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Grèce : une fois de plus la social-démocratie frappe les travailleurs et ouvre la porte aux fascistes !

samedi 12 novembre 2011, par Robert Paris

"Pour la bourgeoisie monopoliste, les régimes parlementaire et fasciste ne sont que les différents instruments de sa domination : elle a recours à l’un ou à l’autre selon les conditions historiques. Mais pour la social-démocratie comme pour le fascisme, le choix de l’un ou de l’autre instrument a une signification indépendante, bien plus, c’est pour eux une question de vie ou de mort politique.

Le régime fasciste voit son tour arriver lorsque les moyens "normaux", militaires et policiers de la dictature bourgeoise, avec leur couverture parlementaire, ne suffisent pas pour maintenir la société en équilibre. A travers les agents du fascisme, le capital met en mouvement les masses de la petite bourgeoisie enragée, les bandes des lumpen-prolétaires déclassés et démoralisés, tous ces innombrables êtres humains que le capital financier a lui-même plongés dans la rage et le désespoir. La bourgeoisie exige du fascisme un travail achevé : puisqu’elle a admis les méthodes de la guerre civile, elle veut avoir le calme pour de longues années. Et les agents du fascisme utilisant la petite bourgeoisie comme bélier et détruisant tous les obstacles sur leur chemin, mèneront leur travail à bonne fin. La victoire du fascisme aboutit à ce que le capital financier saisit directement dans ses tenailles d’acier tous les organes et institutions de domination, de direction et d’éducation : l’appareil d’Etat avec l’armée, les municipalités, les universités, les écoles, la presse, les organisations syndicales, les coopératives. La fascisation de l’Etat n’implique pas seulement la "mussolinisation" des formes et des méthodes de gouvernement - dans ce domaine les changements jouent en fin de compte un rôle secondaire - mais avant tout et surtout, l’écrasement des organisations ouvrières : il faut réduire le prolétariat à un état d’apathie complète et créer un réseau d’institutions pénétrant profondément dans les masses, pour faire obstacle à toute cristallisation indépendante du prolétariat. C’est précisément en cela que réside l’essence du régime fasciste."

Léon Trotsky

dans "La révolution allemande et la bureaucratie stalinienne"

Grèce : une fois de plus la social-démocratie frappe les travailleurs et ouvre la porte aux fascistes !

Le social-démocrate Papandréou vient de passer ses pouvoirs de chef de l’Etat au social-démocrate Papadémos en cédant à la pression des marchés financiers et du grand capital. Papadémos met en place un gouvernement d’union nationale allant de la gauche à l’extrême droite et dont le but affiché est de faire payer à la population grecque les frais de la crise...

Le parti d’extrême droite Laos, qui obtient son premier poste ministériel dans une coalition, a été créé en 2000 par un journaliste de formation, Georges Karatzaferis, le Laos (Alarme populaire orthodoxe) est venu occuper un vide dans le paysage politique qui ne comptait alors aucune formation d’extrême droite dans un pays fortement marqué par la dictature des Colonels (1967-1974).

A coups de slogans xénophobes et antisémites, le Laos – dont l’acronyme signifie “peuple” en grec – a rapidement trouvé sa place, rassemblant 13,7 % des voix dès les élections municipales de 2002 dans la circonscription d’Athènes-Le Pirée.

Depuis le début de la crise grecque, le Laos a tenté de s’afficher en partenaire politique responsable allant jusqu’à approuver, seul avec les députés socialistes, le premier plan de sauvetage international de la Grèce accordé par l’Union européenne et le Fonds monétaire international en mai 2010. Hétéroclite et opportuniste, la formation n’en reste pas moins figée sur un nationalisme intransigeant : en 2010, lors du débat sur l’adoption d’un projet de loi assouplissant la législation sur les immigrés, le Laos avait dénoncé haut et fort un risque d’« invasion » étrangère et défendu « l’homogénéité » du pays.

