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Le massacre de la Saint-Barthélemy

mardi 7 août 2012, par Robert Paris

Le massacre à Paris en 1572

La direction politique du camp protestant

Les fondateurs du protestantisme

Bien des gens ignorent toujours le lien entre la Saint-Barthélemy et la lutte des classes entre la bourgeoisie et la noblesse, ne comprennent pas que la monarchie, clef de voûte de la noblesse, a fait le choix politique de lancer un bain de sang, de jeter deux parties du peuple violemment l’une contre l’autre, pour éradiquer le risque social révolutionnaire incarné dans le protestantisme. Protestantisme égale bourgeoisie est une équation oubliée volontairement aujourd’hui, aussi bien par les catholiques que par les protestants. Pourtant, il suffit de visiter une ancienne ville protestante comme La Rochelle, bastion des protestants depuis 1540 pour comprendre que la bourgeoisie enrichie par les voyages dans le « nouveau monde » (du Canada aux Antilles et aux Amériques) puis par le commerce des esclaves d’Afrique a été la base de la richesse des grands bourgeois protestants de ports comme La Rochelle ou Nantes. Il faut rappeler que le premier siège de La Rochelle a eu lieu quelques mois après la Saint-Barthélemy, en 1572 alors que le « grand siège » date de 1627-1628. Le premier provient du fait que, suite au massacre parisien puis national, les Protestants ont fait de la ville indépendante et fortifiée une forteresse du protestantisme accueillant dans les murs tous les leaders politiques nationaux du protestantisme. Et, en 1572, il y avait un tel élan de défense suite au massacre parisien que le mouvement populaire rendait impossible une victoire royale et catholiques contre La Rochelle…

Cette période correspond à l’essor de la bourgeoisie, aux quinzième et seizième siècles. Cet essor est directement perceptible par plusieurs aspects, au premier rang desquels le développement en Europe de grandes villes, conséquence de l’irruption de toute une classe sociale autour du commerce. Ces villes sont entre autres Anvers aux Pays-Bas, Lyon en France, Séville en Espagne, Lisbonne au Portugal, mais surtout en Italie Florence, Sienne, Milan. La population de Venise passe de 100 000 habitants en 1500 à 175 000 en 1570. Naples passe d’une population de 150 000 à 275 000 en un siècle. La fortune des marchands enrichit en même temps des grandes figures de l’industrie, de la laine par exemple, et de la banque. Ces familles portent en Italie les noms de Strozzi, Ruccelai, Médicis, Pazzi1.
La Renaissance est une période exceptionnelle dans l’histoire de l’humanité.

Il s’agit d’une véritable classe sociale à l’assaut de la société, à la conquête du monde. C’est ce qui a fait dire à Engels que la Renaissance était " le plus grand bouleversement progressiste que l’humanité eût jamais connu ", car elle a engendré " des géants ", qui ont certes fondé " la domination de la bourgeoisie ", mais sans être pour autant " prisonniers de l’étroitesse bourgeoise ".

La Saint-Barthélemy, c’est la contre-révolution...

Elle fait face à une montée de la révolte populaire.

La révolte des villes peut trouver un point d’appui massif dans les campagnes. Les crises de subsistances ont pour dates : 1562-1563, 1565-1566 et 1573…. En 1548, il y eut une révolte paysanne en Charente et Saintonge, qui s’étendit jusqu’à la Guyenne. C’était une révolte contre l’impôt de la gabelle, sur le sel. Par cet impôt, Henri II voulait éponger la dette publique (en hausse à cause des dépenses énormes de François Ier). La révolte dura quatre mois. Elle était très organisée et bien armée. Les historiens se demandent si elle n’était pas influencée par les idées de la Réforme, venues de la Rochelle. D’Angoulême, elle passa à Bordeaux. Dans cette ville, les révoltés proclamèrent la " commune ". Ils étaient maîtres des rues de la ville. Le lieutenant du roi fut violemment agressé. Puis la troupe fut envoyée, et il fut procédé à des expéditions punitives. A Bordeaux, ce fut la terreur : décapitations, bûchers, écartèlements, empalements. Le roi se méfiant des autorités locales, certains nobles et bourgeois furent alors condamnés à mort. C’est d’ailleurs à la suite de cette révolte que le mandat du maire de Bordeaux fut limité à deux ans.

Le terme « protestant » est utilisé pour la première fois en 1529, quand les seigneurs et les villes qui suivaient la doctrine de Martin Luther se sont déclarés contre les décisions prises par la diète impériale à Spire à majorité catholique. Les protestants français, d’abord appelés « luthériens » au début par leurs adversaires, seront ensuite nommés par dérision « huguenots ».

