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Comment Lutte Ouvrière organise une grève SNCF : comme des militants socialistes qui préparent le rôle autonome du prolétariat

samedi 14 mai 2016, par Robert Paris

Ici on parle du passé... Comment Lutte Ouvrière organisait une grève SNCF : comme des militants socialistes qui préparaient le rôle autonome du prolétariat

Nous citons ici un texte de Lutte Ouvrière intitulé
« A propos des grèves SNCF de Villeneuve-triage et Paris-Austerlitz (décembre 1978 et janvier 1979) » :

Ces deux grèves concernaient un nombre de travailleurs limité (environ 400 pour la première, 200 pour la seconde). Elles avaient pour objet des revendications locales elles aussi très limitées, qui mettaient hors de question la perspective de la moindre extension du mouvement. Elles se sont soldées toutes les deux par un échec au plan des revendications. Et elles n’ont eu un petit retentissement et n’ont soulevé d’intérêt que parmi les cheminots des secteurs SNCF qui côtoient immédiatement les secteurs qui ont fait grève (régions Paris-Sud-Est et Paris-Sud-Ouest SNCF). (…)

La grève à Villeneuve-triage

(…)
Il fallait organiser la grève au mieux. Mais la première condition, puisque pression de la base il y avait, était de ne pas organiser cette grève au nom des syndicats en général et de la CGT en particulier, même si nos camarades étaient des dirigeants cégétistes locaux. Puisque la situation le permettait, il était de notre devoir de militer pour que les gars forment leur comité de grève et prennent en mains leur propre lutte, ou bien alors de s’associer à la grève en tant qu’individu, mais en refusant de la diriger.

A la suite de l’assemblée de jeudi matin nous décidons donc de proposer de mettre en place un comité de grève, élu par les grévistes, responsable devant eux et éventuellement révocable par eux, composé des plus représentatifs d’entre eux, syndiqués ou non et quelle que soit leur appartenance syndicale.

En fait, surtout vu rétrospectivement nous avons sans doute trop tardé à faire cette proposition.

Mais surtout nos camarades eux-mêmes ont quelque mal à la faire passer dans les faits. Les grévistes eux-mêmes, sans être contre, ne voient pas bien la nécessité ou l’utilité du comité de grève. Le dirigeant de la CFDT, tout libertaire qu’il soit, estime que « le comité de grève, c’est un slogan » et n’entend pas pousser à la constitution d’un réel comité. Et surtout nos camarades, qui ont agi jusqu’ici en tant que dirigeants CGT, ont du mal à se reconvertir, à ne plus agir en tant que représentants du syndicat mais à se poser en dirigeants des grévistes ne voulant tenir leur autorité dans la grève que des grévistes eux-mêmes et au travers des structures mises en place par les grévistes.

Du coup, jeudi et vendredi, la propagande pour le comité de grève semble rencontrer peu d’échos et les propositions de le mettre en place tombent à plat. En fait, nos propres camarades sont peu convaincus de la nécessité de ce comité de grève et, en tout cas, de la nécessité pour eux de cesser de diriger la grève si les travailleurs ne sont pas assez conscients de la nécessité d’un comité, car cela fait partie de notre analyse.

Pour pouvoir faire grève avec des chances de succès, il leur faut non seulement la volonté de faire grève, mais encore la conscience et l’on peut se demander qui de nos camarades ou des travailleurs étaient les moins conscients pendant cette période de quelques jours car, de fait, les travailleurs avaient déjà dépassé ce niveau et le problème du comité de grève était le problème de l’heure depuis déjà plusieurs jours.

Car pendant tout ce temps, nos camarades continuaient à se conduire en simples responsables du syndicat car, dès le vendredi, ils pourront vérifier que cela avait des conséquences et que le niveau de conscience des travailleurs dépassait déjà la représentation syndicale…

Ce jour-là, la direction SNCF régionale accepte de recevoir les représentants des syndicats. (…) Et lorsqu’à la demande de nos camarades d’interrompre la réunion pour aller faire le point avec les grévistes qui attendaient dehors, les représentants de la CGT ne bougent pas… et nos camarades non plus.

Aussi, deux heures plus tard, lorsque les délégués sortent, c’est par des huées qu’ils sont accueillis par les 120 grévistes qui prennent violemment à partie les syndicats pour les avoir fait attendre, dans le froid, et qui plus est pour rien (car la direction n’a pratiquement rien cédé) et sans avoir pris la peine de leur rendre compte régulièrement de la situation. Ce soir-là la proposition de faire un comité de grève, refaite aux 120 présents par un camarade, est carrément repoussée. Les grévistes n’y voient qu’une proposition des syndicats. Et ils sont bien décidés à montrer aux syndicats qu’ils sont mécontents en votant contre toutes leurs propositions.
Les camarades n’avaient plus le choix : ou ils continuaient de se comporter en dirigeants syndicalistes qui savent eux, à la place des travailleurs, ce qu’il est bon de faire, ce qu’il n’est pas bon de faire, etc…, ou ils prennent conscience qu’ils sont avant tout des militants révolutionnaires et que c’est trahison que de ne pas mettre en place des formes démocratiques et révolutionnaires de direction et d’organisation de la classe ouvrière dès que les circonstances le permettent.

