rompt la trêve » à Taëz annoncée mercredi par des sources tribales et officielles.

Des tribus avaient déployé en juin leurs hommes armés dans cette ville du sud-ouest du Yémen pour défendre les manifestants hostiles au président Saleh. Ces protestataires sont les cibles d’attaques répétées des forces gouvernementales. Une précédente trêve, conclue fin juin, avait volé en éclats avec la reprise début août des accrochages entre les deux parties, qui ont fait des morts dans les deux camps.

SYRIE

Le président syrien, qui manie tour à tour la carotte et le bâton, a promulgué jeudi un décret autorisant le multipartisme. Le texte fixe les conditions de création et de fonctionnement de nouveaux partis mais, dans l’immédiat, ces éventuels nouveaux partis devront cependant évoluer dans l’ombre du parti Baas, qui détient les rênes du pouvoir depuis 1963… La fin de la toute-puissance du parti Baas était l’une des principales revendications du mouvement de contestation, avec la libération des prisonniers politiques et la levée de l’état d’urgence, obtenue en avril. Cette apparente bonne nouvelle est dénoncée par l’avocat et opposant Anouar al-Bounni, président du Centre syrien d’études et recherches légales. L’opposant considère que les mesures annoncées ne sont qu’une opération « cosmétique destinée à l’opinion publique interne et externe ». A Paris, le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, n’a pas tardé à réagir à cette annonce moquant un décret qui ressemble « presque (à) une provocation » dans le contexte de la répression en cours.
L’impuissance occidentale

Les déclarations et les protestations occidentales n’y feront rien, Damas le sait : ni les Européens ni les Américains ne s’engageront dans un conflit armé comme en Libye. L’entourage direct du pays est beaucoup trop instable politiquement. Intervenir militairement en Syrie ce serait être aux prises avec une zone extrêmement inflammable entre Iran, Irak, Israël et Liban… Trop dangereux, trop risqué pour des alliés déjà en peine militairement face au raïs libyen Kadhafi. Mardi, le Quai d’Orsay a voulu rassurer Russes, Chinois et leurs alliés du Conseil de sécurité anciens soutiens de la Syrie : « aucune option de nature militaire n’est envisagée ». Fermez le ban.

En Libye, les révoltés sont armés par les Occidentaux et soutenus par l’armada de l’Otan, France et Grande-Bretagne en tête, ici, les révoltés de Deraa, Hama et Lataquié sont livrés sans défense à la machine répressive baasiste. Un combat inégal qui n’est pas sans poser de questions sur un « deux poids, deux mesures » incompréhensible pour les opinions publiques. Depuis début mars, le pays est verrouillé aux journalistes, aux ONG et même aux émissaires de l’ONU qui ne sont pas autorisés à y enquêter. Les chiffres concernant la répression restent évidemment sujets à caution, mais il est certain que les autorités en place font usage d’une violence aveugle contre le peuple. Selon l’opposition et les organisations non gouvernementales le bilan s’élèverait à cette heure à près de 1.600 morts.

Cinq mois de révolte

15 MARS : A Damas, rassemblement à l’appel d’une page Facebook pour « une Syrie sans tyrannie, sans loi sur l’état d’urgence, ni tribunaux d’exception ».

23 MARS : 100 morts à Deraa, foyer de la contestation.

30 MARS : Assad dénonce une « conspiration ».

25-26 AVRIL : L’armée entre à Deraa. La répression y sera particulièrement brutale.

31 MAI : Assad décrète une amnistie générale.

1er JUIN : Human Rights Watch dénonce des « crimes contre l’humanité ».

3 JUIN : 65 civils tués, dont 60 à Hama (centre), lors de manifestations.

6 JUILLET : La répression à Tall Kalakh (ouest) s’apparente à un crime contre l’humanité (Amnesty).

8 JUILLET : Manifestation monstre à Hama, où se rendent séparément les ambassadeurs des Etats-Unis et de France. Le 11, des partisans du régime attaquent leurs ambassades à Damas.

15 JUILLET : Plus d’un million de manifestants notamment à Hama et Deir Ez-Zor (est).

31 JUILLET : 139 tués, dont 100 lors d’une offensive de l’armée à Hama.

1er AOÛT : Au moins 25 tués. Moscou appelle à la fin des violences et de la « répression ».

3 AOÛT : Près de 30 morts dans un bombardement de l’armée contre Hama (témoin), sept civils tués lors de manifestations nocturnes. Le Conseil de sécurité adopte une déclaration qui condamne la répression.