Le protestantisme n’est pas seulement un mouvement religieux contre une Église corrompue et inféodée à la noblesse mais aussi un mouvement politique contre le pouvoir d’Etat et un mouvement de protestation sociale. En 1525, il y a la guerre des paysans en Allemagne, révolte sociale qui suit les déclarations de Luther et, en 1566, la révolte des Gueux dans les Pays-Bas espagnols. Le Luthéranisme devient religion d’État en Suède en 1529, puis au Danemark en 1536. En Suisse, les cantons s’étaient déterminés séparément, les plus vastes et les plus puissants, les plus bourgeois en somme (Bâle, Zurich, Berne) basculant vers le protestantisme. Lors du synode de Chanforan, la majeure partie de l’Église vaudoise choisit d’adhérer à la Réforme en 1532. Malgré les persécutions (entre autres le massacre de 3 000 vaudois du Luberon en 1545), cette petite communauté s’est maintenue dans le Piémont. Les premiers troubles religieux apparaissent en France sous le règne de François Ier et les premiers bastions protestants sont La Rochelle, Nîmes et Montauban.

A Paris, aussi, la révolte sociale monte, mais la ligue catholique des Guise réussit à retourner ce mouvement social des bourgeois et des plus démunis en combat contre les Protestants, en milices fascistes contre-révolutionnaires.

Le massacre de la Saint-Barthélemy commence à Paris, dans la nuit du 23 au 24 août 1572 sur ordre de la royauté. La tuerie dégénère en massacre populaire les jours suivants et fait quelque trois mille morts à Paris. Les gardes suisses, les gardes du roi, les milices bourgeoises contribuent au massacre Mais le propre de cette tuerie est la participation populaire. Elle s’étend à plusieurs villes de province en dépit de l’ordre royal d’arrêter l’effusion de sang, entre autres à Meaux (25 août), Orléans, (27 août), Lyon (31 août)...
L’essentiel de la guerre se déroule autour de deux villes protestantes ; La Rochelle et Sancerre assiégées par les troupes royales. L’échec du siège de la Rochelle par l’armée royale et le manque de moyens du Trésor royal y mettent un terme rapide aux opérations. A La Rochelle, toute la population est armée et mobilisée pour se défendre…

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Messages

  • Bien des gens ignorent toujours le lien entre la Saint-Barthélemy et la lutte des classes entre la bourgeoisie et la noblesse, ne comprennent pas que la monarchie, clef de voûte de la noblesse, a fait le choix politique de lancer un bain de sang, de jeter deux parties du peuple violemment l’une contre l’autre, pour éradiquer le risque social révolutionnaire incarné dans le protestantisme. Protestantisme égale bourgeoisie est une équation oubliée volontairement aujourd’hui, aussi bien par les catholiques que par les protestants.

  • Rappelez-vous de cette date : le 23 août 1572 !!! C’est la date du massacre de la Saint-Barthélemy.

    Elle marque la création du fascisme en France.

    Etat et classes dirigeantes qui mobilisent des masses pauvres par la démagogie pour génocider une partie de la population afin d’éviter une révolution sociale par le bain de sang, c’est bel et bien du fascisme...

    Quel écolier français se souvient de cette date ?

  • Pour des romans sur ce thème, lire l’ouvrage de Honoré de Balzac : "Le Martyr calviniste"

    ici

    Lire aussi "Paris ma bonne ville" de Robert Merle, "La reine Margot" de Alexandre Dumas, "Les Pardaillan" de Michel Zévaco

    Ou encore "Les noces vermeilles" de Béatrice Egémar, "Les douze enfants de Paris" de Tim Willocks

    Ou encore la biographie romancée "Charlie 9" de Jean Teulé

  • extraits de « Paris, ma bonne ville » de Robert Merle, un récit des massacres de la Saint-Barthélemy :

    « A peine les soldats furent-ils partis, que la reine-mère et ses dames d’atours vinrent, riant et caquetant, à la lumière des torches que portaient des valets, se repaître la vue de ces martyrs, Jézabel se faisant monter entre tous le corps de Soubise qu’elle envisagea fort curieusement et de fort près, ainsi que ses dames, pour ce que son épouse l’avait réputé impuissant. Ha ! Lecteur ! est-ce là une reine de France ? ou une infernale succube couronnée ? Agippa d’Aubigné n’errait pas quand il disait de Catherine de Médicis : Elle est l’âme de l’Etat, elle qui n’a pas d’âme. Ni âme, hélas, ni coeur, ni entrailles, et de remords cette serpente n’en eut jamais le moindre jusqu’à la fin des ses jours détestables, elle qui, pourtant, avait incliné par ses fallaces son faible fils à giboyer sur ses sujets. »

  • Comme l’histoire enseignée gomme certains événements marquants !

    Qui se souvient ce qui s’est passé en 1572 !

    Les « faits » historiques oublient les classes sociales, le enjeux, les buts…

    • 11 avril : signature du traité de mariage entre Marguerite de Valois et Henri de Navarre.

    • 19 avril : signature du traité d’alliance entre la France et l’Angleterre.
    • 5 juin : retour de Coligny à Paris.

    • 9 juin : mort de Jeanne d’Albret.

    • 19 juin : Coligny propose la guerre dans les Flandres au Conseil du Roi, qui refuse.

