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Parti communiste et syndicats au premier congrès du parti communiste en France

mercredi 5 décembre 2012, par Robert Paris

Thèse sur la politique syndicale

Parti Communiste Français


Premier congrès national - Marseille – 25/30 décembre 1921

I

Le mouvement ouvrier, sous sa forme corporative, a été antérieur, partout et toujours, au mouvement ouvrier sous sa forme politique. L’association professionnelle de résistance a précédé historiquement, les partis ouvriers, parce que, partout et toujours, le particulier précède le général, parce que, partout et toujours, le fait précède l’idée. Avant de songer à conquérir ou même à neutraliser l’Etat, les travailleurs, odieusement pressurés par un capital tout-puissant, se sont efforcés, indépendamment de tout concept doctrinal, d’améliorer leurs salaires et leurs conditions de travail.

Mais ils n’ont pas tardé à s’apercevoir que la force principale du capital lui vient de sa mainmise sur le pouvoir politique. Bientôt, les ouvriers les plus instruits et les plus avancés, unis d’ailleurs à quelques intellectuels révolutionnaires sortis des rangs de la bourgeoisie, tels que les Marx, les Engels, les Lassalle, constatent que le développement des antagonismes de classe amène le prolétariat à entamer contre la bourgeoisie, maîtresse des moyens de production et de coercition, une lutte non plus seulement économique, mais politique, une véritable lutte de classe, ayant pour but final la conquête, par le prolétariat organisé, des moyens de coercition et de production, c’est-à-dire l’expropriation politique et économique de la bourgeoisie.
Naissances des partis ouvriers

Ainsi, dans tous les pays des deux mondes, à côté des organisations corporatives, se forment les partis ouvriers, — socialistes, collectivistes ou communistes.

Mêlés intimement, dès l’origine, aux luttes économiques, les partis ouvriers exercent sur elles une influence profonde et décisive. Ils ne contribuent pas peu à en élargir l’horizon primitif. Ils popularisent dans les masses les notions marxistes de lutte de classe, de conquête du pouvoir politique d’expropriation de la bourgeoisie, de propriété collective des instruments de production et d’échange, etc. C’est ainsi que les syndicats, d’abord plus ou moins conservateurs, puis timidement réformistes deviennent peu à peu révolutionnaires, a mesure qu’ils s’imprègnent des idées générales élaborées par la critique collectiviste ou communiste. Un jour arrive où, selon le mot de Marx, au lieu de la devise conservatrice : « Un salaire normal pour une durée normale ! », ils inscrivent sur leur bannière le mot d’ordre révolutionnaire : « Abolition du salariat ! »

Il n’est pas d’exemple que le mouvement ouvrier, sous la forme corporative, ait jamais été, à son origine, révolutionnaire. Il le devient autant par l’effet de son expérience propre de la lutte que par les influences qu’exercent incessamment sur lui les partis et les hommes de révolution sociale.
Diffusion de l’esprit révolutionnaire

Pour ne parler que de la France, c’est à l’école de l’Internationale que les ouvriers parisiens apprennent les idées qui, après les avoir dressés contre l’Empire, les amènent à s’enrôler sous le drapeau de la Commune. Quand, moins d’un an après la défaite, réapparait le mouvement ouvrier, il est d’abord nettement réactionnaire. Non contents de n’émettre que des revendications anodines, les « syndicaux » de 1876 protestent humblement chaque fois qu’ils le peuvent de leur respect pour l’ordre établi, de leur soumission à la loi, « alors même, disent-ils, qu’elle n’est pas conforme à la justice » ; ils vont même, l’un d’eux va même jusqu’à flétrir la Commune ! Mais, au contact des communistes et des collectivistes de l’époque, les Guesde, les Lafargue, les Malon, les Vaillant, les « syndicaux » » ne sont pas longs à reconnaître les erreurs, les faiblesses, toute l’inefficacité de leur corporatisme apolitique et à se familiariser avec les idées fondamentales du socialisme moderne, avec les solutions les plus hardies du problème social.

