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L’organisation française Voix ouvrière - Lutte ouvrière fondée par Hardy-Barcia est-elle l’héritière politique de l’organisation Union communiste (quatrième internationale) fondée par David Korner alias Barta ?

samedi 5 janvier 2013, par Robert Paris

Qui était Barta

Qui était Pierre Bois

Qui était l’Union communiste

Qui a assassiné Mathieu Bucholz ? Le PCF !!

Qui est Lutte Ouvrière - première partie

Qui est Lutte Ouvrière - deuxième partie

L’organisation française Voix ouvrière - Lutte ouvrière fondée par Hardy-Barcia est-elle l’héritière politique de l’organisation Union communiste (quatrième internationale) fondée par David Korner alias Barta ?

La question posée plus haut peut sembler une question qui ne concernerait que des spécialistes de coupage de cheveux en quatre mais elle ne l’est pas. Il importe de savoir que Lénine avait raison dans « l’Etat et la révolution » d’étudier l’héritage politique de Marx et ses faux défenseurs, les sociaux-démocrates. Il importe donc tout autant de se poser la question de l’héritage politique du révolutionnaire Barta.

Il importe, pour éviter tout contresens, de préciser que chaque groupe politique a parfaitement le droit de se revendiquer de qui il veut, de Marx à Lénine, Trotsky ou Rosa Luxemburg, Barta y compris et que ces anciens révolutionnaires ne peuvent que, parfois, se retourner dans leur tombe à cette revendication ! En effet, personne ne détient ni de devrait détenir des droits sur les idées de ces révolutionnaires du passé et personne n’a le tampon qui garantit de ne pas trahir ces idées car ce tampon n’existe pas.

Ceci étant dit, cela n’empêche pas non plus quiconque de vouloir comparer les conceptions et d’examiner si le fond a pu être transformé à juste titre ou à mauvais escient, de manière cachée éventuellement.

Et dans le cas de Lutte ouvrière, il y a à la fois revendication d’origine et absence de celle-ci…

Tout d’abord, on remarquera que Lutte ouvrière n’a pas édité les œuvres de son prédécesseur Barta et que c’est même l’organisation concurrente LCR qui l’a fait, au travers du travail remarquable de Richard Moyon auquel nous tenons ici à rendre hommage.

Cependant, il est arrivé à Lutte ouvrière de se revendiquer des actes et écrits de l’Union communiste de Barta, notamment au travers de la brochure de Lutte ouvrière intitulée « la grève Renault 1947 » qui retrace l’activité du groupe Barta dans la grève qui a contraint le PCF à rompre la solidarité avec la bourgeoisie et à quitter le gouvernement en France.

Cette brochure pourrait sembler un acte de reconnaissance d’origine de LO dans l’UC et pourtant c’est bien plus compliqué puisque la brochure en question réussit le pari de ne jamais citer le responsable politique de cette grève : Barta, de ne jamais citer non plus les écrits du groupe de l’époque concernant cette grève alors qu’il cite à son propos de nombreux journaux bourgeois !

Est-ce parce que le groupe Barta, Barta lui-même ou Pierre Bois, militant ouvrier à Renault du groupe UC, n’auraient pas écrit d’article remarquables sur cette grève ? Absolument pas !

Mieux, la brochure de Lo n’est évidemment pas écrite par Pierre Bois ni par un militant de Renault de l’époque, Pierre Bois et les militants de l’époque étant cités dans la brochure à la troisième personne….

Donc c’est Hardy qui décrit une grève qu’il n’a pas vécue et l’action d’un groupe auquel il avait appartenu et dont il avait démissionné avant que cette grève éclate…

Mais, en même temps, Lo fait semblant, notamment au travers de cette brochure, de représenter la continuité de ce courant ce que nous allons contester dans ce qui suit.

Tout d’abord, celui qui, de son vivant, a publiquement et pas écrit contesté cette continuité est Barta lui-même. Il s’en est expliqué, ayant tenté sans succès d’influencer le groupe Voix ouvrière créé par Hardy et n’y étant pas parvenu du fait, selon lui, du manque complet de formation théorique de son leader : Robert Barcia dit Hardy. Il convient de ne pas mêler les deux noms Barta et Barcia car les deux personnalités et les deux politiques ne sont proches qu’en apparence et pas seulement parce que Barta le dit.

Barcia-Hardy a lui aussi donné son interprétation de l’histoire de ce groupe dans un ouvrage où il intervient en forme d’interview pour s’expliquer.

Mais on ne peut pas trouver dans ce texte d’explication à sa démission. Par contre, on remarquera que Hardy a écrit un texte dans lequel il répond à Barta reniant Voix ouvrière et Hardy récuse la capacité de Barta-démissionnaire de dire qui peut ou pas se revendiquer de Barta-militant.