(…) On ne fait pas de syndicalisme lorsque les travailleurs sont en mouvement et prêts à prendre leur lutte en mains. (…) Les réformistes ne sont pas tous des traîtres conscients ; l’immense majorité d’entre eux se trompent tout simplement sur le niveau de conscience des masses et restent un pas en retard par rapport à elles. C’est ce qui, en tout petit, a failli arriver à nos camarades en cette circonstance.

Disons que ce n’est pas une critique car c’est arrivé à bien d’autres et cela arrivera encore à bien d’autres. (…) Mais bien entendu en d’autres circonstances, dans des mouvements plus larges, plus décisifs, c’est une véritable trahison. C’est pour cela que nous attachons tant d’importance à la discussion de ce mouvement.

Pour en revenir au triage de Villeneuve, le comité de grève sera mis en place, le matin suivant. (…) A partir de ce jour, samedi 2, c’est le comité qui devient la direction effective de la grève. (…)Il faut dire aussi que le camarade qui était secrétaire de la section CGT nous a fait parvenir sa décision de démissionner (de LO et de son mandat syndical). Depuis le début de la grève, il tirait en arrière. (…)

La grève à Paris-Austerlitz

Le mouvement à Paris-Austerlitz qui va suivre celui de Villeneuve dans la foulée va bénéficier des enseignements que nous avons pu tirer de celui-ci. (…)

Au début décembre, la soixantaine de « nicoteurs » commencent à parler de faire grève pour les départs de fêtes de Noël. (…) La CGT intervient pour expliquer que c’est une erreur de faire grève au moment des fêtes. (…) Les travailleurs ne comprennent pas trop la nécessité de s’organiser, ne voient pas le sens d’un comité de grève. (…)

Le 22 au matin les quelques gars battants tentent de lancer la grève. Les syndicats, malgré le soutien promis, sont absents. (…) C’est l’occasion pour notre camarade de rediscuter avec eux, d’expliquer une nouvelle fois et, cette fois, d’être mieux compris. (…) Finalement il y a 21 candidats pour ce comité de grève provisoire. (…)

Après la constitution du comité, l’appareil CGT commence à réagir. Les dirigeants du syndicat font leur réapparition dans les assemblées générales, dans les tournées. Ils essaient de dissuader de aire grève en présentant les propositions de la direction comme positives et, surtout, critiquent le comité de grève. (…) Celui-ci n’en continue pas moins son travail. (…)

L’hostilité de la CGT envers la grève et le comité de grève ne fait que croître au fil des jours. (…) C’est toujours le comité qui dirige, qui propose, qui organise et c’est lui que les grévistes regardent comme l’unique direction de la grève. (…)

La grève n’a rien amené. Pourtant, là aussi comme à Villeneuve, les travailleurs e sont pas du tout démoralisés. Ils ont vraiment fait l’expérience – et ils le disent – que leur mouvement, ils pouvaient l’organiser et le contrôler contre la direction mais aussi contre les bureaucraties syndicales. (…)

Dans ces deux mouvements, nous aurions pu nous contenter d’essayer de prendre la direction en tant que représentants du syndicat (CGT à Villeneuve, CFDT à Paris-Austerlitz). Cela aurait sans doute été parfaitement possible, et dans ce cas nous aurions pu certainement coopérer avec l’appareil CGT. (…) Nous nous y sommes refusés, considérant que dans un tel mouvement tout ce que les travailleurs avaient à y gagner était d’élever leur niveau de conscience en apprenant qu’il était possible d’avoir une autre organisation de la grève, qui à la fois permette le contrôle démocratique de celle-ci par les grévistes et amène ceux-ci à être partie prenante de toutes les décisions et de toute l’organisation. (…)

Lutte Ouvrière

la suite

Messages

  • Prochaines grèves

    Avec la journée revendicative des travailleurs de la SNCF, du Gaz et de l’Electricité les luttes grévistes prennent un nouveau départ.

    Ces luttes seront ce que les travailleurs en feront mais, avant tout, pour le moment, ce que les organisations syndicales en voudront faire.

    Et ce qu’elles feront peut aisément se prévoir. Il est sûr que les grandes Centrales, ensemble ou séparément, ne chercheront pas consciemment et volontairement, à organiser les luttes revendicatives à un échelon tel qu’elles puissent contraindre la bourgeoisie et le gouvernement à céder sur les principales des revendications de l’heure, comme la diminution de l’horaire de travail, l’augmentation en conséquence de tous les salaires et la garantie de ce salaire contre les fluctuations de la production et du coût de la vie. Pour importantes qu’elles soient ces revendications n’en sont pas moins des revendications minimum. Elles sont vitales au sens plein du terme pour les travailleurs. Si à l’heure actuelle la majorité des travailleurs ressent comme une nécessité la diminution de l’horaire de travail, ce qui n’était pas le cas il n’y a ne serait-ce qu’un an ou deux ans, cela tient essentiellement à la fatigue physiologique accumulée par plusieurs années de travail durant lesquelles non seulement la durée mais encore l’intensité du travail n’a cessé d’augmenter et au fait que les foyers ouvriers se trouvent maintenant équipés du minimum de biens nécessaires.

