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Discussion sur les syndicats

vendredi 9 novembre 2012, par Robert Paris

Discussion sur les syndicats

Samuel

Cette fois-ci nous n’allons pas converser seulement Robert et moi mais nous invitons pour ce dialogue (imaginaire comme d’habitude et réel aussi) des camarades révolutionnaires de différentes tendances car la question syndicale mène à plusieurs sortes de divergences, à la fois théoriques, stratégiques et tactiques. Certains courants révolutionnaires, comme le mien, s’interdisent toute participation aux syndicats et ont posé cette question dès le début au sein de la troisième internationale, polémiquant avec Lénine et Trotsky, formant la gauche du courant communiste. D’autres courants présents ici sont complètement opposés au nôtre et estiment au contraire que c’est le parti communiste qui pose problème. Ils défendent le syndicalisme révolutionnaire, se référant au congrès d’Amiens de l’ancienne CGT française. Ils combattent toute tentative de mainmise des partis sur l’activité syndicale et affirment que le syndicat bien conçu peut parfaitement assumer la transformation socialiste de la société et éviter la bureaucratisation inévitable au cas où un parti monopolise le pouvoir et bâtit un Etat ouvrier qu’ils estiment enlever au prolétariat son rôle de direction. Entre les deux extrêmes, si l’on peut dire, on trouve toutes sortes de tendances qui estiment que le syndicalisme est une forme du réformisme mais que les militants révolutionnaires doivent y participer pour ne pas laisser les militants ouvriers sous la direction des leaders réformistes. Non seulement ils pensent que la participation aux syndicats n’est pas un problème en soi mais ils pensent qu’il suffit que l’organisation politique forme ses militants comme des révolutionnaires communistes pour qu’ils ne risquent pas de de venir réformistes, même en se mettant sous la pression du milieu réformiste. Ils reprennent plus ou moins la position qui était défendue par Lénine ou pensent le faire. Il y a des différences parmi eux sur l’appréciation des centrales syndicales. Il y a ceux qui les voient comme des organisations ouvrières avec une politique fausse qu’ils pourraient relativement aisément redresser. Il y en a qui les voient comme des organisations irrémédiablement liées à la bourgeoisie et à son Etat mais en pensant que la participation à ces organisations à la base ou au niveau de l’entreprise peut ne servir que les intérêts des travailleurs. Il y a des groupes qui veulent que les syndicats dirigent les luttes, et même certains pensent que les syndicats dirigent toujours une montée ouvrière. Il y en a d’autres qui, en cas de montée, reprennent les propositions de Trotsky d’auto-organisation des prolétaires sous forme de comités sur des bases indépendantes de classe. Comme on le voit, on se prépare ici à une foire d’empoigne et je ne vois pas très bien ce que cherche La Voix des Travailleurs en nous réunissant tous ici à part un goût bizarre de discuter pour discuter…

Robert

Je vais essayer de m’expliquer sur ce dernier point. Mais d’abord je voudrais rappeler que le fondement de toute politique révolutionnaire ne peut pas démarrer d’un choix complètement tactique comme l’activité des révolutionnaires dans les syndicats et doit, au contraire, se fonder sur des choix principiels et programmatiques fondamentaux. Et les principes en question ici me semblent les suivants. La lutte des classes, même lorsqu’elle en est au niveau élémentaire, défensif ou local, doit, du point de vue des révolutionnaires, faire avancer la conscience socialiste du prolétariat, faire avancer aussi son auto-organisation indépendante de la bourgeoisie et de son Etat, faire avancer enfin sa conscience politique et son organisation politique. Les luttes sociales sont un tremplin vers le socialisme, c’est-à-dire vers l’aspiration des travailleurs à diriger la société en arrachant cette direction des mains des classes dirigeantes en détruisant l’Etat de la bourgeoisie. Voilà les éléments fondamentaux. Quelles que soient les niveaux des luttes et les circonstances et quelles que soient les appréciations des diverses organisations syndicales existantes, la stratégie et la tactique des révolutionnaires ne peut pas aller contre cette perspective fondamentale : la transformation des opprimés en classe dirigeante de la société. Si les travailleurs ne dirigent pas eux-mêmes leurs luttes, ils ne risquent certainement pas de tirer de ces luttes des moyens de passer de la situation de classe opprimée à celle de classe dirigeante. Et il faudrait que les travailleurs aient non seulement conscience qu’ils portent un avenir pour toute la société, y compris pour les classes moyennes et pour toutes les couches opprimées en fonction de leur âge, leur sexe, leur genre, leur race, leur religion, leur région, etc… Y compris la petite bourgeoisie, la jeunesse, les femmes, etc… Laisser la direction des luttes aux appareils syndicaux, ce n’est pas du syndicalisme mais une trahison inévitable des luttes car cela ne prépare nullement les travailleurs à diriger, ce qui devrait être l’objectif numéro un de tous les révolutionnaires au travers de luttes, même celles qui n’ont rien de révolutionnaires et sont même défensives. Il convient de rajouter que les centrales syndicales (en particulier celles des pays impérialistes) ne sont plus véritablement des organisateurs du prolétariat sur des bases de classe. Ce n’est nullement l’école élémentaire de lutte des classes comme Marx ou Engels l’espéraient encore de leur temps. Ce n’est même pas des appareils ouvriers réformistes comme au temps de Lénine avant la première guerre mondiale. Dans cette guerre, les syndicats des pays européens sont devenus des appendices du pouvoir bourgeois et ensuite ils n’ont jamais cessé de l’être.