En tout cas, il était très clair pour Barta que Hardy n’avait pas le niveau politique pour devenir un dirigeant socialiste du prolétariat.

Reste à étudier les prises de position et à examiner si les deux dirigeants politiques avaient ou non des lignes très proches comme le prétend Hardy et comme le récuse Barta.

Nous prendrons pour cela d’abord le même thème que Lutte ouvrière : la grève Renault 1947.

Si les textes de Barta sur cette grève ne figurent pas dans la brochure de LO, ce n’est pas le fait du hasard mais c’est le produit d’une divergence d’interprétation des faits et des politiques.

Pour Barta, tout le travail de son groupe consiste à préparer et à rendre consciente la révolution prolétarienne mondiale qui doit suivre la guerre impérialiste de 1939-1945. Cette orientation de fond n’est même pas évoquée dans la brochure de Lutte ouvrière qui transforme l’action des militants de l’UC (groupe dont on y raconte la politique sans en expliquer la politique révolutionnaire internationaliste…) en une simple action démocratique dans une grève économique !

Or, l’objectif de Barta n’est nullement celui-là, pas plus en 1947 qu’en 1945…

Il ne s’agit pas pour ce dirigeant révolutionnaire, que Trotsky avait distingué au point de lui demander de quitter sa Roumanie natale pour militer dans les deux pays où la révolution prolétarienne pointait son nez, la France et l’Espagne, d’une action du prolétariat français, pas d’une action de type syndicale, pas d’une simple action économique, mais d’une tentative de déborder la chape de plomb du stalinisme pour permettre au prolétariat d’intervenir sur le plan politique en liant son action avec la révolution sociale en cours en Asie et avec la révolution mondiale que Barta appelait de ses vœux, pensant que la situation de la première guerre mondiale pouvait se reproduire.

Voici son point de vue sur la grève Renault 1947 dans une « mise au point » au directeur d’éditions Spartacus :

« En réalité, si nous nous sommes trouvés à la tête de la grève Renault d’avril 1947, c’est que l’ensemble de notre orientation (syndicale et politique) nous y avait menés. Dès octobre 1945, en effet, nous interpellions ainsi le P.C.I. : "il s’agit de savoir... si le P.C.I.... est décidé à mettre à l’ordre du jour la grève générale (politique contre De Gaulle)... pour la défense des libertés ouvrières... ce qui sera d’autant plus facile que la situation économique, par l’autre bout, met elle aussi à l’ordre du jour le même moyen de lutte" (Lutte de Classes du 24-10-1945). Mais le P.C.I., bien que possédant un plus grand nombre de militants que nous dans les usines (et pas seulement dans la région parisienne), était incapable de mener des luttes grévistes en opposition avec les dirigeants staliniens de la C.G.T. De même qu’il avait emboîté le pas au P.S. et au P.C. en préconisant comme eux la participation au référendum plébiscitaire de De Gaulle, de même il avait complètement capitulé devant l’appareil de la C.G.T. qui, à l’époque, était le principal garde-chiourme dans les usines et s’opposait avec acharnement à toute revendication ("Produire d’abord, revendiquer ensuite" dixit Thorez). Et pendant que nous appelions les ouvriers à se soulever contre l’appareil cégétiste pour défendre leur droit à la vie, le P.C.I. se contentait d’une "opposition intérieure" dans le but de convaincre l’appareil (ou une partie de l’appareil) de passer du côté des ouvriers à une époque où P.C. et P.S. participaient au pouvoir !
Pour bien comprendre à quel point la version de Roussel (c’est-à-dire de "Lutte Ouvrière") est invraisemblable, il suffit de rappeler comment nous avons mené la grève Renault. Nous l’avons considérée comme le début d’une grève générale. Aussitôt la grève étendue à toute l’usine (le 29 avril), j’ai rédigé (le 30 avril) un tract, au nom du Comité de grève, appelant les travailleurs de toute la métallurgie à suivre l’exemple de Renault. Et, dans cette perspective, j’y posai une revendication nouvelle : l’échelle mobile des salaires, bête noire à l’époque de la C.G.T. et du gouvernement. Car, pour nous, tout élargissement de la grève devait se traduire par un approfondissement des revendications. Ainsi, à travers leurs propres luttes, les travailleurs devaient acquérir une conscience de plus en plus large qui, dans le cas d’une grève générale, aurait atteint le niveau politique sans lequel, pensions-nous, rien de décisif ne pouvait être fait par eux. Mais nos efforts vers Citroën, où nous n’avions plus de militants, furent enrayés par l’appareil de la C.G.T. et la grève Renault resta provisoirement isolée. Provisoirement, car si les staliniens furent assez forts pour fractionner la grève générale, celle-ci éclata tout de même au cours des mois qui suivirent dans les secteurs décisifs (S.N.C.F. notamment), prouvant ainsi le sérieux de notre orientation.
J’espère que cette brève analyse incitera à réfléchir ceux pour qui agir c’est comprendre. Dans tout ce que nous entreprenions, nous ne regardions nullement le nombril des organisations se réclamant du trotskysme, mais seulement les grands problèmes nationaux et internationaux : nous nous efforcions d’agir au niveau de l’histoire. Et l’histoire, à cette époque-là, faisait de la Révolution non pas un motif d’exaltation dans les meetings et les fêtes champêtres mais une question de vie ou de mort non seulement pour l’Asie, l’Afrique et l’Amérique latine mais aussi pour toute l’Europe, y compris occidentale, où la situation de l’écrasante majorité des travailleurs était misérable et sans espoir. Barta »

