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Révolte au Mali en 1991 contre la dictature de Moussa Traore

vendredi 19 décembre 2014, par Robert Paris, Tiekoura Levi Hamed

Les travailleurs, les jeunes, les femmes ont renversé le dictateur et les militaires, en prenant le relai, n’ont fait que sauver la dictature

Le premier signe annonciateur de l’accélération des événements, qui allaient définitivement changer le cours de l’histoire du Mali, a été donné le 21 mars 1991. Ce jeudi là, les boulangers de Bamako, Koulikoro, Ségou, Sikasso, Kayes et Mopti, las des fausses promesses et des manœuvres dilatoires de l’administration face à leurs revendications pour une taxation plus juste de la farine de blé, déclenchaient une grève de 72 heures. Une démarche précipitée du ministre des Finances et du Commerce de l’époque allait désamorcer le mouvement qui s’arrêta au bout de 24 heures.

Le 19 mars 1991 à Dioïla, les élèves qui manifestent sont violemment dispersés. À Sikasso, un élève est tué. En réaction, le bureau de coordination de l’AEEM décide alors d’organiser une marche avec érection de barricades, le mercredi 20 mars. Averti, le pouvoir se prépare à réprimer avec la dernière rigueur les perturbateurs. Si à Bamako régnait un calme précaire (l’Association des élèves et étudiants ayant reporté sa marche du mercredi 20 mars au vendredi 22 mars), la contestation avait gagné du terrain à l’intérieur du pays. Des marches étaient organisées à Sikasso, Bougouni, Kita, Kayes, Ségou et Dioïla. Dans toutes ces localités, ces démonstrations de rue furent brutalement réprimées. La tragédie survint à Sikasso où un jeune élève de la 9è fondamentale fut tué. Le choc de cette mort de trop (il y avait déjà eu deux morts deux mois plutôt lors du mouvement estudiantin des 20 et 21 janvier) allait être douloureusement ressenti par toute la population.

La répression est effectivement terrible et les corps commencent à affluer à l’hôpital Gabriel Touré. Le président Moussa Traoré qui s’adresse à la nation au soir du 22 mars, décrète le couvre feu et l’état d’urgence. Le 23 mars, une vingtaine de manifestants sont tués au cours des affrontements qui opposent dans la capitale les étudiants aux forces de l’ordre tandis qu’une marche impressionnante qui prend le chemin de Koulouba, bute sur un barrage de l’armée devant le ministère de la Défense.

La journée du 22 mars marquera pour les Bamakois le début d’un cauchemar qu’ils n’auraient jamais imaginé vivre. Dès le petit matin, les élèves et étudiants dressèrent des barricades dans les quartiers de la capitale et se regroupèrent, bien déterminés à démontrer leur opposition à un régime de plus en plus décrédibilisé. Leurs premières actions furent dirigées vers tout ce qui symbolisait une autorité qu’ils ne reconnaissaient plus : domiciles des dignitaires, commerces supposés appartenir à des prête-noms ou à des soutiens du parti unique, organismes d’État etc. La répression qui s’ensuivit fut sanglante parce qu’à partir des camions et des engins blindés, policiers et même soldats (déployés pour le maintien d’ordre) ouvrirent le feu sur les manifestants. Au milieu de la matinée, les premiers corps commencèrent à affluer à l’hôpital Gabriel Touré très vite débordé.

L’opinion publique qui était en état de choc total (39 morts avaient été recensés au bout de cette journée) attendait une déclaration du président de la République dès la mi-journée. Mais ce ne fut qu’à 18h que Moussa Traoré s’adressa à la nation. Il prononça un discours totalement en déphasage avec la réalité du terrain. Il expédia ses regrets aux familles des victimes mais s’employa surtout à fustiger les saccages causés par les manifestants en insistant sur la nécessité de rétablir l’ordre. Il ne fit aucune proposition d’ouverture. Après avoir maintenu sa référence au 4è congrès de l’UDPM prévu les 26, 27 et 28 mars 91 qui devait décider de la marche à suivre quant à la démocratisation du pays, il décréta l’état d’urgence un couvre feu de 21h à 5 heures du matin. Au cours de la matinée du 23 mars, des milliers de Bamakois, dans le sillage des mères pourtant le deuil de leurs enfants tombés sous les balles, bravèrent le pouvoir à travers une marche gigantesque. Ils le firent au mépris de toute prudence et au nom de leur intime conviction que les choses devaient changer. C’est que l’indignation avait gonflé au matin du 23 mars alors que se répandaient les détails de la tragédie de la veille. Des femmes avaient sillonné les services et les logis pour bousculer les dernières hésitations des hommes. Une foule, grossie par un extraordinaire bouche à oreille, avait rallié la Bourse du travail. La consigne de marcher sur le palais de Koulouba avait alors jailli de manière spontanée dans l’immense flot humain qui s’ébranla vers le palais présidentiel. L’écrasante majorité des manifestants de ce jour là n’appartenait à aucune association démocratique. Au niveau du ministère de la Défense, un barrage des forces de sécurité et une pluie de grenades lacrymogènes coupèrent la route de Koulouba aux manifestants. Mais la machine populaire était lancée et plus rien ne pouvait l’arrêter.

Les femmes prennent une part active à la révolution populaire de mars 1991 qui renverse le régime dictatorial en place. Elles sont sur tous les fronts, participent à la création de la coopérative culturelle Jamana, sont membres du comité de rédaction du journal Les Echos, deux titres symboles de l’opposition au parti et à la pensée uniques, qui médiatisent et soutiennent le combat des démocrates maliens. Elles sont parmi les initiateurs et les signataires de la lettre ouverte au président de la République qui donne le signal de la lutte ouverte contre l’autorité du régime en place. Elles participent à toutes les marches et manifestations de protestation contre la dictature et pour le multipartisme. Elles se déchaînent après les tueries d’enfants et d’élèves et imposent aux manifestants une marche forcée sur la morgue de l’hôpital Gabriel Touré et sur Koulouba. Elles paient un très lourd tribut à la démocratie. Certaines sont arrêtées, d’autres fauchées par les balles, d’autres encore perdent leurs enfants. Le 26 mars 1991, c’est la victoire. Une frange de l’armée, ébranlée par tant de violences et de morts gratuites, craignant que l’armée se divise face à la révolte, fait mine d’épouser la cause des manifestants et renverse le régime pour éviter que le peuple ne prenne le pouvoir.

N’oubliez jamais le rôle des femmes dans le renversement de Moussa Traore !!!!

Le dimanche 24 mars lors d’un meeting aussi impressionnant que le précédent, le comité de coordination des associations et organisations qui s’était formé, composé de l’UNTM, l’AEEM, l’AMDH, l’ADIDE, l’AJDP, la JLD, l’ADEMA et le CNID, informait l’opinion publique dans un communiqué du déclenchement d’une grève générale illimitée. Il posait comme condition la dissolution du gouvernement, celle de l’assemblée nationale et dans le même document, la coordination demandait la démission du président de la République. Elle prônait la mise en place d’un Comité de Salut Public qui serait chargé de gérer la transition politique jusqu’à l’organisation d’élections libres et démocratique.

Une délégation se rendit à Koulouba pour remettre ce manifeste au général Moussa Traoré qui avait reçu, auparavant, une délégation des chefs religieux. Les positions étaient trop tranchées pour être conciliées. L’entourage du chef de l’état tenta néanmoins, désespérément, de transformer l’après-entrevue en séance de négociation. Les délégués s’y refusèrent, se limitant strictement à leur rôle de messagers.

Dans la même journée, le secrétaire politique du Bureau exécutif central de l’Union démocratique du peuple malien (le parti unique au pouvoir), Djibril Diallo, faisait remettre au général Moussa Traoré sa lettre de démission des instances du parti. Il rappela à l’occasion qu’il avait toujours prôné une ouverture politique qui aurait épargné à notre pays des violences regrettables.

Dans la soirée le président Moussa Traoré fit une seconde déclaration à la Nation. Ce message s’avéra aussi déphasé que la première adresse du chef de l’État. Les événements allaient désormais se précipiter en dehors de son contrôle. Dans l’après-midi du 24 mars, une commission ad hoc composée de membres du BEC et du gouvernement rencontrait à la Bourse du travail le comité de coordination des associations et des organisations et arrêtait,
de commun accord avec lui, des mesures susceptibles de ramener le calme dans le pays. Parmi ces mesures, il y avait la levée de l’état d’urgence et du couvre feu (ouvertement bafoués à Bamako et à l’intérieur du pays), la libération de tous les prisonniers arrêtés lors des événements du 21 et 22 janvier qui marquent le point de départ de la contestation estudiantine contre le pouvoir de Moussa Traoré et ceux des 22, 23 et 24 mars 1991.

Dans la journée du 24 mars, lors d’un impressionnant meeting, le Comité de coordination du mouvement démocratique annonce le déclenchement d’une grève illimitée jusqu’à la chute du président. Il exige aussi la dissolution de l’Assemblée nationale et la mise en place d’une transition démocratique. Dans l’après-midi, une commission ad’hoc composée des membres du Bureau exécutif central de l’UDPM et du gouvernement rencontre à la Bourse du travail, le comité de coordination et arrête de commun accord des mesures susceptibles de ramener le calme. Parmi ces mesures figuraient la levée de l’état d’urgence et du couvre-feu, la libération de toutes les personnes arrêtés lors des émeutes depuis janvier. Moussa Traoré qui s’adresse une seconde fois à la Nation ne fait aucune concession. Une délégation du Comité de coordination se rend alors au palais de Koulouba pour communiquer ses exigences au président qui avait reçu la veille une délégation de chefs religieux. La rencontre est abrupte car si du côté présidentiel on s’attend à négocier, les émissaires se bornent, eux, à leur rôle de messagers. Le lundi 25 mai, un impressionnant meeting rassemble pour la troisième journée consécutive des milliers de Bamakois de toutes origines, pour réclamer le départ sans délai du président. Il semblait évident aux yeux de tous qu’un seuil irréversible était dépassé mais peu de gens se doutaient que le coup de grâce serait donné au pouvoir quelques heures plus tard par des officiers regroupés au sein d’un Comité de réconciliation nationale dirigé par le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré.

La commission ad hoc demandait naturellement la cessation des actes de violence. Mais le président, qui avait préalablement enregistré son discours, ne fit mention d’aucune de ces mesures. Tout se passait comme si de son palais de Koulouba, il était coupé du reste du pays et étranger aux flots démontés de l’histoire qui battaient à ses pieds. Le 25 mars se tint le troisième meeting consécutif à la Bourse du travail. Les travailleurs, les élèves et étudiants et des milliers de citoyens anonymes réaffirmèrent par leur présence l’impossibilité d’un compromis avec le pouvoir. "Moussa doit partir" tel était le refrain ressassé de manière continue et soutenue. Le régime chancelait. Et il ne manquait que le coup de grâce. Celui ci fut porté dans la nuit du lundi 25 au mardi 26 mars.

Mais déjà en début de nuit, aux alentours de 22h, la rumeur de l’arrestation du président avait couru la ville. Tel un bateau ivre la capitale sans gouvernail, s’abandonnait à ses mauvais démons à coups de pillages des boutiques et magasins, de règlements de compte. Bref un déchaînement dans lequel aucune frontière ne résista entre la manifestation de joie et la violence.

La mise aux arrêts du chef de l’état ne sera effective que lorsqu’un commando de parachutistes, dirigé par Amadou Toumani Touré, y procéda à minuit un quart. Mardi matin, un Comité de réconciliation nationale de l’armée (CRN), formé après l’arrestation, se rendit à la Bourse du travail à la rencontre de la Coordination du Mouvement démocratique pour lui rendre hommage. Une démarche appréciée qui incita la coordination à manifester sa confiance à Amadou Toumani Touré en le portant à la tête du Comité de transition du salut du peuple (CTSP). Le tour était joué : l’armée n’était pas destabilisée et le seul à chuter était l’ancien dictateur mais pas la dictature !!!

Les mensonges sur la révolte contre la dictature au Mali en 1991 sont nombreux.

Et surtout aujourd’hui, plus on s’éloigne de cette date, plus il y en a.

Les mêmes qui affirment lors des cérémonies anniversaire qu’il est heureux que les ennemis d’hier se soient réconciliés, n’étaient pas hier de vrais ennemis. Seulement, pour sauver l’essenteil, éviter que le peuple renverse l’armée, ils ont été des désobéissants de la dernière seconde.

Ce n’est pas l’armée qui a renversé Moussa, mais le peuple travailleur.

C’est l’armée qui a sauvé la dictature en faisant tomber le dictateur.

Le président Moussa Traoré, en effet, sera déposé par l’armée dans la nuit du 25 au 26 mars 1991 par l’armée malienne après un bain de sang sans précédent dans les annales de l’histoire malienne qui présentera plus tard ses excuses au peuple lors de la Conférence nationale. Comme s’il s’agissait d’effacer les événements par ... des excuses !

Dans une interview accordée à Jeune Afrique en juillet 1991, le Chef de la junte militaire qui a renversé Moussa TRAORE raconte : « C’est le vendredi 22 mars (jour des premières tueries, qui feront plus de trois cents morts, NDLR) que nous avons compris que Moussa avait atteint le point de non-retour et que nous devions intervenir (...) Depuis... au moins 1979 ou 1980. Je m’étais rendu compte que Moussa ne servait plus les intérêts du pays. C’était l’affairisme, le népotisme intégral, les louanges, les grands boubous [petit rire]. Je n’ai rien contre les grands boubous, mais il ne pensait plus qu’à ça. (…) Je ne me vois ni complice ni traître ! J’ai prêté serment au Président de la République et non à Moussa. Parmi les missions de l’armée, nous avons celle de sauvegarder la dignité de notre pays, son intégrité territoriale et morale, que lui, Moussa, était en train de bafouer (…) A partir du 22 mars, quand les gosses ont exposé leurs poitrines aux balles, suivis de leurs mères - nos sœurs, nos femmes -, on ne pouvait plus hésiter. (…) Et puis, nous avions déjà pris contact avec certaines organisations civiles, [en particulier, avec Me Demba DIALLO, président de l’Association des Droits de l’Homme, et le Secrétaire général de l’Union nationale des travailleurs, Bakary KARAMBÉ, qui seront les premiers informés du succès de l’opération, NDLR](…) Il faut reconnaître que l’armée avait essuyé des insultes avant le 25 mars. Le peuple était là, se battait, mourait, et l’armée tardait à intervenir. Cette attitude a été considérée comme une certaine complicité des militaires avec le régime. Il faut accepter ce jugement du peuple. Mais le jour où l’armée a pris ses responsabilités, montrant qu’elle ne servait pas Moussa TRAORÉ, le peuple a compris et reconnu qu’elle était avec lui. »

Non ! Le jour où les prétendus organisateurs de ce peuple ont prétendu à la réconciliation du peuple et de l’armée.

les derniers événements de Guinée rappellent qu’il ne suffit pas de faire partir (même par la mort) le tyran, il faut que le peuple prenne le pouvoir.

Un autre texte sur la révolution populaire contre Moussa (lire ici)

Articles de presse

Ecrit de collégien

La répression de Moussa en film

Encore un film sur le renversement de Moussa

Et un film sur le renversement de Modibo Keita par Moussa

Le dernier discours du dictateur

Moussa Traoré a fait ses études à l’École des enfants de troupe de Kati avant de les poursuivre à l’École préparatoire des officiers d’Outre-mer à Fréjus (France). Il rentre au Mali en 1960 au moment de l’indépendance

Il est nommé sous-lieutenant en 1961, puis lieutenant en 1963. Il part au Tanganyika (l’actuelle Tanzanie) en qualité d’instructeur auprès des combattants de mouvements de libération. Il est ensuite nommé instructeur à l’École militaire interarmes de Kati.

Le coup d’État de 1968 et la présidence

Le 19 novembre 1968, il participe au coup d’État qui renverse le président Modibo Keïta. Il devient président du Comité militaire de libération nationale, puis chef de l’État.

Toutes les activités politiques sont interdites. Un régime policier est mis en place sous la direction du colonel Tiécoro Bagayoko. Des agents de renseignements vont dans les écoles pour écouter les cours des professeurs (le milieu scolaire et universitaire est en majorité hostile au régime militaire).

Le socialisme économique de l’ancien président Modibo Keïta est abandonné.

En 1972-1973, une sécheresse importante s’abat sur le Mali. L’aide internationale arrive mais l’argent est détourné.

En 1974, il fait adopter sa constitution qui crée la Seconde République.

En mai 1977, l’ancien président Modibo Keïta meurt de façon suspecte en détention à l’âge de 62 ans, entraînant une forte mobilisation populaire ; des milliers de personnes se rendent à ses obsèques, auxquelles participent également des délégations officielles de pays voisins (notamment Guinée et Côte d’Ivoire). Le régime militaire réagit violemment en procédant à de nombreuses arrestations, mais Moussa Traoré est obligé d’expliquer à Radio-Mali les raisons de la mort de Modibo Keita ; ces explications ne convainquent personne.

