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Quand faut-il créer des soviets ?

mercredi 19 octobre 2011, par Robert Paris

II° Congrès de l’Internationale Communiste

Juillet-Août 1920

Quand et dans quelles conditions peut-on créer des soviets de députés ouvriers ?

1

1.

En Russie, les Soviets des députés ouvriers naquirent pour la première fois en 1905, au moment du grand enthousiasme du mouvement révolutionnaire des ouvriers russes. Déjà en 1905, le Soviet pétersbourgeois des députés ouvriers fit d’instinct ses premiers pas vers la conquête du pouvoir. A cette époque, le Soviet de la ville de Pétrograd était aussi fort que le lui permettaient les chances qu’il avait de parvenir au pouvoir politique. Mais, dès que la contre-révolution tsariste se fut raffermie et que le mouvement ouvrier eût diminué d’intensité, après une végétation de courte durée, le Soviet cessa complètement d’exister.

2.

Lorsqu’en 1916, au début d’un nouvel et puissant effort révolutionnaire, l’idée naquit en Russie de créer promptement des Soviets de députés ouvriers, le Parti bolchevik prévint les ouvriers du danger que présentait la formation immédiate des Soviets en leur faisant remarquer qu’ils ne seraient opportuns que le jour où la Révolution aurait commencé, l’heure venue de livrer combat pour le pouvoir.

3.

Au début de la Révolution de février 1917, en Russie, les Soviets des députés ouvriers se transformèrent en Soviets de députés ouvriers et soldats. Bientôt ils entraînèrent dans la sphère de leur influence les plus vastes milieux des masses populaires, obtenant ainsi une autorité prépondérante, car la force réelle était de leur côté et entre leurs mains. Mais, lorsque la bourgeoisie libérale se remît de la surprise du premier choc de la Révolution, et que les traîtres socialistes-révolutionnaires et mencheviks facilitèrent à la bourgeoisie russe l’obtention du pouvoir, l’importance des Soviets ne tarda pas à baisser. Ce n’est qu’après les journées de juillet et l’insuccès de l’attentat contre-révolutionnaire de Kornilov, que les grandes masses populaires se mirent en branle et que se produisit le krach du gouvernement contre-révolutionnaire des bourgeois-conciliateurs, que les Soviets des députés ouvriers s’épanouirent à nouveau et gagnèrent dans le pays une influence exclusive.

4.

L’histoire des révolutions allemande et autrichienne l’a prouvé de même. Lorsque les masses de la population se soulevèrent et que le flot de la révolution ébranla les remparts de la monarchie des Hohenzollern et des Habsbourg, des Soviets de députés ouvriers et soldats se formèrent spontanément en Allemagne et en Autriche. Les premiers temps, la force fut de leur côté, et ils furent à la veille de prendre le pouvoir en fait. Mais, à peine le pouvoir eut-il penché, grâce à un enchaînement de circonstances historiques, vers la bourgeoisie et les social- démocrates contre-révolutionnaires que l’on vit les Soviets dépérir, et peu à peu disparaître. Lors de l’infructueuse tentative contre-révolutionnaire de Kapp- Lüttwitz, en Allemagne, des Soviets se reformèrent pour quelques jours ; mais sitôt la lutte terminée par une nouvelle victoire de la bourgeoisie et des traîtres-socialistes, ces Soviets qui venaient de dresser la tête, disparurent à nouveau.

5.

Les faits précités prouvent que des prémisses déterminées sont nécessaires pour créer les Soviets. On ne pourra donc organiser des Soviets de députés ouvriers, et les transformer en Soviets de députés ou vriers et soldats, que lorsque seront réunies trois conditions précises, à savoir :
1.

Enthousiasme révolutionnaire général dans les milieux les plus vastes composés d’ouvriers et d’ouvrières, de soldats et de toute la population laborieuse ;

2.

Crise économique et politique poussée au point où le pouvoir échappe peu à peu des mains du gouvernement précédent ;

3.

Lorsque dans les rangs des masses de travailleurs et, avant tout, dans ceux du Parti Communiste a mûri la ferme résolution d’engager une lutte décisive, systématique et d’après un plan arrêté, pour la conquête du pouvoir.