Faire rentrer l’extrême droite au gouvernement n’a bien entendu rien d’innocent et nécessite d’être expliqué. C’est d’autant plus étonnant pour le grand public qu’on s’est gardé de lui expliquer les épisodes précédents :

 comment la Grèce était passée de "la démocratie" au fascisme en 1967
 comment elle était repassée à "la démocratie" en 1974 et entrée dans l’Europe "démocratique"....
 comment l’armée venait, à la faveur de la crise, de menacer à nouveau d’un coup d’état militaire, momentanément retardé par la radiation de tout le haut état-major des armées de Grèce.
 comment l’entrée de l’extrême droite au gouvernement est une manière de donner des garanties à la partie de la bourgeoisie qui estime que le fascisme est une solution face au mécontentement populaire...

Le fascisme en Grèce ne date même pas de 1967...

L’écrasement des organisations ouvrières et de toute démocratie a été mené à la fin de la deuxième guerre mondiale par les classes dirigeantes appuyées militairement par les puissances "démocratiques" et tout particulièrement par l’Angleterre...
La situation révolutionnaire en Grèce en 1944 nécessitait, aux yeux des exploiteurs, un écrasement violent des exploités ! La social-démocratie mondiale (et le stalinisme, sans même parler des centrales syndicales) avait cautionné le fascisme triomphant en Grèce s’appuyant sur un écrasement brutal et massif des classes populaires.

Et le fascisme s’est développé aussi en Grèce avec la crise de 1929... Le général grec Ioannis Metaxas (Céphalonie, 1871 – Athènes, 1941) établit en 1936 en Grèce un régime de type national-socialiste dont l’inspiration fondamentale était l’hellénisme, qui devait sortir la Grèce de siècles de décadence. Metaxas rassemblait la tradition de Mussolini (« la Troisième Rome ») et de Hitler (« le Troisième Reich ») et il invoquait la « Troisième Civilisation Hellénique », après l’Antiquité grecque et l’Empire byzantin du Moyen Age.

Y a-t-il à s’étonner que le réformisme bourgeois soit le pourvoyeur du fascisme ? L’argument numéro du réformisme a toujours été d’éviter la violence révolutionnaire, mais il n’a jamais donné la recette pour éviter la violence contre-révolutionnaire. Celle-ci consiste à pousser jusqu’au bout la capacité de la démocratie pour écraser le prolétariat, en admettant toujours de laisser vives les forces capables d’écraser de manière fasciste le prolétariat, au cas où la démocratie s’en avèrerait incapable.

Il en découle que, dans toute l’Histoire, la social-démocratie a maintes fois été le pourvoyeur du fascisme.

C’est la social-démocratie italienne qui a produit et lancé Mussolini. C’est la social-démocratie allemande qui, s’appuyant sur les troupes fascistes des corps francs, a assassiné la révolution. Dans les deux cas, cela se passait à la fin de la première guerre mondiale. C’est la social-démocratie hongroise qui a trompé et battu la révolution. C’est sur les bandes fascistes russes, les troupes "blanches", que les armées social-démocrates se sont appuyées pour combattre les soviets et instaurer la guerre civile en Russie.

C’est la social-démocratie allemande qui a choisi comme candidat aux élections présidentielles le très réactionnaire maréchal Hindenburg, soi disant pour bloquer la route à Hitler, et ce même Hindenburg, une fois élu par la gauche, a nommé Hitler chancelier de l’Allemagne.

C’est le parti socialiste français, par la voix des élus au parlement (élu lors du front populaire de 1936) qui a donné les pleins pouvoirs à Pétain.

C’est encore le socialiste prétendument "marxiste" chilien Allende qui a nommé chef d’Etat-Major de l’armée chilienne le général Pinochet, lequel a mené le coup d’état fasciste.

etc, etc...

On a vu bien des fois des social-démocrates qui avaient prétendu mettre au banc de ... la démocratie bourgeoise les groupes fascistes ; finir par gouverner avec, comme c’est le cas en Autriche...

La Grèce ne fait que rajouter un exemple de plus.

Non seulement, ces "socialistes" n’ont aucun principe qui les empêche de sauver les capitalistes en noyant les travailleurs, mais ils n’en ont aucun qui les empêche de gouverner avec les fascistes !!!!