Freddy

Le rôle socialiste du prolétariat, la nécessité pour les travailleurs de s’organiser indépendamment du patronat et de l’Etat, la préparation au travers des luttes de la conscience et de l’organisation autonome des travailleurs, voilà des objectifs sur lesquels le courant syndicaliste révolutionnaire auquel j’appartiens ne peut que se reconnaitre et pourtant je diffère considérablement des conclusions que Robert en tire. Certes, il a tiré des leçons de la trahison du mouvement ouvrier socialiste et syndicaliste en 1914 mais il n’en a pas tiré autant de la trahison du mouvement ouvrier par le stalinisme et du retournement de l’Etat russe contre les intérêts des travailleurs. Curieusement, il propose une lutte contre les bureaucraties réformistes dans les syndicats sans croire que l’on puisse former des syndicats révolutionnaires et pense, par contre, que le prolétariat pourra former des partis politiques révolutionnaires. Cela signifie qu’il a vu aussi bien la trahison des partis révolutionnaires que des syndicats de classe mais en conclue que de nouveaux syndicats de classe sont impossibles alors qu’ils estiment toujours possible de former des partis révolutionnaires de classe et un Etat de classe prolétarien. Pourquoi ne pas penser le contraire et estimer que l’on peut construire des syndicats de classe, visant ouvertement au socialisme et ne pas pouvoir construire des partis politiques restant sur des bases de classe ?

Arthur

S’il y a un point sur lequel je rejoindrais Samuel, c’est la question : quelle peut bien être l’utilité de débattre pour la millième fois entre courants d’extrême gauche aussi opposés dans les choix d’activité. Certains ne militent même pas vraiment au sein du prolétariat et reconnaissance ne se battre que théoriquement et pour le programme. Ceux-là peuvent parfaitement estimer qu’il ne leur est nullement nécessaire de participer à une activité syndicale puisqu’ils n’estiment même pas nécessaire de développer des publications révolutionnaires dans les entreprises ni des cellules communistes d’entreprise. Comment Robert peut-il justifier la nécessité de discuter avec de tels gauchistes, comme Lénine lui-même les a qualifiés autrefois. Que chacun mène son activité révolutionnaire comme il l’entend et l’Histoire tranchera bien plus sûrement que toutes les discussions vaseuses et inutiles que l’on nous propose sans cesse et qui ne feront que nous faire perdre du temps inutilisé pour s’adresser aux travailleurs eux-mêmes.

Samuel

Il ne suffit pas de se revendiquer de Marx, Lénine ou Trotsky. Encore faut-il examiner le rôle réel des centrales syndicales et réexaminer si les travailleurs doivent nécessairement en passer par ces centrales ou si dans les faits elles ne mènent pas un combat diamétralement opposé aux intérêts des travailleurs. Quel bilan tirez-vous de la lutte des travailleurs polonais, des travailleurs sud-africains et même des travailleurs français ? Quel bilan de l’action des centrales syndicales dans la crise systémique ? Le seul bilan correct consiste à reconnaître que les centrales syndicales ont trahi et démoli consciemment et méthodiquement toutes les positions de force que les travailleurs avaient conquis par leur lutte, qu’ils détruisent systématiquement toute conscience politique de classe. La seule réponse à la nécessité pour les travailleurs de s’unir sur des bases de classes est la direction des luttes par des comités. C’est un point sur lequel je converge avec Robert et La Voix des Travailleurs tout en ne comprenant toujours pas pourquoi ces camarades se refusent à reconnaitre l’inutilité et le caractère nocif de la participation aux syndicats qui sont des forces contre-révolutionnaires. Je ne vois pas non plus la nécessité de discuter avec des organisations qui se disent révolutionnaires mais cautionnent les politiques catastrophiques des centrales syndicales en prétendant qu’elles ne sont pas responsables du faible niveau des luttes ouvrières, seul responsable selon eux des échecs des travailleurs.

