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Comment les travailleurs de PSA-Peugeot-Citroën peuvent se défendre ? Comment les militants ouvriers peuvent organiser la lutte ? Comment apprécier les buts du patron ? Comment construire le rapport de forces ? Quel mode d’action ? Quelle stratégie ?

mardi 15 novembre 2011, par Robert Paris

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Les délocalisations sont-elles vraiment la cause des suppressions d’emplois ?

Ce n’est pas un combat des seuls travailleurs de PSA, mais c’est un combat de tous les travailleurs ou une défaite de tous les travailleurs !!!

Comment les travailleurs de PSA-Peugeot-Citroën peuvent se défendre ? Comment les militants ouvriers peuvent organiser la lutte ? Comment apprécier les buts du patron ? Comment construire le rapport de forces ? Quel mode d’action ? Quelle stratégie pour gagner ? Comment développer notre argumentation pour renforcer la conscience et l’organisation du camp des travailleurs ? Quelle perspective ?

Aujourd’hui, les travailleurs combatifs de PSA sont mobilisés dans la rue devant le siège des patrons de l’usine automobile pour crier leur indignation face à l’annonce de milliers de suppressions d’emplois par l’entreprise automobile alors que celle-ci fait des bénéfices, alors qu’elle a reçu de l’argent de nos impôts pour ne pas supprimer des emplois, alors que le patron s’y était engagé, alors qu’il vend des voitures, alors que les profits sont là, etc...

Tels sont d’ailleurs les arguments développés par les travailleurs et, à leur tête, par les militants syndicalistes dont nombre de militants d’extrême gauche, particulièrement de Lutte Ouvrière et du NPA.

Bien entendu, nous soutenons les travailleurs de PSA face au patron.

Et pourtant, nous estimons que le discours que nous venons de reproduire ci-dessus est le producteur de défaites inévitables et que cette manière de mener les luttes, qui est celle des syndicalistes y compris leur frange de gauche, ne peut mener qu’à la défaite. Et nous estimons très important de ne pas nous contenter de notre solidarité avec les travailleurs face au patron et de dire ce que nous pensons de cette stratégie qui mène à l’échec et à la démoralisation....

Les syndicalistes réformistes veulent absolument faire croire que la crise est factice et n’est qu’un prétexte à des sacrifices pour les travailleurs. Ils veulent affirmer que la crise ne pourrait provenir que d’une baisse des ventes. Ils ne veulent pas admettre que le capitalisme ait pu atteindre ses limites, car alors leur rôle aurait aussi atteint le sien.

Cela signifie que leurs seuls critères sont les ventes et les profits. Mais le critère de la crise actuelle est la fin de l’accumulation privée du capital. Les riches ont beaucoup d’argent, mais ne veulent plus l’investir dans la production et le commerce. Ils spéculent. Et plus ils spéculent, plus la spéculation devient plus intéressante à court terme que l’investissement. C’est donc devant une spirale destructrice que se retrouve le système. Son seul moyen de tenir momentanément a été l’investissement massif des Etats qui a mené à leur faillite actuelle... A PSA et Renault, l’Etat a donné et n’arrête pas de donner des milliards et cela ne peut suffire à pallier les investissements des trusts.

Cela signifie que tous les capitalistes, que PSA, que Renault, que le Bâtiment spéculent. Cela signifie aussi qu’ils estiment la spéculation sur les fonds souverains par exemple bien plus profitable que de produire des voitures… Avec des risques : ils viennent de perdre beaucoup d’argent en jouant sur les dettes souveraines de la Grèce, de l’Espagne, de l’Italie. Et ils vont en avoir perdu encore bien plus sur les dettes souveraines… de la France ! D’où les suppressions d’emplois et les licenciements en prévision…

Les suppressions d’emploi à PSA ne sont pas plus causées par le manque des véhicules vendus que les licenciements à la Société Générale ou à la BNP le seraient par le manque de comptes de particuliers ouverts, ni les licenciements du Bâtiment par le manque d’acheteurs d’appartements.

Tous ces licenciements ont exactement la même cause : les capitalistes se retirent massivement de leurs investissements, ils misent plutôt sur des spéculations financières, les capitalistes n’investissent plus, les banques ne prêtent plus, les capitalistes misent sur la chute des monnaies, des Etats, des bourses, des économies car cela rapporte plus. Et les entreprises automobile font de même...