    • 8 juillet : Henri de Navarre entre à Paris.

    • 17 juillet : défaite de Genlis entre Saint-Ghislain et Hautrage. Les huguenots français voulant secourir les Pays-Bas sont défaits.

    • 9 et 10 août : les Conseils refusent la guerre aux Pays-Bas réclamée par Coligny.

    • 18 août : Marguerite de Valois épouse Henri de Navarre. Le mariage est dénoncé par les ultra-catholiques qui se rassemblent derrière le clan des Guise.

    • 22 août : l’attentat manqué de Gaspard II de Coligny commis par Maurevert, provoque la colère des protestants.

    • Charles IX, sous la pression du parti catholique et de sa mère, ordonne à contrecœur le massacre de la Saint-Barthélemy dans la nuit du 23 au 24 août, qui dégénère en bain de sang populaire.

    • 24 août : massacre de la Saint-Barthélemy. Plus de 3 000 Protestants, attirés à Paris par le mariage de Navarre, sont massacrés à Paris par les gardes du roi, les Suisses, les compagnies de la milice bourgeoise puis la populace. l’amiral Gaspard II de Coligny, le chef huguenot, est assassiné par les Guise.

    o Le massacre se propage en province : à Meaux (25 août), à Orléans (27 août), à Lyon (31 août), à Troyes (5 septembre)… Il y aurait eu 30 mille victimes en province.

    • 26 août : le roi tient un « lit de justice » au Parlement de Paris où il endosse la responsabilité du massacre.

    • 28 août : déclaration royale interdisant l’exercice du culte réformé dans tout le royaume.

    • 5 septembre : Te Deum d’action de grâce du pape, à la suite de la Saint-Barthélemy.

    • 26 septembre : conversion de Henri de Navarre au catholicisme.

    • 8 novembre : le gouverneur du roi Armand de Gontaut-Biron commence le siège de La Rochelle (1573).

    • 9 novembre : occupation surprise du château de Sancerre par Racan de Bueil et des conjurés catholiques.

    • 10 novembre : les Protestants de Sancerre reprennent la forteresse de leur ville, après une vigoureuse attaque de dix-sept heures.

  • Les mariages croisés entre hauts personnages catholiques et protestants au Louvre, organisés par la royauté elle-même peu avant le massacre, ne sont-ils pas la preuve que le roi n’avait rien prémédité ?

  • Il convient là-dessus de citer Brantôme dans « Grands Capitaines français » :

    « Le roi (Charles IX), dist après la fête passée (la Saint Barthélemy) : « N’ay-je pas bien joué mon jeu ? dis-il ; n’ay-je pas bien sceu dissimuler ? n’ay-je pas bien appris la leçon et le latin de mon ayeul le roy Louis XIe ? »

  • Lire surtout le récit de Robert Merle dans "Paris, ma bonne ville" :

    Cliquer ici

  • On peut, certes, faire croire que la Saint Barthélemy n’est qu’une réponse au massacre de Nimes dit « de la Michelade ». Mais cette thèse ne résiste pas à l’examen. En effet, les assassinats de protestants à Paris organisés volontairement par le pouvoir royal n’ont pas commencé avec la Saint Barthélemy.

    L’adhésion à la religion protestante est considérée comme un acte séditieux depuis l’édit de Fontainebleau signé par François 1er le 1er juin 1540.

    Mais les églises basculent massivement en France dans la religion protestante…

    Henri III nomme les cardinaux de Lorraine, de Bourbon et de Chatillon inquisiteurs pour le royaume de France, par un bref du 26 avril 1557. Et le coup ne va pas tarder à tomber…

    Le 5 septembre 1557, 130 participants du culte protestant public de la rue Saint-Jacques sont arrêtés. Le jugement qui va les frapper est un jugement extrêmement rapide et dur. Les peines de mort sont nombreuses et les nobles arrêtés sont autant frappés, sinon plus. Il s’agit de démontrer que la noblesse a encore moins le droit que les autres classes de choisir le protestantisme…

  • Vous laissez entendre que la Saint Barthélemy est une contre-révolution sociale car les dirigeants protestants auraient tenté de transformer une révolution en réforme. Cela nécessite plus ample explication et justification. Quels dirigeants protestants auraient prôné de calmer une révolution et comment s’y seraient-ils pris ?

    • Bonjour Alain,

      Il semble que votre message fait référence plutôt à cet article, et plus particulièrement à cette phrase :

      « Quand il y a une contre-révolution violente, c’est qu’il y avait une montée révolutionnaire, même si les dirigeants du mouvement s’ingéniaient à en faire "une réforme". Leur tentative a convaincu les masses révolutionnaires de limiter leur mouvement, mais pas la classe dirigeante de limiter sa violence. »

      Pour vous répondre, le plus simple est de vous proposer de lire la biographie de Gaspard de Coligny, sur wikipédia. Je ne peux m’empêcher de vous citer un morceau de bravoure réformiste de cet homme qui est mort de cette énergie à vouloir convertir au protestantisme et à la Réforme les plus hautes instances catholiques du royaume.