Le 28 février 1978, Moussa Traoré fait arrêter Tiécoro Bagayoko et Kissima Doukara, respectivement directeur de la Sûreté nationale et ministre de la Défense, qu’il accuse de préparer un complot.

Il propose d’aller vers une ouverture politique ce qui lui permet d’acquérir le soutien de certains intellectuels comme Alpha Oumar Konaré qui acceptera le poste de ministre des Arts et de la Culture pendant quelques années.

En 1979, il crée l’Union démocratique du peuple malien (UDPM), parti unique, ainsi que l’Union nationale des femmes du Mali et l’Union nationale des jeunes du Mali, organisations auxquelles respectivement toutes les femmes et tous les jeunes doivent alors adhérer.

En 1980, des manifestations étudiantes sont réprimées. Leur leader Abdoul Karim Camara, dit « Cabral », décède sous la torture.

En 1982, il est promu général d’armée.

En 1990 sont créés le Congrès national d’initiative démocratique (CNID) par l’avocat Mountaga Tall et l’Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA) par Abdramane Baba. Ces deux associations vont avec l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM) et l’Association malienne des droits de l’homme (AMDH) combattre le régime de Moussa Traoré et exiger le multipartisme.

Le coup d’État de 1991 et la déchéance

Le 22 mars 1991, un soulèvement populaire est réprimé dans le sang.

Le 26 mars 1991, un coup d’État militaire renverse Moussa Traoré. Un Comité de transition pour le salut du peuple est mis en place avec à sa tête le Lieutenant Colonel Amadou Toumani Touré.

Trois films d’archives sur les anciennes émeutes révolutionnaires du Mali :

Un rappel du passé : émeutes au Mali en 1991

Encore sur les émeutes au Mali en 1991

Toujours sur le renversement de Moussa Traore au Mali en 1991

Chargés d’éviter la révolution...

Certaines coïncidences font que l’on a parfois l’impression que l’avenir se construit en spirale, les événements s’annonçant et s’appelant à distance. Ainsi, le premier contact direct entre Moussa Traoré et Amadou Toumani Touré se produisit à l’occasion d’un coup d’État. Avorté celui-là. On était en février 1978 et la « Bande des Trois » (ainsi que la baptisa à l’époque notre confrère Vincent Traoré) venait d’être neutralisée. Dans le véhicule d’un des dignitaires arrêté se trouvait une mallette contenant 25 millions de francs maliens. Le chauffeur, après mille hésitations (on comprend le pauvre homme qui se doutait du contenu de ce bagage particulier), se décida à déclarer à sa hiérarchie de l’époque qu’il y avait une valise suspecte dans le coffre de la voiture de son patron. Le hasard fit qu’il vint livrer cette information au lieutenant Amadou Toumani Touré, qui était à l’époque adjoint au commandant de la Compagnie des commandos parachutistes (CCP). Le jeune officier convoya le pactole jusqu’à la Maison du peuple. Le lieutenant-colonel Filifing Sissoko, secrétaire permanent du Comité militaire de libération nationale (CMLN), tint à ce que le lieutenant remette la mallette en mains propres au colonel Moussa Traoré (ce dernier fit ensuite envoyer la somme au Trésor par le colonel Amadou Baba Diarra). C’était la première entrevue entre les deux hommes, qui ne se doutaient pas encore qu’un face-à-face dramatique conclurait leurs relations treize ans et quelques jours plus tard. Quelques mois plus tard, en début 1979, le capitaine ATT se retrouvait à nouveau dans le bureau de Moussa Traoré pour une entrevue presque kafkaïenne où revint la notion de coup d’État. Le chef de l’État, à peine l’officier installé, lui posa abruptement une question inattendue. « Il m’est revenu, lui dit-il, que des officiers supérieurs vous avaient contacté pour un coup d’État et que vous avez refusé d’y adhérer. Pourquoi donc ? ». ATT, désarçonné par cette entrée en matière cavalière, réfuta l’assertion avant de dire que, de toute façon et à son avis, l’avenir du Mali ne se résoudrait pas avec un coup de force militaire et qu’il avait d’autres voies pour bâtir notre pays. Le président hocha la tête et laissa repartir son interlocuteur sans autres commentaires. Amadou Toumani Touré apprit beaucoup plus tard que certains services avaient fait à son endroit des rapports négatifs, ce qui avait motivé ce test bizarre. En décembre de la même année, les relations entre les autorités et le monde scolaire et universitaire connurent une très forte tension. En février 1980, les premiers étudiants et professeurs arrêtés étaient internés au Camp para. Parmi eux se trouvaient notamment Tiébilé Dramé (ministre des Affaires étrangères sous la Transition), Mamadou Lamine Traoré (membre du Comité de transition pour le salut public - CTSP sous la Transition) et Victor Sy. Un soir, ce dernier demanda à voir ATT. Lorsque le capitaine se rendit dans sa cellule, l’universitaire lui adressa une exorde assez inattendue. Le pouvoir de Moussa Traoré, disait-il, révélait en ces heures critiques sa véritable nature et il entraînait le pays vers l’abîme. Alors, poursuivit Victor Sy, il revenait aux jeunes officiers d’avoir l’audace de se dresser et de faire un coup d’État contre celui qui glissait vers la dictature. Dire que le discours surprit le jeune capitaine serait resté largement en deça de la vérité, mais Amadou Toumani Touré retourna à son interlocuteur la confiance que celui-ci lui avait faite en lui parlant tout aussi franchement. Les conditions objectives d’un coup d’État n’étaient pas réunies, fit-il prévaloir. Le peuple accueillerait une telle initiative comme une simple péripétie dans la lutte de pouvoir entre militaires. Quelle que serait l’issue finale du putsch, elle laisserait complètement indifférentes les populations. Ces arguments convainquirent-ils Victor Sy ? Nul ne sait, mais l’universitaire n’insista pas. La quatrième fois où ATT vit la notion de coup d’État intervenir dans sa carrière militaire fut en 1988, un peu avant son départ pour l’École de guerre de Paris. A ce moment l’on ne parlait pas encore de démocratisation, mais le régime Moussa Traoré avait déjà fait la preuve de l’incapacité qu’il avait de se remettre en cause. Les velléités de réforme et de « sursaut national » avaient tourné rapidement court, la camarilla des affairistes et des opportunistes opérait pratiquement à visage découvert et la désespérance populaire qui allait aboutir à l’explosion de mars 1991 faisait déjà entendre ses accents déchirants.

Le Rubicon était franchi - ATT, bien que placé à la tête de la Garde présidentielle depuis 1981, n’était pas ce que le général Moussa Traoré aurait pu appeler un fidèle parmi les fidèles. Le président lui reconnaissait ses qualités d’officier, mais doutait de son dévouement absolu. D’autres pontes au sein de l’Armée partageaient les réserves présidentielles puisque celui qui avait été promu jeune capitaine en octobre 1978 dut attendre six ans pour recevoir ses barrettes de commandant. Quand on sait qu’un élément méritant avance au bout de trois ou quatre ans, l’on mesure exactement la pénitence qui fut administrée à l’officier. Marque de défiance éloquente, on inscrivit Amadou Toumani Touré sur le tableau d’avancement en 1984 pour une mise en observation de trois mois avant de le nommer commandant. Ce traitement était d’autant plus paradoxal qu’il était appliqué à un officier à qui avait été confié le commandement de la Garde présidentielle. En 1988 donc, ATT se réunit avec un groupe d’officiers (au sein duquel Lamine Diabira joua un rôle très actif) pour discuter de la possibilité d’un coup d’État destiné à mettre fin à un régime dont le côté autocratique allait à l’évidence continuer à se renforcer. Mais l’initiative ne dépassa pas le stade de projet, l’un des conjurés laissa échapper quelques mots imprudents dans un lieu inapproprié et le groupe se dispersa. Amadou Toumani Touré jugea plus prudent pour lui d’effectuer le stage de l’École de guerre, stage programmé depuis un bon moment, mais constamment reporté sur l’initiative de certaines personnes de l’entourage de Moussa Traoré. Ces personnes n’ignoraient pas que le président, désormais général d’armée, n’avait jamais nourri une affection particulière pour la France qui lui rendait bien son absence de chaleur envers elle. Le chef de l’Etat avait fini par avoir la conviction que les séjours à l’École de guerre étaient mis à profit par les Français pour « retourner » ses officiers contre lui. Parti à Paris en août 1989, ATT se retrouvera à son retour en décembre 1990 dans une situation des plus inconfortables. Alors que ses quatorze mois de stage étaient censés lui assurer une promotion, il « flottera » sans affectation pendant presque trois mois. Deux entrevues avec le ministre de la Défense d’alors ne le fixèrent pas sur son sort et il comprit assez vite qu’il y avait une vraie réticence à lui confier un commandement. Finalement, ce ne fut que le 14 mars qu’une note de service le remit à la tête de « son » bataillon des commandos parachutistes, après qu’il eut refusé un placard à l’État-major général des armées. Peu après son retour de France, ATT avait assisté à la violente répression du 22 janvier 1991. Il décida alors de « réveiller » son projet de coup d’État et s’en ouvrit au général Ouologuem. Ce dernier, en totale disgrâce à cette période, ne put l’appuyer que de ses conseils, tout commandement lui ayant été retiré. A partir de la mi-février, ATT reprit contact avec certains acteurs du Mouvement démocratique auxquels il avait fait part de ses intentions. La récupération de son commandement précéda de peu le vendredi du 22 mars de sinistre mémoire. La tournure prise par les événements pressait l’officier d’agir. Le bataillon para suffisait pour un coup de force, mais la réussite de celui-ci nécessitait la solidarité du reste de l’Armée. Ce fut pourquoi le même vendredi 22 mars dans la soirée, ATT prit attache avec le lieutenant-colonel Kafougouna Koné alors chef d’État-major de l’Armée de Terre pour que les véhicules blindés BRDM appuient les Bérets rouges dans leur action. Kafougouna donna son accord, mais demanda quarante-huit heures pour mettre au point la manoeuvre. Entre temps ATT avait réunit tous les officiers de son bataillon qui se déclarèrent prêts à passer à l’action. Le capitaine Siaka Koné fut chargé d’activer les préparatifs matériels. Le lundi 25 mars à 13 heures, le Bataillon para affichait déjà sa dissidence. En effet, à une mission de l’État-major venue expliquer les accords de Tamanrasset conclus avec la rébellion touarègue (action ubuesque dans l’atmosphère d’alors) ATT, devant ses officiers, déclara que désormais son corps refusait tout ordre qui l’amènerait à tirer sur les civils. Le Rubicon était franchi, le lieutenant-colonel des paras ne pouvait plus tarder à faire le pas décisif. Car tout montrait que la tragédie malienne allait en s’aggravant. Le samedi 23 mars dans la matinée, ATT avait rencontré dans son camp des éléments du Service national des jeunes (SNJ) venus recevoir leur injection de TAB. Lorsqu’il s’était approché pour les saluer, certains des jeunes gens l’avaient apostrophé avec violence pour lui reprocher sa « passivité » au moment où on tuait des innocents. Le même jour, des membres du Mouvement démocratique avaient touché l’officier pour dire qu’ils étaient obligés pour leur sécurité de plonger dans la clandestinité. Le lundi 25 mars au matin, un officier lui avait raconté la mort atroce d’un policier devant le commissariat de la Poudrière. Attendre plus longtemps, c’était accepter que devienne apocalyptique une situation déjà intolérable. Cela alors que des rumeurs faisaient état d’une médiation possible d’officiers supérieurs auprès de Moussa Traoré afin que celui-ci accepte l’ouverture politique réclamée par le Mouvement démocratique avant le déclenchement de la tragédie. Une telle démarche n’aurait nullement constitué une solution au cycle de la violence qui paraissait irrémédiablement enclenché. Les paras devaient passer à l’action le 26 mars à 4 heures du matin selon le plan d’opération élaboré. ATT avait initialement prévu d’avoir recours uniquement aux éléments de son camp de Djicoroni et de laisser hors du coup ceux de la Garde présidentielle basés sur la route de Kati et sur lesquels l’aide de camp Oumar Diallo (Birus) gardait un oeil vigilant. Mais malgré toutes les précautions prises, les préparatifs du « coup » s’ébruitèrent et le lundi 25 vers 21 heures 30, ATT reçut un appel téléphonique de Birus lui demandant de venir le rencontrer seul à son domicile. Malgré l’avis négatif de ses officiers et de quelques civils qui étaient déjà là, ATT décida de répondre à « l’invitation ». Le capitaine Siaka Koné donna à ses paras, qui assuraient la garde de l’ancienne résidence du président de la République, l’ordre d’investir la villa de l’aide de camp, située à une cinquantaine de mètres, si leur « patron » n’était pas de retour au bout d’une demi-heure.

sans hésiter - Au rendez-vous, l’officier trouva Birus, Anatole Sangaré (directeur des services de sécurité) et Oumar Traoré, un adjoint de l’aide de camp. Oumar Diallo commença par une longue introduction sur la situation catastrophique, sur les massacres et sur l’obstination du président à refuser la nécessité d’un recul. Il se proposait donc pour appuyer le coup d’État et comme gage de son implication, il promit à ATT de lui faciliter l’accès du bureau de Moussa Traoré. Rendez-vous fut prit pour 22 heures 30. L’accord fut scellé et ATT après avoir rejoint son camp, y fit sonner l’alerte. Ce ne fut qu’aux environs de 22 heures 40 que le chef des paras monta à Koulouba avec un groupe de quatre hommes dans un véhicule. Son adjoint, le capitaine Siaka Koné, devait le rejoindre avec 10 paras supplémentaires dans deux autres véhicules qui montèrent à Koulouba par la route partant de N’Tomikorobougou et que l’on appelait Djiguidjiguini. Une fois sur place vers 23 heures, ATT alla voir directement le chef de poste de service cette nuit-là, l’adjudant-chef Yacouba Diakité, et lui fit part de sa décision d’arrêter Moussa Traoré. Le sous-officier et ses hommes se mirent sans hésiter à sa disposition. Après avoir donné l’ordre à l’adjudant-chef de bloquer toute personne qui tenterait de quitter le palais, ATT reprit la route, mais en direction du camp de la Garde présidentielle, camp situé légèrement au-dessus du carrefour de la route Kati/Point-G. Là, il rencontra le commandant de compagnie, le capitaine Fatogoma Sountoura et son adjoint, le lieutenant Ousseyni Tamboura qui se rallièrent sans hésiter au coup d’État. Comme le firent les paras de la Garde présidentielle lorsqu’ils furent informés de la situation. Il était près de minuit quand ATT regagna Koulouba où l’attendaient Siaka Koné et son groupe. Vers minuit dix, les deux officiers pénétrèrent dans le palais avec six hommes, les caporaux Nawé Kéïta et Souleymane Dao et les soldats de première classe Boubou Sidibé, Soumaïla Coulibaly, Siaka Diarra et Yacouba Togola. La petite troupe se dirigea droit vers le bureau d’Oumar Diallo qui avait regagné Koulouba juste après l’entrevue de 19 heures. L’aide de camp monta avec ATT, Siaka et quatre paras dans l’ascenseur qui donnait accès au bureau présidentiel. Les autres empruntèrent les escaliers pour couper la retraite éventuelle de ceux qui auraient voulu s’échapper par là. Quelques paras supplémentaires se postèrent au rez-de-chaussée qu’ils sécurisèrent. Arrivé devant le bureau présidentiel, Birus en indiqua la porte du doigt. Les quatre membres du commando qui accompagnaient ATT et Siaka Koné y firent irruption. Ils trouvèrent Moussa Traoré en conclave avec M’Bouillé Siby, secrétaire administratif du Bureau exécutif central (BEC) de l’Union démocratique du peuple malien, Monzon Keïta, secrétaire aux affaires culturelles du même BEC, le général Mamadou Coulibaly trésorier du BEC et ministre de la Défense, Moulaye Haïdara, ministre de l’Agriculture, Amadou Dème, ministre de l’Industrie, le colonel Ousmane Coulibaly, Chef d’État-major général et Idi, un des fils du président. S’adressant directement à Moussa Traoré, Amadou Toumani Touré lui annonça qu’au regard de la situation qui prévalait et devant le refus du chef de l’État d’y trouver une solution raisonnable, il se voyait dans l’obligation de l’arrêter. Moussa Traoré se leva et dit cette simple phrase : « Je suis à votre disposition ». L’un des présents s’approcha d’ATT et craignant sans doute une exécution sommaire, lui demanda d’épargner « la vie du président ». A quoi l’officier des parachutistes répondit qu’il reviendrait à la justice malienne de se prononcer sur le sort de l’ancien chef d’État. Il était minuit et quart quand l’arrestation du président Traoré fut consommée. Les prisonniers furent embarqués dans un convoi où les véhicules transportant les personnalités arrêtées étaient encadrés par ceux des parachutistes. Peu avant d’arriver au Camp Para, il se produisit un incident jusqu’aujourd’hui inexpliqué. ATT dont le véhicule (une Renault 25 prise dans le parc présidentiel) roulait presque en queue de convoi se porta en deuxième position au moment où le convoi arrivait au niveau du carrefour de la Maison du peuple. Il se trouva dès ce moment derrière une Jeep équipée d’une mitrailleuse qui ouvrait la route. La raison de cette manœuvre était très simple. ATT avait placé ses hommes en embuscade entre le Motel et le Camp-Para. Il devait donc s’identifier pour que ses éléments ouvrent le passage au convoi. Au niveau du Foyer de l’Armée de l’air (actuel Carrefour du pont Fahd), des hommes en uniforme ouvrirent un feu croisé sur son véhicule et sur la Jeep qui le précédait. Il n’y eut aucune victime et les tireurs s’éclipsèrent. Malentendu ou geste désespéré d’éléments loyalistes, on ne le saura sans doute jamais. Au Camp-Para, Moussa Traoré et son épouse furent enfermés dans le bureau d’ATT tandis qu’Idi - que rejoindra plus tard Abraham Doua Sissoko dit Ramos, le frère de Mariam - trouvait gîte dans la salle d’attente. Tous les quatre y passèrent douze jours alors que tout Bamako se perdait en conjectures sur leur lieu de détention. Il faut préciser que le Camp-Para, le lieu le plus sécurisé de Bamako, pouvait se targuer d’avoir pendant longtemps accueilli presque tous les prisonniers célèbres du Mali indépendant.

