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L’amiante continue de tuer...

mercredi 21 mars 2012, par Robert Paris

Douai : les membres des associations de défense des victimes de l’amiante sont à nouveau venus dire leur colère, ...

Hier, devant la cour d’appel de Douai, alors que se déroulait une audience concernant quatorze de leurs membres.

Cette fois encore, il est question de la remise en cause des indemnisations de préjudices octroyées par cette même cour, voici plusieurs années, décisions que la cour de cassation a décidé de remettre en cause « sur demande du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) », explique Pierre Pluta, président de l’Association régionale de défense des victimes de l’amiante (ARDEVA). Pour lui, « la justice condamne les malades et blanchit les empoisonneurs ! » Heureusement, la mobilisation ne faiblit pas, comme l’a montré le rassemblement d’hier. Et, déjà, trois cents parlementaires ont signé une motion, s’indignant de cette situation. Pierre Pluta parle encore de « harcèlement » de la part du FIVA, notant qu’il a lui-même reçu un commandement à payer - il est d’ailleurs le seul dans son cas, pour l’instant -. Pour lui, tout ceci est « une honte, un scandale... » Marceau, une victime de l’amiante, intervient alors pour rappeler que lui et les autres « ne sont pas des délinquants.

 » Le président cède ensuite la parole à plusieurs représentants d’associations comme la sienne, dont certains s’étaient déplacés de très loin. Pour Alain, venu de Loire-Atlantique, « il faut virer la présidente du FIVA ! » Même opinion chez son homologue de la Drôme-Ardèche. Jean-Michel, de Thiant, parle lui « d’employeurs sans scrupule » ainsi que de « la double peine infligée aux victimes ».
Rester mobilisés

Alain, de l’ADEVA 59, s’inquiète du fait que de plus en plus de gens décident d’arrêter les procédures, de peur qu’on vienne leur réclamer après ce qu’ils auront pu obtenir. « Et ça, c’est déjà une victoire pour le FIVA ! » Mais pour Claude, de l’ADEVA SUD, le combat continue : « Nous ne lâcherons rien ! » Plusieurs élus sont ensuite intervenus, dont les maires de Prouvy, Roeux, Thiant, afin d’appeler eux aussi à la mobilisation, y compris de la population.

Michelle Demessine, sénatrice, évoque « une injustice qu’il faut corriger » et Pierre de Saintignon, premier adjoint à Lille, assure les présents du fait que la communauté urbaine votera la motion.

Une délégation menée par Pierre Pluta s’est alors rendue en sous-préfecture afin d’y déposer une lettre destinée au président de la République, invité une nouvelle fois à s’engager en faveur des victimes ou, pour le moins, à ne plus soutenir ceux qui les accablent. Quant à l’audience, elle s’est terminée par un rendu renvoyé au 16 mai.

Prochaine échéance pour les manifestants, le 12 avril, avec neuf nouveaux dossiers. À moins que d’ici là, ils ne changent de stratégie et attendent que le Conseil d’État ne se prononce.

Chantiers navals

"Tout ce qui nous reste des chantiers navals, c’est cette saloperie d’amiante dans les poumons." Jean-Pierre Decodts, 65 ans, arpente les lieux où travaillaient les milliers de salariés des Chantiers de France (Normed) de Dunkerque avant leur fermeture en 1987. La plupart des bâtiments ont été rasés, un nouveau quartier sort progressivement de terre. C’est ici que l’ancien électricien de bord a inhalé entre 1964 et 1968 "des milliards et des milliards de particules d’amiante" lorsqu’il travaillait sur les navires en construction, notamment Le Pasteur, le dernier paquebot construit dans la ville.

"A l’époque, personne ne savait ce qu’était l’amiante. Quand il y avait du soleil, ça faisait un nuage de poussière brillante à travers les coursives. Personne n’avait de protection. Des copains revenaient tout blancs de leur journée de travail." Il pointe du doigt les installations industrielles qui bordent le port : "A Arcelor, à la BP, c’était pourri d’amiante aussi".

Jean-Pierre Decodts a travaillé quatre ans aux Chantiers et, à 22 ans, décide de changer de vie. Il reprend des études, passe des concours et devient infirmier puis ergothérapeuthe. Et c’est en 1992, lors d’une visite médicale, qu’il est "rattrapé" par cette poussière toxique qui s’est fixée dans ses poumons. "Lorsque le médecin m’a dit que j’avais de l’amiante dans les poumons, je n’ai pas fait tout de suite le lien avec mon travail à la Normed trente ans plus tôt."

Des plaques pleurales et des asbestoses sont détectées. "La plèvre devient du carton et vous respirez mal, raconte-t-il. Aujourd’hui, j’ai la hantise d’aller chez le toubib". Reconnu à 20% d’incapacité permanente partielle de travail (IPP), il parvient à partir en pré-retraite amiante à 55 ans. "On n’a pas de perspective de guérison, il n’y a pas de traitement." Dans son immeuble, deux de ses voisins sont morts de l’amiante. "Quand on ouvre La Voix du Nord, il n’y a pas un jour sans voir apparaître ’victime de l’amiante’ dans les avis de décès." Le constat est terrible : "L’amiante fait dix morts par jour en France. On est à plus d’un millier de victimes depuis 2004, l’année des premières marches de veuves".