Crise en Grèce et menace fasciste

La Grèce en 1944

Un extrait d’un article de Philipe Alcoy :

Depuis deux ans les travailleurs et les couches populaires de Grèce subissent des attaques brutales contre leurs conditions de vie et de travail : augmentation de l’âge de retraite (passé à 67 ans) et des annuités de cotisation pour avoir droit à une retraite à taux plein (de 37 à 40 ans) ; réduction des salaires des fonctionnaires et élimination des 13ème et 14ème mois ainsi que la mise au chômage technique de 30 000 travailleurs du public ; augmentation de la TVA et abaissement du taux annuel d’imposition (désormais il est de 5000 € par an, c’est-à-dire qu’un travailleur gagnant plus de 415€ par mois doit payer des impôts !) ; privatisation partielle ou complète d’entreprises d’Etat dans des secteurs tels que les transports, les ports, l’eau et même les sites historiques ; réforme du système universitaire le rendant plus élitiste et privatisé ; dérégulation de secteurs jadis protégés comme les chauffeurs de taxi ou les transporteurs routiers par exemple.

Le chômage a progressé très fortement passant de 9,4% en 2009 à 16,5% actuellement. Les jeunes sont l’un des secteurs les plus touchés : presque 50% de chômage parmi eux. Comme en témoigne un maçon qui emploie dix personnes : « Les jeunes mendient pour travailler (…) Hier soir, il y en a un qui m’a appelé pour avoir du travail, et il pleurait [1] ». La hausse du chômage pousse aussi beaucoup de familles à réduire des dépenses devenues « luxueuses » comme… les maisons de retraite des parents âgés. En effet, « avec la crise économique et les coupes dans le montant des retraites, le séjour en maison de retraite privée est devenu un luxe superflu. (…) Dans de nombreuses familles, il y a une personne au chômage qui peut d’une part s’occuper de son parent âgé, et d’autre part profiter ainsi de sa petite retraite (…) ‘‘Je me sens honteuse d’en être arrivée à convoiter la pension de ma grand-mère’’, confie une femme de 35 ans, ‘‘mais avec l’argent que nous donnions à la maison de retraite, nous pouvons couvrir beaucoup d’autres dépenses courantes’’ [2] ».

Une autre conséquence de ces attaques terribles c’est la dégradation de la santé des masses, notamment de la santé mentale. Une étude menée par l’université de Cambridge signale que « le tableau de la santé des Grecs est très préoccupant (…) Nous constatons (...) un doublement des cas de suicides, une hausse des homicides, une augmentation de 50% des infections au virus HIV et des gens qui nous disent que leur santé a empiré mais qu’ils ne peuvent plus consulter de médecins même s’ils devraient le faire (…) Selon l’équipe de chercheurs (…) le taux de suicide a augmenté de 17% entre 2007 et 2009, mais un chiffre officieux donné par des parlementaires grecs fait état d’une hausse comprise entre 25 et 40% ». A titre d’exemple de cette situation ils évoquent le cas d’« un propriétaire d’un petit magasin [qui] a été retrouvé pendu sous un pont, avec une lettre où l’on pouvait lire : "ne cherchez pas d’autres raisons. La crise économique m’a conduit à ça" [3] ».
Grèves, manifestations et approfondissement de la lutte de classes

Malgré des appels cyniques à « l’unité nationale » de la part du gouvernement les grèves, les manifestations et les affrontements avec les forces de répression se multiplient à travers le pays. Les manifestations massives et la paralysie complète de la Grèce à cause de la grève de 48 heures des 19 et 20 octobre en ont été une preuve éclatante. Plus de 200 000 personnes se sont mobilisées d’après les syndicats, 120 000 selon la police. Dans tous les cas, ce sont les manifestations les plus importantes depuis la fin de la dictature militaire en 1974.

Mais le climat social était très tendu avant ces journées de mobilisation. En effet, précédant ces journées, beaucoup de grèves se sont déclenchées dans différents secteurs comme celui des éboueurs, l’Armée ayant dû être appelée à la rescousse pour nettoyer les rues. On songera encore au mouvement des agents douaniers sur la frontière avec la Macédoine qui a dû fermer. Il y a eu également des occupations de bâtiments publics comme c’est le cas depuis quelques jours au ministère de l’Intérieur, occupé par ses travailleurs qui bloquent son fonctionnement normal.