Chambres syndicales et groupes d’études sociales fraternisent en 1879 au Congrès de Marseille, d’où va sortir un premier Parti socialiste ouvrier. Mais celui-ci se fractionne bientôt en groupements hostiles les uns aux autres, et leurs querelles d’école ennuient les syndicats qui, peu à peu, sentant croître leurs forces, finissent par se rendre indépendants de tout parti politique.
Formation du syndicalisme révolutionnaire

Lorsque les deux mouvements, politique et économique, se scindent définitivement, à la fin du siècle dernier, et cela en grande partie par la faute des chefs socialistes, trop occupés de politique pure, les ouvriers groupés dans les syndicats et dans les Bourses du Travail gardent de leur contact avec le socialisme révolutionnaire une empreinte ineffaçable.

Dégoûtés de l’électoralisme et du parlementarisme exclusifs, indifférents aux luttes de tendances qui dressent les unes contre les autres les diverses écoles socialistes, travaillés d’autre part par la propagande des anarchistes qui rêvent de faire du syndicat un instrument de combat contre le socialisme, ils déclarent vouloir s’en tenir aux luttes économiques qu’ils tiennent pour les seules luttes fécondes. Ainsi se forme l’état d’esprit qui aboutira au syndicalisme révolutionnaire dont les idées vont inspirer, à partir de 1902, la C. G. T.

A l’action politique, ils opposent l’action directe ; à la lutte pour la conquête du pouvoir, la grève générale pour la conquête de l’atelier. Mais ni la grève générale, ni l’action directe, ne constituent, au vrai, son originalité profonde. L’originalité profonde du syndicalisme révolutionnaire aura été de vouloir faire du syndicat un groupe véritablement politique, menant à la fois la bataille contre le salariat et contre le pouvoir, et d’affirmer que le syndicat, ainsi conçu, non seulement se suffit à lui-même, mais encore peut suffire à tout. Le syndicalisme révolutionnaire prétend ainsi se substituer aux partis socialistes ; il prétend réaliser un type nouveau de socialisme dont les allemanistes n’avaient fait qu’approcher sans l’atteindre : un socialisme syndical, un socialisme exclusivement ouvrier.
Importance de son rôle

Il n’y a pas de communiste qui ne rende pleinement hommage à l’importance historique du rôle joué dans le passé par le syndicalisme révolutionnaire. Il a animé de son souffle, plusieurs années durant, toute la classe ouvrière française ; à son école, elle a pris plus largement conscience d’elle-même et s’est lancée audacieusement dans des mouvements d’ensemble comme celui de 1906 pour la conquête des 8 heures.

Le syndicalisme révolutionnaire a réhabilité la grève, considérée par lui comme l’acte primordial de la volonté et de la liberté ouvrières, comme l’affirmation directe et décisive de l’antagonisme qui oppose le travailleur au patronat et au pouvoir. En dépouillant la grève de son aspect corporatif, il a tenté de lui donner un caractère de plus en plus général, un contenu de plus en plus politique. Et ces grèves, répétées et généralisées, devaient aboutir un jour, enseignait-il, à la grève générale révolutionnaire, épisode suprême de la lutte de classe, forme vraiment prolétarienne de la révolution sociale.

Le syndicalisme révolutionnaire ne s’en est pas tenu à faire l’éducation des prolétaires. Il a eu sur le socialisme lui-même la plus salutaire influence. Il l’a, non sans quelques secousses assez rudes, rappelé au sentiment de la lutte de classe et de la révolution inévitable. Par son mépris du parlementarisme, des préjugés démocratiques, nationaux et légalitaires, par son goût viril de l’action, il a été pour le communisme, en France, un précurseur que celui-ci ne saurait oublier.
Difficultés et contradictions

Le syndicalisme révolutionnaire ne faisait pas fi des conquêtes immédiates. Il était révolutionnaire et réformiste à la fois. Il entendait, en effet, par l’appât d’améliorations matérielles d’une obtention relativement facile, attirer au syndicat la presque totalité des salariés. Et c’est afin de n’effrayer personne que la principe de neutralité syndicale avait été incidemment proclamé.