    Vitale aussi, la garantie du salaire car, dans leur recherche du profit, les maîtres de la société bourgeoise nous préparent un avenir où les à-coups, sinon les crises graves, seront la règle.

    Ces revendications, seul un mouvement de l’ampleur de juin 36 pourrait les imposer, or, nous savons par expérience que les Centrales Syndicales ne sont pas du tout prêtes à engager une telle lutte. Tout au plus le sont-elles à tirer profit sur le plan politique d’un mouvement semblable, si les travailleurs l’engageaient d’eux-mêmes, sans qu’elles puissent s’y opposer.

    Par contre les syndicats ne renonceront pas à organiser et à entretenir une certaine agitation. Primo, parce que s’il n’y avait absolument aucune lutte revendicative de la part de la classe ouvrière la justification des syndicats auprès de la bourgeoisie disparaîtrait. Secundo, s’ils ne se donnaient même pas une apparence d’activité vis-à-vis des travailleurs, c’est ce qui leur reste de crédit auprès de ceux-ci qui s’évanouirait. Le fait qu’ils organisent en ce moment des « journées revendicatives » à l’échelon national, par corporation, ne doit pas faire illusion sur une quelconque volonté de leur part de généraliser les luttes. Cela tient uniquement au fait que les travailleurs ont fait l’expérience des grèves tournantes encore très récemment, et qu’il est de plus en plus difficile aux syndicats de les entraîner dans des mouvements limités. Il faut aujourd’hui, pour que les travailleurs entrent en mouvement, que la lutte qu’ on leur offre ait au moins l’apparence de la généralisation.

    C’est cela qui permet de dire que dans les mois qui viennent, étant donné la contradiction où se trouvent enfermées les Centrales Syndicales, il n’est pas improbable, en particulier si tous les militants ouvriers d’extrême-gauche oeuvrent dans ce sens, de voir les luttes ouvrières déborder le cadre que leur ont fixé les organisations syndicales.

    Les premières tâches à accomplir, dans un secteur où règne une agitation gréviste sont, bien entendu, la propagande pour un mouvement généralisé sur la base de revendications intéressant l’ensemble de la classe ouvrière, mais aussi l’élection de comités de grève, et cela avant que les mouvements éclatent, sur la base de la représentation directe des travailleurs et non des seules bureaucraties syndicales, en mandatant ces comités pour la prise de contact avec les travailleurs des autres entreprises de la localité, plus que de l’industrie intéressée.

    En effet, il est facile de prévoir qu’à l’heure actuelle la lutte revendicative ne peut pas ne pas passer par la rue où, si elle y aboutit, elle est sûre de rejoindre celle des paysans.

    Lutte de Classe,
    n°25 (17 octobre 1961)

  • Pratiquement, depuis la deuxième guerre mondiale nous n’avons pas vu les syndicats français organiser et diriger jusqu’à satisfaction de mouvement de grève de l’importance des grèves américaines dans une quelconque corporation. A de très rares exceptions près, les seules grèves de longue durée qui se sont produites (grève des fonctionnaires de 1953, grève des Chantiers navals de l’Ouest en 1955, grève des mineurs de charbon en 1963) ont été soit déclenchées sans les Centrales syndicales, soit poursuivies malgré leur opposition. Dans tous les cas (et il y en eut bien d’autres que nous ne citons pas) les Centrales syndicales se sort employées à faire reprendre le travail, et y ont finalement réussi, sans que les grévistes obtiennent satisfaction.

    La pusillanimité des syndicats français par rapport aux syndicats américains est flagrante. Et nous insistons bien sur le fait que nous ne considérons pas le moins du monde les syndicats américains comme révolutionnaires.

    Pourquoi donc les syndicats français ne sont-ils même pas réformistes conséquents et corporatistes efficients ? La première réponse qui vient à l’esprit est évidemment qu’il s’agit de bureaucraties corrompues qui ont partie liée avec la bourgeoisie, avec l’appareil d’État, avec le Gouvernement ou avec les trois à la fois. C’est bien entendu exact, mais c’est vrai aussi des syndicats américains.

    De plus si la CGT-FO et la CFDT sont très intégrées à l’appareil d’État de la bourgeoisie française, si elles s’appuient sur des couches de la classe ouvrière favorisées quelque peu « embourgeoisées » (fonctionnaires, techniciens, cadres, etc..), c’est vrai aussi du syndicalisme américain. Par ailleurs ces deux Centrales ont opté dans la conjoncture politique actuelle pour l’opposition et non pour le gouvernement gaulliste. Il semblerait donc qu’elles pourraient manifester une certaine agressivité. Il n’en est rien. La CGT, du fait de sa liaison avec le PCF, est moins intégrée à l’appareil d’État que ne le sont les autres appareils, elle s’appuie sur des couches de la classe ouvrière moins aristocratiques que les autres Centrales (elle est plus implantée parmi les métallurgistes par exemple et, parmi ceux-ci, chez les ouvriers non qualifiés). Cela ne l’empêche pas de n’être pas plus soucieuse que les autres d’efficacité, si ce n’est pour briser toute tentative autonome de la classe ouvrière.