Toutes ces formes de lutte plus « classiques » se combinent avec des mouvements alternatifs qui se sont développés comme le « je ne paye pas ». Ce mouvement qui avait commencé par le refus de payer l’augmentation des prix dans les transports s’est étendu jusqu’à affecter actuellement le payement de certains impôts.

C’est dans ce contexte que se sont développées les journées du 19 et du 20, où « la colère et la rage des manifestants s’est cristallisée sur la barrière en métal qui protégeait le Parlement. Ils ont lancé dessus une pluie de cocktails molotov, de pierres, de morceaux de marbre et tout ce qui leur passait sous la main. La barrière a reculé d’un mètre mais elle a tenu bon. Des voitures ont flambé, des vitrines ont volé en éclats des barricades d’ordures ont pris feu dans différents quartiers d’Athènes [4] ».

Autre indice de l’extrême radicalité de l’insubordination sociale généralisée qui caractérise la situation grecque, les incidents qui ont émaillé la fête nationale du 28 octobre. Le « jour du Non [5] » plusieurs défilés militaires ont ainsi dû être annulés en raison des mobilisations « anti-austérité », notamment celle de Thessalonique où le président grec, Carolos Papoulias, a dû fuir devant les manifestants. Cet évènement hautement symbolique (c’est la première fois en 71 ans que les parades militaires du « Jour du Non » sont annulées) a aggravé un peu plus la crise au sein du gouvernement et du groupe parlementaire du PASOK.

Bien que toutes ces grèves et actions exercent effectivement une pression sur les bureaucraties dirigeantes des syndicats majoritaires ADEDY (secteur public) et GSEE (secteur privé), la politique de celles-ci est d’éviter à tout prix que la radicalité de la jeunesse précarisée et des travailleurs n’aille jusqu’au bout dans le sens de faire tomber le gouvernement. Et cela se comprend très facilement par le fait qu’elles sont intimement liées au PASOK. Spyros Papaspyrou par exemple, le président d’ADEDY, est également membre du PASOK. De cette façon, ces directions sont des ennemies jurées de l’auto-organisation des travailleurs et de l’unité des travailleurs en maintenant une division réactionnaire entre travailleurs du privé et du public. En ce sens les journées de grève et de mobilisation isolées ne servent que de « soupape » pour faire décomprimer, à intervalle régulier, la haine des travailleurs grecs à l’égard du gouvernement et de la Troïka Europe-FMI qui impose à la Grèce une cure d’austérité brutale. Le rôle de la bureaucratie syndicale grecque est d’être le partenaire direct du PASOK au sein du mouvement ouvrier, c’est-à-dire l’agent d’un parti social-démocrate qui, comme tant d’autres à travers l’Europe, est devenu un parti bourgeois normal, chargé d’appliquer directement les plans d’austérité du capital.

L’autre syndicat qui a une certaine influence sur les masses est le PAME, contrôlé par le PC grec (KKE). Le rôle joué par le PAME n’en est pas moins néfaste. S’abritant derrière l’excuse que les directions d’ADEDY et de la GSEE sont liées au PASOK il refuse de construire un front unique d’action avec ces confédérations, le tout pour prôner une politique de pression pacifiste de respect du cadre bourgeois, réformiste et électoraliste. Cela s’est vu clairement lors des journées du 19 et 20 octobre. En effet pour l’occasion près de 5 000 policiers ont été mobilisés pour protéger pour éviter que les manifestants n’essayent de pénétrer dans l’enceinte parlementaire afin d’empêcher le vote du plan d’austérité imposé par la Troïka. Le jeudi 20 octobres plusieurs centaines de manifestants entendaient forcer les barrages de police devant le Parlement. Cela n’a pas été possible surtout parce que le service d’ordre du PAME, avec casques de moto et barres de fer, s’est interposé entre la barrière métallique qui ceinturait le Parlement et les manifestants, ce qui a provoqué des affrontements violents. Le SO du PAME a même livré des manifestants à la police. Ainsi, le PAME et le KKE se sont comportés comme des appendices de l’appareil de répression de l’Etat bourgeois [6]. Un syndicaliste du PAME a trouvé la mort lors ces évènements, victime d’un arrêt cardiaque provoqué par les gaz lacrymogènes de la police. Cependant le KKE n’a pas hésité à accuser les « anarcho-fascistes » [7] comme responsables du décès. En plus de témoigner d’une bonne dose bien enracinée de stalinisme, cela laisse entendre qu’il n’y avait que des « jeunes anarchistes » qui voulaient envahir le parlement, ce qui est loin d’être la vérité. Déjà les manifestations sur cette même place lors de la grève générale du 5 mai 2010 avaient été émaillées par des incidents au cours desquels des travailleurs du rang avaient tout fait pour essayer de forcer les cordons policiers.