(Source)

Et il rajoutait :

« Et si depuis 1951 Barta est resté complètement isolé malgré ses tentatives répétées dans toutes les directions, c’est tout simplement parce que les différentes organisations trotskystes et autres n’ont jamais manifesté le moindre intérêt pour les idées et l’expérience dont il était porteur, "Lutte Ouvrière" - les continuateurs !!! - pas plus que les autres. Possesseurs de recettes révolutionnaires salvatrices, les dirigeants de ces groupes agissent en dehors de l’histoire (Mai 1968 l’a bien confirmé) selon des formules et des orientations qui, valables il y a trente ans, le seront encore en l’an 2000. »

Le combat contre le PCF et la CGT, principale arme de la bourgeoisie impérialiste au sein de la classe ouvrière, était au centre de la lutte de l’UC alors qu’il ne l’est nullement aujourd’hui de LO…

Il faut rappeler que, plus encore que la social-démocratie en 1917-1920, le stalinisme représentait la force contre-révolutionnaire qui allait casser, détourner, tromper, salir la vague révolutionnaire et tuer les révolutionnaires. On se souvient par exemple du massacre des révolutionnaires et de soviets vietnamiens par les staliniens de Ho Chi Minh, du même type de massacre en Corée, du détournement de la révolution en Indonésie et aux Philipinnes pour ne citer que ces exemples marquants. Le tout petit groupe de Barta a eu lui aussi un militant assassiné par le PCF qui jouait son rôle de police de la bourgeoisie au service de la contre-révolution que voulait Staline allié aux grandes puissances impérialistes.

A lire Lutte ouvrière, et sa version de ses origines dans l’Union communiste de Barta, on pourrait croire que ce groupe a toujours défendu la conception selon laquelle l’Etat ouvrier issu de la révolution prolétarienne était toujours présent, à son corps défendant, dans l’action de la bureaucratie russe. Mais cela est faux ! Barta avait, comme d’autres militants trotskystes dont Natalia Sadova, Munis et Péret, pris conscience que la guerre mondiale représentait une étape supplémentaire dans l’évolution de la bureaucratie stalinienne : elle ne représentait plus, même à son corps défendant, l’avancée de la révolution prolétarienne en 1917 mais une force liée indéfectiblement à la bourgeoisie et à l’impérialisme.

Certes, en 1945, Barta continuait à parler de la perspective de la « défense de l’Etat ouvrier » y compris contre ses dirigeants staliniens, en les renversant par une révolution politique, comme le proposait Trotsky jusqu’à sa mort en 1940. Cependant, Barta explique lui-même que les interventions de l’Etat russe étaient apparues clairement, également pour lui, non seulement comme des actes contre-révolutionnaires, ce que Trotsky pensait déjà, mais comme des actes d’un Etat qui fait partie de l’ordre impérialiste mondial, ce qui est très différent.

Il est remarquable que, dans toutes les citations de Barta que LO a fini par éditer, celles où Barta se détache de la « défense de l’URSS » n’apparaissent pas. Pourtant, en mars 1949, Barta, cité par Richard Moyon, écrit : Tout en ayant rompu avec la défense de l’URSS, nous restons sur la base de Trotsky." Lire aussi, toujours de l’UC, Jacques Ramboz dans "Lutte contre la guerre ou préparation de la guerre" dans La Voix des Travailleurs du 22 octobre 1947 : "Les travailleurs ne veulent pas être victimes d’un bloc contre l’autre." En mars 1949, Barta écrit : "Nous avons abandonné (la position traditionnelle de la défense de l’URSS) au moment où en avançant hors du territoire de l’URSS, la bureaucratie a inauguré une politique de pillage dans les pays occupés."