      Voici donc un résumé d’une attitude et d’une politique réformiste d’un amiral passé au camp protestant, et voulant influer à la cour pour faire adopter le protestantisme par les plus hautes instances :

      « Adhésion à la Réforme

      Après la mort du roi Henri II, Coligny conserve ses fonctions et demeure chargé, en tant qu’amiral, d’organiser la flotte de secours pour l’Écosse. Il se rend pour cette raison à plusieurs reprises au Havre et à Dieppe (Normandie). Cette occupation lui prenant beaucoup de temps, il démissionne en janvier 1560 de sa fonction de gouverneur de Picardie3.

      À la cour, il pousse Catherine de Médicis à adopter une politique de conciliation à l’égard des réformés. À l’origine, très modéré dans son adhésion à la Réforme protestante, il refuse, par fidélité au roi, la voie de la violenc e et condamne la conjuration d’Amboise. Mais, las des intrigues de la cour et écarté du pouvoir par les Guise, il se retire régulièrement chez lui à Châtillon-sur-Loing ; dans cette retraite, la lecture des livres des novateurs changea ses opinions religieuses, et à l’instigation de sa femme et de son frère Andelot, il se convertit au protestantisme. Durant l’été 1560, il participe publiquement au culte. Au cours de l’assemblée des notables de Fontainebleau (juillet 1560), il communique au roi les revendications des protestants de Normandie.

      La chute des Guise à la mort de François II le satisfait. Durant l’année 1561, il jouit avec ses frères d’une grande faveur auprès de Catherine de Médicis et ne désespère pas de la voir adhérer à la Réforme. Il participe au conseil du roi et joue un grand rôle dans la politique royale de conciliation. Cependant, la violente réaction catholique à l’Édit de Janvier (1562) obligea la reine-mère à se séparer de lui et Coligny rentra sur ses terres. C’est là qu’il apprend la nouvelle du massacre de Wassy et la marche à la guerre. »

      ***

      Coligny n’était pas le seul à mener une politique de conciliation alors que les forces en présences étaient prêtes à s’entretuer. Le mariage entre Henri de Navarre, protestant et la fille du roi catholique n’est-il pas le premier exemple d’une tentative de conciliation au sommet entre protestants et catholiques ? Cela fait pleinement penser aux fameux accords d’Arusha qui permettaient de gagner du temps en pourparlers tout en préparant le génocide...

      Ces éléments ne sont certainement pas les seuls, pour aller dans ce sens, il s’agit d’en chercher d’autres, très certainement. Du moins ces premiers éléments de réponse vous conviennent-ils pour vous convaincre de l’existence de protestants qui cherchaient à concilier alors qu’une vague révolutionnaire déferlait sur l’Europe ?

  • C’est Calvin et de ses émissaires en France, qui dirigeaient la communauté protestante, qui ont défendu la conception d’une progression lente et calme de la religion dans ce pays. Alors que la révolte gronde dans la population protestante dans la décennie 1540, Calvin écrit en septembre 1554 aux réformés du Poitou qui ruent dans les brancards :

    « Tenez-vous doncques, mes frères, tout coyement en vostre cachette, voiant l’imprudence et la desliauté qui règnent aujourd’hui par le monde. »

    Trois points caractérisent la stratégie de Calvin :

    1°) gagner les cœurs par le martyr supporté avec courage

    2°) gagner non seulement la bourgeoisie et le peuple mais aussi le noblesse

    3°) gagner le roi et ne se déclarer que lorsque le roi aura pris parti pour le protestantisme car, sinon, on risquerait de le dresser contre

    Calvin écrit à cinq fidèles emprisonnés à Chambéry :

    « S’il plait à Dieu de se servir de nos vies pour approuver sa vérité, outre ce que vous savez que ce lui est un sacrifice plus qu’agréable, consolez-vous qu’en lui remettant le tout entre ses mains vous ne perdrez rien. »

    La réponse de Calvin aux arrestations massives et aux condamnations à mort est que « à l’exemple du Christ, il faut apprendre à souffrir jusqu’à ce que Dieu brise et rompe les armes de ses ennemis, ou qu’il les absubjecive à soi. »

    Les ambassadeurs suisses, chargés par Calvin de défendre les victimes, écrivent au roi la supplique suivante :

    « Vostre clemence, begnité et doulceur envers ces pauvres gens, rendra Vostre dicte Majesté aymable, et pleine de serviable, fidelle et allegre obeissance de tous vos subjects envers vous… »

    Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres...