Mais à mesure que les effectifs syndicaux grossissaient, une contradiction se faisait jour entre syndicalisme et syndicats, entre les fins révolutionnaires du premier et le souci des seconds d’amener à eux tous les travailleurs sans distinction d’opinions politiques ou religieuses. D’une part, l’agitation incessante dont les syndicats étaient le théâtre nuisait au recrutement, d’où une grave crise d’effectifs dont souffrait à son tour l’action corporative. D’autre, part, le fait que les syndiqués peuvent appartenir à toutes les opinions ou même n’en professer aucune était loin de s’accorder avec le révolutionnarisme ardent des chefs syndicalistes Dans les années qui précédèrent la guerre, une évolution se dessinait qui insensiblement semblait devoir conduire la C. G. T., sinon à abandonner toute agitation révolutionnaire, du moins à la subordonner aux préoccupations d’ordre professionnel et syndical : recrutement, organisation, amélioration patiente et lente des conditions du travail, etc.
La fin du neutralisme syndical

Le guerre vint. Les syndicalistes révolutionnaires dans leur presque unanimité portèrent à la doctrine dont ils se réclamaient le coup le plus terrible en se rangeant dès le premier jour sous la bannière de l’union sacrée. On avait tant dit que le syndicalisme, développant son action sur le propre terrain de la classe ouvrière, loin des « sentiers obliques » de la démocratie et du marais parlementaire, état à l’abri des corruptions, déviations et compromissions du socialisme politique, qu’on était en droit de penser qu’il saurait résister à la psychose de guerre. Il n’en fut rien. Jouhaux se fit l’agent du maquignonnage malvyste. Et tandis que la C. G. T. s’unissait dans le « comité d’action » à un parti socialiste en révolte ouverte contre les décisions de ses congrès nationaux et internationaux, les syndicalistes révolutionnaires restés fidèles, se liaient d’un accord étroit avec les éléments révolutionnaires des partis socialistes d’Europe, participaient aux conférences de Zimmerwald et de Kienthal et plus tard s’affiliaient au Comité de la 3e Internationale La vieille notion de neutralité, les vieilles et spécieuses oppositions entre syndicats et parti, entre syndicalisme et socialisme étaient battues en brèche par les nécessités nouvelles issues de la guerre impérialiste.

La guerre finie, la C. G. T. fut le théâtre de dissensions violentes entre les réformistes et les révolutionnaires, chacune des deux fractions s’appuyant à l’extérieur sur la fraction correspondante du parti socialiste. La motion proclamée jadis à Amiens d’un syndicalisme politiquement neutre tendait de plus en plus à s’affaiblir. Un syndicat n’est pas neutre qui s’appuie à. l’extérieur sur les éléments de la 2e Internationale ou sur le B. I. T. ; un syndicat n’est pas neutre qui s’allie, fut-ce momentanément, au Parti Communiste et à la 3e Internationale.
Le moment actuel

Cependant on constate depuis peu chez les syndicalistes révolutionnaires groupés dans les C. S. R. une tendance à se dégager de toute influence de parti. En refusant d’entrer dans l’Internationale, ils ont montré qu’ils prêtent aux Partis Communistes qui y sont affiliés une volonté d’hégémonie qu’ils entendent ne pas subir. Les syndicalistes révolutionnaires se réclament de nouveau de la motion d’Amiens — qu’invoquent de leur côté les syndicalistes réformistes — et prétendent constituer à eux seuls le parti révolutionnaire du travail.

La question, non résolue par la pratique, des rapports du Parti Communiste et des syndicats ouvriers se pose donc avec une force renouvelée. Il appartient au Parti Communiste d’annoncer sur ce problème capital l’intégralité de sa pensée, avec le ferme dessein de dissiper les inquiétudes injustifiées et d’arriver à dresser, en face de la concentration grandissante des forces capitalistes et patronales, un front révolutionnaire unique, tant sur le terrain de l’action que sur celui de la pensée doctrinale.
II

Le Parti Communiste reconnaît tout d’abord que les syndicats ouvriers sont fondés, par une glorieuse tradition de combat, à être considérés comme des facteurs révolutionnaires, et cela aussi bien dans la période qui précède la révolution que pendant la révolution elle-même.
Valeur révolutionnaire des Syndicats

Dans la période antérieure à la révolution, les syndicats poursuivent — pour reprendre sur ce point les termes de la motion d Amiens — « la coordination des efforts ouvriers, rabaissement du mieux-être des travailleurs par la réalisation d’améliorations immédiates, telles que la diminution des heures de travail, l’augmentation des salaires, etc. ». Mais ce n’est là qu’une partie de leur rôle et, par delà ces revendications immédiates, le syndicalisme « prépare l’émancipation intégrale avec, comme moyen d’action, la grève générale ».