Robert

Je vais examiner d’abord ce qui vous semble à tous le plus évidemment faux dans ma démarche consistant à discuter avec tous ceux qui se revendiquent des travailleurs comme force révolutionnaire même si nous divergeons considérablement et parfois même sommes amenés à nous opposer durement sur le terrain des luttes. J’estime qu’il est indispensable d’abord de prendre conscience d’une chose : l’histoire n’est pas écrite d’avance et la justesse des positions n’est pas définitivement tranchée par les discussions du passé. L’Histoire s’écrit au fur et à mesure et elle doit être pensée aussi au fur et à mesure. D’autre part, il n’y a pas à exiger des participants aux luttes actuelles qu’elles aient d’emblée confiance dans une tendance donnée, de préférence la seule qui verrait de manière juste les choses. Ce type d’exigence n’a pas cours. La discussion bien sûr ne peut pas elle seule suffire pour trancher sur la justesse des positions. Par contre, une tendance qui refuse la discussion est aussi une tendance qui compte un jour imposer ses vues et refuse qu’elles soient publiquement critiquées et il y a fort à parier qu’elle-même va se planter en refusant d’être critiquée. Bien sûr que ce type de discussion ne convainc personne. Par contre, chacun peut en tirer profit pour améliorer ses propres positions et s’assurer qu’il ne s’est pas fourvoyé dans ses raisonnements ce qui peut arriver aux meilleurs. Par contre, mêmes les meilleurs peuvent se tromper eux-mêmes s’ils ne se sont fondés que sur des discussions internes dans lesquelles les facteurs de cohésion interne peuvent jouer pour favoriser un accord afin d’éviter des dissensions. Un révolutionnaire, un groupe révolutionnaire ne peuvent que souhaiter être sous le feu de la critique car elle seule leur permet de s’assurer qu’ils sont bien sur le bon chemin. La politique révolutionnaire se construit progressivement et l’existence de vieilles positions reconnues n’y suffit pas. Il faut poursuivre l’analyse comme la situation poursuit son cours et il est nécessaire que cette analyse soit critiquée. Il est aussi nécessaire de « perdre du temps » (pour reprendre une expression utilisée ici) à contredire d’autres analyses. Ce n’est nullement du temps perdu. Croire ou faire croire que ceux qui se livrent à ses débats s’éloignent de l’activité militante revient à dire que l’essentiel des textes de nos prédécesseurs ne servaient à rien puisqu’ils discutaient avec des tendances adverses. Même si les thèses de Dühring n’ont plus cours, leur réfutation reste indispensable par exemple. Encore une fois, il est évident que les divers participants à ce débat ne vont pas changer fondamentalement de position et que celles-ci sont très divergentes. Il est même certain que dans toute grève, chacun de nous ira son chemin sans converger pour le moment. Cependant, celui qui a confiance dans sa politique n’a pas besoin de la tenir protégée à l’intérieur de frontières organisationnelles. Donc place au débat public pour que chacun puisse estimer la valeur des arguments…

Freddy

Je n’ai pas opposé de refus au débat dont tu parles ou que tu appelles de tes vœux mais j’estime justement que l’enfermement que tu combats est celui d’un parti. Au sein d’un syndicat organisé sur les principes du congrès et de la charte d’Amiens, il y a un débat intense entre tendances politiques et syndicales sans qu’il y ait risque qu’une chapelle reste en circuit fermé et sans qu’elle dirige par des moyens organisationnels et sans convaincre la majorité.