6.

Au cas où ces conditions ne sont pas remplies, les communistes peuvent et doivent propager systématiquement et opiniâtrement l’idée des Soviets, la vulgariser dans les masse, démontrer aux plus profondes couches de la population que les Soviets constituent la seule forme gouvernementale correspondant aux besoins de la période de transition au communisme intégral. Mais, les conditions mentionnées n’étant pas remplies, il est impossible de procéder à l’organisation immédiate des Soviets.

7.

Les tentatives des social-traîtres allemands de faire entrer les Soviets dans l’engrenage constitutionnel démocrate-bourgeois constituent, au point de vue objectif, une trahison de la cause ouvrière. Les Soviets ne sont possibles que comme des organisations gouvernementales, qui se substituent à la démocratie bourgeoise, la brisent et la remplacent par la dictature ouvrière.

8.

La propagande dirigée par les chefs Indépendants de la droite, tels que Hilferding, Kaustky et d’autres, en vue de prouver la compatibilité du système des Soviets avec l’Assemblée Constituante bourgeoise, témoigne d’une incompréhension totale des principes du développement de la révolution prolétarienne, ou bien du désir de tromper sciemment la classe laborieuse. Les Soviets signifient la dictature prolétarienne, et l’Assemblée Constituante, celle de la bourgeoisie. Accorder et concilier la dictature des ouvriers avec celle des bourgeois est une chose impossible.

9.

La propagande de quelques militants isolés de la gauche des indépendants allemands, proposant aux travailleurs un plan livresque et prématuré de « Système Soviétiste » non rattaché au cours de la guerre civile, est le fait de doctrinaires qui ne font que dis traire les travailleurs de la lutte authentique pour le pouvoir.

10.

Les tentatives de groupes communistes isolés en France, en Italie, en Amérique et en Angleterre, pour fonder des Soviets n’embrassant pas les grandes masses ouvrières et ne pouvant pas les embrasser dans une lutte immédiate pour le pouvoir, ne font que nuire à la préparation efficace de la révolution soviétiste. Ces Soviets artificiels, ces « fleurs de serre » se transforment, tout au plus, en petites sociétés ; au pis aller, ils ne peuvent que compromettre, aux yeux des vastes cercles de la population, l’autorité des Soviets.

11.

Une situation spéciale s’est créée en Autriche, où la classe ouvrière a réussi à conserver des Soviets embrassant de grandes masses ouvrières. Cette situation rappelle celle de la Russie de février à octobre 1917. Les Soviets autrichiens constituent un facteur politique important et l’embryon d’un pouvoir nouveau.

Il va de soi que, dans cette situation, les communistes doivent participer au travail des Soviets, les aider à s’intéresser à toute la vie économique et politique du pays, y créer des fractions communistes et concourir de toutes façons à leur développement.

12.

Sans révolution, les Soviets ne sont pas possibles. Sans révolution prolétarienne, les Soviets dégénèrent en parodie.

Les Soviets authentiques des masses constituent une forme de dictature prolétarienne indiquée par 1l’Histoire même. Tous les partisans sérieux et sincères du pouvoir soviétiste doivent appliquer prudemment l’idée soviétiste ; en la propageant parmi les masses, ils ne devront procéder à la création immédiate des Soviets que lorsque les conditions mentionnées plus haut seront réunies.

Messages

  • Abolissez l’exploitation de l’homme par l’homme, et vous abolirez l’exploitation d’une nation par une autre nation.

    • La propagande dirigée par les chefs Indépendants de la droite, tels que Hilferding, Kaustky et d’autres, en vue de prouver la compatibilité du système des Soviets avec l’Assemblée Constituante bourgeoise, témoigne d’une incompréhension totale des principes du développement de la révolution prolétarienne, ou bien du désir de tromper sciemment la classe laborieuse. Les Soviets signifient la dictature prolétarienne, et l’Assemblée Constituante, celle de la bourgeoisie. Accorder et concilier la dictature des ouvriers avec celle des bourgeois est une chose impossible.

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