un conditionnel prudent - Cette caractéristique lui avait fait à tort une mauvaise réputation, alors que les éléments de sa garnison n’intervenaient ni dans les arrestations, ni dans les interrogatoires. Par une ironie de l’Histoire, les pièces qui accueillirent en 1991 l’ancien couple présidentiel avaient en 1978 servi à incarcérer Kissima Doukara et Tiécoro Bagayoko. En 1980, les étudiants et professeurs arrêtés y furent aussi enfermés plusieurs jours durant. Le Destin offre ainsi des bizarreries qui laissent songeur sur les renversements de la fortune. Il est sans aucun doute utile d’ouvrir une parenthèse dans la chronologie des événements pour expliquer quelques côtés étranges du coup d’État. Certains de nos compatriotes se souviennent sans doute que la rumeur de l’arrestation de Moussa Traoré courait la ville aux environs de 21 heures 30/22 heures et que dans son bulletin Afrique de 22 heures 30, RFI annonçait la nouvelle en usant toutefois d’un conditionnel prudent. De toute évidence, il y avait eu fuites (au niveau notamment de Badalabougou et du Badialan) et pas innocentes (des hommes en uniforme les propagèrent). A la lumière des événements ultérieurs, il est assez aisé de se rendre compte que la manoeuvre avait été certainement initiée par Birus. Ayant pris le train en marche et désireux malgré cela d’affirmer son rôle prépondérant dans les événements, il avait fait rassembler un certain nombre d’officiers supérieurs dans les locaux de la Sécurité d’État, dont il avait fait son poste de commandement. Il avait en outre fait venir une équipe de la Radiodiffusion télévision du Mali (RTM) censée suivre le déroulement du « coup » et le valorisant comme « cerveau » de l’opération (tous ces détails se retrouvèrent par la suite sur une cassette vidéo mise en circulation à Bamako et qui contenait aussi la dernière intervention en bambara de Moussa Traoré, intervention jamais diffusée sur les ondes de la RTM en raison de la virulence de certains de ses passages). Le montage était indispensable pour Birus s’il voulait prendre date pour l’avenir. En tant qu’aide de camp, il ne disposait d’aucune troupe à engager dans les opérations (si l’on excepte les 15 gardes du corps qui étaient directement sous ses ordres). Il n’y avait donc aucun mérite militaire dont il aurait pu tirer avantage. Par contre, en se présentant, comme concepteur voire rassembleur, il disposait de pions intéressants à avancer. Birus dévoilera son jeu le 26 mars aux environs de 1h30 du matin quand il appela ATT au Camp Para, qu’il avait quitté trois quarts d’heure plus tôt, pour lui demander de le rejoindre afin qu’ils se mettent d’accord sur la liste définitive du Conseil de réconciliation nationale. Mais sur l’avis de ses officiers paras, le chef du Bataillon déclina l’invitation et requit de son interlocuteur que celui-ci fasse le déplacement. En attendant, aux alentours de 4 heures du matin, ATT proposa à Kafougouna Koné d’assumer en tant qu’officier le plus ancien dans le grade le plus élevé les fonctions provisoires de chef d’État. Celui-ci refusa en arguant du rôle prépondérant qu’avait joué son cadet dans les événements. Birus, accompagné d’un groupe d’officiers, arriva au Camp-Para vers 4 heures et demie. Il tira aussitôt de côté son promotionnaire de l’Ecole militaire inter-armes (EMIA) et lui dit tout à trac : « Si tu n’y vois pas d’inconvénient, je prendrai la tête du Conseil ». Réponse très vive d’ATT : « Dans ce cas-là, tu seras obligé de faire un second coup d’État ». Un peu surpris, Birus fit contre mauvaise fortune bonne contenance et présenta la liste qu’il avait dressée pour la composition du Conseil de réconciliation nationale. Neuf noms y figuraient, ATT en ajouta huit supplémentaires, ceux de jeunes officiers ayant adhéré au coup d’État. Une particularité toutefois dans cette liste additive : le nom de Diabira y figurait alors que le commandant était absent de Bamako (il était gouverneur de Tombouctou au moment des événements). ATT l’avait inscrit en se remémorant que deux ans plus tôt, l’officier des blindés avait exprimé son adhésion à un coup d’État contre le régime Moussa Traoré. Les choses s’enchaînèrent très vite dès ce moment. Les points stratégiques (radio, télévision, télécommunications) avaient été investis par les paras depuis minuit, les arrestations des dignitaires se poursuivaient. Un communiqué sera rédigé par le chef d’escadron Souleymane Sidibé et le capitaine Ascofaré. A l’ouverture de l’antenne de la RTM à six heures du matin, les Maliens apprenaient que 23 ans d’autocratie venaient de prendre fin. L’essor

La racine des événements

D’autres lectures sur le Mali

Portfolio

Messages

  • Un vibrant hommage à Feu Abdoul Karim Camara Cabral, Dramé Kadidia Bocoum, Keïta Oumou Diarra, Diocély Koné ; ces camarades débout qui se sont couchés ; d’où ils sont nous recevons cinq sur cinq les consignes de la résistance. Que leur âme repose en paix !

    Salutations aux camarades : Oumar Diakité dit Saharoui, Mamadou Bâ de l’ENI, Mohamed Tabouré et autres anonymes qui se tiennent à l’écart aujourd’hui, car abasourdis par la foire d’empoigne des militants de la 25ème heure et leurs acolytes (anciens camarades pourtant) retournés dans la restauration d’un système corrompu, qui ne respectent rien, même pas la mémoire des martyrs comme Cabral.

    Mérite et remerciements à : Tiébilé Dramé, Dioncounda Traoré, Kaourou Doucouré, Victor Sy, V zéro pour avoir enduré les souffrances des bagnes du Sahara malien. Et leur dire que les cadets sont là pour rappeler les faits de gloire des aînés ; au moment où s’estompent les mémoires et que des esprits tordus tentent de les salir. « Seigneur pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Cabral aurait crié à votre endroit : la lutte continue !

    Reconnaissance à : Maître Amidou Diabaté, Professeur Drissa Diakité, Cheick Oumar Sissoko, Pr Yoro Diakité, Karounga Keïta Jacques qui depuis Paris jusqu’à Bamako n’ont jamais cessé de croire à une révolution nationale démocratique et populaire ; le fameux RNDP. Cabral vous aurait qualifié d’artisans et créatifs de la Politique.

    Encouragements et appuis à : Djiguiba Keïta PPR, Oumar Mariko, Pérignaman Sylla et autres.

  • Albert Bourgi, « Les raisons de la colère »

    « ...Longtemps tiraillé entre le ralliement à l’idée du multipartisme, qui avait fait son chemin jusque dans les rangs du parti unique, et l’adhésion au discours de la fermeté prôné par quelques membres de la hiérarchie militaire, Moussa Traoré a finalement penché du côté des « durs » de son régime. (...) La violente répression d’une marche pacifique, les 21 et 22 janvier 1991, qui s’est soldée par la mort de plusieurs jeunes manifestants, ne laissait plus guère de doute sur la volonté de Moussa Traoré d’engager l’épreuve de force avec les mouvements démocratiques. Les reports successifs du débat national sur le multipartisme, promis par l’ancien chef de l’État, relevaient plus de manoeuvres dilatoires que d’une tactique visant à en contrôler l’évolution. À défaut d’avoir pu endiguer la vague démocratique, Moussa Traoré s’est révélé incapable de « surfer » dessus, comme l’ont fait avec plus ou moins de bonheur certains de ses pairs africains. »

    Jeune Afrique (France), 3 au 9 avril 1991, p. 11.

    Jacques Girardon, « La fin d’un règne »

    « ...Aucun régime ne paraît être à l’abri de la vague démocratique qui gagne l’Afrique de l’Ouest. Question de survie. L’alternative, pour tout le continent, consiste à évoluer avec le reste du monde ou à glisser vers l’oubli. Et à végéter en marge, sombrant parfois dans la barbarie, comme le Liberia. Certains dirigeants, encouragés par les pressions venues de Paris, ont compris qu’une page était en train de se tourner. Ils essaient d’accompagner le mouvement. Mais cette capacité d’adaptation requiert de la lucidité. Moussa Traoré n’a su répondre que par les mitrailleuses à la contestation étudiante. Il est donc tombé. Les militaires qui ont démis le président tiraient sur la foule quelques heures plus tôt. Mais ils semblent, eux, avoir senti dans quel sens soufflait désormais le vent de l’Histoire et se sont empressés de promettre le pluralisme. »

    L’Express (France), 5 avril 1991, p. 16.

  • Mais qui se souvient comment tout cela a commencé avant que le vaste mouvement de protestation politique et sociale des populations maliennes n’aboutisse à la chute du président Moussa Traoré (alors au pouvoir depuis 1968, soit au total vingt-trois années), à l’effondrement de son régime, à l’instauration du multipartisme et de la démocratie. Alors que les regards de l’Afrique, de l’Europe, de l’Amérique et du Reste du Monde sont aujourd’hui focalisés sur ce qui s’est passé à Tunis et au Caire, sur ce qui se passe en Libye, au Yémen, en Syrie…, tout le monde - à commencer par les Maliens - a oublié ce qu’a été ce mouvement historique qui a abouti au renversement de Moussa Traoré le 26 mars 1991, à la mise en place de la transition puis au retour des civils aux affaires politiques à la suite d’une réforme constitutionnelle et d’une élection démocratique.

    1989 avait été l’année de tous les dangers. La France avait célébré le bicentenaire de sa révolution mais c’est dans les pays de l’Europe de l’Est que les événements majeurs vont se dérouler : chute du mur à Berlin ; formation par « Solidarité » de son premier gouvernement à Varsovie ; renversement et exécution de Nicolae Ceausescu à Bucarest… Les soviétiques se retirent d’Afghanistan tandis que le « printemps de Pékin » est écrasé par les chars place Tienanmen ; il est mis fin, au Chili, à la dictature du général Augusto Pinochet ; l’ayatollah Khomeiny meurt à Téhéran… En Afrique, un événement majeur aura lieu le 11 février 1990 avec la libération de Nelson Mandela, emprisonné depuis vingt-sept ans mais c’est l’ensemble du continent noir qui devenait une « terre en transe ». Mobutu Sese Seko, le chef de l’Etat zaïrois, aura été le premier à s’exprimer sur la restructuration politique de l’Europe et ses conséquences pour l’Afrique et le monde : le 14 janvier 1990, il dira « non à la perestroïka africaine ! ». Dans un discours qui fait date, il stigmatisera ceux « qui envisagent l’introduction du multipartisme à l’occidentale […], ceux qui parlent de favoriser l’émergence des tendances au sein de leurs partis ». Quelques mois plus tard, au printemps 1990, le président français François Mitterrand organisera à La Baule un sommet France-Afrique qui deviendra un symbole : « Notre aide ira, enthousiaste, vers ceux qui franchiront le pas en direction de la démocratie ».

    Au Mali, le 29 mai 1990, le syndicat unique, l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM), se prononcera à une très forte majorité pour l’instauration du multipartisme. Le 17 août 1990, plusieurs centaines de Maliens signeront une « Lettre ouverte » au chef de l’Etat pour réclamer, eux aussi, l’instauration de ce multipartisme. Dans cette perspective, quelques mois plus tard, fin octobre 1990, seront créées plusieurs organisations qui feront de l’instauration du multipartisme leur mot d’ordre : Comité national d’initiative démocratique (CNID), Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA), Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM).

    Le 10 décembre 1990, à l’appel du CNID, dix mille personnes défileront dans les rues de Bamako pour exiger le multipartisme. Ce sera la plus importante manifestation jamais organisée dans le pays depuis l’accession au pouvoir de Moussa Traoré, en 1968. Vingt jours plus tard, ils seront quinze mille « marcheurs » dans les rues de la capitale, à l’appel du CNID et de l’ADEMA. Une semaine plus tard, le 6 janvier 1991, une marche de soutien à Traoré, à l’occasion de la signature de l’accord de paix de Tamanrasset (Algérie) avec les rebelles touareg, rassemblera moins de quatre mille personnes. Après cette contre-manifestation, à compter du 8 janvier 1991, une grève générale sera déclenchée à l’instigation de l’UNTM : ce sera la première depuis l’indépendance ; elle sera largement suivie. Le gouvernement répliquera le 18 janvier 1991 en interdisant les activités politiques du CNID, de l’ADEMA et de l’AEEM. 

    Cette décision va provoquer des émeutes à Bamako et dans plusieurs villes du pays les 21-22 janvier 1991 (tandis que l’opération « Tempête du désert » a été déclenchée contre l’Irak le 17 janvier 1991). Elles feront deux morts selon les chiffres officiels et quatre selon une organisation de défense des droits de l’homme. Dès le lendemain, le 23 janvier 1991, une grande marche est organisée à Bamako. Un mois plus tard, une réunion entre les représentants du pouvoir et ceux de l’opposition échoue. Du 25 février au 4 mars 1991, à l’appel de l’AEEM, une grève des élèves et des étudiants est déclenchée. Il y aura un mort par balles. Le 3 mars 1991, une manifestation de plusieurs dizaines de milliers de personnes va réclamer l’instauration du pluralisme politique. Le 17 mars 1991, ils sont plus nombreux encore pour commémorer le onzième anniversaire de la mort d’Abdel Krim Camara, dit « Cabral », un leader étudiant mort en prison en 1980. Le 20 mars 1991, une nouvelle grève de quarante-huit heures est déclenchée par les élèves et les étudiants qui réclament l’instauration d’une commission d’enquête indépendante après la mort de plusieurs des leurs au cours des émeutes.

    Vendredi 22-samedi 23 mars 1991. Pendant deux jours, Bamako est livrée à la population. Face aux émeutes qui prennent de l’ampleur, le gouvernement proclamera l’état d’urgence et instaurera le couvre-feu. Les premières tueries feront plus de trois cents morts. Le dimanche 24 mars 1991, plusieurs dizaines de personnes manifestent tandis que les dirigeants de l’opposition appellent à une grève générale illimitée « jusqu’à la chute de Moussa Traoré ». Dans une déclaration à la radio et à la télévision, le chef de l’Etat refusera de démissionner, tout en annonçant la levée de l’état d’urgence et du couvre-feu. Le bilan des manifestations est lourd : au moins cent cinquante morts par balles (alors que le bilan officiellement reconnu n’est que de vingt-sept morts). Le lundi 25 mars 1991, une mutinerie à la prison centrale fera quinze morts.

    L’armée va prendre ses responsabilités et exécuter le coup d’Etat du 25-26 mars 1991 pour arrêter à temps la révolution sociale.

  • Événements de mars 91 :Sikasso comme tout le Mali

    Une vingtaine de manifestants blessés et trois morts sont enregistrés au cours des affrontements qui se sont déroulés en mars 1991 opposant à Sikasso les élèves et forces de l’ordre. Les morts sont Mariam Bengaly (Médine second cycle), Abdramane Konaté (Mancourani second cycle) et Amadou Ouologuem du lycée de Sikasso.

    La Capitale du Kénédougou tout comme plusieurs villes du Mali a connu quatre jours de situation insurrectionnelle. Certains se rappellent encore de ce mois de mars qui a coïncidé avec le ramadan. Témoignages.