Inversement, ceux qui annoncent ouvertement vouloir mettre la main sur le mouvement syndical et le diriger de l’extérieur sur la base de décisions prises dans le groupe ou le parti politique, reconnaissent qu’ils comptent imposer à la majorité les vues de la minorité révolutionnaire. Ils ne peuvent pas en même temps prétendre que c’est la conscience de l’ensemble des travailleurs qui fonderait leur action. De ce point de vue, il semble que bien des groupes qui se disent révolutionnaires ne sont pas plus utiles à la classe ouvrière que l’ont été social-démocrates et staliniens. Ils pensent tous qu’ils savent ce que doit faire la classe ouvrière et ils pensent que celle-ci ne sait pas. Ils tiennent à diriger les travailleurs et non à les laisser diriger. Le parti n’est pas le siège du débat dont tu parles et c’est bel et bien le syndicat révolutionnaire qui l’est.

Arthur

Bien sûr que le syndicalisme est utile et nécessaire pour la classe ouvrière et tu as parfaitement raison de dire qu’en son sein les révolutionnaires doivent apprendre leur métier, gagner de l’influence et montrer leurs capacités à représenter leurs camarades de travail. A eux de gagner la confiance. Mais cela n’a rien à voir avec ce que propose Robert qui consiste en des discussions entre courants révolutionnaires en dehors des travailleurs. Encore une fois, certains courants ne militent même pas vraiment au sein des entreprises, et ne peuvent donc mettre leurs idées en discussion parmi les travailleurs. Je ne vois pas sur quelles bases nous pourrions donc discuter puisque les critères ne peuvent être les mêmes. Si nous disons que les travailleurs n’en sont pas à tel stade, eux n’ont aucun moyen ni envie de le savoir.

Robert

Le syndicalisme serait donc le moyen trouvé pour développer une politique révolutionnaire, le lieu où les militants révolutionnaires peuvent faire « leurs classes », apprendre leur métier, une école de la lutte des classes ? Malheureusement, je ne vois pas en quoi l’expérience du passé nous pousserait à croire cela et je ne vois pas en quoi la réalité du mouvement syndical qui ne réunit plus les travailleurs et se passe même souvent de les contacter sur les lieux de travail, nous amènerait à croire que l’issue est dans le syndicalisme. Le syndicalisme révolutionnaire, tel qu’il a fleuri dans la France de l’avant première guerre mondiale, s’est vautré dans le nationalisme et dans la trahison des intérêts des travailleurs. Dans le reste du monde, il n’y a qu’en Espagne qu’un courant syndicaliste-révolutionnaire a eu l’occasion d’aller au bout de ses possibilités et il me semble qu’il a surtout démontré son incapacité en participant à l’Etat bourgeois en Catalogne alors même que la non participation à l’Etat était son principe de base. Le passé ne peut pas trancher clairement sur ce que sera l’avenir bien entendu car, sinon, l’avenir serait fait de larmes et de sang et pas d’une société vraiment humaine. Cependant, il est nécessaire de tirer des leçons. Est-ce que le syndicalisme pur peut être une politique juste alors que l’une des tâches essentielle va être de casser les appareils d’Etats des classes dirigeantes. Face à un tank, il faut des armes adéquates. Bien sûr qu’il n’est pas étonnant qu’un militant qui s’oppose à la constitution du prolétariat en classe dominante ne veuille pas former un parti dont c’est le principal but. Cependant, je persiste que la discussion est nécessaire et indispensable avec tous ceux qui se revendiquent du prolétariat et de la révolution car on ne sait pas d’avance à quoi on va être confronté. Il ne faut pas oublier que nombre de courants ont évolué au cours des révolutions et que des politiques des groupes ont alors évolué. Rappelons-nous par exemple comment Marx remarquait que les courants impliqués dans la commune de Paris de 1871 avaient été dans le sens inverse des thèses de leurs sectes politiques diverses. On ne peut pas non plus faire comme si le bolchevisme était d’avance armé politiquement face à la révolution d’octobre. Ce serait effacer qu’à plusieurs reprises les politiques qui ont été finalement celles du parti bolcheviks étaient d’abord très minoritaires. On ne peut pas oublier que le Comité central bolchevique lui-même a plusieurs fois été en défaut face aux événements. Il a fallu discuter à l’intérieur et à l’extérieur. Il ne faut pas oublier non plus qu’une fraction importante des militants bolcheviks de 1918 était dans d’autres courants avant 1917. Si les bolcheviks n’avaient pas discuté et gagné ces militants, ils n’auraient pas eu le parti qu’ils avaient. Bien sûr, il s’agit là de discuter dans le cours de la révolution et dans les soviets, ce qui est très différent. Mais une organisation qui ne cultive pas la discussion avec d’autres courants ne la mènera pas quand cela sera nécessaire.