  • Il est significatif que le premier synode protestant de France se tienne contre la volonté de Calvin et qu’apprenant que le synode veut publier une « confession publique », il écrive :

    « Si quelques uns ont un si grand désir de publier une Confession, nous prenons les anges et les hommes à témoins que cette ardeur nous déplait extrêmement. »

    N’oublions pas que les grandes figures du protestantisme sont quasiment toutes des adeptes de Calvin et notamment l’amiral de Coligny. Cela explique la politique des dirigeants protestants dans les événements qui vont précéder la Saint-Barthélemy. Ces dirigeants vont avoir un aveuglement remarquable devant les menées de la cour royale…

  • Le 3 avril 1559, le roi Henri II, sur lequel se fondait Calvin pour que la France bascule pacifiquement dans le protestantisme par le miracle divin, signe l’édit d’Ecouen, véritable acte de guerre contre le protestantisme. Loin de se préparer à une lutte violente, inévitable étant donné qu’il s’agit, derrière la querelle religieuse, de la lutte entre la noblesse et la bourgeoisie alliée au petit peuple, les partisans de Calvin qui sont les dirigeants protestants de France, n’y voient qu’un enjeu divin et s’en remettent à dieu des conséquences, suivant ainsi les préceptes de Calvin.

    L’un de ces dirigeants, Jean Macat écrit à Calvin en juin 1558 : « Quant à moi, confiant dans la divine Providence, je me promène tranquille au milieu des loups et je remplis autant que je le puis mon devoir. » Il aurait pu dire : je marche tranquille au massacre, puisque dieu l’aura voulu, et mon devoir consiste à envoyer tout un peuple à la boucherie sans qu’ils en soient conscients…

    La politique « pacifiste » de Calvin (qui aura des conséquences tout ce qu’il y a de moins pacifiques) consiste non seulement à faire basculer la royauté par la puissance de la conviction divine, d’en faire autant du plus grand nombre possible de nobles, mais aussi à demander l’intercession des puissances européennes protestantes pour obtenir la suspension des pires exactions contre les protestants. Calvin développe tout un travail diplomatique pour que l’Angleterre, la Suisse, le Danemark ou les princes protestants envoient des suppliques et des ambassades au roi de France. Ce qu’ils font… sans l’ombre d’un effet.

    Voilà comment un calviniste décrit l’efficacité de cette politique pacifiste et réformiste dans un courrier du 29 juin 1559 :

    « La fureur de nos adversaires croit tous les jours et ils violent tout droit divin et humain depuis qu’ils ont trouvé un prince se prêtant à leur cruauté. »

    Le prince dont il est question est bien évidemment Henri II, auquel Calvin prêtait la capacité de devenir lui-même protestant. Et va voir ensuite, après la mort de Henri II, cet aveuglement se tourner vers la personne de Catherine de Médicis, Calvin se fiant à elle comme il se fiait à Henri II avec la même perspective.

    Le réformisme ne prend jamais conscience de ses erreurs ou de ses crimes et recommence sans cesse à viser l’accord impossible avec les classes dirigeantes nobles accrochées au catholicisme. Elles ont tenté Henri II et on été amèrement déçues mais sa mort relance leurs faux espoirs. Lorsque le roi Henri II est tué accidentellement dans un tournoi, les protestants imaginent que c’est un acte de la divine providence pour remplacer un roi qui s’oppose à la volonté de dieu !

    Après avoir suggéré une intervention divine, François Morel, dirigeant protestant de France, écrit à Calvin :

    « Peut-être cet événement va-t-il mettre fin à la cruelle persécution qui a frappé tout ce royaume. »

    En réalité, c’est exactement le contraire qui se produit. Le pendule politique bascule du côté des radicaux violemment anti-protestants, de François de Guise et du cardinal Charles de Lorraine et de radicaux que l’on appellerait aujourd’hui l’extrême droite. Avec un roi François II, trop jeune pour gouverner, ce sont ces deux excités de guerre civile interne qui ont le plus de poids sur la reine mère Catherine de Médicis qui va être la véritable instigatrice du massacre de la Saint-Barthélemy.

    Dans les mois qui suivent l’avènement de François II, un édit, deux déclarations et plusieurs arrêts aggravent le sort des protestants et alourdit les peines contre les « hérétiques ».

    Curieusement, c’est justement sur Catherine de Médicis que les dirigeants réformistes français et Calvin vont compter non seulement pour améliorer le sort des protestants de France et même pour gagner le pays à la religion. Ce n’est pas un simple contresens dramatique. C’est dû au sens profond des objectifs des dirigeants religieux qui sont incapables d’exprimer réellement ce que souhaite le peuple qui rejoint le protestantisme.

    Par contre, le réformisme de ces dirigeants ne désarme nullement la contre-révolution violente. Les dirigeants catholiques, eux, comprennent très bien que s’ils n’interviennent pas violemment, la bataille est perdue et le pays basculera au protestantisme qui finira par favoriser la bourgeoisie. La Saint-Barthélemy est une nécessité pour la classe dirigeante et les réformistes comme l’Amiral de Coligny auront beau s’entendre avec la royauté, pactiser avec, ils ne parviendront pas par le pacifisme à désarmer la contre-révolution.