4 AOÛT : Assad promulgue un décret autorisant le multipartisme.

La répression en chiffre

1.600 civils tués

370 membres des forces de l’ordre tués

3.000 personnes portées disparues

12.000 personnes emprisonnées

EGYPTE

Six mois après le départ de Hosni Moubarak, de nombreux Egyptiens sont encore inquiets de l’avenir de leur pays. Et ce même si un procès historique de leur ex-dictateur s’est ouvert la semaine dernière et que doit débuter ce dimanche 14 août 2011 celui pour meurtres de l’ancien ministre de l’Intérieur, Habib el-Adly, et de six anciens responsables de ses services. Notre envoyée spéciale est allée à la rencontre de quelques uns des jeunes révolutionnaires de la place Tahrir pour faire le bilan des mois passés.

Les affrontements ont été nombreux ce matin sur l’esplanade de l’académie de police du Caire, où siègeait le tribunal qui juge Hosni Moubarak pour corruption et meurtres de manifestants. Partisans et opposants de l’ancien chef d’Etat ont débordé les quelque 5 000 policiers anti-émeutes mobilisés avant que le procès ne soit ajourné au 5 septembre.

Comme le souhaitaient des avocats de familles de victimes, le juge Ahmed Refaat a ordonné que le procès de l’ancien Raïs, qui a dirigé l’Egypte pendant trente ans, soit joint à celui de l’ancien ministre de l’Intérieur, Habib el-Adli, que beaucoup considèrent comme le responsable des tirs à balles réelles contre les manifestants de la place Tahrir qui ont conduit à la chute de Moubarak. Le procès du ministre a été repoussé hier dimanche au 5 septembre, après le mois du Ramadan.

La décision a été accueillie par les cris de joie des avocats et des applaudissements. Gamal et Alaa Moubarak, les fils du Raïs, poursuivis pour corruption, ont souri et salué l’assistance. Hosni Moubarak, qui comparaissait alité sur une civière depuis le box grillagé, n’a, semble-t-il, pas témoigné de réaction.

Le magistrat a également décidé que les audiences « du procès du siècle » ne seront plus diffusées en direct à la télévision. Elles se tiendront désormais à huis clos. Et c’est bien l’annonce qui a fâché. Dans la salle d’audience, certains ont enjambé les bancs pour s’en prendre à la cour, selon un journaliste d’Al Jazeera présent à l’intérieur. De même la foule sur l’esplanade, l’Egypte entière ou presque ayant regardé les audiences du 3 août et celle d’aujourd’hui.

LIBYE

En Libye, les rebelles contrôlent désormais Zaouïah, située à 50km à l’Ouest de Tripoli. En Syrie, la marine a mené ces deux derniers jours une offensive meurtrière sur le port de Lattaquié. Dans ce contexte tendu, un attentat s’est produit en Algérie dans le massif Kabyle, fief d’Al Qaida.

En Libye, les rebelles ont hissé dimanche leur drapeau sur la ville stratégique de Zaouïah, à 50 km environ à l’ouest de Tripoli, sur la route côtière qui mène à la Tunisie, l’un des derniers liens entre Tripoli et le monde extérieur. Cette offensive marque l’avancée la plus spectaculaire des insurgés depuis six mois dans les zones de l’ouest du pays contrôlées par les partisans de Mouammar Kadhafi. Des troupes gouvernementales lourdement armées sont stationnées en nombre sur la route de la capitale, qui ne semble pas directement menacée dans l’immédiat.

Mais les rebelles contrôlent à présent la côte aussi bien à l’est qu’à l’ouest de Tripoli. Au nord, un blocus naval assuré par l’Otan est en place et, au sud, des combats sont en cours. Un des rebelles a affirmé que les gouvernementaux contrôlaient toujours la raffinerie au nord de Zaouïah, la seule encore en activité dans l’ouest de la Libye et dont dépendent les forces de Kadhafi pour leur ravitaillement.

"J’espère que nous pourrons attaquer Tripoli dans quelques jours", a déclaré Legun, chauffeur de taxi devenu combattant anti-kadhafiste. "Maintenant que nous tenons Zaouïah, nous pouvons libérer la Libye." Cette offensive marque l’avancée la plus spectaculaire depuis six mois des insurgés dans les zones de l’ouest du pays contrôlées par les partisans de Mouammar Kadhafi.

A Tunis, des réfugiés libyens étaient descendus samedi soir dans les rues pour crier leur joie après des rumeurs sur la fuite de Tripoli du Guide et de sa famille, tandis qu’à Bruxelles, l’Otan a dit surveiller de près une situation "fluide" sur le terrain.