Samuel

Il faut discuter certes, mais il faut aussi étudier les anciennes discussions. La discussion sur les syndicats ne date pas d’aujourd’hui. Elle a été menée dans la troisième internationale et a mené à une divergence entre la gauche communiste d’un côté, un courant opportuniste d’un autre et un troisième courant, celui de Lénine et Trotsky. La gauche a même été momentanément majoritaire au sein de l’internationale quand la révolution mondiale semblait avancer à grand pas. Lénine et Trotsky bénéficiaient du poids du succès bien sûr et du seul pays où les travailleurs étaient parvenus au pouvoir. Cela ne signifie pas qu’ils avaient raison sur tout ni que leur expérience donnait des solutions dans chaque pays. Lénine était d’ailleurs le premier à le reconnaitre, en opposition sur ce point avec des militants comme Zinoviev.

L’opposition s’est manifestée dans le sens de la nécessité de renverser partout l’ordre bourgeois dans une vaste offensive prolétarienne mondiale sans tenter de temporiser nulle part car la temporisation ne pouvait signifier qu’un nouveau renforcement de l’impérialisme mondial, l’isolement de la révolution russe et son écrasement finalement en temps que révolution socialiste même si un Etat issu de la révolution restait en place. L’accord avec les syndicats ne pouvait qu’aller dans le sens du compromis et de l’échec. Il y a un lien entre l’acceptation du parlementarisme, du syndicalisme et le recul de la révolution russe du type de la NEP, de l’autorisation des koulaks et bourgeois (nepman). Les appareils syndicaux ont, à l’époque impérialiste, pactisé avec la bourgeoisie et l’Etat bourgeois. Encore une fois, il est exact que La Voix des Travailleurs dénonce les trahisons syndicales et ne les cautionne pas de la part de l’extrême gauche mais je ne comprends pas pourquoi vous tenez à conserver alors la position de Lénine de participation aux syndicats. Pourtant tous vos textes constatent le rôle négatif et même fondamentalement négatif des centrales syndicales non seulement en ce moment en France mais dans le monde, comme en Afrique du sud en ce moment.

Freddy

Les syndicats jouent pour l’essentiel un rôle négatif dis-tu, mais les partis politique pour l’essentiel jouent quel type de rôle et cela ne t’empêches de vouloir constituer un parti politique. Que la plupart des syndicats ne militent pas sur la base du syndicalisme révolutionnaire est évident mais cela ne prouve pas que le syndicalisme révolutionnaire soit une impasse, mais seulement le syndicalisme de collaboration de classe. Je suis si loin de le défendre que je combat le fait qu’une partie de l’extrême gauche cautionne parfois par calcul cette collaboration de classe ou même seulement choisisse parfois de taire ses critiques comme cela a été le cas vis-à-vis de la politique de l’intersyndicale lors du conflit des retraites. Arthur, par exemple, tu as défendu que l’intersyndicale n’avait rien trahi pour justifier de n’avoir pas à critiquer les centrales syndicales alors que l’intersyndicale a ouvertement combattu contre l’idée même de la grève générale.

Arthur

S’il n’y a pas eu de grève générale contre la réforme des retraites, ce n’est pas parce que l’intersyndicale était contre mais parce que les travailleurs ne ressentaient pas du tout la nécessité de la grève générale. Il n’y a que des gens tout à fait en dehors du mouvement qui peuvent se cacher cet état réel du mouvement. Le caractère réformiste des syndicats n’est nullement une découverte pour nos camarades, mais il ne nous empêche nullement d’y militer car les travailleurs sont très loin de déborder les appareils syndicaux, de former des soviets, de se poser des problèmes qui aillent très au-delà des syndicats. Se poser en grands révolutionnaires parce qu’on se positionne très loin des problèmes posés par la lutte des classes n’est pas être révolutionnaire. Cela ne fait en rien avancer la cause des travailleurs de lancer de grandes déclarations aussi radicales qu’hors de propos. Organiser la riposte des travailleurs, c’est au contraire participer à leurs luttes au niveau où ceux-ci expriment démocratiquement vouloir les mener. On ne peut pas déclencher une lutte radicale en pressant sur un bouton et, même si les syndicats sont loin d’être non critiquables, on ne peut pas leur reprocher de ne pas provoquer ce qu’ils ne pourraient pas : un mouvement d’ensemble. Par contre, la lutte syndicale peut servir à organiser la défense des salariés et à remonter le moral de ceux-ci en vue de la lutte, à exprimer au mieux les revendications des travailleurs et à unir les salariés dans cette lutte face aux patrons. C’est un travail à la base, beaucoup plus modeste, beaucoup moins radical en paroles et beaucoup plus utile pour l’avenir. Nous ne cherchons pas à en convaincre ces camarades non pas par sectarisme mais parce que le plus efficace pour tous est que chaque courant suive son chemin et mesure lui-même les résultats. Nous ne pouvons pas dépenser notre énergie à ce type de débat qui ne sert nullement à éclaircir le chemin. La preuve que nous voulons faire vise non pas les groupes en question mais la masse des travailleurs que nous sommes très loin de pouvoir toucher autant que nous le voudrions. C’est eux qui, à un moment ou à un autre, déciderons par leur action de la politique qui les aura convaincus. Nous sommes patients et ne craignons pas d’être momentanément minoritaires.