    Amadou Traoré (notable) :

    " Le lundi 25 mars, après un week-end très agité, très tôt le matin, les élèves ont pris d’assaut les établissements scolaires scandant des slogans hostiles à l’UDPM. Les populations, toutes sensibilités confondues (syndicats, associations etc.) se sont mêlées à la marche spontanée qui a atteint toutes les grandes artères de la ville. Il y a eu des accrochages avec les forces de l’ordre. Il y a eu des blessés et des morts. La tension est devenue vive et a gagné certains cercles comme Koutiala et Kadiolo où également il y a eu des victimes. Le lendemain du 26 mars 1991, ce fut la mobilisation totale ponctuée d’actes de vandalisme et de déchaînement des populations.

    Les édifices publics ont été saccagés tous les symboles de l’UDPM détruits. Les manifestants ont pris d’assaut le gouvernorat de Sikasso. Là-bas, le gouverneur les a reçus à bras ouverts. Il a appelé la population au calme, lui qui a su garder son sang froid en toute responsabilité car il a instruit aux forces de sécurité de ne jamais tirer sur les manifestants. Malheureusement, il n’a pas été entendu".

    Hamidou Diallo (ancien de l’Adéma/Association) :

    " Au moment des faits, j’étais membre de l’Adéma/Association. A l’époque, il y avait une effervescence pour la démocratie. Face à la situation, les associations avaient un rôle à jouer. A ma connaissance, le Mouvement démocratique est venu de façon spontanée au regard de l’enchaînement des événements sur le terrain.

    Je pense que le multipartisme est une réalité dans notre pays, la liberté d’expression également, les gens se sont libérés. Mais, là où c’est frustrant, c’est bien l’école, nous avons honte du niveau de nos élèves. Autres déceptions, ce sont la cherté de la vie, la pauvreté grandissante des populations laissées à elles-mêmes.

    Après les événements de mars 1991, on a parlé de "kokadjé", cela n’a pas été fait. C’était un souhait du peuple à l’issue de la Conférence nationale, mais on est loin aujourd’hui du compte. Chacun sait honnêtement ce qui se passe aujourd’hui au Mali alors que la révolution de mars 1991, c’était pour le changement et dans le bonheur du peuple".

    Adramane Traoré (commerçant détaillant) :

    " Tout mon respect pour les autorités du pays. La vérité est très amère, il n’y a pas de révolution sans héros, combien de pays avaient connu le cas similaire à travers le monde ? Les martyrs de la révolution malienne resteront dans notre mémoire à jamais. Cependant, il faut reconnaître que l’effort reste inachevé. On ne veut pas de cette gouvernance sur le dos des victimes de mars 1991. Mais la vérité triomphera".

    Bakary Koné (enseignant) :

    " Notre histoire récente a été grossièrement déformée. Nous refusons cette insulte aux faits. ATT n’a pas été l’acteur principal de l’avènement de la démocratie au Mali. C’est une stupidité. Il ne peut lui-même l’affirmer que parce que tous ceux qui ont défendu ce pays en leurs âmes et consciences ont pris le risque d’être compromis dans la grande magouille, la falsification.

    Nous avons encore en mémoire les déclarations de celui que l’on présente aujourd’hui comme acteur principal à la Bourse du travail. En gros, il disait c’est notre pierre que nous apportons à la construction de l’édifice. Le centre de pouvoir était bien à la Bourse du travail où Me Demba Diallo et les autres avaient installé leur QG".

    Aïssata Famori Diarra (fonctionnaire à la retraite) :

    " Je parle précisément du Malien d’aujourd’hui qui, à bien des égards s’est départi des qualités de ses pères pour ne conserver que les insuffisances de ceux-ci. Les carences de ces derniers peuvent s’expliquer par leur manque d’"éducation et d’exposition" au sens anglo-saxon du terme.

    C’est vrai que la génération précédente a toujours taxé la suivante de tous les maux et c’est aussi vrai que l’on est plus le fils ou la fille de son temps que de son père mais à la lumière de critiques raisonnées et raisonnables, force est de constater que les dernières générations au Mali n’inspirent pas un lendemain meilleur, peut être faut-il envisager un autre 26 mars, c’est-à-dire une révolution bis. Il y a tellement de pistes, de l’éducation à la religion, des faits de société en général jusqu’à l’inconscient collectif, tout mérite d’être morcelé, questionné et remis en contexte".

  • Coutumier du « baga-baga » (intimidation ou terreur), le régime d’alors ne pouvait que durcir le ton face à des manifestants, déterminés à aller jusqu’au don de leur vie pour un Mali nouveau sous la houlette du Mouvement démocratique (Adéma, Cnid, UNTM, AMDH, Barreau, JLD, Adide, AJDP, AEEM, etc.)

    Que de morts entre janvier et mars 1991 ! Mais « la couronne d’enfer » promise par l’ancien président allait descendre le vendredi 22 janvier 1991 quand des dizaines de Maliens sont tombés sous les balles des forces de défense et de sécurité déployées sur le terrain du maintien de l’ordre.

    Souvenons-nous que des manifestants ont été mortellement brûlés au lance-flamme au « Sahel vert ». Souvenons-nous aussi que d’autres ont été fauchés à la fleur de l’âge sur le pont de Badalabougou, devenu depuis le « pont des Martyrs ». Souvenons-nous, qu’aveuglé, l’ancien régime avait même interdit l’inhumation de manifestants.

    Dans les quartiers, les rues, c’était la chasse au Malien qui devait payer son outrecuidance. Mais, les jours du régime étaient déjà comptés, d’autant que l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) allait, en représailles, décréter la grève générale illimitée aux conséquences incalculables.

  • An té korôlè fè fô koura ! « On veut le renouveau ! » C’était le slogan en bamanan du peuple malien descendu dans la rue pour réclamer plus de liberté, de justice et de droits. Mais que sont devenus les principaux acteurs de ce 26 mars 1991, consacré journée des Martyrs !

    La révolution menée de front par des leaders syndicalistes, l’UNEEM, mais aussi le Mouvement des Femmes, constituera un élan historique au Mali, du jamais vu.

  • Ceux qui croient que la révolution est une chimère et un événement passé, ceux qui croient que l’histoire est finie, ceux qui ont trouvé leur place dans ce monde, même en marge, ceux qui sont satisfaits, même d’être insatisfaits, préfèrent ignorer ou oublier des insurrections comme celle du Mali. Sa brièveté et sa jeunesse sont la seule poésie d’aujourd’hui, de l’art hilare, de l’explosion de vie.

    Le 7 janvier 1991, le gouvernement du dictateur Moussa Traoré signe un « accord de paix » avec les nomades rebelles touaregs, qui guérillent au nord du pays. Dans la capitale, Bamako, les manifestations et grèves expliquent ce besoin de répit de l’Etat. Est-ce une manifestation violemment réprimée le 19, l’arrestation d’un leader étudiant, la rumeur de cette arrestation, ou plus probablement le charme des vitrines, la beauté des jeunes filles et des jeunes gens, l’émulation réciproque d’une vivacité d’allure et d’esprit ? L’émeute du 20 janvier dure tout le 21. D’autres pays, d’autres mœurs, disent les imbéciles qui font allusion aux traditions de la soumission. Les émeutiers du monde entier nous permettent aujourd’hui d’affirmer le contraire. Les mœurs sont les mêmes. La jeunesse malienne a simplement montré que, quitte à y aller, autant y aller pour de bon. Pharmacies d’Etat, villas, bâtiments publics, éventrés, vidés puis grillés, comme les entrailles d’un poulet, en témoignent. De 4 à 6 morts, des centaines d’arrestations (dont des dizaines d’enfants de moins de douze ans), la situation est « insurrectionnelle », comme le déclare l’information non sans stupeur.

    Tout s’est arrêté aussi brusquement que ça a commencé. Ceux qui se souviennent vaguement d’une insurrection au Mali, en 1991, penseront ici que c’est fini, comme tous ceux qui s’y sont intéressés alors. Ceux qui se souviennent des dates diront : mais non, l’insurrection de Bamako, ce n’était pas en janvier ! Car ceux qui se souviennent de mars ont oublié le hors-d’œuvre de janvier. Si notre mémoire milite aussi activement contre notre conscience, comment pourrons-nous, un jour, prévoir et préparer le dépassement d’une insurrection comme celle du Mali ? D’autant que l’état des mémoires et des consciences doit être à peine meilleur dans les rues de Bamako.

    Mais tout de même, le plat de résistance qu’a mijoté cette verte jeunesse dépasse en saveur la plupart des entreprises connues. Et la richesse du goût ne réside pas dans le seul piment, qui y est pourtant généreux. C’est le 20 mars que tout reprend. Loin de l’information, à Sikasso et Dioïla, les émeutes du printemps éclatent. Le 22, elles gagnent la capitale. Si elles ont, depuis, effacé dans les mémoires celles de janvier, à ce moment-là elles les ont certainement rallumées, au moins dans la mémoire de Moussa Traoré. Surpris et débordé alors, il décide cette fois la plus brutale fermeté. Aussi fait-il tirer dans cette foule indocile, si mobile. Mais celle-ci, où plus on est jeune plus on semble aguerri, ne se laisse pas intimider, au contraire. Là où presque partout dans le monde tout s’arrête dans le deuil et la soumission retrouvés qu’exaltent les politiciennes pleureuses professionnelles et les oraisons funèbres d’éditorialistes qui se prennent pour des dramaturges, à Bamako, c’est le contraire. Comme en Iran en 1978, le feu de l’armée mue la colère en rage. L’insurrection explose comme si la répression avait bafoué l’honneur des frondeurs, et le corps du mouvement en s’étirant avec volupté mesure sa grandeur. Partout, barricades et pillages occupent la rue. Le luxe de la dévastation le dispute à la dévastation du luxe. Sur cette imprévue riposte, l’Etat décrète le couvre-feu. La grève générale est aussitôt déclenchée. Les 23 et 24, les deux camps sont à fond dans la bataille mais ni l’armée ni la police, d’un côté, ni les enfants ni les adolescents, de l’autre, ne reculent. Délicieuse découverte du monde grand ouvert au milieu des rues tenues depuis trois jours ! Et là, l’un des moments les plus doux est l’imperceptible instant, incompréhensible instant où la peur de mourir change de camp. Le 25, le meeting permanent attaque. Il y a déjà au moins 150 morts, mais les insurgés prennent d’assaut la prison, et libèrent tout le monde. Bien entendu, ils sont dans un monde où une certaine forme d’incarcération est généralisée, et donc où survivent beaucoup de prisonniers qui ont plus peur de la vie que de la prison. Les insurgés de Bamako ont dû être bien surpris que tout le monde ne veuille pas la liberté qu’ils pratiquaient là.

    Le 26 mars, à 1 heure du matin, Moussa Traoré est arrêté. D’autres militaires ont compris que, pour sauver l’Etat et leur peau qui y est collée, il fallait lâcher leur serment de fidélité et trahir le dictateur qu’ils servaient. La journée du 26 a été celle du grand festin. Là, les vainqueurs ont joui. La vengeance a été impunie. Le pillage a été complet. Bombance, passion, dispute, vive la richesse, vive la vie, quelle fameuse journée !

    Pour une fois, l’information occidentale fourmille d’anecdotes joyeuses et comiques (cette photographe occidentale qui se fait taxer par une bande de moins de douze ans, et comme cette radine ne leur donne que l’équivalent de 10 francs français, alors qu’ils veulent l’essence de sa voiture pour brûler, ils lui envoient à la gueule... un pot de moutarde). Bouche bée, elle encaisse un événement dont les acteurs pensent plus vite qu’elle. Elle n’a pas eu le temps d’installer ses démocrates. Ceux qui feraient l’affaire sont d’ailleurs restés cachés. La lourdeur de son discours la laisse toujours à la veille de ce qui se passe. Et comme ce qui se passe est agogique, exponentiel, fulgurant, elle fait comme tous ceux qui commencent à craindre pour leur peau : elle tâche de suivre. Comprendre et récupérer seront pour plus tard, où il s’avérera d’ailleurs qu’il vaut mieux et qu’il aurait mieux valu occulter.

    Les nouveaux militaires promettent tout : impunité aux émeutiers, châtiments de leurs ennemis non lynchés, prospérité et démocratie. Les propriétaires ont été dépouillés, et leur vie n’est encore que le tremblement devant la mort. Il y a même un « expert financier » qui « lâche en privé » (au ’Monde’, 31 mars) : « Finalement, les pillards ont bien fait. Au moins, les gens auront de quoi se nourrir pendant les prochains mois. Vu le chaos économique qui s’annonce, ce n’est pas plus mal ! » L’ampleur de la razzia a donc été telle que les économistes mêmes préfèrent applaudir ce qui est leur arrêt de mort. La peur a été loin, car tout est allé si vite, si fort : « En Conseil des ministres, Roland Dumas [ministre français des Affres étranges] a estimé à près de 2 000 (bien deux mille !) le nombre des victimes dans tout le pays. » Voilà apparemment un ministre impressionné. Le 19 avril, le bilan officiel s’établit à 112 morts et 822 blessés.

    Mais comme les enfants du Mali sont des seigneurs, ils n’ont pas oublié le dessert. Les 27 et 28 avril, une nouvelle émeute rappelle l’ambiance des fameuses journées de mars. C’est une grève de la police. Les écoliers font la circulation. Ils sont donc des casseurs de grève pour les policiers. Les policiers vont casser leurs écoles en représailles. Mais en représailles des représailles, les écoliers détruisent tous les commissariats de Bamako, en quarante-huit heures. Depuis dix ans, les grèves de flics, matons, juges, entre autres professions de défenseurs de ce monde, ont révélé ce que la grève pouvait avoir aussi de conservateur. Lorsque les enfants de Bamako règlent la circulation, ils ridiculisent la grève policière et signifient qu’une police est inutile. Régler la circulation est en effet la seule tâche de police qui peut s’effectuer sans police, c’est-à-dire sans coercition. Les enfants de Bamako ont prouvé que ceux qui circulent peuvent y pourvoir eux-mêmes, c’est un jeu d’enfant. Par ailleurs, nous sommes contre les casseurs de grève, excepté dans le cas de la profession des casseurs de grève, où nous n’avons de sympathie que pour les casseurs de la profession. La suite de cette émeute a été la savoureuse anticipation d’une situation fertile : plus d’écoles, plus de commissariats.

    Tant de fraîcheur et de négativité mérite bien d’être occulté. Tant de vigueur et d’intelligence mérite bien d’être combattu. Mais contrer frontalement ce mouvement paraît impossible. Il faut donc le laminer. Les nouveaux gouvernants maliens, leurs alliés dans le monde et l’information occidentale n’ont d’abord pu qu’enrayer la vengeance. Puis, dès fin mai, ils ont recouru à l’expédient de la diversion que Moussa Traoré avait lâché à l’aube de sa chute : la guerre contre les Touaregs, qui s’embrigadent en guérillas, est la forme primaire et première de répression indirecte des insurgés de mars.

    Quant à ces insurgés, ils digèrent en dormant. Leur réveil menace d’être gargantuesque, et tous leurs ennemis directs le savent. L’occultation et l’oubli sont ainsi la loi que les cadres de la récupération et de la répression s’efforcent d’inoculer, et pour que la Belle au bois dormant ne se réveille surtout pas, à eux-mêmes d’abord. Ne résistons donc pas, en conclusion, au faible jeu de mots qui forme la devise de ces ennemis : honni soit qui Mali pense.

  • La production d’or ne semble pas trop perturbée par les graves soubresauts politiques.
    Pour l’instant l’extraction de l’or se poursuit au Mali, qui est le troisième producteur de ce métal précieux au monde. Les gisements en activité, qu’il s’agisse de Loulo, Sadiola, Yatela ou Morila, sont situés soit dans la région de Kayes, complètement au sud-ouest du pays, soit au sud-est de Bamako, dans la région de Sikasso. C’est-à-dire très loin des régions nord et des crises de Bamako. Les compagnies minières s’en félicitent et l’argent rentre dans leurs caisses plus quelques miettes pour les bandits au pouvoir et rien pour le peuple bien entendu...

  • Ceux qui croient que la révolution est une chimère et un événement passé, ceux qui croient que l’histoire est finie, ceux qui ont trouvé leur place dans ce monde, même en marge, ceux qui sont satisfaits, même d’être insatisfaits, préfèrent ignorer ou oublier des insurrections comme celle du Mali. Sa brièveté et sa jeunesse sont la seule poésie d’aujourd’hui, de l’art hilare, de l’explosion de vie.