En ce qui touche l’acte même de la révolution, le coup de force décisif qui abattra l’ordre politique et économique existant, le Parti Communiste ne peut la concevoir que sous les formes combinées de la grève générale et de l’insurrection, que par l’ardente coopération des syndicats et du Parti. Quand le prolétariat se sera emparé de haute lutte des organes du pouvoir politique, il appartiendra aux syndicats, sous le contrôle de l’Etat prolétarien, de mettre immédiatement la main sur les organes de la production et de l’échange de manière à éviter dans la mesure du possible toute interruption dans le processus de création et de circulation des richesses. Ainsi c’est par l’accord intime, la collaboration étroite de l’organisation politique et de l’organisation économique que se réalisera, dans sa plénitude, la dictature du prolétariat.

Mais l’importance du rôle des syndicats, aussi bien dans la préparation que dans l’exécution de l’acte révolutionnaire, commande au Parti Communiste de préciser sa propre position à l’égard des syndicats et du syndicalisme.
Parti et Syndicats

Par leur composition où entrent des éléments politiquement et intellectuellement différents, qu’unit seulement l’affinité économique ; par la nécessité où ils se trouvent d’amalgamer des masses encore faiblement éduquées, les syndicats forment le gros de l’armée prolétarienne1. Il faut être salarié, sans plus, pour entrer au syndicat. Pour entrer au Parti, organisation sélectionnée de combat2, il faut adhérer consciemment aux idées communistes qui assignent à la lutte de classe pour objectif suprême, non seulement « la disparition du salariat et du patronat » inscrits dans les statuts de la C. G. T., et que réclament aussi les coopérateurs bourgeois, mais l’abolition des classes, l’avènement d’une société sans classes, d’une société communiste fondée sur la propriété « une et indivisible » des forces productives et sur l’obligation du travail pour tout individu valide.

De la différenciation qui vient d’être esquissée, résulte, entre les syndicats et le Parti, une sorte de division naturelle du travail qui les empêche de s’ignorer et les oblige au contraire à coordonner leur action. L’action économique et l’action politique d’une classe ne s’opposent pas : elles sont liées et elles se complètent. Organisation syndicale et parti politique de classe réagissent incessamment l’un sur l’autre pour le plus grand profit de tous les deux : au contact du Parti, les syndicats s’élèvent progressivement à une compréhension plus haute, plus large et plus claire des fins dernières de la révolution prolétarienne, fins qu’exprime insuffisamment la formule de la C. G. T. : Disparition du salariat et du patronat ; ils s’imprègnent d’un idéalisme révolutionnaire qui les protège contre les régressions corporatistes : au contact des syndicats, le Parti trouve la force de résister aux influences extra-prolétariennes qui pourraient le corrompre, et de maintenir son caractère de parti de classe, de parti du prolétariat.
Respect de l’autonomie syndicale

C’est donc le droit et le devoir du Parti Communiste de se tenir en contact avec les organisations syndicales, et d’appuyer de toute sa force le mouvement ouvrier, dont il est étroitement solidaire. Toutefois, il déclare hautement sa volonté de respecter le droit des syndicats de se gouverner et de s’administrer eux-mêmes, en dehors de toute injonction, de toute tutelle, de toute subordination.

L’autonomie traditionnelle des syndicats ne saurait être mise en cause : elle est indispensable au recrutement et au développement syndical qui impliquent pour les syndicats la pleine liberté de leurs déterminations et de leurs mouvements. Elle est indispensable à l’unité ouvrière que le Parti Communiste entend sauvegarder non seulement dans l’intérêt du communisme, mais dans celui de la classe ouvrière.3

Précisant toute sa pensée, le Parti Communiste se refuse nettement à confondre le fait de l’autonomie ou de l’indépendance syndicale avec les formules familières à certains syndicalistes révolutionnaires. Il ne saurait admettre, notamment, ni la formule selon laquelle le syndicalisme se suffirait à lui-même, ni la formule selon laquelle le syndicalisme suffirait à tout.
Le Syndicalisme se suffit-il à lui-même...