Soulignons le mode de raisonnement développé dans les média par les dirigeants syndicalistes dont nombre de militants révolutionnaires : le patron gagne de l’argent donc il ne devrait pas supprimer des emplois ; les profits sont là et les travailleurs n’en bénéficient pas ; Le groupe choisit de faire travailler en Chine ou au Brésil alors que c’est un trust français aidé par l’Etat français ; PSA a annoncé s’être tiré de la crise avec des profits records et le trust ne devrait pas faire payer les travailleurs, etc, etc... Ce n’est pas juste. Ce n’est pas moral. Ce n’est pas l’intérêt de l’entreprise. Ce n’est pas social. ce ne devrait pas être accepté par l’Etat français qui a payé pour empêcher les suppressions d’emplois. etc, etc...

Bien entendu, nous comprenons très bien ce que veut dire ce discours : la crise est un prétexte, une entreprise qui profite ne devrait pas licencier, ni même supprimer des emplois, on se mobilise avec le droit moral pour nous...

Cela semble légitime, non, tout cela ? Et pourtant, ce n’est qu’un moyen d’aller direct dans le mur, même si les salariés de PSA se mobilisent...

Et d’abord parce que cela repose sur une analyse fausse de la situation.

Bien entendu, nous ne prétendons en rien légitimer la politique de suppressions d’emplois de PSA, mais seulement comprendre la logique patronale pour mieux la combattre.

Le raisonnement précédent sous-entend qu’il s’agit simplement de délocalisations en vue d’augmenter les profits et que la racine de cette politique n’a rien à voir avec la crise que connait le système mondial. C’est faux.

Cette manière de raisonner laisse entendre que les suppressions d’emplois ne sont pas liées aux désordres financiers, boursiers, monétaires et économiques du système mondial. Et c’est faux.

C’est une manière de dire que le patron de PSA mène une politique particulière qui est particulièrement hostile aux travailleurs et qu’il suffirait que les travailleurs de PSA se mobilisent contre ce plan pour le faire reculer. Et c’est faux.

C’est faux parce que l’offensive contre les travailleurs n’est nullement cantonnée à PSA. La première des choses à faire pour élever le niveau de conscience et le rapport des forces serait de montrer aux travailleurs de PSA qui veulent se mobiliser que la lutte doit être générale et qu’il est vital de se mobiliser à des niveaux plus important qu’un site comme Citroën Aulnay et même qu’un groupe comme PSA. Il va falloir entraîner toute l’Automobile et même toute la classe ouvrière.

Les licenciements à PSA sont un ballon d’essai qui suit les licenciements et fermetures d’usines chez les sous-traitants de l’Automobile.

Les luttes des travailleurs des sous-traitants de Peugeot et Renault ayant été isolées et battues, il devient possible de s’attaquer à PSA d’abord puis, un peu plus tard, à Renault.

Est-ce que ces syndicalistes mènent une propagande active permettant aux salariés du reste de l’Automobile de comprendre et combattre cette manœuvre de division ? Nullement !

Les syndicalistes expliquent au contraire la situation site par site (défendre Aulnay), entreprise par entreprise, pays par pays.

Pour quelle raison, les travailleurs de PSA seraient-ils suivis par ceux de Renault sur l’objectif unique de "sauver l’emploi à PSA" ?

De même, dans les entreprises qui étaient menacées de fermeture et qui mettaient uniquement en avant la défense du site, comment seraient-ils parvenus à convaincre l’ensemble de la classe ouvrière qu’elle était concernée par cette lutte ?

Même lorsque d’autres mobilisations nationales avaient lieu en même temps, comme celle des retraites, rien n’a été fait pour élargir et généraliser la lutte. On ne peut pas considérer que les promenades de quelques syndicalistes "en solidarité"’ en tiennent lieu...

Le discours selon lequel "il n’y a pas de crise", selon lequel c’est juste une défense classique des emplois face à des patrons profiteurs, prétend être la meilleure manière de se faire comprendre des salariés. Mais ce n’est pas un argument. La seule manière d’avoir une stratégie juste est qu’elle soit fondée sur une véritable analyse de la situation...