Si cette attitude de la part des staliniens n’est pas étonnante, une mention spéciale est à décerner à Lutte Ouvrière (LO) qui n’hésite pas à justifier l’attitude du PAME. Selon LO donc, le 20, « un gros bataillon de koukoulofori (les « encapuchonnés », appartenant à de prétendus groupes anti-pouvoir) se sont affrontés au service d’ordre du PAME en tentant de faire irruption devant le Parlement. La réaction du service d’ordre de ce syndicat a été immédiate et des accrochages se sont produits, avec de nombreux blessés (…) La foule a alors commencé à abandonner la place avant que PAME décide de dissoudre son cortège. Les koukoulofori, eux, ont continué alors leur combat personnel contre le « pouvoir », en se défoulant contre la police et... les vitrines [8] ».

Même si le PAME-KKE porte une énorme part de responsabilité dans ce qui s’est passé devant le Parlement, conséquence de sa politique électoraliste et de respect de l’ordre bourgeois, cela ne veut pas dire qu’il faille donner un blanc-seing aux groupes autonomes qui ont cherché l’affrontement avec le SO du PAME. On ne peut d’ailleurs que partager les conclusions que tirent les camarades de l’Organisation des Communistes Internationalistes (OKDE-Ergatiki Pali) dans leur déclaration du 22 octobre « l’encerclement du Parlement par le KKE-PAME n’avait pour but que de protéger ce même Parlement de la colère des manifestants et empêcher que les travailleurs ne s’en approchent. Ils disent l’avoir fait pour protéger le mouvement ouvrier. Cet argument ne convainc personne. Ils ont fait l’exact opposé. Ils ont protégé le Parlement, repère de la bourgeoisie, du ras-le-bol des travailleurs. Cette attitude du KKE-PAME ne peut servir d’excuse pour justifier les attaques violentes contre ses colonnes qui ont été menées par des groupes et des individus aux orientations douteuses. Le mouvement anarchiste porte une énorme responsabilité pour l’attaque contre la colonne du KKE-PAME et du fait qu’il n’est pas capable de se défendre des infiltrations policières. Pour les marxistes révolutionnaires le conflit avec les forces politiques traitresses des réformistes (…) signifie avant tout la lutte pour le développement de l’auto-organisation et la radicalisation de la classe ouvrière avec l’objectif de construire un mouvement de masse qui soit la base du pouvoir révolutionnaire. Les déclarations enfin de SYN/SYRIZA et d’ANARSYA sont parfaitement inacceptables. Il est surprenant [que ces organisations de gauche radicale] ne voient pas quel a été le rôle joué par le KKE-PAME alors que les travailleurs du rang s’en sont rendus compte. ANTARSYA suit à la trace et justifie l’orientation du KKE, ce qui représente une attitude parfaitement destructrice pour le mouvement ouvrier, notamment alors qu’ANTARSYA a été à maintes reprises critiquée violemment par la direction du KKE ».