Robert

C’est bien de préparer l’avenir et de ne pas craindre d’être minoritaires. C’est bien aussi ne considérer que les travailleurs trancheront eux-mêmes entre les politiques qui leur sont proposées. Encore faut-il qu’elles le soient ! Encore faut-il que cette extrême gauche n’aie effectivement pas peur de dire la vérité aux travailleurs pour ne pas être minoritaire et pour ne pas perdre des positions syndicales ou électorales ! Or rien de ce que nous constatons dans ta politique, Arthur, comme dans celle d’autres grands groupes d’extrême gauche ne nous rassure sur ce point. Nous avons, au contraire, constaté que, sous prétexte de nécessités électorales ou syndicales, des opportunismes qu’on pouvait penser écartés par cette extrême gauche ne l’étaient nullement. Nous avons constaté, par exemple, que la trahison du mouvement des retraites par l’intersyndicale n’a pas été expliqué aux travailleurs par cette extrême gauche, prête au contraire à expliquer que c’étaient les salariés qui ne s’étaient pas assez mobilisés alors que les centrales auraient proposé ce qui correspondait, c’est-à-dire des successions de journées d’action bidon. Nous constatons encore aujourd’hui à PSA Aulnay que cette extrême gauche qui s’est battue pour conquérir des positions de direction syndicale s’en sert pour maintenir la lutte des salariés dans un cadre que ne renierait aucun leader réformiste des syndicats. Thibault n’a pas à se plaindre de Mercier ! Son permanent CGT de PSA Aulnay ne dit rien, ne défend rien que la centrale syndicale renierait. Et pourtant, il a tout le temps les honneurs des micros et des déclarations dans les média, mais cela ne sert nullement la montée d’une riposte d’ensemble des travailleurs. Il ne parle qu’au nom des salariés d’Aulnay et pas au nom des travailleurs ! Il ne développe aucune perspective de classe. Il enferme la lutte dans un cadre qui est celui qu’ont toujours défendu les leaders réformistes : négociations, encore négociations, produire des voitures sur le site, ramener à Aulnay la production qui se fait ailleurs. Pas une manifestation organisée par les syndicats où la CGT ne sorte sa banderole qui affiche qu’elle ne lutte que contre la fermeture d’Aulnay alors que PSA supprime plus d’emplois hors d’Aulnay que sur ce seul site ! Pas un mot pour relier l’attaque à autre chose que la famille Peugeot. Comme si cette seule famille milliardaire licenciait ! Au moment même où se développe une offensive générale du patronat et du gouvernement pour supprimer des emplois. Ensuite tout un discours pour dire que c’est le gouvernement qui devrait nous sauver, qui devrait interdire les licenciements. Cela ne peut que désarmer les travailleurs. Sans parler de l’effort pour convaincre les salariés d’Aulnay de ne pas réagir par la grève immédiate dès l’annonce de l’attaque massive pour, jusqu’à présent, avoir réussi le record d’être la seule entreprise fermée qui ne fasse pas la grève avec occupation contrairement aux Molex et autres New Fabbris ! En étant pourtant celle qui dispose le plus d’équipes syndicales et militantes et le plus de militants de cette « extrême gauche » ! Eh bien, il faut effectivement conclure que c’est la une gauche de la gauche bourgeoise et qu’il n’a rien d’étonnant que L’Humanité, journal du Parti communiste cite sans cesse Mercier et ses déclarations, alors que le PCF comme le Front de gauche se considère comme appartenant à la majorité gouvernementale qui a fait élire Hollande !