Bien sûr, quand on veut juste avoir un discours dénonciateur, il peut sembler meilleur de dire que le patron est simplement un voyou.

Mais la réalité, c’est que PSA est simplement un patron qui mène une politique patronale tout ce qu’il y a de logique en période de crise mondiale. Il ne veut pas investir et il n’est pas le seul. Tous les patrons du monde cherchent comment ils pourraient se désinvestir sans trop y perdre, se désinvestir de l’industrie et même se désinvestir du commerce.

Car l’autre mensonge que diffusent ces syndicalistes est que "normalement" le capital devrait s’investir dans la production et dans le commerce, que normalement il devrait créer des emplois, que normalement il devrait investir en France, que normalement il devrait partager ses bénéfices, etc... Et il est faux aussi qu’il suffit d’être nombreux à PSA à se mobiliser pour le faire reculer.

C’est même l’affirmation qui est sans doute la plus fausse.

En ce moment, dans une période où le capitalisme est confrontée sans doute à la pire catastrophe de son histoire, il n’est pas question pour un patron de reculer localement...

Si les autres patrons et l’Etat autorisent un patron à attaquer un secteur de la classe ouvrière, c’est justement pour faire une démonstration et démoraliser l’ensemble des travailleurs.

Il suffit que ce secteur se mobilise seul en faisant comme s’il était seul attaqué pour qu’il soit battu.

On pourrait se dire que notre discours est injuste et que les syndicalistes de PSA ne demandent pas mieux que de mobiliser aussi les autres secteurs de l’Automobile et même de toute la classe ouvrière derrière eux. Et c’est vrai. ils vont sans doute faire des gestes dans ce sens et ils auront raison de le faire. Mais tout leur discours aura auparavant retiré tout sens à une mobilisation générale. une vrai mobilisation générale ne peut se réaliser que sur des motifs généraux, pas pour défendre Aulnay ni pour défendre l’emploi à PSA.

Pour gagner, les travailleurs de PSA doivent laisser à penser à leur patron, aux patrons de l’Automobile, aux autres patrons, à l’Etat français, voir aux autres Etats européens, qu’une lutte de classe démarrant à PSA est un véritable danger de généralisation et de victoire faisant payer très cher le plan de suppressions d’emplois à PSA à l’ensemble des patrons, en remontant le moral à tous les travailleurs, en développant des formes d’organisation et de lutte très dangereuses pour toute la classe capitaliste.

La méthode actuelle des syndicalistes de PSA est aux antipodes de cette démarche. Ils restent dans un cadre très acceptable par les appareils syndicaux nationaux pourtant complètement liés à nos ennemis du patronat et de l’Etat. ils ne développent ni des formes de lutte, ni des formes de propagande, ni des formes d’organisation autonome des travailleurs susceptible de se faire craindre de la classe capitaliste et de les faire reculer...

Que feraient des militants et des travailleurs combatifs qui voudraient, en renforçant le rapport de forces de leur classe à PSA, préparer cette classe aux combats qui viennent ?

Tout d’abord, ils bifferaient de leur discours tout ce qui consiste à nier la crise, à la minimiser sous prétexte que les patrons sont riches, qu’ils font des profits, qu’ils se distribuent de l’argent. Bien sûr, les patrons profitent et ont toujours profité, crise ou pas crise. Mais justement, cela ne prouve pas qu’il n’y a pas de crise.

Or, pour la manière de lutter qu’il y ait ou pas un véritable effondrement actuel du système est une question déterminante pour les perspectives de la lutte et, du coup, pour la manière de la mener.

Si c’est une lutte à mort entre les travailleurs et le système, il ne peut plus être question de compter sur les directions syndicales qui sont liées au système...

Il ne peut plus être question de compter sur des luttes localisées.

Il ne peut plus être question de faire croire que l’objectif est la défense des emplois dans le cadre du système. Il faut absolument souligner que, si le système menace nos emplois, nous menaçons mortellement le système...

Il convient de souligner un point : nous ne reprochons pas à des travailleurs ou à des militants d’avoir adhéré à des syndicats, mais nous estimons que cela ne les oblige pas à militer pour que les syndicats dirigent les luttes.