L’ensemble de ces exemples montrent en tout cas combien la situation en Grèce commence à devenir très tendue et que la lutte de classes se radicalise tant la pression de la Troïka et la brutalité des « plans d’austérité » s’intensifie. En effet « ‘‘Le pays est paralysé depuis plus d’un mois. D’un côté l’ensemble de la classe politique demande la tenue d’élections, de l’autre il y a la rue. Entre les grèves du zèle et ceux qui ralentissent l’activité, plus personne ne travaille’’, explique Giorgos Delastik, analyste politique. ‘‘Il faut y ajouter ceux qui n’ont plus les moyens de payer leurs factures, et la violence dans le comportement des gens qui n’ont plus rien à perdre’’ [9] ».
Contre la stratégie réformiste et électoraliste du KKE et de SYRIZA, il faut lutter pour la grève générale et l’auto-organisation des masses dans la perspective de la création d’embryions de pouvoir permettant de mettre en échec le gouvernement et les plans de la Troïka

La crise politique ouverte par la proposition de referendum met en évidence la politique des directions réformistes qui sont un obstacle au développement d’une alternative des travailleurs face à la bureaucratie syndicale liée au PASOK et au régime démocratique-bourgeois. Au lieu de se servir de la faiblesse du gouvernement pour passer à l’offensive, ils l’utilisent surtout pour demander… des élections anticipées !

Ainsi le KKE par exemple, tout en appelant à un rassemblement le 4 novembre Place Syntagma devant le Parlement au moment du vote de confiance, réclame de façon ouvertement électoraliste « il faut des élections tout de suite ! La classe ouvrière et les couches populaires doivent les imposer par de vastes mobilisations dans tout le pays. Par leur mobilisation et leur vote, elles peuvent porter un coup au système politique bourgeois, ouvrir la voie au renversement de la base de la politique anti-populaire, le pouvoir des monopoles [10] ».

On peut retrouver des déclarations de la même teneur du côté de l’alliance électorale réformiste SYRIZA : « Le président du groupe parlementaire de la SYRIZA, Alexis Tsipras, a affirmé que le premier ministre, Georges Papandréou, et son gouvernement "sont traînés finalement aux urnes, sous la pression asphyxiante du soulèvement populaire, à la suite de l’attitude fière de notre peuple lors de la célébration du "Non" (Fête nationale grecque du 28 octobre) […] Il semble que contre sa volonté, ce ne seront pas finalement des urnes de référendum, mais des urnes d’élections, a ajouté M. Tsipras, se déclarant convaincu que le peuple grec "dira un ‘non’ accablant à la politique de l’austérité et de la faillite sociale, ouvrant de nouvelles voies d’espoir pour le compte aussi des peuples d’Europe, mais surtout pour notre pays et la société grecque" [11] ».

Cette stratégie visant à canaliser l’énergie des travailleurs et de la jeunesse par la voie électorale et dans le cadre du régime alors même qu’un saut qualitatif se produit dans l’action directe des masses ne fait qu’entraîner la confusion et ouvrir un chemin à des issues bonapartistes. C’est ce qu’on constate lorsque l’on voit que dans l’éventualité d’élections anticipées ce serait la droite qui sortirait gagnante, avec l’idée sans doute de former un gouvernement de coalition. Par ailleurs il n’est pas anodin que l’extrême-droite grecque, LAOS, soit la force politique la plus enthousiaste à l’idée d’élections anticipées car elle n’exclut pas la possibilité de profiter de la crise politique pour se trouver une place dans un tel gouvernement.

Face à cette stratégie réformiste parfaitement impuissante pour imposer une quelconque défaite à la Troïka et au gouvernement il est au contraire indispensable d’avancer une politique pour dépasser les directions syndicales traitresses en développant l’auto-organisation des travailleurs et la coordination des luttes et des grèves au niveau national dans la perspective d’une grève générale politique jusqu’à mettre à bas le gouvernement et pour la mise en place d’un gouvernement des travailleurs.

Le développement des tendances à l’auto-organisation des masses pourrait passer par la création, par exemple, de comités de grève sur les lieux de travail et d’étude, avec liberté de tendances et reprenant les meilleures traditions de la démocratie ouvrière comme la révocabilité des délégués, des comités qui pourraient chercher à se coordonner afin d’aller dans le sens d’un véritable Comité National de Grève. Evidemment, une telle organisation ne pourrait ni se limiter simplement à la coordination des luttes, ni au cadre strictement syndical. Ce serait d’emblée un organe politique qui se présenterait comme une alternative face au pouvoir politique des patrons et des banquiers qui collaborent avec la Troïka. A partir de cette organisation propre les travailleurs pourraient disputer à la bourgeoisie en même temps le pouvoir politique et économique.