Ni dans sa théorie ni dans sa pratique, le syndicalisme ne se suffit à lui-même. Les idées syndicalistes, loin qu’elles aient été créées de toute pièce, sont de vieilles idées socialistes adaptées au milieu syndical. L’évolution syndicaliste, comme toute évolution sociale, a été déterminée par des conditions de temps et de lieu, par des circonstances de fait où la volonté n’était pour rien. Le syndicalisme n’est pas un monde fermé. Il a comme le communisme lui-même des portes et des fenêtres qui, largement ouvertes, lui permettent avec l’extérieur des échanges féconds de forces et d’idées. Il participe souvent à des campagnes extra-syndicales : il accepte dans ses luttes tous les appuis qui peuvent s’offrir à lui. Il convient au surplus d’observer que plus le syndicalisme s’éloigne du corporatisme étroit et devient révolutionnaire, moins il est en mesure à cause de la complexité et de la pluralité de ses tâches, de se suffire pratiquement à lui-même.
...Et suffit-il à tout ?

Il ne suffit pas non plus à tout. Dans tous les pays conquis à la grande industrie, le prolétariat a peu à peu reconnu l’insuffisance foncière, même du point de vue réformiste, du syndicalisme livré à ses seuls moyens, et il a fondé partout, pour l’action prolétarienne générale et notamment pour la lutte contre l’Etat, des partis politiques. Le prolétariat anglais qui, après l’échec du chartisme, s’était si longtemps retiré sur le terrain du pur corporatisme, a fini par reconnaître lui aussi que le syndicalisme ne suffit pas à tout ; il a fini par reconnaître la nécessité d’une action politique propre à la classe ouvrière dans sa totalité : il a fondé le Labour Party qui groupe en un vaste faisceau les organisations syndicales et les partis socialistes (le Parti Communiste étant d’ailleurs exclu).

Tel est le témoignage de l’histoire. Il justifie partout l’existence des partis de la classe ouvrière. Au reste, la seule réflexion amènerait à concevoir que le syndicat qui unit, sur un programme de revendications spécifiquement ouvrières, des éléments politiquement hétérogènes, ne saurait faire face à lui seul aux exigences multiples de la lutte révolutionnaire. C’est pourquoi il devait arriver que les éléments les plus avancés et les plus énergiques se grouperaient en des organisations d’avant-garde capables de porter à l’ennemi des coups plus décisifs.
Le rôle du Parti Communiste

Organisation d’avant-garde de la classe ouvrière, le Parti Communiste est essentiellement cela. Comme l’ont dit, dès 1847, Marx et Engels, les communistes n’ont pas « d’intérêts distincts de ceux du prolétariat tout entier », dont ils composent « la fraction la plus résolue », celle qui donne sans trêve au mouvement « une impulsion nouvelle » et qui n’a, sur les masses, d’autre avantage que celui qui résulte d’une intelligence plus claire « des conditions, de la marche et des résultats généraux du mouvement prolétarien ».

C’est dire combien le Parti se rend compte, et qu’il ne se suffit pas à lui-même, et qu’il ne suffit pas à tout. Mais lorsque, entre syndicats et parti, les dernières barrières, artificiellement entretenues par la bourgeoisie, seront enfin tombées, ce qui n’est vrai aujourd’hui ni des syndicats ni du Parti considérés séparément deviendra vrai du fait de leur coopération cordiale. Ce n’est ni le syndicalisme ni le communisme, c’est le prolétariat, politiquement et économiquement organisé, qui, de plus en plus, se suffira à lui-même et qui suffira à tout.
III

En vue de hâter l’heure où, par l’unité de son front de bataille, le prolétariat sera à même de réaliser sa mission historique, le Parti Communiste croit urgent d’en finir avec la doctrine imprécise qui a prévalu jusqu’ici dans ses rapports avec les syndicats et de tracer les grandes directives auxquelles doivent se conformer les communistes à l’intérieur des syndicats.

Il rappelle tout d’abord qu’il fait une obligation4 à tous ceux de ses membres qui sont ouvriers, employés, fonctionnaires, d’appartenir au syndicat confédéré de leur profession et à la fraction révolutionnaire de ce syndicat. Mais le fait d’être syndiqué serait dénué de portée s’il ne s’accompagnait d’une participation assidue à la vie et à l’activité syndicales.
Programme d’Action Communiste

Le Parti Communiste fait sien le programme d’action syndicale adopté par l’Internationale. Il affirme la nécessité de syndicats aguerris et agressifs, la valeur de l’action directe, l’urgence de constituer dans les usines des comités ayant pour objet d’étudier le fonctionnement industriel, commercial et financier de l’entreprise, de limiter l’arbitraire patronal, d’améliorer les conditions de travail et de salaires et, dans les cas de conflit grave, tel qu’un lock-out, de procéder à l’occupation des ateliers. Il place au premier rang des revendications syndicales celle du contrôle ouvrier et met les travailleurs en garde contre le péril des commissions pseudo-paritaires, de la soi-disant participation aux bénéfices et de l’imaginaire nationalisation préconisée par les réformistes. Il estime que les syndicats ne peuvent pas se borner à combattre le pouvoir patronal, mais doivent entrer en lutte contre le pouvoir gouvernemental, car l’Etat, en militarisant les travailleurs, en noyant sous les troupes les champs de grèves, en imposant les salaires, etc., est le plus ferme soutien de l’exploitation dont les ouvriers sont victimes.