    Du point de vue politique, tout en étant liée à l’opposition, la CGT pourrait, dans une certaine mesure, soutenir l’actuel gouvernement dont la politique extérieure ne déplaît pas aux dirigeants russes. Cela n’expliquerait pas l’attitude de la CGT il y a 10 ans !

    En fait les raisons de cette situation particulière du syndicalisme français ne sont pas circonstancielles, elles sont dues à la situation économique et sociale de l’impérialisme et aux traditions politiques du prolétariat français.

    L’impérialisme français est un impérialisme décadent. Le début du siècle a vu son apogée en même temps que le commencement de son déclin. De la première guerre mondiale à la seconde, l’impérialisme français a pu maintenir la façade d’une puissance de 40 millions d’individus vivant grâce à l’exploitation de 200 millions d’esclaves coloniaux ou semi-coloniaux, mais les colonnes blindées d’Hitler ont fracassé cette façade en juin 1940.

    Depuis, l’impérialisme français est définitivement devenu une puissance de second plan, à l’économie précaire, et ce n’est pas la fronde actuelle que se permet de Gaulle vis-à-vis des USA qui change quoi que ce soit à cette situation. La perte de toutes ses colonies depuis la fin de la seconde guerre mondiale a pratiquement réduit l’hexagone à ses seules ressources et a contraint toutes les forces politiques françaises au jeu de la vérité.

    Il n’y a plus en France, sur le terrain économique, de place pour le réformisme.

    Par contre sur le terrain politique, il en va tout autrement. Sur le plan économique, la bourgeoisie française n’a que le choix d’étouffer entre des frontières nationales imperméables ou de se faire étrangler en les ouvrant. Elle n’a pas de quoi tolérer un réformisme économique qui justifie son existence vis-à-vis des travailleurs par de relatifs succès. Et les sociaux-démocrates et leur représentation syndicale ont pratiquement disparu.

    Par contre, la bourgeoisie française a eu depuis 1945, le plus grand besoin de l’appui des organisations ouvrières politiques et syndicales. En effet pour gouverner seule, pour rester le plus possible indépendante du capital financier américain et de ses conseils politiques, la bourgeoisie française dut mettre la classe ouvrière au travail sans satisfaire la moindre de ses revendications économiques. Seuls les staliniens pouvaient lui apporter sur ce terrain une aide efficace et décisive. Ils ne la lui marchandèrent pas et obtinrent en échange des satisfactions qui, à l’époque comme de nos jours, ne coûtèrent rien à la bourgeoisie : postes ministériels, politique étrangère satisfaisant le Kremlin, législation sociale sur mesure favorisant les grandes Centrales syndicales (monopoles des Elections de délégués, gestion des ouvres sociales par les syndicats), sécurité sociale, participation à la gestion des entreprises nationalisées etc.. L’ensemble de ces avantages ne coûtaient pas un centime à la bourgeoisie et très peu à l’État, tout en faisant profiter les syndicats de sommes considérables et en leur permettant d’en gérer de bien plus considérables encore. Par l’intermédiaire des Comités d’Entreprise, ce sont des dizaines de milliards de NF par an que les grandes Centrales et principalement la CGT sont amenées à gérer. Par le monopole exclusif des délégués du personnel les syndicats bénéficient de sommes considérables (15 heures payées par mois par délégué). Ces dernières sommes, les syndicats ne les touchent pas, mais comme ils en disposent, comme ce sont eux qui pratiquement les distribuent, cela revient au même, et leur permet de survivre et d’exister dans les usines et le pays, même si les travailleurs les abandonnent (tant que les patrons les tolèrent).

    Et tout ceci, encore une fois, ne coûte rien ni à la bourgeoisie, ni à l’État, puisque cela revient seulement à assurer le monopole des organisations syndicales sur des dépenses déjà prévues et obligatoires.

    Or l’organisation politique qui pouvait jouer ce rôle était le Parti Communiste français, car le crédit dont il disposait et dispose encore auprès des masses, n’est pas un crédit lié à la satisfaction de revendications économiques, mais un crédit politique. Le PCF est une force en France parce que le prolétariat français, comme d’ailleurs l’ensemble de la société, est très politisé (en tout cas nettement plus que le prolétariat allemand actuel et américain). Ce crédit dont dispose le PCF est basé sur le fait qu’il est l’héritier de la Révolution russe mais aussi sur le fait plus actuel, qu’il est, politiquement, depuis des décennies, la seule force politique d’opposition, la seule force d’extrême gauche, celle autour de laquelle se cristallisent, par la force des choses, tous les espoirs de changement de la société. Cela aboutit au paradoxe que personne ne lui demande de réalisation et, sur le plan revendicatif, personne ne lui demande de réussir.