Ces trois derniers jours, les combats pour le contrôle de cette ville stratégique sur le golfe de Syrte ont fait 16 morts et une cinquantaine de blessés dans les rangs des insurgés. Six soldats gouvernementaux ont également été tués. Les rebelles ont pris le contrôle d’un quartier résidentiel mais les forces de Kadhafi tiennent toujours un terminal dans l’ouest de la ville.

En Syrie, vingt-et-une personnes ont trouvé la mort, dimanche, lors du pilonnage de Lattaquié, premier port de la Syrie, par les blindés et la marine, rapporte l’Observatoire syrien des droits de l’homme. D’après cet organisme, la plupart des victimes ont été touchées par des tirs de mitrailleuses à gros calibre montées sur les chars déployés dans les quartiers sud de la cité portuaire. Ces quartiers ont également été la cible de tirs d’unités de la marine de guerre croisant au large.
Le gouvernement a déployé des chars et des véhicules blindés il y a trois mois dans cette cité portuaire afin de réprimer les manifestations réclamant le départ de Bachar al Assad. La population de Lattaquié est à majorité sunnite mais Bachar al Assad a encouragé la minorité alaouite au pouvoir, à laquelle il appartient, à venir s’implanter dans la localité en leur proposant des emplois et des terres à bas prix .L’Etat, l’armée et l’appareil sécuritaire sont en Syrie aux mains des membres de cette secte minoritaire issue de la branche chiite de l’islam.

Le président américain Barack Obama s’est entretenu samedi avec le Premier ministre britannique, David Cameron, des récents développements en Syrie. Les deux dirigeants ont réclamé un arrêt immédiat de la répression des manifestations par les forces gouvernementales et ont décidé de "se consulter sur de nouvelles mesures dans les jours qui viennent", indique un communiqué de la Maison blanche. Samedi, l’Organisation de la conférence islamique a accusé la Syrie de faire un "usage excessif de la force armée". Le secrétaire général de l’OCI, le Turc Ekmeleddin Ihsanoglu, a exhorté le chef de l’Etat syrien "à faire preuve de la plus grande retenue en cessant sur-le-champ d’user de la force pour réprimer les manifestations populaires". Barack Obama et le roi Abdallah d’Arabie saoudite se sont entretenus samedi par téléphone et ont estimé que la violence exercée "par le gouvernement syrien contre ses propres ressortissants doit prendre fin immédiatement", a indiqué la Maison blanche. Les deux dirigeants ont aussi décidé de se consulter régulièrement sur cette question. Le monarque saoudien, qui entretient des relations difficiles avec Bachar Assad mais a coopéré avec lui l’an dernier pour réduire les tensions au Liban, a rappelé lundi son ambassadeur à Damas.

En Algérie, vingt-neuf personnes ont été blessées lors d’un attentat suicide à la voiture piégée commis dimanche matin devant un commissariat de la gendarmerie dans le centre de Tizi Ouzou, ville de Kabylie située à une centaine de km à l’est d’Alger, rapporte l’agence officielle APS. Citant une source sécuritaire, Algérie-Presse-Service a précisé qu’un kamikaze a tenté, au volant d’un pick-up bourré d’explosifs, de forcer l’entrée du commissariat vers 04h30 locales (03h30 GMT). La plupart des personnes blessées ont pu quitter rapidement l’hôpital, a ajouté l’APS sur la foi d’une source médicale.
Le massif kabyle est un fief des maquisards d’Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), branche nord-africaine et sahélienne de l’organisation djihadiste fondée par feu Oussama ben Laden.
Lamine Chikhi ; Jean-Loup Fiévet pour le service français, Avec Tarek Amara en Tunisie, Missy Ryan à Tripoli, Robert Birsel à Benghazi, Christopher Le Coq à Bruxelles et Hamid Ould Ahmed à Alger ; Pierre Sérisier et Guy Kerivel pour le service français.

Enfin en Israël, dans ce contexte tendu, Ehud Barak, ministre de la Défense israëlien, a expliqué qu’il ne craignait pas de nouvelles violences à l’occasion de la demande de reconnaissance d’un Etat palestinien que le président Mahmoud Abbas entend présenter le mois prochain à l’Onu. Les autorités israéliennes ont tout de même envoyé par précaution des forces de sécurité en renfort en Cisjordanie occupée, tout comme aux frontières de la bande de Gaza, du Liban et de la Syrie.{}

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