  • Ensuite, Calvin et les dirigeants protestants français vont faire des pieds et des mains pour qu’Antoine de Navarre prenne fait et cause pour les protestants, en vain. Calvin voit alors les protestant prendre le parti révolutionnaire, pour le peuple, et le pati guerrier, pour les dirigeants protestants français. Calvin écrit le 5 octobre 1559 :

    « En Provence, tous les fidèles, étant assaillis par des particuliers, ont commencé à se défendre par l’épée… Nous contenons encore ceux de Normandie, mais ils sont trop tourmentés, il est grandement à craindre qu’ils ne recourent aussi aux armes. Prions Dieu, que, dans son admirable bonté et sagesse, il apaise les flôts courroucés. »

    Dans une lettre à Coligny de septembre 1559, Calvin écrit :

    « Quelqu’un ayant charge de quelque nombre de gens me demanda conseil s’il ne seroit pas licite de resister à la tyrannie dont les enfans de Dieu estoient pour lors opprimez et quel moyen il y auroit…. Je respondi simplement… qu’il valoit mieux que nous perissions tous cent fois, que d’estre cause que le nom de la Chrestiente et l’Evangile fust exposé a telle opprobre. »

    Ce choix, Calvin et Coligny vont le défendre jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’au massacre de la Saint-Barthélemy, jusqu’à ce que « nous perissions cent fois » !!!!

  • En 1560, la partie des dirigeants du camp protestant qui récuse la stratégie pacifique qui ne mène qu’à des condamnations, des tortures et des arrestations, et pas à l’acceptation de la religion protestante ni au changement de régime, décide de lancer une guerre plutôt qu’une révolution sociale et commence à constituer pour cela une armée avec des nobles à sa tête. Cette politique aura rapidement du succès.

    Calvin, par contre, ne change pas de politique : il est opposé à toute conjuration armée :

    « Lorsque, au début, ceux qui furent les premiers incitateurs de cette entreprise me consultèrent, je leur répondis franchement que toute cette manière d’agir me déplaisait et que la chose elle-même, je l’approuvais bien moins encore. »

    Le régime royal prendra prétexte de cette première conjuration armée rapidement écrasée pour multiplier les exactions, des assassinats et les condamnations des protestants, y compris ceux qui n’ont pas pris les armes, y compris les grands nobles protestants comme le baron de Castelnau.

    Agripa d’Aubigné écrit alors :

    « Tel est l’hideux portrait de la guerre civile qui produit sous ses pieds une petite ville pleine de corps meurtris en la place estendus, son fleuve de noyés et ses creneaux pendus. Là-dessus, l’eschafaut qui tient toute sa place entre les condamnés un esleve sa face. »

  • C’est alors que la vague révolutionnaire protestante gagne véritablement le peuple de France. Il devient alors évident à la royauté et à la noblesse catholique que le bain de sang est inévitable sinon, c’est la défaite assurée.

    Le cardinal de Lorraine (l’un des Guise qui sont à la tête de la contre-révolution catholique) déclare :

    « Il va falloir appliquer de violents remèdes et user du fer et du feu. »

    Pour la première fois, l’idée d’un Saint-Barthélemy massacrant les Protestants en masse est évoquée dans les hautes sphères du pouvoir.

  • C’est effectivement alors que la révolution gagne véritablement tout le pays que les réformistes se mettent à jouer un rôle central, appelés au pouvoir par la classe dirigeante avec la nomination comme chancelier d’Etat de Michel de L’Hospital qui prétend réconcilier les classes, les clans et les religions. C’est une opération pour désamorcer la révolution protestante. L’Hospital donne quelques gages aux protestants avec l’édit de Romorantin et l’édit de Loches. Il distingue les actes religieux protestants des actions de sédition protestants, les uns dépendant seulement de tribunaux religieux et les autres traités en crime d’Etat et punis de torture et de mort. Pour contrer la montée révolutionnaire, le régime autorise la remontée des protestations jusqu’au roi. Mais ces petits reculs n’empêchent pas l’extrême droite noble et catholique de se radicaliser, au contraire. Elle parvient à faire arrêter les chefs protestants (François de Vendôme, Antoine de Navarre, le prince de Condé) et les auraient condamnés à mort si le roi François II n’était opportunément décédé… Les protestants en sortent persuadés de l’intervention divine, d’autant que le régime a besoin pour se stabiliser d’abandonner l’arrestation des chefs protestants et de faire mine d’aller vers un accord…

  • Plusieurs pays d’Europe avaient déjà connu des victoires du protestantisme et elles étaient en même temps des révolutions sociales bourgeoises et populaires. Les efforts de Calvin pour faire en sorte que le succès du protestantisme en France ne soit pas une révolution sociale, en gagnant des grands nobles et en tentant de conquérir un roi, allaient contre le courant de l’Histoire, contre les aspirations des masses et contre la réalité. En empêchant que le protestantisme serve en France le cours révolutionnaire, Calvin n’a pas pu empêcher de servir ainsi le cours de la contre-révolution catholique. Quand le choix devient uniquement révolution ou contre-révolution, aucun réformisme n’y peut rien, pas plus celui des protestants calvinistes modérés que celui des catholiques modérés comme Michel de L’Hospital…

  • L’un des derniers espoirs réformistes des dirigeants protestants français a été fondé sur les Etats généraux convoqués après le décès du roi François II. Ces Etats généraux étaient une des revendications des dirigeants protestants et ils en attendaient une reconnaissance des droits religieux et civils des protestants en France. Ils se pensaient en force pour l’obtenir, ayant gagné le soutien de plusieurs princes de sang comme Condé et Navarre et de l’Amiral de France Coligny sans compter d’autres grands seigneurs comme Montmorency, La Rochefoucauld, Chatillon ou de Croÿ...