    Le 7 janvier 1991, le gouvernement du dictateur Moussa Traoré signe un « accord de paix » avec les nomades rebelles touaregs, qui guérillent au nord du pays. Dans la capitale, Bamako, les manifestations et grèves expliquent ce besoin de répit de l’Etat. Est-ce une manifestation violemment réprimée le 19, l’arrestation d’un leader étudiant, la rumeur de cette arrestation, ou plus probablement le charme des vitrines, la beauté des jeunes filles et des jeunes gens, l’émulation réciproque d’une vivacité d’allure et d’esprit ? L’émeute du 20 janvier dure tout le 21. D’autres pays, d’autres mœurs, disent les imbéciles qui font allusion aux traditions de la soumission. Les émeutiers du monde entier nous permettent aujourd’hui d’affirmer le contraire. Les mœurs sont les mêmes. La jeunesse malienne a simplement montré que, quitte à y aller, autant y aller pour de bon. Pharmacies d’Etat, villas, bâtiments publics, éventrés, vidés puis grillés, comme les entrailles d’un poulet, en témoignent. De 4 à 6 morts, des centaines d’arrestations (dont des dizaines d’enfants de moins de douze ans), la situation est « insurrectionnelle », comme le déclare l’information non sans stupeur.

    Tout s’est arrêté aussi brusquement que ça a commencé. Ceux qui se souviennent vaguement d’une insurrection au Mali, en 1991, penseront ici que c’est fini, comme tous ceux qui s’y sont intéressés alors. Ceux qui se souviennent des dates diront : mais non, l’insurrection de Bamako, ce n’était pas en janvier ! Car ceux qui se souviennent de mars ont oublié le hors-d’œuvre de janvier. Si notre mémoire milite aussi activement contre notre conscience, comment pourrons-nous, un jour, prévoir et préparer le dépassement d’une insurrection comme celle du Mali ? D’autant que l’état des mémoires et des consciences doit être à peine meilleur dans les rues de Bamako.

    Mais tout de même, le plat de résistance qu’a mijoté cette verte jeunesse dépasse en saveur la plupart des entreprises connues. Et la richesse du goût ne réside pas dans le seul piment, qui y est pourtant généreux. C’est le 20 mars que tout reprend. Loin de l’information, à Sikasso et Dioïla, les émeutes du printemps éclatent. Le 22, elles gagnent la capitale. Si elles ont, depuis, effacé dans les mémoires celles de janvier, à ce moment-là elles les ont certainement rallumées, au moins dans la mémoire de Moussa Traoré. Surpris et débordé alors, il décide cette fois la plus brutale fermeté. Aussi fait-il tirer dans cette foule indocile, si mobile. Mais celle-ci, où plus on est jeune plus on semble aguerri, ne se laisse pas intimider, au contraire. Là où presque partout dans le monde tout s’arrête dans le deuil et la soumission retrouvés qu’exaltent les politiciennes pleureuses professionnelles et les oraisons funèbres d’éditorialistes qui se prennent pour des dramaturges, à Bamako, c’est le contraire. Comme en Iran en 1978, le feu de l’armée mue la colère en rage. L’insurrection explose comme si la répression avait bafoué l’honneur des frondeurs, et le corps du mouvement en s’étirant avec volupté mesure sa grandeur. Partout, barricades et pillages occupent la rue. Le luxe de la dévastation le dispute à la dévastation du luxe. Sur cette imprévue riposte, l’Etat décrète le couvre-feu. La grève générale est aussitôt déclenchée. Les 23 et 24, les deux camps sont à fond dans la bataille mais ni l’armée ni la police, d’un côté, ni les enfants ni les adolescents, de l’autre, ne reculent. Délicieuse découverte du monde grand ouvert au milieu des rues tenues depuis trois jours ! Et là, l’un des moments les plus doux est l’imperceptible instant, incompréhensible instant où la peur de mourir change de camp. Le 25, le meeting permanent attaque. Il y a déjà au moins 150 morts, mais les insurgés prennent d’assaut la prison, et libèrent tout le monde. Bien entendu, ils sont dans un monde où une certaine forme d’incarcération est généralisée, et donc où survivent beaucoup de prisonniers qui ont plus peur de la vie que de la prison. Les insurgés de Bamako ont dû être bien surpris que tout le monde ne veuille pas la liberté qu’ils pratiquaient là.

    Le 26 mars, à 1 heure du matin, Moussa Traoré est arrêté. D’autres militaires ont compris que, pour sauver l’Etat et leur peau qui y est collée, il fallait lâcher leur serment de fidélité et trahir le dictateur qu’ils servaient. La journée du 26 a été celle du grand festin. Là, les vainqueurs ont joui. La vengeance a été impunie. Le pillage a été complet. Bombance, passion, dispute, vive la richesse, vive la vie, quelle fameuse journée !

    Pour une fois, l’information occidentale fourmille d’anecdotes joyeuses et comiques (cette photographe occidentale qui se fait taxer par une bande de moins de douze ans, et comme cette radine ne leur donne que l’équivalent de 10 francs français, alors qu’ils veulent l’essence de sa voiture pour brûler, ils lui envoient à la gueule... un pot de moutarde). Bouche bée, elle encaisse un événement dont les acteurs pensent plus vite qu’elle. Elle n’a pas eu le temps d’installer ses démocrates. Ceux qui feraient l’affaire sont d’ailleurs restés cachés. La lourdeur de son discours la laisse toujours à la veille de ce qui se passe. Et comme ce qui se passe est agogique, exponentiel, fulgurant, elle fait comme tous ceux qui commencent à craindre pour leur peau : elle tâche de suivre. Comprendre et récupérer seront pour plus tard, où il s’avérera d’ailleurs qu’il vaut mieux et qu’il aurait mieux valu occulter.

    Les nouveaux militaires promettent tout : impunité aux émeutiers, châtiments de leurs ennemis non lynchés, prospérité et démocratie. Les propriétaires ont été dépouillés, et leur vie n’est encore que le tremblement devant la mort. Il y a même un « expert financier » qui « lâche en privé » (au ’Monde’, 31 mars) : « Finalement, les pillards ont bien fait. Au moins, les gens auront de quoi se nourrir pendant les prochains mois. Vu le chaos économique qui s’annonce, ce n’est pas plus mal ! » L’ampleur de la razzia a donc été telle que les économistes mêmes préfèrent applaudir ce qui est leur arrêt de mort. La peur a été loin, car tout est allé si vite, si fort : « En Conseil des ministres, Roland Dumas [ministre français des Affres étranges] a estimé à près de 2 000 (bien deux mille !) le nombre des victimes dans tout le pays. » Voilà apparemment un ministre impressionné. Le 19 avril, le bilan officiel s’établit à 112 morts et 822 blessés.

    Mais comme les enfants du Mali sont des seigneurs, ils n’ont pas oublié le dessert. Les 27 et 28 avril, une nouvelle émeute rappelle l’ambiance des fameuses journées de mars. C’est une grève de la police. Les écoliers font la circulation. Ils sont donc des casseurs de grève pour les policiers. Les policiers vont casser leurs écoles en représailles. Mais en représailles des représailles, les écoliers détruisent tous les commissariats de Bamako, en quarante-huit heures. Depuis dix ans, les grèves de flics, matons, juges, entre autres professions de défenseurs de ce monde, ont révélé ce que la grève pouvait avoir aussi de conservateur. Lorsque les enfants de Bamako règlent la circulation, ils ridiculisent la grève policière et signifient qu’une police est inutile. Régler la circulation est en effet la seule tâche de police qui peut s’effectuer sans police, c’est-à-dire sans coercition. Les enfants de Bamako ont prouvé que ceux qui circulent peuvent y pourvoir eux-mêmes, c’est un jeu d’enfant. Par ailleurs, nous sommes contre les casseurs de grève, excepté dans le cas de la profession des casseurs de grève, où nous n’avons de sympathie que pour les casseurs de la profession. La suite de cette émeute a été la savoureuse anticipation d’une situation fertile : plus d’écoles, plus de commissariats.

    Tant de fraîcheur et de négativité mérite bien d’être occulté. Tant de vigueur et d’intelligence mérite bien d’être combattu. Mais contrer frontalement ce mouvement paraît impossible. Il faut donc le laminer. Les nouveaux gouvernants maliens, leurs alliés dans le monde et l’information occidentale n’ont d’abord pu qu’enrayer la vengeance. Puis, dès fin mai, ils ont recouru à l’expédient de la diversion que Moussa Traoré avait lâché à l’aube de sa chute : la guerre contre les Touaregs, qui s’embrigadent en guérillas, est la forme primaire et première de répression indirecte des insurgés de mars.

    Quant à ces insurgés, ils digèrent en dormant. Leur réveil menace d’être gargantuesque, et tous leurs ennemis directs le savent. L’occultation et l’oubli sont ainsi la loi que les cadres de la récupération et de la répression s’efforcent d’inoculer, et pour que la Belle au bois dormant ne se réveille surtout pas, à eux-mêmes d’abord. Ne résistons donc pas, en conclusion, au faible jeu de mots qui forme la devise de ces ennemis : honni soit qui Mali pense.

  • Bamako, la capitale malienne, est devenu un véritable enfer depuis le 18 mars. Retranché à l’intérieur de son palais, Moussa Traoré, encore chef de l’Etat, est indifférent à tout ce qui se passe à l’extérieur. Mathieu Tiona Koné, son conseiller en communication, en déplacement à Sikasso, est inquiet de la montée subite du mécontentement qui prévaut dans cette ville.

    Les manifestations de ce jeudi 21 mars ont en effet laissé sur le macadam un mort et plusieurs blessés. Un mort de trop. Le conseiller écourte ses vacances, fonce sur Bamako et alerte le président. Moussa Traoré ricane au téléphone et se moque de lui. « Nous maîtrisons la situation. Pas de panique !« En fait, il ne maîtrise rien du tout. Le chef de l’Etat est le seul à ne pas se rendre compte de la dégradation de la situation. Car, partout dans le pays, les Maliens s’organisent.

    A Bamako, les étudiants, par messages codés – des communiqués nécrologiques bidons diffusés à la radio -, se donnent rendez-vous pour le 22 mars au matin. Très tôt, ce vendredi, à 5 heures, les étudiants et élèves dressent des barricades aux principaux carrefours. C’est alors qu’arrive l’armée. Cafouillage. Des coups de feu éclatent. On dénombre déjà des morts. Tiona, de chez lui, téléphone à nouveau au président, qui le prend à la légère : « Tu t’affoles pour rien !« Le conseiller se garde bien alors de lui dire que, dans le quartier où il se trouve, des maisons brûlent alentour.

    Quelque temps après, à la présidence, des conseillers du général Moussa Traoré s’emploient désespérément à le convaincre de faire une déclaration présentant ses condoléances aux familles des victimes, annonçant l’instauration immédiate du multipartisme et la promesse d’une décrispation. Même son directeur de cabinet, malade, a tenu à être ce jour-là au palais pour conseiller le président.

    Mais voilà : Moussa s’obstine. Il ne veut pas parler, encouragé dans cet entêtement par son fils Idi Traoré, arrivé deux jours auparavant des Etats-Unis, et par le général Sékou Ly, ministre de l’Intérieur, son ami intime. C’est trop. La population attend en effet depuis midi le fameux discours promis sur les ondes de la radio nationale. Finalement, Moussa Traoré ne se décide à parler qu’à 18 heures.
    Morts et blessés affluent à l’hôpital

    Mais il ne veut pas prononcer des mots comme « multipartisme », « pluralisme politique… », qui figurent pourtant dans le texte rédigé par ses conseillers. Il préfère donc éviter tous les mots « gênants » pour parler d’« innovation politique » ! Têtus, le chef de l’Etat et ses proches rédigent un discours d’une sécheresse incroyable, assorti d’une phrase laconique en guise de condoléances. Aucune promesse d’ouverture, à l’exception, dit le général, des « innovations » promises pour le prochain congrès de l’UDPM (Union démocratique du peuple malien), alors prévu pour le 28 mars. Puis il durcit le ton en annonçant un renforcement de la sécurité
    Le discours, loin d’apaiser les populations, a fait monter la tension.

    D’autant plus que des dizaines de morts jonchent les couloirs du service des urgences de l’hôpital Gabriel-Touré. Des soldats y ont même poursuivi des manifestants et achevé des blessés sur leur lit d’hôpital. Le lendemain, samedi 23 mars, la tuerie continue. Morts et blessés affluent à l’hôpital.

    Les médecins ne savent plus où donner de la tête. Les deux salles d’opération ne suffisent plus. Les chirurgiens opèrent dans les couloirs, à même le sol, et à vif. Car l’hôpital manque de tout. Des jeunes pilleront les pharmacies pour prendre les médicaments. Opérant sans interruption, les médecins ont dû donner leur propre sang aux blessés.

    Dans la journée de ce samedi, Moussa Traoré, imperturbable, reçoit les chefs religieux, chrétiens et musulmans. La population de Bamako n’espère rien de la médiation de l’imam de la Grande mosquée, Balla Kallé, que l’on dit très proche de Moussa. Ce vénérable homme de Dieu ne disait-il pas en 1985 que celui qui n’aime pas le président n’est pas aimé de Dieu ?

    Les évêques, en revanche, ne cachent pas au général Traoré la gravité de la situation. L’archevêque de Bamako, Mgr Luc Sangaré, et l’évêque de Sikasso, Mgr Cissé, lui conseillent de taire son orgueil pour mieux écouter son peuple, mais le président ne comprend pas.
    Le dimanche 24, les femmes de Bamako, que les tueries sauvages ont rendu folles de douleur, décident de faire une marche. Itinéraire prévu : de la Bourse du travail à l’hôpital Gabriel-Touré, puis un passage devant l’Assemblée nationale et la maison d’arrêt de la capitale malienne, avant de revenir au point de départ. Plus de cent mille personnes sont présentes.

    A l’hôpital Gabriel-Touré, la vue des morts et des blessés contribue à exacerber la colère des femmes. Elles décident alors de changer d’itinéraire. Elles veulent marcher sur Koulouba, la colline sur laquelle est juché le palais présidentiel. L’armée ouvre le feu et lance des grenades lacrymogènes et d’autres à fragmentation.

    Au même moment, Me Demba Diallo, président de l’Association malienne des droits de l’Homme (AMDH), harangue, à la Bourse du travail, une foule compacte pour lui demander de mandater le Comité de coordination des organisations démocratiques afin qu’il remette une déclaration au président. Les dirigeants du comité ont en effet rendez-vous avec le chef de l’Etat, qui les reçoit vers 11 h 30 au palais. Sont également présents à la rencontre les représentants des organisations de jeunesse.

    Pour Me Diallo, cette visite est la première du genre. Il n’avait jamais mis les pieds au palais, écœuré, dit-il, par le luxe insultant des lieux, dont la rénovation en 1989 aurait coûté plus d’un milliard de F CFA à l’Etat malien. Moussa ergote pendant quarante minutes sur la genèse du conflit. Bakary Karambé, le secrétaire général de l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM), lui fait savoir que cela ne les intéresse pas : « Nous sommes venus vous remettre le texte de notre première déclaration. Nous exigeons votre démission, celle du gouvernement et la dissolution du Parlement ». Moussa s’énerve : « Je ne démissionnerai pas, j’ai été élu par le peuple. Je ne démissionnerai pas ! » Calmement, ses interlocuteurs lui font savoir qu’ils ne sont pas venus pour discuter. Sur ce, le président lève la séance. « Je crois que nous n’avons plus rien à nous dire. Mais le dialogue reste ouvert ». L’entretien a duré en tout et pour tout quinze minutes.

    Au palais, c’est la consternation. Quelque conseillers du président et le ministre-secrétaire général de la présidence, Django Sissoko, tentent de rattraper les membres de la coordination : « Revenez, ne partez pas ! Ne faites pas comme lui ! Le Mali ne se limite pas à un seul homme ! » Karambé réplique : « Vous avez vu vous-mêmes combien il est têtu, votre président… Il ne veut rien comprendre. Nous allons rendre compte à la population ». Et c’est ce qu’ils vont faire.

    Grand rassemblement, donc, à la Bourse du travail. L’ambiance est surchauffée. Dans les heures qui suivent, Idrissa Traoré, le bâtonnier de l’Ordre des avocats, le général Filifing Sissoko, chef de cabinet de Moussa Traoré, et Sambou Soumaré, ministre de la Justice, mettent sur pied, avec l’accord du chef de l’Etat, un comité ad hoc pour dialoguer avec les « opposants ». Ces derniers n’entendent rien céder sur le fond, c’est-à-dire sur la démission du président. Les protagonistes trouvent néanmoins un consensus et rédigent même un communiqué commun, diffusé aussitôt à la télévision, qui annonce la levée de l’état d’urgence et la libération des détenus politiques.