Arcelor et Usinor

Trois ex-salariés d’Ascométal à Leffrinckoucke et deux d’Usinor (ArcelorMittal) à Dunkerque, « contaminés » par des fibres d’amiante, sont-ils fondés à réclamer réparation pour « le préjudice d’anxiété » et « le bouleversement des conditions de vie » qu’ils allèguent ? Ou faut-il leur dénier tout droit à indemnisation dans la mesure où le seul « risque » de tomber malade ne saurait constituer un préjudice avéré ?

« Le sujet est extraordinairement sensible à Dunkerque », déclare le magistrat professionnel au début de l’audience de départage du conseil des prud’hommes. Dans la petite salle, une vingtaine de veuves de l’amiante et d’anciens salariés approuvent en silence.

Me Frédéric Quinquis (Paris) ouvre le débat. Ses clients ont travaillé soit à Ascométal pendant douze, vingt et trente-huit ans, soit à Usinor (devenu Sollac, puis ArcelorMittal) pendant vingt-sept et quarante ans. Ni la première usine, considérée comme une activité de forge, ni la seconde n’extrayaient ou ne transformaient de l’amiante. Mais on y utilisait ce matériau pour protéger de la chaleur les installations et les hommes, sans toutefois fournir à ces derniers « la moindre protection respiratoire ».

« Pas malades, mais contaminés »

« Ces entreprises connaissaient les dangers d’une exposition quotidienne à l’amiante », poursuit-il. Dès 1945, le tableau des maladies professionnelles établissait le lien entre maladie et inhalation d’amiante. En 1977, un décret définissait un taux d’empoussièrement maximal et imposait la fourniture de masques. « À Sollac, annonce-t-il, les conditions d’exposition étaient telles que la Direction régionale du travail travaille à son inscription sur la liste des sites reconnus amiantés. » « Tous ont été exposés. Ils ne sont pas malades, mais ont été contaminés, explique l’avocat.

Ils craignent à tout moment de développer un cancer bronchopulmonaire ou un mésothéliome » (cancer spécifique de l’amiante).

D’où leur demande de voir reconnu et indemnisé leur « préjudice d’anxiété », avivé par « la mort de collègues par centaines » autour d’eux.

Me Quinquis met en avant une nouvelle notion juridique : « le bouleversement des conditions d’existence ».

Il l’illustre par un exemple : quelle banque voudrait accorder un prêt à un homme dont le corps contient des fibres d’amiante potentiellement mortelles ?

Avocate d’Ascométal et d’ArcelorMittal, Me Joumana Frangie-Moukanas (Paris) constate : « Les demandes ont évolué (depuis l’audience du 24 mai) avec ce nouveau chef de bouleversement des conditions d’existence. » Elle se fonde sur une décision de la cour administrative d’appel de Marseille pour assurer que ce bouleversement et le préjudice d’anxiété ne font qu’un.

Pour elle, les prud’hommes ne sauraient reconnaître le préjudice d’anxiété : « Quelle preuve a-t-on de la contamination en l’absence de maladies, de plaques pleurales ? Aucun certificat médical, aucune prise de médicaments ne montre ce préjudice. Où est la certitude de déclencher une maladie mortelle ? » Elle résume : « En droit, on ne peut pas indemniser un risque. » L’avocate expose qu’en l’absence de maladie chez les plaignants, on ne peut reprocher aux entreprises un manquement à l’obligation de sécurité de résultat.

Les prud’hommes rendront leur jugement le 16 mai. Les ex-salariés seront-ils déboutés ou les anciens employeurs devront-ils payer à chacun, en totalité ou en partie, 15 000 E pour le préjudice d’anxiété et 12 000 E pour le bouleversement des conditions d’existence ?

Française de Mécanique

Une cinquantaine de policiers en civil se sont rendus hier matin à la Française de Mécanique

(Douvrin) dans le cadre d’une instruction menée par un juge du tribunal de Béthune. Un dossier non pas financier mais relatif à la sécurité et à la santé, comme le supposait dans un premier temps le chargé de communication de l’usine fabriquant des moteurs.

Plus de précisions, il était difficile d’en avoir par une direction confrontée au fameux secret de l’instruction qui semblait flotter au-dessus de ce site industriel qui emploie 3 400 personnes, fleuron de la zone industrielle Artois-Flandres. « C’est vrai que c’est impressionnant de voir arriver des dizaines de policiers comme ça. Mais il semble que pour eux ce soit une procédure tout à fait banale... et d’ailleurs ils étaient très détendus !

 », poursuivait Jean-Pierre Papin. Qui plus est, il se disait satisfait de voir que les visiteurs du jour avaient emporté des documents relatifs à la politique menée par la filiale de PSA et Renault en matière de santé et de sécurité au travail. Bref, pas de quoi stresser un cadre de l’automobile. Pour le reste, la direction n’en disait pas plus. À sa connaissance, elle n’était pas officiellement mise en cause.