Cependant, pour que ceci puisse voir le jour, il faut que les travailleurs et les jeunes soient convaincus par une perspective propre, radicalement alternative à celle proposée par la Troïka et par le gouvernement ainsi que la fausse solution d’une sortie de l’euro et de la dévaluation qui commence à faire son chemin, même au sein des organisations de gauche, et qui n’amènerait qu’à une débâcle économique et à une hyperinflation, sans résoudre et au contraire en aggravant les souffrances des travailleurs et du peuple grecs.

Pour qu’une alternative d’indépendance de classe puisse voir le jour il faut un programme qui pose la nécessité du non-paiement de la dette, de l’annulation des privatisations, la nationalisation des banques et des grandes entreprises sans indemnité ni rachat et sous contrôle des travailleurs, un plan économique d’urgence pour répondre aux besoins les plus immédiats des travailleurs et du peuple avec notamment la suppression de la TVA, le partage des heures de travail avec un salaire correspondant aux besoins élémentaires de chaque famille. Il s’agirait d’un programme qui ne s’attaque pas seulement à la tentative de semi-colonisation du pays mais aussi aux grands capitalistes nationaux qui ont envoyé leur argent en Suisse et qui au beau milieu de la catastrophe sociale que traverse la Grèce continuent à vivre dans le luxe de leurs yachts et voitures haut de gamme. Bref, il s’agirait d’un véritable programme anticapitaliste. Elaborer un tel programme et le mettre en avant dans la lutte de classes en Grèce pour commencer à jeter les bases d’un véritable parti révolutionnaire, voilà la pierre angulaire de toutes les organisations qui se réclament du trotskysme et de la révolution.
Soutenons les travailleurs grecs : exigeons des directions syndicales une journée de grève générale européenne en soutien à nos sœurs et frères de classe grecs et contre l’austérité continentale

Ce qui se passe actuellement en Grèce c’est un massacre social contre les travailleurs et les couches opprimées de la société. C’est une attaque brutale contre les conditions de vie des masses d’un pays capitaliste central, même s’il ne s’agit pas d’un pays impérialiste de premier ordre. Il s’agit d’une offensive d’une violence inouïe. Du jamais vu en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

Les « plans d’austérité » à répétition que l’on impose aux travailleuses et travailleurs grecs, les dégradations des conditions de vie, la flexibilisation du travail, la destruction de tous leurs acquis en matière de services publics et les souffrances que cela implique pour la vie au quotidien sont une expérience grandeur nature de ce que les bourgeoisies européennes voudront imposer dans leurs pays respectifs le moment venu.

Dans une période de crise économique mondiale il serait illusoire de penser que ce qui se passe en Grèce est seulement un problème des Grecs. La crise commence déjà à frapper très fort à la porte de l’Italie où Berlusconi tente par tous les moyens de convaincre ses partenaires de la Ligue du Nord d’appliquer au plus vite des mesures d’ajustement ; dans l’Etat Espagnol, au Portugal et en Irlande la crise fait déjà de ravages. C’est ce que l’on peut voir à travers le chômage de masse qui touche la jeunesse de l’Etat espagnol. En France aussi rien ne dit que les travailleurs ne soient pas aussi confrontés à des « plans d’austérité » dictés par le besoin de conserver le triple A concédé par les agences de notation et aujourd’hui remis en question.

Mais les bourgeoisies impérialistes les plus fortes de l’UE ne se contentent pas seulement d’imposer « du sang et des larmes » aux travailleurs des pays les plus faibles. Elles doivent aussi les désigner comme les « responsables » de la crise. Ainsi, le journal sensationnaliste allemand Blid écrit par rapport à l’hypothétique référendum grec « Maintenant, ça suffit ! Nous garantissons des centaines de milliards d’euros pour sauver les Grecs en faillite, et maintenant, ils veulent d’abord décider par référendum s’ils vont faire des économies !. Madame [la chancelière Angela] Merkel, nous voulons aussi un référendum ! Nous voulons aussi décider si nous continuons d’aider les Grecs avec des milliards d’euros ». Ainsi, le quotidien populaire le plus vendu d’Allemagne « ne veut plus que les Allemands payent pour "le bazar grec, la gabegie", son Etat "pourri et corrompu" [12] ».