    Mais le soulagement sera de courte durée. Car, quelques heures plus tard, Moussa Traoré gâche tout en déclarant sur les ondes d’une radio étrangère que les manifestations ont fait vingt-sept morts en tout et pour tout et que ce sont les manifestant qui ont contraint les forces de l’ordre à faire usage de leurs armes. Le dialogue est irrémédiablement rompu. C’est du moins ce qu’on croit. Mais, vers 16 heures, ce 24 mars, le général-président est pris d’une subite envie de parler. Il fait convoquer la télévision et s’adresse au pays dans un discours de quarante-cinq minutes en bambara. Un discours violent. Si violent que certains de ses conseillers donnent discrètement ordre aux journalistes de ne pas le diffuser.
    « Je m’en remets à Dieu »

    Le lundi 25, dans la matinée, Ngolo Traoré, le ministre des Affaires étrangères, supplie Me Demba Diallo de faire quelque chose pour sauver la situation. « Tu veux qu’on sauve le régime, pas le Mali ! » lui répond, sans détour, l’avocat. « Aurais-tu le courage de dire à Moussa qu’il est impopulaire et qu’il doit démissionner ? » Honteux, le ministre avoue : « Non, tout seul, je ne le pourrais pas ! » « Et tes camarades ? « demande encore Demba Diallo. « Ils ne voudront pas ! » dit tristement Ngolo.

    Ce lundi matin, un grand meeting a lieu à la Bourse du travail, tandis qu’au palais Moussa Traoré tonne. Il ordonne à ses hommes d’empêcher la tenue de ce rassemblement. Ses militaires se mettent au garde-à-vous mais ne s’exécutent pas. Dans l’après-midi, l’archevêque Luc Sangaré et Mgr Cissé rencontrent à nouveau le président. Lequel persiste dans son obstination. « Je ne démissionnerai pas. C’est le peuple qui m’a élu et c’est lui qui gouverne. Donc, s’il y a un dictateur, c’est bien lui ! » L’archevêque abasourdi, quitte, seul, le bureau présidentiel. Puis, jouant le tout pour le tout, il revient sur ses pas, et s’adresse à Moussa : « Si tu veux te sacrifier, fais-le à la manière du Christ. Sacrifie-toi tout seul, mais épargne ton peuple ». Et il claque la porte.

    Moussa, lui, accorde un entretien à une télévision française. Il est satisfait. Le soir, l’archevêque le relance à nouveau. Sans succès. De jeunes officiers se consultent discrètement pour « faire quelque chose », mais cela, Moussa ne le sait pas. Il dîne paisiblement avec sa famille et ses proches, dont le général Sékou Ly.

    Vers 23 heures, un groupe d’officiers dirigé par le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré, et comprenant le lieutenant-colonel Oumar Diallo, aide de camp du président, font irruption au palais. Et s’adressent calmement à Moussa : « Pour votre sécurité, nous devons vous arrêter ». Le président n’oppose aucune résistance. « Je m’en remets à Dieu », dit-il simplement.

    Ainsi s’achèvent vingt-trois ans de règne. Ainsi finissent les mégalomanes qui, dans leur aveuglement, se vantent jusqu’à la dernière minute d’être les élus de leurs peuples.

    Photographies de la révolution

  • le Mercredi 20 Mars 1991, à l’instar de Bamako, d’autres villes du Mali subissent l’enfer promis par le Général tyran Moussa Traoré. Après Koulikoro, Kita, Sikasso et Ségou, c’est la petite ville de Dioila qui ramassait ses morts. Quatre blessés graves sont évacués sur l’hôpital Gabriel Touré de Bamako. C’était quatre élèves : Moussa Mariko (14 ans, 4e année école Soloura de Dioila) Alamako CAMARA (20 ans, lycée de Dioila) ; Issa Diarra (13 ans 4è année) et Tidiani Sissoko (13 ans 4e année). Alamako Camara a perdu à jamais l’usage de son œil gauche ; Moussa Mariko a dû subir une opération chirurgicale de l’abdomen afin d’en extraire les plombs qui y étaient logés ; Issa Diarra et Tidiani Sissoko, avaient quant à eux, reçu des plombs sur tout le corps. Pendant ce temps, à Sikasso le jeune Dramane Konaté, élève en 9e année, était tué et plusieurs autres grièvement blessés.

    A Bamako, c’est surtout le 23 Mars 1991 que devait avoir lieu le grand carnage. Il était ce jour-là 11 h 50 mn, lorsque des manifestants brisèrent les vitres de la boutique ADC – Mali, sise à l’immeuble Sahel Vert. La marée humaine s’y engouffra. Quelques minutes après, un camion militaire chargé d’hommes en uniforme, armés de fusils de guerre et de grenades offensives et du blindé n° 3508, arrivèrent sur les lieux. Les engins se vidèrent de leurs occupants en uniforme qui lancèrent les grenades dans la boutique pleine (de monde) comme un œuf, avant de « canarder » les occupants. Les flammes hautes, de plus de 2 mètres, atteignirent facilement le premier otage. Impuissants, les autres manifestants n’ayant pu trouver refuge dans la boutique infernale, assistèrent à la cuisson de leurs compagnons.

    A 12h 22 mn, il n’ y avait plus aucun espoir de sauver une seule personne.

    Tous les manifestants qui étaient à l’intérieur de l’immeuble Sahel Vert ont été calcinés. Et, des fenêtres noircies par les flammes, l’on pouvait observer les ossements humains : crânes, fémurs, etc.

    Une équipe de secours de l’hôpital Gabriel Touré et les sapeurs pompiers, arrivèrent une heure plus tard… Mais, c’était seulement pour constater l’horreur.

    Au même moment, la folie meurtrière de GMT frappait partout, dans tous les quartiers de Bamako.

    La morgue de l’hôpital Gabriel Touré était devenue trop petite pour accueillir les morts.

    Les couloirs de l’hôpital devaient alors servir de lieu de réception des cadavres.

    Le Général Moussa Traoré, venait de tenir sa promesse macabre : faire descendre « une couronne d’enfer » sur la tête de ses concitoyens.

    Cette journée a été singulière en termes de bilan funèbre, mais elle n’avait rien d’unique. Elle avait été, elle devait être saisie comme l’illustration et le condensé répugnants et révoltants des souffrances multiformes imposées à notre peuple par Moussa Traoré et le système qu’il a initié et représenté 23 années durant. Une illustration du calvaire des innombrables Maliens, même anonymes, victimes fauchées par les assassins en Janvier et en Mars 1991.

  • Le Monde du 26 mars 1991 écrit :

    Le président Traoré refuse de démissionner (Des dizaines de morts au Mali après trois jours d’émeutes

    « Pour la troisième journée consécutive, l’armée malienne a ouvert le feu, dimanche 24 mars, à Bamako, contre de jeunes manifestants. Selon les milieux d’opposition et des sources diplomatiques, 100 à 150 personnes auraient été tuées depuis vendredi. Le président Moussa Traoré, pour sa part, parle de 27 morts. Alors qu’émeutiers et opposants réclament son départ, le chef de l’Etat a affirmé que ni lui ni son gouvernement ne démissionneraient. Cependant, la radio officielle a annoncé la prochaine levée de l’état d’urgence et du couvre-feu imposés dans les principales villes du Mali. »

    Mali - La répression a fait de nombreuses victimes De nombreux enfants parmi les victimes des affrontements

    « Pourtant, le Mali a été l’un des premiers pays à ratifier la Convention internationale des droits de l’enfant. Le président Moussa Traoré partagea, avec le premier ministre canadien, la présidence du sommet des enfants aux Nations unies, à New-York, en septembre dernier. Que sont devenues les déclarations ronflantes du président malien en faveur de l’enfance ? " Que veulent les enfants ? D’abord l’amour ainsi que la paix et la sécurité sans lesquels rien ne peut se faire. Ensuite la préservation de leurs droits, et, enfin, la justice, l’équité et un environnement sain dans lequel ils peuvent s’épanouir ", affirmait-il encore récemment.

    Il y a décidément bien loin de la parole aux actes. On ne peut s’empêcher de rappeler la mise en garde du président tchécoslovaque Vaclav Havel, lors du sommet de l’enfance : " La Convention internationale des droits de l’enfant devrait interdire aux parents et aux adultes en général de mentir et interdire aux meurtriers et dictateurs de caresser la tête des enfants ". »

  • L’Afrique c’est le développement... du sous-développement !!!

    La Banque mondiale et le FMI viennent de baisser leurs prévisions de croissance économique en 2015 pour l’Afrique subsaharienne à 4 % et 4,5 % respectivement. En cause : la chute du cours des matières premières.

  • Le régime malien dit souhaiter traduire en justice l’ancien dictateur militaire ATT. Il ne le fait pas parce qu’il dirigeait une dictature militaire, ni parce que la population subissait misère, exploitation et corruption. Non, il le fait en l’accusant démagogiquement d’avoir livré le pays aux touaregs islamistes !!! Il prétend que c’est un acte de trahison de l’intérêt national ! S’il faut juger les gouvernants qui n’ont pas été capables d’écraser ni de canaliser la rébellion touareg, islamiste ou pas, il faut arrêter tous ceux qui ont gouverné le Mali depuis Sékou Touré, à commencer par Moussa Traoré et en arrivant aux dirigeants actuels, capables seulement de juger les autres mais pas de régler le même problème. Et pour cause ! C’est consciemment que l’impérialisme français savait qu’en créant le Mali, on fabriquait une bombe intérieure qui ne parviendrait jamais à se désamorcer… Et d’abord en ayant retiré à un pays très grand en surface la seule unité qui pouvait réellement fonctionner : celle avec sa partie sénégalaise et pas celle avec le nord Mali.

  • Le sort du peuple malien aurait pu changer alors car la force revenait au petit peuple, à la rue, aux jeunes, aux femmes et aux travailleurs et ce sont les militaires qui ont tiré les marrons du feu et sauvé la dictature...

    Le 26 mars 1991 le dictateur malien Moussa Traoré est chassé du pouvoir après avoir dirigé ce pays durant plus de 22 ans sous la terreur de l’armée et de son parti unique. Il est arrivé au pouvoir par un coup d’État, le 19 novembre 1968, contre le président Modibo Keïta.

    Comme son prédécesseur, Moussa Traoré ne tolère aucune contestation. Il n’hésite pas à assassiner ses opposants ou à les enfermer dans la tristement célèbre prison de Kidal. De nombreux opposants sont contraints à l’exil pour échapper à la mort.

    Au cours de l’année 1980, un vent de contestation estudiantine secoue son régime. Il la réprime violemment en assassinant le leader étudiant, Abdoul Karim Camara (dit « Cabral »), le 17 mars 1980. Mais loin de calmer la contestation estudiantine, cette répression ne fera que la renforcer. C’est ainsi que l’Union nationale des élèves et étudiants du Mali (UNEEM) devient le fer de lance de l’opposition au régime.

    Le bâillonnement de l’opposition, le racket de la population par les forces de l’ordre ainsi que la corruption qui règne dans toutes les administrations finissent par générer des mécontentements de plus en plus grands dans toutes les couches de la population malienne.

    En 1990, un vent de contestation contre le parti unique secoue de nouveau le régime. Bien qu’interdits, des partis politiques opposés au régime se font jour en organisant des meetings et des rassemblements populaires défiant le pouvoir. Les populations soutiennent les associations et ces partis politiques. Même l’UNTM (Union Nationale des Travailleurs du Mali) qui était jusque-là inféodée au régime se détache de lui en déclarant, fin mai 1990, que désormais elle « opte pour l’instauration du multipartisme et du pluralisme démocratique ».

    Le régime de Moussa Traoré est aux abois. Tandis que le mécontentement populaire grandit et occupe les rues de la capitale et des autres grandes villes, le dictateur reste de plus en plus cloîtré dans son luxueux palais présidentiel de la colline de Koulouba

    Le 17 mars 1991, plusieurs partis et associations politiques défilent dans la capitale pour commémorer l’assassinat du leader étudiant, Abdoul Karim Camara. Quelques jours plus tard, le 22 mars, les organisations contestataires mettent sur pied un Comité de coordination des associations et des organisations démocratiques. Les étudiants et élèves dressent des barricades aux principaux carrefours de la capitale. L’armée réprime et fait plusieurs dizaines de morts. Les corps de dizaines de manifestants touchés jonchent les couloirs du service des urgences de l’hôpital Gabriel-Touré. Le gouvernement envoie des soldats jusqu’à l’intérieur de l’hôpital pour achever les manifestants blessés. Le lendemain, 23 mars, la tuerie continue.

    Moussa Traoré reçoit les dignitaires religieux pour tenter de calmer la population, en vain. Le lendemain, 24 Mars, des femmes de Bamako lancent un appel pour faire une marche de protestation contre les tueries du régime. Plus de cent mille personnes participent à cette manifestation et décident de marcher sur Koulouba. L’armée ouvre le feu et fait de nombreuses autres victimes mais la mobilisation populaire ne faiblit pas, le régime de Moussa Traoré agonise.

    Le 26 mars 1991, le dictateur est renversé par un coup d’État militaire. Un groupe d’officiers met en place un « Comité de transition pour le salut du peuple » dirigé par le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré (ATT). Moussa Traoré est arrêté et condamné à mort en 1993. Il est gracié en 2002 par Alpha Oumar Konaré et depuis cette date il est libre et mène sa vie au Mali.

    Depuis sa chute le multipartisme a été établi au Mali et l’opposition peut s’exprimer plus ou moins librement. Mais le sort des travailleurs et de la population pauvre n’a pas changé pour autant. La corruption et le racket des forces de l’ordre sur la population qui avaient un temps reculé ont refait surface dès que la mobilisation populaire a disparu. Le palais de Koulouba a changé de locataire plusieurs fois mais les caisses de l’État continuent d’être dilapidées par les nouveaux arrivants. Le sort des travailleurs, des petites gens des villes et des campagnes ne changera véritablement que lorsque les exploités prendront eux-mêmes le pouvoir et l’exerceront pour mettre fin à l’exploitation et à l’oppression.

  • Au cours de la décennie 1980, le Mali, était amené à appliquer le PAS (programme d’ajustement structurel) qui a entraîné l’accroissement des clivages sociaux en favorisant l’émergence d’une grande frange d’exclus du système économique. Pauvres esprits, que ceux-là qui feignent d’oublier (et tentent de faire oublier) que, c’est sous et par Moussa Traoré, que notre pays s’est trouvé sous ajustement structurel !

    La paupérisation des couches sociales connut ainsi un véritable coup d’accélérateur : compressions, réduction de l’enveloppe des bourses universitaires, chute du pouvoir d’achat et surtout une accumulation des salaires des travailleurs qui n’étaient payés qu’une ou deux fois par trimestre.

    Pendant ce temps, le pouvoir n’a cessé de se fasciser.

    C’est le début des provocations, intimidations, et interdictions des manifestations programmées par les associations CNID-ADEMA.

    On gaze et on matraque les responsables des associations démocratiques dont le seul crime aura été de vouloir incarner les aspirations du peuple, au changement par voie démocratique. Ensuite, l’on s’attaque aux élèves et étudiants.

    Couvre-feu, Etat d’urgence, Etat de siège, étaient vécus quotidiennement par le peuple.

    Ils ont osé tirer sur les jeunes jusque dans les hôpitaux et cimetières. Ils ont froidement brûlé des manifestants dans l’enceinte du “Sahel Vert », le transformant en four crématoire à l’instar des “nazis”.

    Ainsi, le Mercredi 20 Mars 1991, à l’instar de Bamako, d’autres villes du Mali subissent l’enfer promis par le Général tyran Moussa Traoré. Après Koulikoro, Kita, Sikasso et Ségou, c’est la petite ville de Dioila qui ramassait ses morts. Quatre blessés graves sont évacués sur l’hôpital Gabriel Touré de Bamako. C’était quatre élèves : Moussa Mariko (14 ans, 4e année école Soloura de Dioila) Alamako CAMARA (20 ans, lycée de Dioila) ; Issa Diarra (13 ans 4è année) et Tidiani Sissoko (13 ans 4e année). Alamako Camara a perdu à jamais l’usage de son œil gauche ; Moussa Mariko a dû subir une opération chirurgicale de l’abdomen afin d’en extraire les plombs qui y étaient logés ; Issa Diarra et Tidiani Sissoko, avaient quant à eux, reçu des plombs sur tout le corps. Pendant ce temps, à Sikasso le jeune Dramane Konaté, élève en 9e année, était tué et plusieurs autres grièvement blessés.

    A Bamako, c’est surtout le 23 Mars 1991 que devait avoir lieu le grand carnage. Il était ce jour-là 11 h 50 mn, lorsque des manifestants brisèrent les vitres de la boutique ADC – Mali, sise à l’immeuble Sahel Vert. La marée humaine s’y engouffra. Quelques minutes après, un camion militaire chargé d’hommes en uniforme, armés de fusils de guerre et de grenades offensives et du blindé n° 3508, arrivèrent sur les lieux. Les engins se vidèrent de leurs occupants en uniforme qui lancèrent les grenades dans la boutique pleine (de monde) comme un œuf, avant de « canarder » les occupants. Les flammes hautes, de plus de 2 mètres, atteignirent facilement le premier otage. Impuissants, les autres manifestants n’ayant pu trouver refuge dans la boutique infernale, assistèrent à la cuisson de leurs compagnons.