  • Calvin en déduisait qu’il ne fallait surtout pas sortir du légalisme, même si de nombreux protestants étaient victimes d’une scandaleuse répression sous la seule accusation d’avoir pratiqué leur religion. Calvin va miser sur Antoine de Navarre, sur Condé, sur Coligny et même sur Catherine de Médicis elle-même (bel aveuglement !!!). Il est persuadé que, s’il n’entraîne pas la Médicis elle-même, les Etats généraux vont être favorables aux protestants et que cela obligera Catherine de Médicis à reconnaitre au moins leurs droits. Il explique tout cela en décembre 1560.

  • En réalite, les Etats généraux, réunis à Orléans, rejettent la demande formulée par l’amiral de Coligny de l’octroi de lieux de culte publics réservés aux protestants. Jacques de Silly, baron de Rochefort, lui réplique que le clergé catholique revendique une répression accrue des protestants ! Le texte d’une supplique au roi explique ce radicalisme des anti-protestants : elle affirme que désormais le peuple de France est déjà majoritairement protestant et que personne ne pourra empêcher que cette majorité l’emporte !

    Les espoirs conçus par Calvin et les réformés, qui misaient tout sur les Etats généraux, s’avèrent vains. Catherine de Médicis s’est imposée aux Etats et les droits des protestants n’ont pas été reconnus et l’autre objectif des protestants, Navarre régent de France, a été abandonné devant la fermeté et les manœuvres bien calculées de la Médicis.

  • Cependant, Calvin ne change pas de choix politique et social pour autant et n’abandonnera jamais le réformisme, même lorsqu’il est patent qu’il ne mène qu’au bain de sang.

    Calvin écrit à Antoine de Navarre, qui a révélé sa faiblesse personnelle son absence de souhait de prendre la tête des protestants et la tête du pays. Il l’encourage à jouer son rôle de premier prince de sang de France pour exiger la régence. Il le traite de « nouveau Moïse » ! Mais pas moyen de lui en insuffler pour autant l’énergie et le courage…

    Même le « réformiste » catholique Michel de L’Hospital, nommé chancelier pour faire espérer des changements aux protestants modérés, intervient aux Etats généraux pour affirmer que ce qui nuit à la France c’est l’existence d’une scission religieuse et qu’il faut y mettre fin absolument et rapidement !

  • Il va en résulter le choix des dirigeants de la noblesse protestante de se lancer dans une guerre, faute d’être favorables à une révolution ! Dans cette guerre, ils connaissent victoires et défaites. Condé est tué mais la noblesse catholique ne semble pas en état de l’emporter militairement.

    Catherine de Médicis va ensuite manœuvrer pour faire croire aux dirigeants protestants qu’elle s’oriente vers une entente, la fin des guerres de religion. Elle organise au plus haut sommet un mariage croisé entre princes du sang catholiques et protestants pour sceller une entente. Elle reconnaît Coligny comme chef des armées de toute la France. Elle fait mine d’écarter du pouvoir les radicaux d’extrême droite catholique, les frères de Guise en particulier. Elle convie toute la noblesse protestante à Paris et au Louvre pour fêter ces mariages croisés. C’est censé sceller une paix définitive entre catholique et protestants. En réalité, la royauté (Charles IX et la régente de Médicis) a programmé le massacre !

    La Saint-Barthélemy est lancée par l’assassinat de Coligny, après une première tentative ratée…

    Le roi de France se revendiquera hautement d’avoir voulu ce massacre même si les historiens français aujourd’hui encore essaient de l’en blanchir !

  • Le 26 août 1572, trois jours après le premier massacre à Paris, devant le Parlement, puis le 27 dans une déclaration justificative, le roi Charles IX déclare que ce massacre a été réalisé parce que les protestants planifiaient une révolution secrète contre lui et son Etat :

    « La mort de l’amiral et autres de ses adhérans et complices, dernierement advenue en ceste ville de Paris quatriesme jour du present mois d’aoust (…) a esté par son exprès commandement, et non pour cause aucune de Religion, ne contrevenir à ses Edicts de pacification, qu’il a toujours entendu, comme encores veut et entend observer, garder et entretenir, ains pour abvier et prevenir l’execution d’une malheureuse et detestable conspiration faicte par ledict amiral, chef et autheur d’icelle, et sesdicts adherans et complices, en la personne dudict seigneur Roy, la Royne sa mere, Messieurs ses freres, le roy de Navarre, princes et seigneurs estans pres d’eux. »