Il est même indispensable que les organisations syndicales ne les dirigent pas et que ce soient des comités élus et révocables de travailleurs, syndiqués et non syndiqués, qui les dirigent.

Mais, me direz-vous, Citroën-Aulnay est justement une entreprise où des militants d’extrême gauche (de Lutte Ouvrière) ont constitué des comités de grève.

Eh bien, nous estimons que cela n’a pas empêché que la lutte reste dirigée par les syndicats parce que les militants qui ont constitué le comité souhaitaient la maintenir ainsi.

Des comités de grève ne sont pas des réunions qui restent en interne. Leurs élus ne se présentent pas aux média avec des étiquettes syndicales mais avec l’étiquette du comité de grève, diffusent les tracts du comité de grève, ont les badges du comité de grève, font savoir aux travailleurs qui manifestent avec eux pourquoi et comment ils se sont organisés en comité de grève. Ils montrent aussi comment et en quoi la politique du comité de grève se distingue de celle des centrales syndicales... Cela n’a pas été la politique de l’extrême gauche, pas plus à PSA qu’ailleurs...

La force de la classe ouvrière est dans sa conscience et dans son organisation. Par conséquent, il est fondamental que les militants ouvriers se fondent sur une véritable analyse de la situation et ensuite il est fondamental qu’ils militent (à l’intérieur et à l’extérieur) pour que les travailleurs soient organisés en comités indépendants des appareils syndicaux.

Bien sûr, les comités ne sont pas une panacée et il est possible que des militants syndicalistes en fabriquent qui ne soient pas de vrais organes de classe. Cela n’empêche pas que des militants révolutionnaires de la classe ouvrière doivent combattre la volonté des appareils syndicaux de diriger les luttes. Il est logique que les réformistes se battent au sein des comités de grève pour les détourner de leur chemin. Mais c’est seulement au sein de tels comités que les travailleurs peuvent se préparer à leurs tâches de direction de leurs luttes qui mènent à leurs tâches de direction de toute la société...

Ce n’est pas une lutte d’appareil, mais une lutte de classe et une lutte politique. les buts politiques et sociaux des appareils syndicaux sont l’accompagnement du capitalisme. L’intérêt politique et social des travailleurs est dans le renversement du système. En période d’effondrement de celui-ci, cela devient vital....

Les militants et travailleurs conscients, qui souhaitent réellement défendre les intérêts de leur classe, c’est-à-dire en cette période la lutte vers le pouvoir aux travailleurs doivent :

 oeuvrer dans toutes les circonstances pour l’auto-organisation des travailleurs, même si cela nécessite de combattre les illusions des travailleurs eux-mêmes et surtout si cela nécessite de combattre les appareils syndicaux
 ne rien cacher sur la signification de la crise actuelle
 combattre toutes les illusions selon lesquelles l’Etat devrait faire ceci ou cela
 développer la conscience qu’il ne suffit plus de défendre nos acquis, mais qu’il faut mener le combat contre le système dans son ensemble et à l’échelle mondiale
 développer les liens inter-sites, inter-entreprises, internationaux, et, en particulier, casser la propagande sur la mondialisation, sur les délocalisations. Cette dernière propagande organise la principale division, celle entre travailleurs du monde...

On a pu entendre des militants syndicalistes d’extrême gauche déclarer aujourd’hui : "Nous n’avons rien contre le fait que PSA embauche des travailleurs chinois ou brésiliens. Ils ont besoin comme nous de travailler et ce sont des frères de classe, mais cela ne doit pas se faire en supprimant des emplois de travailleurs en France." C’est une manière hypocrite de sous-entendre que ce sont les emplois en Chine ou au Brésil qui cassent les emplois en France. C’est faux ! Les emplois baissent partout dans le monde en ce moment, y compris en Chine : la mondialisation n’en est pas la cause, pas plus que les délocalisations. Si le patron veut le faire croire, ce n’est pas un hasard...

Le patronat n’est plus en train de mondialiser l’économie, il est en train de mondialiser la chute irrévocable de son système....

Tous les prétextes selon lesquels les travailleurs ne peuvent pas entendre un tel discours sont fallacieux. Les organisations qui ne sont plus capables de tenir un tel discours ont fait un choix. Aux militants conscients de le comprendre et de choisir eux aussi...

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