    Depuis la période de 1945 où la bourgeoisie française a eu un besoin vital du PCF et de la CGT, et a donc accordé à la CGT en tant qu’organisation (et par son intermédiaire au PCF) une position privilégiée dans la structure sociale du pays, cette idylle ne s’est pas poursuivie sans nuage mais n’a jamais été complètement rompue. La guerre froide a gelé quelque peu les rapports du PCF et de la bourgeoisie. Les ministres communistes ont perdu leurs sièges et le Gouvernement a plus ou moins suscité une scission dans la CGT d’où est sortie la CGT-FO qui bénéficia des mêmes avantages mais ne put cependant faire pièce efficacement à la CGT La CGT-FO put contester le monopole de la CGT mais ne put jamais la déplacer de ses positions et ne gagna qu’une audience restreinte que sa politique ouvertement pro-gouvernementale en cette période ne contribua pas à élargir.

    Et la bourgeoisie française dut bien se contenter de voir sa défense assurée principalement par les staliniens. Les autres Centrales syndicales n’existent en fait que pour les mêmes raisons. Ce sont les « lois sociales » de l’époque dite de la « Libération » qui garantissent les syndicats français même contre une baisse de leur popularité et, dans une certaine mesure, mais beaucoup moindre, contre des offensives patronales.

    Et c’est de ce seul prix que l’État de la bourgeoisie française paye le soutien, des formations syndicales qui, en France (comme en certains autres pays d’Europe) sont politisées.

    L’impérialisme français n’est plus capable depuis longtemps de se payer le luxe onéreux d’une démocratie économique et sociale même relative où le réformisme pourrait jouer un rôle. Les syndicats le savent bien, cela fait partie de leur conscience politique depuis 1945. La satisfaction de la plus élémentaire des revendications économiques du prolétariat détruirait le fragile et instable équilibre sur lequel repose l’édifice économique de l’impérialisme français affaibli.

    En conséquence, les syndicats français ne peuvent absolument pas diriger les luttes revendicatives en recherchant un résultat, même s’ils se plaçaient sur le terrain strictement corporatiste. Leur fonction n’est pas la fonction classique du réformisme, paralyser tout développement révolutionnaire des luttes ouvrières, mais une fonction particulière : empêcher toute lutte revendicative d’aboutir à des résultats qui dépasseraient ce que la bourgeoisie française peut supporter, c’est-à-dire fort peu.

    Et c’est ainsi que l’on voit depuis vingt ans les Centrales syndicales françaises paralyser ou empêcher préalablement toute lutte revendicative de quelque importance.

    En fait, depuis vingt ans, ce que les luttes grévistes « arrachent » au patronat français ce sont les augmentations prévues par les plans gouvernementaux, celles qui sont censées ne pas mettre en danger l’économie du pays, et les syndicats se gardent bien d’aller au delà, même en paroles, Dans les cinq dernières années, l’expansion économique, par la raréfaction de la main-d’ouvre, a fait plus augmenter les salaires que les luttes revendicatives n’ont pu le faire.

    Un autre facteur qui ne permet pas aux syndicats français de se montrer au moins efficients sur le terrain revendicatif vient des traditions, et de la politisation, du prolétariat français. Le prolétariat français est relativement politisé, nous l’avons déjà dit. mais il est aussi relativement peu corporatiste. Et une grève de longue durée dans un secteur quelconque de l’économie a naturellement tendance à faire tache d’huile et à s’étendre. Lorsque cela se produit les syndicats doivent déployer des trésors d’énergie et d’ingéniosité pour empêcher le mouvement de se propager. Une grève prolongée dans un secteur quelconque peut donc se transformer en grève générale, et cette crainte vient évidemment s’ajouter à ce qui précède.

    Tout cela peut apparaître en contradiction avec le fait que les Centrales syndicales françaises organisent des mouvements grévistes, parfois les suscitent par l’agitation, et qu’elles vont assez souvent jusqu’à la grève générale.

    En fait elles sont contraintes, et la CGT plus que les autres, à apparaître aux yeux des travailleurs comme étant à la tête de leurs luttes. Les staliniens savent bien que la bourgeoisie les tolère, et ne leur concède les avantages qui leur permettent d’exister sans combattre, que s’ils lui sont utiles. Pour être utiles il leur faut suffisamment de crédit auprès des travailleurs. Le jour où ils perdraient tout crédit, ils deviendraient incapables de jouer le même rôle et seraient immanquablement rejetés par la bourgeoisie.