    A 12h 22 mn, il n’ y avait plus aucun espoir de sauver une seule personne.

    Tous les manifestants qui étaient à l’intérieur de l’immeuble Sahel Vert ont été calcinés. Et, des fenêtres noircies par les flammes, l’on pouvait observer les ossements humains : crânes, fémurs, etc.

    Une équipe de secours de l’hôpital Gabriel Touré et les sapeurs pompiers, arrivèrent une heure plus tard… Mais, c’était seulement pour constater l’horreur.

    Au même moment, la folie meurtrière de GMT frappait partout, dans tous les quartiers de Bamako.

  • Au début de l’année 1991 « un vent nouveau » a soufflé au Mali. En effet rien ne marchait dans le pays gangréné par la corruption, le népotisme, le clientélisme, la gabegie, l’arbitraire, le détournement des biens publiques, etc. Fatigué de la cherté de la vie, assoiffé de liberté, aspirant au multipartisme, le peuple malien tous les âges confondus, s’est levé comme un seul homme pour faire des revendications. En première ligne nous avons le mouvement démocratique composé des associations ADEMA, CNID, UNTM, AEEM, AJDP, AMDH, le Barreau, etc. Partout au Mali, et en particulier à Bamako, ce sont des manifestations de rues, des casses accompagnées d’incendies parfois. Les élèves, à la demande de l’AEEM dirigée à l’époque par un certain Oumar Mariko, ne fréquentaient plus. Malgré tout, le régime en place du Général Moussa Traoré reste sourd aux aspirations légitimes de son peuple. Au contraire il durcit le ton en tirant à balles réelles sur les manifestants. Que de jeunes fauchés à la fleur de l’âge par les balles sur le pont de badalabougou baptisé « pont des martyrs, d’autres se sont noyés en se jetés dans le fleuve espérant échapper aux balles. Dans les rues, dans les maisons, dans les lieux de culte, dans les marchés, partout c’est la chasse aux manifestants. Et que dire de ce que l’on a appelé « le vendredi noir ». Ce jour-là un commando équipé de lance flamme a brulé vif des manifestants et de simples passants venus se refugier dans les locaux de l’immeuble « sahel vert ». Le Président avait promis de « faire descendre l’enfer » sur la tête des manifestants, alors c’est chose faite ce « vendredi noir ». Et que dire des élèves et étudiants et autres manifestants fauchés sur la route du palais présidentiel au niveau de l’ENA.

    Face à l’entêtement du pouvoir et face à tous ces massacres, les femmes sont sorties soutenir leurs enfants et se sont mises nues pour maudire le Général Président Moussa Traoré et son régime. A son tour l’UNTM appelle à une grève générale illimitée jusqu’à la démission du régime en place. Le mouvement démocratique, à sa tête feu Me Demba Diallo, est allé jusqu’à remettre une lettre au Président lui demandant sa démission. A cette démarche il répond « niet » car selon lui seul le peuple pourrait le faire partir démocratiquement. Comme si son régime était démocratique. Le peuple malien n’a dû son salut qu’à un groupe d’officiers rassemblés sous la bannière du Conseil de Réconciliation Nationale (CRN) dirigé par le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré qui arrêtât le Général Président Moussa Traoré dans la nuit du 25 au 26 mars 1991.

  • Qu’est-ce qui a manqué à la révolution de 1991 pour réussir ?

  • Le premier acte d’une révolution est de renverser le dictateur mais ce n’est pas l’essentiel.

    Le véritable premier acte consiste à unir les travailleurs, les jeunes, les femmes, les chômeurs, les paysans et les petits soldats dans des assemblées et de les organiser dans des comités avec des délégués élus.

    Le deuxième acte essentiel consiste à demander aux petits soldats de ne plus obéir à leur hiérarchie militaires. Les galonnés qui prétendent continuer à diriger l’armée et la société doivent être fusillés ! Sinon, on retrouvera à la tête de l’Etat un ancien chef d’Etat-Major et la dictature des classes possédantes sera maintenue.

  • Les événements qui ont précédé la révolte :

    Janvier 1969 : le Comité militaire de libération nationale met à la retraite une dizaine d’officiers supérieurs dont le colonel Sékou Traoré qui commandait l’armée sous Modibo Keita.

    Mars 1969 : Yoro Diakhité est reçu à Paris par le général De Gaulle à qui il explique les raisons du coup d’État.

    Septembre 1969 : Remaniement du gouvernement de Yoro Diakhité à la suite d’une tentative de putsch survenue en août et conduite par le capitaine Diby Silas Diarra. Moussa Traoré devient chef du gouvernement et remplace Yoro Diakhité, en cumulant ainsi les fonctions de chef de l’État et de chef du gouvernement. Création d’une Cour de sûreté de l’État. La trentaine de putschistes sont condamnés aux travaux forcés et meurent en détention.

    Septembre 1970 : Remaniement ministériel qui voit Yoro Diakhité chargé des Affaires étrangères et semble signifier la réconciliation des deux hommes forts du régime. Plusieurs intellectuels sont alors condamnés pour offense au chef de l’État.

    19 octobre 1970 : Le gouvernement militaire dissout le bureau désigné par le Congrès de l’union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) et place sous sa coupe le mouvement syndical, ce que confirme la mise en place, en juillet 1971, d’un comité de coordination des travailleurs qui n’est qu’une émanation des services de sécurité.

    8 avril 1971 : Moussa Traoré dénonce l’existence d’un complot ourdi par Yoro Diakhité. Arrêté, celui-ci sera jugé en juillet 1972 et condamné aux travaux forcés. Il meurt en juillet 1973, dans les mines de sel de Taoudeni.

    Mars 1972 : Le général Sokolov, ministre soviétique de la Défense, est reçu à Bamako et le Mali engage une coopération militaire suivie avec l’URSS, ce qui inquiète ses voisins et les pays occidentaux.

    24-28 avril 1972 : Moussa Traoré effectue une visite officielle en France où il est reçu par le président Pompidou.

    1972 : Signature entre l’Église catholique et l’État malien d’une convention intégrant les écoles catholiques dans l’enseignement public.

    1972-1974 : La sécheresse qui affecte les régions de Gao et de Tombouctou depuis 1970 prend une dimension catastrophique. On dénombre 100 000 victimes et la disparition de la moitié du cheptel dans le nord du pays. C’est l’occasion de détournements de l’aide internationale qui n’est que très inégalement distribuée, la famine constituant, pour le gouvernement de Bamako, un moyen de venir à bout de la dissidence des Touareg sahariens. La crise est surmontée avec les pluies qui interviennent au cours de l’été de 1974 mais les communautés touareg ont été terriblement éprouvées.

    Janvier 1973 : Par solidarité avec les pays arabes, le Mali rompt ses relations avec Israël. Sur le plan international, la junte militaire poursuit la politique « tiers mondiste » de Modibo Keita, fondée sur un partenariat équilibré avec la Chine d’une part, l’URSS de l’autre, une solidarité maintenue avec les États africains « progressistes » et de bons rapports avec l’ancienne puissance coloniale qui accorde généreusement son aide et se félicite des choix résolument « francophones » de l’ancien Soudan français.

    Juillet 1973 : Les accords de coopération franco-maliens sont reconduits pour cinq ans.

    1973 : Création de la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest regroupant sept pays – Bénin, Burkina Faso (qui est encore la Haute-Volta à l’époque), Niger, Côte d’Ivoire, Mauritanie, Sénégal et Mali. Cette organisation que Félix Houphouët-Boigny entend utiliser pour faire contrepoids à un Nigeria tenté de jouer le rôle de grande puissance régionale est perçue en fait comme un club francophone et disparaît en 1994, un an après la mort du chef de l’État ivoirien.

    2 juin 1974 : Une nouvelle constitution est proposée aux Maliens, qui votent alors pour la première fois depuis la chute de Modibo Keita. Le oui l’emporte par 99 % des voix…

    La nouvelle constitution démocratise en apparence la vie politique. Elle prévoit l’élection d’une Assemblée nationale mais institue un système de parti unique, un chef de l’État élu pour six ans au suffrage universel qui sera en même temps chef du gouvernement alors qu’une Cour suprême vérifiera la constitutionnalité des lois. Monocamérale, l’Assemblée nationale se réunit en deux sessions annuelles dont la durée ne peut excéder deux mois. Elle vote les lois mais en partage l’initiative avec le président qui peut la dissoudre alors qu’elle-même n’a aucun moyen d’action sur le gouvernement et le président de la République. Le CMLN est chargé de conduire, pour cinq années supplémentaires, les affaires du pays. Un article élimine pour dix ans de la vie politique tous ceux qui ont exercé des fonctions politiques avant le putsch du 19 novembre. Lors des élections présidentielles et législatives qui suivent, Traoré et son parti, l’Union démocratique du peuple malien, obtiennent 99 % des suffrages exprimés.

    Novembre 1974 : Des incidents frontaliers opposent les troupes maliennes et voltaïques et, au mois de janvier suivant, des rumeurs selon lesquelles des Voltaïques auraient été molestés à Bamako entraînent des incidents antimaliens à Bobo Dioulasso, deuxième ville de la Haute-Volta (l’actuel Burkina Faso). La crise trouve son issue en juin 1975 avec la conférence des chefs d’État ouest-africains réunis à Lomé pour apaiser le conflit qui concerne 160 km de frontière, dans une région que l’on suppose riche en manganèse et peut-être même en pétrole. La crise est ainsi réglée pacifiquement par le maintien du statu quo ante.

    Janvier 1975 : La junte annonce la libération prochaine de quinze collaborateurs de l’ancien président Modibo Keita. Ces libérations sont effectives en juin et en novembre mais d’autres militaires, accusés de complot, sont condamnés à mort en juin 1977.au moment où l’annonce de la mort de l’ancien président Keita suscite une vague d’agitation dans le pays.

    11 juillet 1975 : Les présidents Moussa Traoré et Sangoulé Lamizana signent à Conakry un accord de paix permanente qui fait suite au conflit frontalier entre le Mali et la Haute-Volta.

    1975 : Traité instituant la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) qui comprend seize États – Bénin, Burkina Faso (Haute-Volta), Cap Vert, Côte-d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone, Togo. Le traité prévoit la création d’un marché commun pour 1989, avec un tarif extérieur commun en 1994 ainsi que l’harmonisation des politiques fiscale et monétaire mais ces objectifs ne seront pas atteints.

    1975 : Conclusion de la convention de Lomé entre la Communauté économique européenne (alors l’Europe des 9) et les États ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique).

    11-13 février 1977 : Visite officielle de Valéry Giscard d’Estaing au Mali. C’est le premier voyage officiel d’un président de la République française depuis l’indépendance.

    17 mai 1977 : Les funérailles de Modibo Keita fournissent à l’opposition l’occasion de manifester dans la rue.

    14 octobre 1977 : Signature d’une convention militaire franco-malienne qui renoue les relations interrompues en 1960.

    28 février 1978 : Tentative avortée de coup d’État. L’arrestation de plusieurs ministres est annoncée, notamment celle de Kissima Dounkara, ministre de la Défense, de l’Intérieur et de la Sécurité. Le pouvoir dénonce, par allusion aux événements de Chine, la « bande des quatre » ainsi incarcérée mais d’autres arrestations sont effectuées dans l’armée et dans la haute administration.

    4 mai 1978 : Remaniement ministériel qui donne désormais la majorité des postes à des civils.

    18 octobre 1978 : Lors du procès de 43 officiers accusés de la conspiration de février, deux condamnations à mort sont prononcées mais les condamnés meurent en prison. Le président de la Commission nationale d’enquête, le colonel Joseph Marat, membre du CMLN, est lui- même arrêté en janvier 1979 et jugé avec ceux dont il était chargé d’établir la culpabilité. Si l’on excepte une tentative manquée d’assassinat perpétrée par des gendarmes en décembre 1980, Moussa Traoré ne voit plus son pouvoir contesté par ses pairs issus de l’institution militaire.

    1979 : Convention de Lomé II.

    8 mars 1979 : Un deuxième procès aboutit à une nouvelle condamnation à mort ainsi qu’à des condamnations à la prison. Le verdict est ensuite cassé mais les condamnés restent détenus…

    30 mars 1979 : Le gouvernement annonce la création d’un parti politique unique, l’Union démocratique du peuple malien dont le congrès constitutif se tient à Bamako du 28 au 31 mars. Le retour à une « vie constitutionnelle normale » se confirme.

    Mai 1979 : Moussa Traoré est à Alger pour jouer un rôle d’arbitre entre le gouvernement mauritanien et les représentants du Front Polisario luttant pour la création d’une république sahraouie sur le territoire de l’ancien Sahara espagnol, récupéré par le Maroc à l’issue de la « marche verte » lancée par le roi Hassan II en 1975.

    19 juin 1979 : Moussa Traoré est réélu à la présidence à la quasi-unanimité alors que les candidats du parti unique recueillent 99,85 % des suffrages lors des élections pour la désignation de l’Assemblée. Le 28 juin, les membres du CMLN quittent le gouvernement pour rejoindre la direction de l’UDPM.

    Novembre 1979 - juin 1980 : Le Mali est confronté à une grève scolaire et étudiante de grande ampleur à laquelle le pouvoir répond par la répression et par la fermeture de fait de nombreux établissements. Le leader du mouvement étudiant, Abdoul Karim Camara, meurt le 17 mars 1980 dans les locaux de la police. Le pouvoir est de plus en plus contesté. Alpha Oumar Konaré, ministre de la Jeunesse, démissionne le 2 août 1980.

    1980 : Un rapport de la Banque mondiale dresse un état des lieux assez accablant de la situation de l’économie malienne : « La structure de l’économie malienne, à orientation étatique, est caractérisée par une série de mécanismes complexes de transferts qui permettent à une fonction publique pléthorique et au groupe des étudiants de recevoir 90 % ou plus des ressources budgétaires du pays et qui ne garantissent l’emploi que pour une fraction minuscule de la main-d’œuvre malienne dans un secteur d’État parapublic inefficient et au coût de rentabilité élevé. Cette partie de la population, relativement privilégiée, bénéficie par ailleurs quasiment seule d’un approvisionnement assuré en biens de consommation. Les ressources ne proviennent pas uniquement du monde rural mais de toutes les activités productives potentiellement plus rentables et qui sont, en l’état actuel des choses, incapables d’emprunter et d’investir. En fin de compte, l’ensemble des mécanismes internes de l’économie malienne fonctionne dans le sens d’un prélèvement de ressources des pauvres vers les non pauvres, des productifs vers les non productifs. »

    10-12 février 1981 : Congrès extraordinaire de l’UDPM. Il renforce les pouvoirs du général Traoré qui dispose désormais d’une autorité quasi illimitée.

    1981 : Le Mali obtient la garantie financière de la France pour pouvoir réintégrer l’Union monétaire ouest-africaine. Paris reste le premier client et absorbe 30 % des exportations maliennes, en assurant 40 % des importations. La France intensifie son aide budgétaire et son assistance technique. C’est bien nécessaire car la dette extérieure du pays triple de 1981 à 1991 pour atteindre à cette date plus de 2 500 millions de dollars.

    1981 : Réunion à Paris des 31 PMA (Pays les moins avancés) dont 21 États africains.

    26 mars 1982 : Promulgation d’une loi sur l’enrichissement illicite qui n’est guère appliquée.

    1982 : Tournée africaine de François Mitterrand.

    1982-1984 : Les politiques d’ajustement structurel mises en œuvre sous l’égide du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale permettent de réaliser quelques progrès mais les résultats ainsi acquis sont compromis par la sécheresse qui affecte alors le pays.

    4 août 1983 : Thomas Sankara prend le pouvoir en Haute-Volta dont il transforme le nom un an plus tard en celui de Burkina Faso (« Terre des hommes intègres ») mais l’admiration du nouveau maître du pays pour le colonel libyen Kadhafi et l’encadrement de la population par ses comités de défense de la révolution lui aliènent les populations et, en 1987, un nouveau coup d’État porte au pouvoir Blaise Compaoré.

    1984 : Création à Paris du Haut Conseil de la francophonie.

    1984 : Le Mali réintègre pleinement l’Union monétaire ouest-africaine.

    Mars 1985 : Le deuxième Congrès du parti unique UDPM (Union démocratique du peuple malien) modifie l’article 22 de la constitution de 1974 qui prévoyait que le président ne pouvait être réélu qu’une fois. C’est la porte ouverte à une pérennisation du pouvoir de Moussa Traoré, le président en exercice.

    11 juin 1985 : De nouveau candidat à l’élection présidentielle, Moussa Traoré est réélu avec 99,94 % des suffrages exprimés. La liste unique de l’UDPM (établie de fait par le chef de l’État) obtient dans le même temps 99,92 % des suffrages.

    25 décembre 1985 : Reprise du conflit entre le Mali et le Burkina (la guerre de l’Aguacher).