Le Parti déclare, en outre, que les travailleurs communistes ont, au syndicat comme à l’atelier, comme à la caserne, le devoir impérieux d’affirmer hautement les idées communistes et de défendre leur parti et ses militants contre le préjugé, la calomnie ou l’ignorance, sans se laisser arrêter par la crainte d’enfreindre une neutralité qui, au demeurant, n’a jamais existé.

Il appartient aux prolétaires communistes de gagner les syndicats au communisme en vulgarisant sans relâche auprès des camarades moins avancés ou plus timides les idées de lutte de classe, de grève générale révolutionnaire et d’insurrection armée, de prise du pouvoir par le prolétariat politiquement et économiquement organisé, d’expropriation de la bourgeoisie, de propriété sociale, etc.. etc.

Ils auront à combattre vigoureusement non seulement les panacées réformistes dont il ne leur sera pas difficile de démontrer la duperie, mais encore les tendances confuses et confusionnistes comme celle qui, sous prétexte de fédéralisme, aboutirait à maintenir, en face de la concentration capitaliste et de la centralisation patronale, les entraves d’un corporatisme ou d’un localisme étroit ; comme celle encore qui, sous prétexte d’individualisme et de liberté, repousserait jusqu’à l’idée de la dictature du prolétariat.
Contre Amsterdam

Les ouvriers communistes combattront dans les syndicats l’Internationale réformiste d’Amsterdam, acoquinée aux gouvernements de la bourgeoisie, et ils prépareront l’adhésion du syndicalisme français, ramené dans la voie révolutionnaire, à l’Internationale des Syndicats rouges de Moscou.
Résolution additionnelle

Le Parti fait un devoir à ceux des techniciens qui sont inscrits parmi ses membres d’appartenir également à l’Union syndicale des techniciens de l’industrie, du commerce et de l’agriculture (Ustica) et d’amener cette organisation professionnelle à travailler en harmonie avec la fraction la plus avancée et la plus résolue du prolétariat.

Afin de contrôler dans son application quotidienne la politique qui vient d’être esquissée, le Comité Directeur devra créer dans son sein une commission d’études et de pratique syndicale et réunir, chaque fois qu’il le jugera nécessaire, des conférences consultatives, analogues à celle qui s’est tenue les 2 et 8 novembre dernier, en vue de l’examen et de la discussion de cette thèse5.

C’est surtout6 des ouvriers communistes militant dans les syndicats, soumis à ses directions doctrinales et à sa discipline que le Parti Communiste, parti de classe et de révolution, attend un rebondissement de l’action révolutionnaire des syndicats. Lorsque les syndicats auront été gagnés aux idées communistes, lorsqu’ils auront pris conscience qu’ils poursuivent le même but que le communisme et qu’ils combattent le même ennemi, ils n’hésiteront plus à coordonner leur action autonome à celle du Parti Communiste, avec, pour suprême objectif, la révolution sociale par la dictature du prolétariat7.

Notes

1 Projet : les syndicats ne formeront jamais que le gros de l’armée prolétarienne, dont le P. C. au contraire constitue, non pas l’état-major, mais l’avant-garde.

2 Les mots en italiques ont été ajoutés au congrès.

3 Phrase ajoutée au congrès.

4 Projet : un devoir absolu.

5 Paragraphe ajouté au congrès.

6 Projet : C’est des ouvriers communistes...

7 Projet : que le Parti Communiste, parti de classe et de révolution sociale attend l’avènement prochain d’un syndicalisme révolutionnaire d’esprit nouveau qui, ayant pris conscience qu’il poursuit le même but que le Communisme et qu’il combat le même ennemi, s’efforcera de coordonner son action autonome à celle du P. C., avec, pour suprême mot d’ordre, la révolution sociale par la dictature du prolétariat.

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