    A défaut de luttes économiques réelles il faut donc qu’au moins la CGT en organise des parodies ; de là les grèves de « démonstrations », « d’avertissement », « tournantes », « partielles », les grèves générales... de 24 heures etc.. que la bourgeoisie supporte pour ce qu’elles sont, un mal nécessaire mais pas une menace. C’est inefficace, mais les travailleurs attribuent généralement cette inefficacité au contexte politique (gouvernement « réactionnaire » etc..). Et même si les travailleurs sont convaincus de cette inefficacité et de la duplicité des Centrales syndicales, les appareils bureaucratiques sont passés maîtres dans l’art de désamorcer les conflits sociaux. Dés que des travailleurs sont, dans un secteur quelconque, près à se mettre en lutte, on les engage dans des grèves limitées à une heure ou deux par jour, stériles, inefficaces et démoralisantes, C’est le meilleur moyen que les bureaucrates aient trouvé d’empêcher les plus combatifs d’entraîner ceux qui le sont moins : on les fait lutter seuls. Lorsque les autres sont prêts au combat, les premiers sont épuisés. Parfois, on va jusqu’à une grève de 24 heures de toute une corporation, ou même nationale comme celle qui se prépare, et qui est un coup d’arrêt et non un début.

    Après une telle journée les militants déclarent aux travailleurs que la grève générale est un baroud sans lendemain et qu’il vaut donc mieux des actions de « harcèlement ». Depuis vingt ans nous ne sommes pas sortis de ce genre d’actions et de cette cage à écureuils où les bureaucraties syndicales ont enfermé les travailleurs français.

    Une certaine contestation joue aussi sur ce terrain entre les différentes Centrales concurrentes.

    La CGT est de loin celle qui dispose, pour des raisons politiques, du plus grand crédit. C’est donc elle qui finalement est le soutien de la bourgeoisie française, c’est le pivot de cette politique inaugurée par de Gaulle en 1944.

    La CGT-FO ne fait pas de surenchère vis-à-vis de la CGT, ou du moins fort peu. Liée à la social-démocratie, elle est encore plus responsable vis-à-vis de la bourgeoisie que ne l’est la CGT et se garderait bien d’attaquer celle-ci sur sa gauche. Sa place est à sa droite, elle le sait et l’affirme hautement. Son rôle, celui qui lui a été assigné depuis 1947, est de remplacer la CGT si les aléas de la politique internationale faisaient que les staliniens ne puissent plus conserver la place qu’ils ont au sein de la société française. Déjà en 1948 une tentative a été faite, mais la situation internationale n’allant pas au delà d’une guerre froide, FO se contenta de paralyser un peu les actions de la CGT Aujourd’hui, FO est inutile, mais se réserve pour l’avenir. Elle n’a guère besoin de rechercher la confiance des travailleurs : le monopole dont elle a une part en même temps que la CGT, lui permet de survivre et, là où le manque de confiance des travailleurs l’éliminerait au profit de la CGT, l’État intervient pour corriger les « injustices » des suffrages ouvriers (réforme récente de la Sécurité Sociale par exemple). Ce que FO a besoin de conserver de façon vitale, c’est la confiance de la bourgeoisie.

    Seule la CFDT fait un peu de surenchère. Il faut dire que sa situation est vraiment spéciale. Ancienne Centrale syndicale catholique elle avait une solide réputation de syndicat jaune, de syndicat patronal, réputation méritée cela va sans dire. Cette Centrale a cherché à démontrer à la bourgeoisie qu’elle pourrait, dans l’avenir, jouer, bien plus efficacement, le rôle dévolu à FO ; qu’elle pourrait même, dans le présent, lever l’hypothèque du stalinisme en concurrençant la CGT, en lui faisant perdre tout ou partie de son influence. Pour cela, cette Centrale se découvrit soudain une virginale combativité qu’elle sanctifia en en remplaçant son ancien sigle par un nouveau. Le calcul était cependant erroné à grande échelle et sur une longue période. S’il fut possible à une CFTC faible de surprendre la CGT sur sa gauche, surtout au moment de la guerre d Algérie, cela n’est plus possible pour l’actuelle CFDT relativement puissante. La CFTC pouvait se permettre une certaine phraséologie, voire certaines actions, que la CGT ne pouvait pas reprendre à son compte sans déclencher des mouvements d’ampleur. La CFTC (puis la CFDT) y gagna du crédit, surtout d’ailleurs dans les « couches nouvelles » du prolétariat (cadres, techniciens etc..). Depuis deux ans, la CFDT « ayant eu une croissance relativement importante, ne peut plus, pour la même raison, se livrer à cette compétition : le maximum de son radicalisme est, depuis cette période, l’unité d’action avec la CGT Unité d’action qui est maintenant compromise, car la bourgeoisie française plus avertie sait cette voie barrée : la CGT ne peut pas être attaquée sur sa gauche sans danger pour l’ordre social, et il n’y a pas de place en France pour un syndicalisme « à l’américaine », suivant le vocabulaire même de la CFDT, car, la bourgeoisie le sait mieux que les jeunes militants CFDT, le pays n’est plus assez riche pour le réformisme.

    Les luttes des syndicats français, c’est-à-dire en fait de la seule CGT qui est la seule à en avoir besoin, sont donc des parodies, des simulacres de lutte, sans même d’objectifs revendicatifs. Ce spectacle n’a comme seul but que d’entretenir la réputation d’opposition au régime, à l’État et au patronat, de la CGT ; réputation sans laquelle elle ne pourrait remplir son rôle de paravent anti-révolutionnaire d’une part, mais surtout, et sans aller si loin, son rôle protecteur contre les simples revendications économiques des travailleurs, dans une société qui n’en peut satisfaire aucune.