    Le président burkinabé Thomas Sankara veut récupérer une bande de terre située au nord du territoire du Burkina Faso et peuplée de Touareg. Les modifications de frontières intervenues entre les deux territoires durant la période coloniale ouvrent en effet la voie à toutes les contestations. Des incidents armés avaient déjà eu lieu en 1974, 1975 et 1976. L’affaire était depuis octobre 1985 soumise à l’arbitrage de la Cour internationale de La Haye. Le déclenchement des hostilités voit les Maliens bombarder le nord-ouest du Burkina et les Burkinabés bombarder Sikasso. Le conflit, une « guerre de pauvres » selon le journal Le Monde, se poursuit pendant six jours jusqu’au 31 décembre et apparaît d’autant plus dérisoire que l’Aguacher ne dispose d’aucune richesse minière particulière.

    30 mai 1986 : Un remaniement gouvernemental voit la création du poste de Premier ministre, confié à Mamadou Dembélé qui avait été l’un des principaux artisans de la répression contre les mouvements étudiants de 1979-1980.

    Septembre 1986 : Le ministre de l’Intérieur français Charles Pasqua fait rapatrier par avion charter spécialement affrété dans ce but 106 immigrants clandestins maliens.

    22 décembre 1986 : La cour de La Haye accorde la partie orientale de l’Aguacher, la région de Béli, au Burkina Faso et la partie occidentale au Mali.

    1986-1987 : De nombreux retards s’accumulent pour le paiement des traitements des fonctionnaires.

    20 février 1987 : Moussa Traoré nomme Zoumana Sacko ministre des Finances. Celui-ci engage une lutte farouche contre la corruption mais, soumis à de fortes pressions, est contraint de démissionner dès le mois d’août.

    28-31 mars 1987 : Second congrès extraordinaire de l’UDPM. Il adopte une Charte nationale d’orientation et de conduite de la vie publique pour organiser la moralisation et combattre la corruption mais les décisions annoncées en demeurent à l’effet d’annonce.

    Mai 1988 : Moussa Traoré est nommé président de l’Organisation de l’unité africaine. Le bilan de cette présidence apparaîtra extrêmement mince.

    6 juin 1988 : Le président Moussa Traoré supprime le poste de Premier ministre détenu par Mamadou Dembélé et reprend le portefeuille de la Défense.

    27 octobre 1988 : Les créanciers publics du Mali décident d’alléger la dette du pays.

    Novembre 1988 : Le vingtième anniversaire du coup d’État de 1968 donne l’occasion à Moussa Traoré de justifier une action qui visait, selon lui, à « éviter le chaos ». Il décide par ailleurs la libération de 240 prisonniers politiques et la fermeture du bagne de Taoudéni.

    20 juillet 1989 : Échec de la tentative de Moussa Traoré en vue de réconcilier le président tchadien Hissène Habré avec le colonel Kadhafi, chef de l’État libyen.

    1989 : Combinés avec des mesures d’austérité budgétaire, les bons résultats de la récolte de coton contribuent à l’amélioration générale de la situation économique.

    28-29 mai 1990 : Lors de son Congrès, l’Union nationale des travailleurs maliens (UNTM) se prononce en faveur du multipartisme, revendication relayée le 4 août par le journal indépendant Les Échos.

    Juin 1990 : Sommet franco-africain de La Baule. François Mitterrand conditionne la continuité de l’aide française au développement à la réalisation d’avancées démocratiques. La même année voit la création de plusieurs partis et mouvements tels que le Congrès national d’initiative démocratique, l’Alliance pour la démocratie au Mali et l’Association des élèves et étudiants du Mali qui s’allient pour dénoncer le régime de Moussa Traoré. Intervenant après la chute du mur de Berlin survenue en novembre 1989, la nouvelle vision française de la démocratie et du développement sur le continent noir favorise naturellement la remise en cause des régimes autoritaires qui profitaient de la division engendrée par la guerre froide pour justifier leur caractère liberticide.

    29 juin 1990 : Déclenchement de la rébellion targuie contre la dictature militaire, suite au vol de milliers de tonnes de vivres fournis par l’aide internationale en raison de la sécheresse. Elle se traduit par l’attaque lancée contre la prison de Menaka où étaient détenus les Touareg. Des postes militaires isolés sont ensuite attaqués.

    6 janvier 1991 : Conclusion, à Tamanrasset, d’un accord de paix entre les rebelles Touareg et le gouvernement de Bamako.

    À partir de 1990, le pouvoir de Moussa Traoré se trouve fragilisé, non seulement par le nouveau contexte international, mais aussi par les difficultés économiques rencontrées par le pays. Il a subi deux sécheresses désastreuses (1968-1974 et 1982-1985) mais l’impéritie des gouvernements successifs et leur incapacité à faire face aux contraintes extérieures (chocs pétroliers, variations des cours des matières premières) a placé le pays en situation de subir les exigences de la Banque mondiale ; les politiques d’ajustement structurel ainsi imposées ont permis une amélioration sensible des résultats macroéconomiques mais au prix d’une aggravation des inégalités et de la misère du plus grand nombre, ce qui a entretenu un profond mécontentement, appelé à devenir explosif lors de la crise qui éclate en mars 1991.

    23 mars 1991 : Des manifestants sont tués au cours des affrontements qui, entamés dès le 21, opposent à Bamako étudiants et forces de l’ordre. La capitale malienne connaît quatre jours durant une situation insurrectionnelle avec de nombreux morts. La révolte a commencé.

  • Souvenons-nous....

    L’ambiance dans la classe ouvrière est telle que, le 1er mai 1990, le syndicat unique UNTM (Union Nationale des Travailleurs du Mali), se prononce pour la première fois en faveur de la démocratisation du pays. L’Association des Elèves et Etudiants du Mali, après la répression de 1979, se réveille de longues années de silence et de soumission. AEEM et Comité National d’Initiative pour la Démocratie appellent à une manifestation pour le multipartisme le 10 décembre 1990. Plus de dix mille manifestants répondent à l’appel. C’est la plus grande manifestation jamais organisée au Mali sous le régime de Moussa Traoré. La manifestation se déroule pacifiquement dans la capitale Bamako, mais le pouvoir n’entend pas reculer. Les organisateurs et les manifestants non plus. Le 24 janvier 1991, ils appellent à une nouvelle manifestation qui va enclencher le cycle des affrontements se terminant par la chute de Moussa Traoré.

    Les manifestants bloquent les routes et saccagent les édifices publics. Les forces de l’ordre ouvrent le feu faisant de nombreux morts et blessés. Le 25 janvier, des chars sont déployés dans les rues de Bamako et les écoles sont fermées. Le 28 janvier, à la nouvelle de l’arrestation de plusieurs élèves et étudiants, dont le secrétaire général de l’AEEM, Oumar Mariko, le mouvement explose en insurrection de toute la jeunesse, englobant celle des quartiers populaires. Ces derniers, tout particulièrement les jeunes chômeurs, armés de bâtons et de pierres, envahissent les rues de la capitale, brûlent des magasins et des édifices publics, ainsi que des voitures. Les résidences de plusieurs membres du gouvernement et du parti unique, dont celle du directeur général des douanes, beau-frère du président Traoré, sont entièrement saccagées. A partir de ce moment, les émeutes se multiplient tous les jours dans Bamako. ù les manifestants érigent des barricades. Cette situation se propage aux villes des régions. Les morts de manifestants et le nombre de blessés ne cessent de croître tous les jours. Le 29 janvier, ce sont des centaines de manifestants arrêtés qui sont torturés.

    Le général-président annonce que l’interdiction aux associations de faire de la politique est levée, mais cela ne diminue pas la pression de la rue. L’AEEM revendique la libération de tous les emprisonnés. Le 31 janvier, le gouvernement laisse entendre qu’il pourrait libérer de nombreux manifestants arrêtés dont Oumar Mariko. Le 2 février, la télévision nationale annonce la libération de 196 élèves sur les 232 officiellement arrêtées. 34 détenus ont été déférés en justice et condamnées pour trouble à l’ordre public, pillage, incendie, dévastation d’édifices publics, vol et recel. Les Touaregs du nord du Mali s’invitent dans la lutte, en attaquant l’usine de phosphates de Bourem, à une centaine de kilomètres de la ville de Gao, dans la nuit du 21 février 1991, tuant deux militaires.

    Le 22 mars 1991, les émeutes reprennent à Bamako. De violentes manifestations parcourent la capitale. Les forces de l’ordre tirent à balles réelles et tuent. C’est un véritable carnage à la mitraillette et à la grenade offensive. La guerre est déclarée par le pouvoir aux jeunes manifestants qui enflamment le ministère de l’emploi. Le 23 mars, la jeunesse scolarisée est rejointe dans la révolte par les chômeurs et les travailleurs.

    Les émeutes s’étendent à l’ensemble du pays. Des répressions violentes ont lieu à Sikasso, Ségou et Diola. Certains policiers se font lyncher. Le centre commercial de Bamako est le siège d’un véritable carnage. Tout ce qui appartient aux responsables du régime est saccagé. Les commerçants sont attaqués eux aussi. Les morts continuent de tomber, mais, cette fois, la foule ne recule plus devant les forces de l’ordre. Les étudiants inventent un moyen d’autodéfense face aux policiers. Ils l’intitulent article 320 : 300 francs CFA pour acheter un litre d’essence et 20 francs CFA pour une boite d’allumette. L’action consiste à jeter de l’essence sur les forces de l’ordre et à lancer une allumette.

    Les jours suivants, les manifestations continuent, s’attaquant à la BIRD et à la Banque Mondiale de Bamako. L’hôtel de ville est saccagé. Deux dignitaires proches de l’ancien président ont été lynchés par la foule en colère. Le 29 mars, des villas de dignitaires sont pillées. L’Etat d’urgence a été décrété dans les villes. Le bilan est de nombreux manifestant morts et de centaines de blessés dont certains ont les membres déchiquetés. Le chef de l’Etat lance un appel au calme et affirme sa « totale disponibilité pour une dialogue et une consultation et pour trouver des solutions durables des différents problèmes ». Les manifestants répondent « C’est terminé. On ira jusqu’au bout. » Il y a déjà un bilan de plusieurs dizaines de morts. La grève générale commence, paralysant le pays. Les mères de famille, révoltées que leurs enfants soient tués, marchent sur la présidence à Koulouba. Le général-président leur barre la route avec des blindés. Mais l’armée ne marche plus et on est à un doigt d’une grave mutinerie.

    Affirmant agir en coordination avec les organisations démocratiques, les militaires déposent Moussa Traoré et prennent le pouvoir le 27 mars 1991. Un régiment de parachutistes commandé par le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré (dit ATT) arrête Moussa Traoré. Le chef du coup d’Etat prend la tête d’un « conseil de réconciliation nationale » auquel collaborent l’UNTM et l’AEEM. Le multipartisme est instauré.

    La révolution est détournée, trompée, faussée, volée... Jusqu’à aujourd’hui... Mais demain ?!!!

  • Le 6 septembre dernier, 48 heures après son investiture, IBK a fait solennellement la déclaration de ses biens devant la Cour suprême, histoire de montrer qu’il respecte la Constitution et qu’il est « transparent ». Mais qu’a-t-il déclaré au juste ? On ne le saura pas. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’est pas idiot au point de déclarer l’argent qu’il a détourné des caisses de l’État depuis des années.

  • Les deux syndicats qui animent le mouvement de grève des magistrats ont menacé de rendre publique une affaire de détournement de fonds publics dans laquelle l’actuel ministre des Finances serait impliqué. Il s’agirait de 3,5 milliards de francs Cfa (plus de 5 millions d’euros) qui se seraient « curieusement évaporés à l’hôtel des finances à l’occasion du soi-disant dédommagement d’un opérateur économique suite à la crise dans le nord du pays ». Qui est le fameux « opérateur économique » bénéficiaire d’une telle somme ? Qui est le donneur d’ordre de ce versement ? Jusqu’ici, le gouvernement n’a pas commenté cette rumeur. Mais cela ne surprendra pas grand monde au Mali d’apprendre que des affaires de ce genre existent au plus haut sommet de l’État. Les magistrats devraient également se pencher sur l’exploitation des richesses par les capitalistes !

  • Les grèves dues au non-paiement des salaires par l’Etat se multiplient au Mali.

    Un exemple. À Kayes, dans la première région du Mali, l’année scolaire a commencé avec un mouvement de grève des enseignants réclamant leurs dus au gouvernement. Aux dires des éducateurs travaillant dans cette région, ils attendent le paiement de leurs rappels de titularisation et de principalisation de l’année dernière.

    Notons que beaucoup d’enseignants à Bamako se disent également être dans cette situation et projettent de procéder comme leurs collègues de Kayes. Outre cela, les directeurs des différentes écoles attendent depuis l’année dernière leurs primes des mêmes autorités.

    A ces remous revendicatifs dans le secteur de l’Education, il faut ajouter les magistrats, en grève illimitée, pour réclamer, eux aussi, l’application d’accords non respectés par le gouvernement, à incidence financière.

    Il y a lieu de se demander, si toutefois, le président de la République n’a pas utilisé l’argent des travailleurs maliens pour des fins de campagne électorale. Dans ce cadre, il conviendrait de lui poser la question : où est passé l’argent des travailleurs ?

  • A l’époque, le gouvernement français soutenait la dictature de Moussa Traore soi-disant injustement attaqué par des rebelles touaregs. La situation est presque semblable aujourd’hui où Macron soutient la dictature au Mali sous prétexte de lutter contre des terroristes.
    Le premier ministre français, Edouard Philippe, a été en visite au Mali, a appelé dimanche 24 février à « l’engagement de tous » dans le soutien du régime malien sous prétexte d’antiterrorisme !

  • Les femmes de Kati vont Marche contre la hiérarchie Militaire jeudi 21 Mars 2019 !!!

  • Le Mali vient de connaître la plus grande révolte depuis des années…

  • La capitale a de nouveau été la proie de heurts qui sont allés s’intensifiant dans la soirée, au lendemain de la plus grande journée de troubles civils que Bamako ait connue depuis des années.

    L’arrestation depuis vendredi soir de plusieurs des principaux leaders d’une contestation qui vise directement le chef de l’Etat n’a pas fait retomber la fièvre dans une ville préservée en temps normal par les violences jihadistes et intercommunautaires qui endeuillent le nord et le centre du pays.

    Plusieurs quartiers ont vu des hommes dresser des barrages, incendier des pneus et se livrer à des saccages, comme celui des locaux du Haut conseil des collectivités.

    Après Issa Kaou Djim et Clément Dembélé la veille, deux autres leaders du mouvement dit du 5-Juin, Choguel Maïga et Mountaga Tall, ainsi que deux hommes décrits comme des têtes pensantes ont été interpellés samedi par les forces de sécurité, ont affirmé des responsables et des témoins. Les autorités ont gardé le silence sur ces opérations.

    Le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, a fait un geste pour ramener le calme. Il a annoncé, samedi 11 juillet au soir, une « dissolution de fait » de la Cour constitutionnelle pour tenter de dissiper les tensions quasiment insurrectionnelles qui parcourent la capitale Bamako depuis deux jours.

  • .
    La pression de la rue, animée par le désir de « changement », a eu raison du pouvoir « dictatorial » de Moussa Traoré. Mars 1991, restera, à jamais, gravé dans la mémoire des Maliens et tous ceux qui ont été, de loin ou de près, témoins de la chute sans gloire de celui qui fut, plusieurs décennies auparavant, l’homme le plus craint sur le territoire malien : le Général Moussa Traoré et son régime, tombaient.

    Le vent de la démocratie nord-sud soufflait et emportait les régimes dictatoriaux en Afrique. On avait fait croire à la jeunesse que leur avenir était dans la « démocratie ». Qu’avec la démocratie, il y aura « la libre parole » ; « le droit d’avoir un travail décent » ; « le droit de se faire soigner d’une maladie » ; « le droit de se faire entendre et de se faire écouter » ; « le droit de poursuivre des études normalement »…

    Bref, tous ces droits qu’une dictature pouvait priver à un citoyen. Et si la jeunesse a prêté le ventre aux tirs de fusils des soldats de Moussa Traoré, c’est parce qu’elle y croyait, en cet avenir radieux que certains ne cessaient de lui promettre. Combien en sont morts ? On les appelle, aujourd’hui, les « martyrs de la révolution de mars 1991 » et reposent désormais dans le cimetière de Niaréla, convaincus dans leur mort que leur bravoure n’a pas été vaine.

    Pendant ce temps, et en réalité, ceux qui les poussaient à affronter les balles de fusils, mais qui n’osaient jamais s’exposer, se « sucrent » aujourd’hui, indécemment, sur le dos de la « démocratie » et devant un peuple désabusé et, honteusement, trahi. Les acteurs politiques de la révolution de mars 1991, ont, tout simplement, trahi le peuple malien et la mémoire des martyrs tombés sous le coup de la révolution.

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