    A la suite de cette déclaration, les Saint-Barthélemy se sont développées dans toute la France et le roi a suspendu tout droit des protestants à exercer leur religion…

    La stratégie réformiste de Calvin est parvenue à un échec sanglant : non seulement le protestantisme n’en est pas sorti autorisé et a même été interdit mais la stratégie visant à ne pas mener de complot révolutionnaire contre le pouvoir a été consdéré comme un complot révolutionnaire et condamné mortellement…

  • Le dernier roman de Ken Follett, « Une colonne de feu », est dans la continuité de ses romans historiques et notamment des Piliers de la terre, et aussi de retracer toute l’époque des affrontements entre catholiques et protestants en reliant ce qui se passait dans les différents pays d’Europe, de l’Angleterre à la Suisse, de l’Espagne à la France et aux Pays-Bas et aussi de les relier à la bourgeoisie montante dans la société européenne et au pouvoir royal faible. Par contre, il fait plusieurs contresens historiques dont le plus gros est de propager le mensonge selon lequel le roi Charles IX et la reine-mère Catherine de Médicis auraient lutté jusqu’au bout pour que les religions catholique et protestante ne se combattent pas, que les mariages croisés organisés au sommet des familles royales, entre catholiques et protestants, n’étaient pas un piège. Le roman diffuse l’idée que seul Henri de Guise a organisé la Saint-Barthélemy de Paris. Or rien ne justifie ce parti-pris. Le roi a lui-même diffusé un courrier dans lequel il revendique d’avoir éradiqué les protestants et il a officiellement reçu pour cela les félicitations du pape. La réunion d’une masse de Protestants pour ces mariages croisés dans la famille royale dans une ville de Paris, massivement religieuse catholique et vivant de la manne des églises depuis des décennies, n’a rien d’innocent. C’était un piège orchestré non seulement par Guise mais par le roi et la reine-mère. Catherine est tout particulièrement l’artisan de ce massacre et elle a feint le désir d’en finir avec les violences pour mieux piéger les réformistes du camp protestant.

  • Voltaire dans « Essai sur les mœurs et l’esprit des nations » :

    « L’Europe ne sait que trop comment Charles IX maria sa sœur à Henri de Navarre, pour le faire donner dans le piège ; par quels serments il le rassura, et avec quelle rage s’exécutèrent enfin ces massacres projetés pendant deux années. Le P. Daniel dit que Charles IX joua bien la comédie ; qu’il fit parfaitement son personnage. Je ne répéterai point ce que tout le monde sait de cette tragédie abominable ; une moitié de la nation égorgeant l’autre, le poignard et le crucifix en main ; le roi lui-même tirant d’une arquebuse sur les malheureux qui fuyaient : je remarquerai seulement quelques particularités ; la première, c’est que, si on en croit le duc de Sully, l’historien Matthieu, et tant d’autres, Henri IV leur avait souvent raconté que, jouant aux dés avec le duc d’Alençon et le duc de Guise, quelques jours avant la Saint-Barthélemy, ils virent deux fois des taches de sang sur les dés, et qu’ils abandonnèrent le jeu, saisis d’épouvante. Le jésuite Daniel, qui a recueilli ce fait, devait savoir assez de physique pour ne pas ignorer que les points noirs, quand ils font un angle donné avec les rayons du soleil, paraissent rouges ; c’est ce que tout homme peut éprouver en lisant : et voilà à quoi se réduisent tous les prodiges. Il n’y eut certes dans toute cette action d’autre prodige que cette fureur religieuse qui changeait en bêtes féroces une nation qu’on a vue souvent si douce et si légère.
    Le jésuite Daniel répète encore que, lorsqu’on eut pendu le cadavre de Coligny au gibet de Monfaucon, Charles IX alla repaître ses yeux de ce spectacle, et dit « que le corps d’un ennemi mort sentait toujours bon : » il devait ajouter que c’est un ancien mot de Vitellius, qu’on s’est avisé d’attribuer à Charles IX. Mais ce qu’on doit le plus remarquer, c’est que le P. Daniel veut faire croire que les massacres ne furent jamais prémédités. Il se peut que le temps, le lieu, la manière, le nombre des proscrits, n’eussent pas été concertés pendant deux années ; mais il est vrai que le dessein d’exterminer le parti était pris dès longtemps. Tout ce que rapporte Mézeray, meilleur Français que le jésuite Daniel, et historien très supérieur dans les cent dernières années de la monarchie, ne permet pas d’en douter ; et Daniel se contredit lui-même en louant Charles IX d’avoir bien joué la comédie, d’avoir bien fait son rôle…. Ces temps étaient si funestes, le fanatisme ou la terreur domina tellement les esprits, que le parlement de Paris ordonna que tous les ans on ferait une procession le jour de la Saint-Barthélemy, pour rendre grâces à Dieu. »

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