    Ce rôle, la CGT - et le PCF - le jouent car cela paie leur droit à l’existence ; la bourgeoisie et l’État leur accordent en échange des privilèges (surtout anti-ouvriers, tels le monopole des Comités d’Entreprise etc.) qui leur permettent d’exister quasi indépendamment de l’opinion ouvrière.

    Ce n’est pas un phénomène récent, ce n’est pas un phénomène particulier. C’est l’expression locale d’un phénomène général, c’est l’évolution d’un syndicat stalinien dans un État impérialiste particulièrement décadent.

    Revue "lutte de classe" de Lutte Ouvrière de décembre 1967

  • Dans le texte d’orientation de l’organisation intitulé « Nos objectifs » de 1985, LO écrivait :

    « Dans les entreprises, notre but est de prendre la tête des luttes et de devenir la direction reconnue des travailleurs chaque fois que ceux-ci veulent combattre. Cela est vrai aussi bien pour les mouvements très limités par le nombre des participants, les objectifs, l’impact et la durée que pour ceux d’importance nationale. Il n’y aura pas de parti révolutionnaire tant qu’une organisation révolutionnaire, et ses militants, n’auront été acceptés, reconnus et suivis comme leaders par les travailleurs en lutte dans des dizaines ou même des centaines de grèves et de mouvements sociaux dans tout le pays. Dans les luttes nous sommes en concurrence directe avec les appareils réformistes politiques ou syndicaux, non seulement pour être à la direction mais aussi sur la manière de l’être, ou de le devenir, et celle de mener cette lutte. Ainsi une grève menée par un militant révolutionnaire mais uniquement en tant que militant ou leader syndicaliste et à la manière habituelle des syndicats réformistes, ne fait guère avancer l’implantation de l’organisation révolutionnaire ni la construction du parti, les travailleurs, et pour cause, ne pouvant alors voir de différence entre les révolutionnaires et les réformistes. (…) Et tout mouvement de grève qui reste dans le cadre syndicaliste, même avec des militants révolutionnaires à sa tête, alors qu’il aurait pu déborder ce cadre, est finalement quelque chose de négatif, sinon de nuisible. Notre but est donc de promouvoir et de prendre la tête de mouvements où tous les travailleurs en lutte participent de manière active tant dans les actions et l’organisation que dans les décisions. »

  • Ce qui précède est à comparer à ce texte récent :

    Texte de congrès de LO en octobre 2008 :

    « La situation intérieure

    " Les luttes peuvent surgir spontanément, mais elles pourrzient être aussi organisées par les directions syndicales. (…) En fait, là encore, c’est leur propre base qui peut leur imposer d’organiser les luttes nécessaires. Une offensive générale du monde du travail ne se déclenche pas en claquant des doigts, disent les dirigeants ! C’est vrai, mais elle peut se préparer. Les journées d’action, si elles sont renouvelées, peuvent démontrer aux travailleurs eux-mêmes qu’ils sont nombreux à pouvoir et à vouloir se battre. (…) Des journées d’action se succédant et se renforçant dans un temps relativement court peuvent préparer et conduire à une grève générale. C’est pourquoi d’ailleurs nos camarades, dans les entreprises, participent à la vie syndicale et y prennent leurs responsabilités. Pas pour y recruter des militants politiques mais pour amener les syndicats à jouer leur rôle. "

  • le problème de la démocratie syndicale au sein de la CGT ne se limite pas aux entraves apportées par l’appareil à l’activité syndicale des militants révolutionnaires. Il s’agit d’un problème plus général et plus grave. Non seulement parce que la démocratie syndicale ne peut pas se diviser, et qu’on ne voit pas comment une confédération qui emploie des méthodes anti-démocratiques contre les militants révolutionnaires pourrait être un modèle de démocratie vis-à-vis du reste de ses adhérents. Mais aussi parce que toute la politique de la direction de la CGT tend à réduire la vie syndicale démocratique au minimum.

    Bien loin de tendre, pour reprendre les propres expressions de Séguy, au « renforcement » de la CGT « d’un point de vue de classe », bien loin d’essayer d’organiser effectivement le plus grand nombre possible de travailleurs, de les réunir régulièrement, de leur apprendre à décider eux-mêmes de ce qui les concerne, tous les efforts de la direction de la CGT tendent au contraire à réserver le monopole des décisions à un appareil soigneusement sélectionné, et à éloigner les travailleurs du rang de toute vie syndicale, en en faisant de simples porteurs de cartes.