Côté syndical, on ne pouvait également que supputer, à la lecture d’articles de presse notamment, sur l’origine de cette action judiciaire. Ce qui n’empêchait pas Alain Labarre, délégué CGT, d’indiquer qu’il demanderait dès aujourd’hui la tenue d’un comité d’entreprise et d’un CHSCT (sécurité, hygiène et conditions de travail) extraordinaires. Le but serait alors d’évoquer les maladies professionnelles liées à l’absorption de matières dangereuses, amiante ou autres, utilisées « pendant des dizaines d’années » dans les ateliers douvrinois.
Plainte au pénal

Le syndicaliste fait référence à la plainte au pénal déposée en septembre 2009 par trois employés du site contre les dirigeants de la Française de Mécanique pour crime d’administration de substances nuisibles ayant porté atteinte à leur intégrité physique et psychique. La plainte, portée par l’association Agir pour la prévention des maladies professionnelles (APMP), fut confiée dans un premier temps à l’avocate lilloise Blandine Lejeune. Depuis une quinzaine de jours, l’association s’est tournée vers l’avocat béthunois Antoine Robert.
Solvants et lubrifiants

Ces produits, quels étaient-ils ? « C’était des solvants et des lubrifiants », précise Alain Labarre dont le syndicat se dit prêt à se porter partie civile, au côté des familles des victimes. « Ce sont des fluides de coupe, un vrai cocktail de produits cancérigènes !

 », ajoutait en début de soirée Jean-Luc Lenglen, président de l’APMP dont le siège est à Lille. La perquisition de la journée était bien liée à cette affaire, précisait-il. Un responsable associatif persuadé que, deux ans et demi après les premières plaintes, les choses commencent enfin à bouger.

Six plaintes seraient d’ailleurs déposées à ce jour, selon l’association qui parle d’« hécatombe » à la FM par décès de cancers survenus entre 40 et 45 ans.

Messages

  • Suite à la remise par l’INRS d’un rapport préoccupant sur l’exposition des travailleurs à l’amiante, le Gouvernement avait annoncé en novembre dernier la refonte des dispositions du Code du travail traitant de cette problématique. C’est aujourd’hui chose faite avec la publication d’un décret au Journal officiel du 5 mai, qui doit encore être complété par plusieurs arrêtés ministériels.

    "Les principales mesures de cette réforme visent à abaisser la VLEP, qui est actuellement de 100 fibres par litre à 10 fibres par litre à une échéance de trois ans, modifier les modalités de contrôle de l’empoussièrement en substituant la méthode META à la MOCP, supprimer la dualité des notions friable/non friable, généraliser les exigences de certification des entreprises, préciser les moyens de protection collective (MPC) et équipements de protection individuelle (EPI), en particulier les appareils de protection respiratoire (APR) adaptés aux niveaux d’empoussièrement sur les chantiers", indiquait le Directeur général du travail dans une instruction du 23 novembre 2011.

    Evaluation des risques, protections collectives et individuelles

    "Le décret fixe (…) les règles techniques, les moyens de prévention collective et les types d’équipements individuels nécessaires à la protection des travailleurs contre ces expositions", indique le ministère du Travail.

    Pour l’évaluation des risques, l’employeur doit estimer le niveau d’empoussièrement correspondant à chacun des processus de travail et le classer selon les trois niveaux fixés à l’article R. 4412-98 du code du travail. Lorsque l’empoussièrement est supérieur au troisième niveau, l’employeur est tenu de suspendre les opérations et d’alerter le donneur d’ordre et l’inspecteur du travail.

    L’employeur est également tenu de transcrire ces résultats dans le document unique d’évaluation des risques. "Il le met à jour à chaque modification de processus entraînant un changement de niveau d’empoussièrement ou lors de l’introduction de nouveaux processus", précise le texte.

    Parmi les moyens de protection collective préconisés figurent l’abattage des poussières, leur aspiration à la source, la sédimentation continue des fibres en suspension dans l’air ou encore "les moyens de décontamination appropriés".

    Selon les niveaux d’empoussièrement définis, l’employeur doit mettre à disposition des salariés des EPI adaptés aux opérations à réaliser, qu’il doit entretenir et vérifier périodiquement.

  • Bonjour, je cherche des informations concernant la règlementation des chantiers de démolition des "barres" d’immeuble datant des années 70 et dont les murs et les revêtements contiennent à coup sûr de l’amiante.
    Comment stopper (ou tenter de) une opération de démolition qui provoque des émissions de poussière à proximité d’habitations, d’écoles, de commerce bref en plein coeur d’une ville !
    Merci pour vos réponses.
    Flo

  • J’ai fait également des recherches sur le net, et le maître d’oeuvre doit faire établir un rapport de repérage amiante avant travaux , pour les démolitions d’immeuble ;
    il est fait par une société agrée (COFRAC) par l’Etat.
    Ce rapport doit être consultable en marie et préfecture.
    Le site de legifrance donne également des textes de loi concernant ces obligations, complément au code du travail et à celui de la santé.

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