Quant au discours selon lequel ce sont les travailleurs qui choisiront la politique qu’ils veulent, vous ne l’appliquez nullement. Ce sont des appareils syndicaux et politiques qui ont, sans aucun contrôle des salariés, décidé qu’Aulnay ne ferait pas grève le 15 juillet à l’annonce des suppressions massives d’emplois sur tous les sites de PSA. Ce sont les appareils syndicaux qui ont décrété qu’il valait mieux retarder l’affrontement en demandant une expertise, pas les salariés ! Ce sont des appareils et pas les travailleurs qui ont décrété que la lutte commencerait site par site, etc, etc… Même si vous organisez depuis des AG, elles sont le plus souvent locales et pas générales. Les comités que vous organisez sont également locaux et pas dans tout le site d’Aulnay et ce n’est pas eux qui négocient, pas eux qui ont le micro, pas eux qui parlent à la presse, pas eux qui décident finalement. C’est de la fausse démocratie ouvrière pour cacher un opportunisme foncier vis-à-vis des appareils syndicaux. Ce que vous protéger en réalité, ce n’est pas intérêts des travailleurs mais vos petits calculs dans les bureaucraties syndicales dans lesquelles vous détenez un petit poids que vous ne voulez pas perdre et vous modulez votre discours non sur le niveau de combativité et de conscience des travailleurs – qu’il ne faudrait déjà pas suivre mais précéder – mais en fonction de ce que veulent les dirigeants syndicaux nationaux. La lutte de PSA Aulnay est un point central de l’attaque patronale en France et le syndicat CGT national serait très embarrassé si son syndicat local débordait le cadre accepté conjointement par le patronat, le gouvernement et le syndicat concernant les négociations et la lutte à PSA Aulany. Il ne supporterait pas que la CGT d’Aulnay se permette de s’adresser pardessus la centrale aux salariés des autres sites, et aux salariés des autres entreprises qui licencient. Il serait encore plus embarrassé si la CGT d’Aulnay dénonçait l’inaction des centrales face aux licenciements et leur participation à des négociations de trahison avec patronat et gouvernement. Cela ne risque pas : la CGT d’Aulnay participe au même type de négociations sans combat. Le seul combat qu’organise la CGT d’Aulnay, ce sont des « actions » aux autoroutes ou des manifestations. C’est-à-dire quasiment rien ! Et il ne suffit pas d’expliquer que le moral n’y est pas car cette politique des syndicats y est pour beaucoup dans cette absence de moral. Ce sont les syndicats qui ne voulaient pas agir sous le coup de la colère le 15 juillet ! A Voix des Travailleurs, nous estimons qu’on peut exercer une activité syndicale sans trahir nécessairement, mais nous pensons qu’on ne peut pas militer de cette manière, en mettant en premier des intérêts de boutique syndicale, sans renoncer aux idées des révolutionnaires.

Quelques thèses sur la question syndicale

Quelle politique doivent défendre les révolutionnaires face à la crise sociale actuelle et à venir ?

Les syndicats et nous

La voie étroite des révolutionnaires, entre opportunisme et sectarisme

Le parti et le syndicat

Désaccords avec l’anarcho-syndicalisme

Les centrales syndicales, artisans des défaites

Messages

  • A Voix des Travailleurs, nous estimons qu’on peut exercer une activité syndicale sans trahir nécessairement, mais nous pensons qu’on ne peut pas militer de cette manière, en mettant en premier des intérêts de boutique syndicale, sans renoncer aux idées des révolutionnaires.

  • Une nouvelle démonstration de l’absence d’indépendance des syndicats vis-à-vis de l’Etat :

    François Chérèque chargé du suivi du plan gouvernemental sur la pauvreté, Laurence Laigo, autre ex-dirigeante de la CFDT, dans un cabinet ministériel : autant de nominations reflet d’une proximité idéologique entre le gouvernement et le syndicat réformiste qui proclame toutefois son autonomie à l’égard de tout pouvoir.

  • « De quels syndicats avez-vous fait partie et quand ? Duquel faites-vous partie actuellement : D’aucun. »

    Lénine

    Questionnaire personnel à remplir par les délégués au IXe congrès du P.C. (bolchevique)R.

    29 mars 1920

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