    Si la direction de la CGT fait tout pour empêcher l’existence d’une vie syndicale démocratique, ce n’est pas seulement, d’ailleurs, pour mettre ses adhérents à l’abri d’une éventuelle, contagion révolutionnaire. Les militants de la CGT, parce qu’ils font souvent partie des éléments les plus dévoués, les plus combatifs et les plus politisés de la classe ouvrière, pourraient certes être particulièrement sensibles aux idées révolutionnaires. Et c’est bien ce qui explique la hargne et la constance que l’appareil déploie pour isoler et éliminer les révolutionnaires. Mais ceux-ci sont encore loin d’être présents partout, leurs idées sont encore minoritaires. Et si la direction de la CGT fait tout pour entraver la possibilité de développement d’une vie syndicale réelle, c’est pour des raisons plus générales. C’est parce que, par rapport à la politique qui est la sienne, par rapport à l’État bourgeois, au patronat, et à chaque patron en particulier, elle a besoin d’avoir les mains libres, de ne pas être liée par les réactions ou les décisions de sa base.

    Le réformisme de la direction de la CGT ne l’amène pas seulement, en effet, à se refuser à envisager tout affrontement avec l’État bourgeois, à mettre en cause l’ordre capitaliste. Il l’amène aussi à se refuser à toute lutte, même rigoureusement limitée au plan économique, qui pourrait vraiment gêner la bourgeoisie, et mettre en cause la politique de collaboration de classe de l’appareil syndical Et ce refus ce toute lutte revendicative généralisée amène également l’appareil CGT à freiner bien des luttes locales, ou à ne pas faire tout ce qui serait possible pour leur donner le maximum de chances de vaincre.

    L’appareil cégétiste est donc susceptible d’entrer en conflit avec sa base, même lorsque le niveau de conscience de celIe-ci ne dépasse pas le plus classique réformisme, même lorsqu’il s’agit de luttes ne se donnant comme but que la satisfaction de revendications économiques élémentaires. Et c’est pour éviter de se trouver devant ce genre de problème que la direction de la CGT fait tout pour réduire la vie syndicale au maximum.

    A plus forte raison l’appareil cégétiste met-il tout en oeuvre lorsque les travailleurs sont engagés dans des luttes, pour garder le contrôle le plus étroit possible sur la direction de celles-ci. C’est aux organisations syndicales de jouer ce rôle de direction, affirme-t-il.

    Mais c’est oublier que dans I’immense majorité des cas, seule une minorité de travailleurs est syndiquée et que seule une plus petite minorité encore participe vraiment à l’activité syndicale. Quand bien même le syndicat s’efforcerait-il de faire participer tous ses adhérents à la direction de la grève - ce qui n’est pas le cas, sauf exception rarissime - que la plupart des travailleurs en grève resteraient donc à l’écart de celIe-ci. C’est pourtant dans de telles circonstances, lorsque des travailleurs qui ne participent habituellement à aucune vie syndicale, qui n’avaient même pas conscience bien souvent, quelques jours plus tôt, de la nécessité de s’organiser, sont engagés dans une lutte, que des militants ouvriers réellement conscients des intérêts de leur classe devraient tout faire pour que ces ouvriers prennent conscience de la nécessité et de l’intérêt de s’organiser. Pour qu’ils prennent conscience aussi des immenses possibilités de la classe ouvrière, lorsqu’elle prend son sort en main. En quelques jours, les travailleurs peuvent apprendre plus, dans le feu de la lutte, qu’en des années d’exploitation subies passivement.

    Faire en sorte que les travailleurs en grève assument eux-mêmes la direction de leur lutte, c’est préparer la classe ouvrière à gérer demain toute la société. Et ce ne peut être que le rôle du comité de grève, élu par l’ensemble des grévistes, responsable devant l’ensemble des grévistes.

    Mais la direction de la CGT est résolument opposée à ces comités. Et quand l’appareil ne parvient pas à en empêcher la formation, il fait tout pour limiter leur rôle et leur pouvoir.

    Dans ces circonstances, la volonté de l’appareil d’empêcher les travailleurs de prendre en mains leur propre sort est manifeste. Mais c’est fondamentalement à la même politique que l’on assiste dans l’activité quotidienne, lorsque les responsables n’organisent aucune réunion syndicale, ou en organisent sur le temps de travail, ouvertes aux seuls délégués, ou encore en organisent de si ennuyeuses que les malheureux qui y ont assisté deux ou trois fois n’ont plus aucune envie d’y revenir.

    Revue Lutte de classe (juillet 1975)

  • Des comités de grève contestant la suprématie des bureaucraties syndicales, surgirent ainsi, entre autres, à la Polymécanique à Pantin en 1971, à Ericsson à Colombes en 1972, à Chausson-Gennevilliers en 1975, à Idéal-Standard à Aulnay en 1975, et évidemment au Crédit Lyonnais en 1974, où la grève dirigée par Arlette Laguiller et ses camarades déboucha sur une grève des banques. D’autres grèves marquantes furent animées par des militants ouvriers combatifs, réformistes sur le plan politique, mais méfiants à l’égard des directions syndicales nationales, soucieux de faire participer activement les grévistes à l’organisation de leur mouvement. La plus marquante : la grève chez Lip à Besançon, en 1973, où les ouvriers menacés par la fermeture de leur usine ont pendant des mois tenu le coup en réquisitionnant les stocks, en redémarrant la production, pour vendre eux-mêmes leurs montres afin de payer leurs salaires.

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