Les travailleurs d’Europe, notamment les travailleurs des principaux pays créanciers comme l’Allemagne et la France, ne peuvent pas accepter ce type de provocations et insultes lancés au visage des travailleurs en Grèce. Face à la tentative des bourgeoisies de ces pays de semi-coloniser la Grèce les travailleurs doivent organiser la solidarité avec le prolétariat de Grèce. En France par exemple, on peut commencer par exiger l’annulation de la dette de ce pays vis-à-vis des institutions bancaires françaises, le refus de ce que l’Etat leur donne de l’argent et pour la nationalisation de ces banques sous contrôle des travailleurs pour garantir l’annulation effective de la dette et la sauvegarde des économies des petits épargnants en France.

Ce qui se passe en Grèce aujourd’hui est une attaque contre l’ensemble du monde du travail. Les travailleurs d’Europe ne sauraient rester indifférents face à la lutte des masses en Grèce contre les plans de la Troïka. Nous devons exiger partout aux confédérations syndicales qu’elles organisent des actions concrètes et coordonnées contre les plans que les bourgeoisies impérialistes européennes imposent à ce pays, dans la perspective d’une grève générale européenne contre les plans d’austérité. Faire reculer la bourgeoisie et la Troïka en Grèce, c’est les faire reculer partout !

03/11/11

[1] Presseurop.eu, « Le retour à la terre », 19/10/2011

[2] Le Courrier des Balkans, « Crise en Grèce : plus d’argent ? plus de maison de retraites... », 26/10/2011

[3] LCI/TF1, « Crise et conséquences en Grèce : suicides, drogues, prostitution », 10/10/2011

[4] Lalibre.be, « Grèce : "Une seule solution, la révolution" », 20/10/2011

[5] « Le jour du Non » marque le début de la résistance de la Grèce à la tentative d’invasion de l’Italie fasciste de Mussolini en 1940.

[6] Ce n’est pas la première fois que le KKE agit de cette façon. Déjà pendant la révolte de la jeunesse de décembre 2008 à la suite du meurtre d’Alexis Grigoropoulos le gouvernement réactionnaire de Nouvelle Démocratie mené par Karamanlis ainsi que le leader de l’extrême droite grecque Kartzaferis (LAOS) avaient félicité le KKE ainsi que Papariga pour la « position responsable » du PC qui s’était opposé à la révolte et avaient défini les jeunes comme des agents provocateurs. Il n’est pas non plus sans intérêt de noter qu’en Italie, à la suite des affrontements ayant émaillé la manifestation de Rome du 15 octobre, c’est le cousin modéré du KKE, SEL (Sinistra, Ecologia e Libertà) de Nichi Vendola qui a joué le rôle de chien de garde de l’ordre bourgeois en demandant à ses militants de collaborer avec la police pour livrer des vidéos et des photos de « casseurs » afin de faciliter leur arrestation…

[7] Voir le communiqué du KKE « Communiqué de presse du KKE concernant l’organisation de l’assaut meurtrier contre la manifestation du PAME à Syntagma et la mort du syndicaliste du PAME Dimitris Kotzaridis ».

[8] Lutte Ouvrière, « Grèce - Face aux mesures d’austérité, 19 et 20 octobre, deux jours de grève générale », 28/10/2011

[9] Le Figaro, « Grèce : un referendum sur le sommet européen », 31/10/2011

[10] Communique du KKE, « Non au chantage sur le peuple, non au référendum ! À bas le gouvernement ! Élections immédiates ! », 2/11/2011

[11] Athens News Agency, « Le KKE, le LAOS et la SYRIZA demandent des élections », 2/11/2011

[12] Le Monde, « Le tabloïd allemand "Bild" réclame un référendum pour sortir les Grecs de l’euro », 3/11/2011

Pourquoi le système frappe mortellement le peuple grec ?

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