Il est encore plus remarquable que l’organisation LO continue, sans en faire trop état publiquement, à considérer à l’intérieur que la Russie n’est toujours pas un Etat bourgeois et qu’elle reste marquée par l’héritage de la révolution d’Octobre ! Le plus remarquable étant que cette organisation n’estime pas nécessaire d’expliquer pourquoi la bourgeoisie mondiale prétende le contraire…. Pourquoi l’impérialisme cacherait-il que la Russie serait toujours un Etat anti-capitaliste, anti-impérialiste, anti-bourgeois ?

Donc Lutte ouvrière en est restée à une thèse ancienne de Trotsky mais qui n’était déjà plus du tout celle de Barta, au moins depuis les thèses de l’Union communiste de 1949 et même avant.
Bien sûr, cela ne permet pas de trancher sur qui a raison mais seulement sur la prétendue continuité de l’UC à LO.

En fait, pour savoir si LO peut se dire successeur de l’UC, il faut considérer des questions fondamentales pour les révolutionnaires que sont l’Etat, le réformisme, l’impérialisme, le stalinisme, la question nationale, l’organisation autonome du prolétariat. Sur toutes ces questions clefs, il y a un monde entre l’appréciation et la conception de l’UC-Barta et celle de LO-Hardy.

L’organisation de Barta ne pouvait pas écrire que l’Etat français devrait normalement embaucher, empêcher les licenciements et autres balivernes.
L’organisation de Barta n’appelait pas à participer aux tromperies syndicales en prétendant que si ces « mobilisations » réussissaient, elles remonteraient le moral des travailleurs.
L’organisation de Barta n’aurait pas écrit qu’heureusement le parti « communiste » français n’est pas mort !

Lutte ouvrière est une organisation française s’appuyant sur une fraction du milieu syndical plus une fraction des enseignants plus quelques éléments de la jeunesse lycéenne ou étudiante, ce qui, dans un vieux pays impérialiste qui opprime le monde, est la base d’une opinion politique « de gauche » et pas plus que cela, malgré le voile qui se dit drapeau rouge. Bien entendu, les militants et même les dirigeants peuvent parfaitement ne pas en avoir conscience et être persuadés qu’ils sont restés révolutionnaires et qu’ils sont seulement plus réalistes que nous. Ils se sont seulement adaptés à ce qu’ils appellent la réalité, c’est-à-dire l’opinion d’un certain milieu qui n’est en rien collectivement pour la destruction du système. Cela signifie qu’ils ont cessé d’être révolutionnaires.

A lire sur Barta et les autres trotskystes


Lettre de Barta :

« Cher camarade Bois,
[...] j’ai vivement regretté, depuis, d’avoir omis d’intercaler à la note 3 de la Mise au point après "Dans sa récente brochure consacrée à la grève Renault 1947, P. Bois", les mots suivants "qui fut l’âme de cette grève", car cela est conforme à la stricte vérité historique. La grève n’aurait pas eu lieu à ce moment-là et à plus forte raison sous notre direction sans P. Bois. Il ne suffit pas, pour qu’une organisation joue un rôle dans les événements, qu’elle ait une stratégie juste, qu’elle fasse de la propagande et de l’agitation au moyen de "mots-d’ordre" justes (correspondant au rapport de forces et au niveau de conscience des masses). Il faut sur le terrain des hommes capables d’inspirer une entière confiance aux ouvriers du rang pour que ceux-ci passent à l’action ! Et le Bois de l’époque a été pleinement à la hauteur de la situation par son activité et son courage. Car le plus grand courage n’est pas comme on l’imagine celui des barricades ou des prisons. C’est celui d’aller ouvertement contre le courant, dans la vie de tous les jours, au milieu des camarades de travail, soumis non seulement à certaines violences, mais risquer d’être incompris sinon écharpé par ceux à qui on s’adresse. Une anecdote peut illustrer cette situation. Après la première réunion, que Bois mentionne dans sa brochure, il m’a posé la question suivante : "Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?" (sous-entendu : "on déclenche la grève ?"). Et ma réponse a été : "Le pire ce n’est pas de se trouver en prison pour une grève réussie. Le pire c’est d’appeler les ouvriers à faire grève et se retrouver à quelques-uns au milieu de la cour !" A la suite de quoi une deuxième réunion fut prévue...
C’est en travaillant durement du matin au soir, soumis aux pressions et parfois aux violences des staliniens que nos camarades en usine et particulièrement P. Bois ont lutté contre le courant (incompréhension des ouvriers pendant la première phase de notre travail). Mais si la grève a été dirigée par l’organisation politiquement, c’est à Bois que reviennent toutes les initiatives pratiques dans l’usine, où il fallait, la grève déclenchée, se comporter comme un capitaine sur un bateau à voiles dans une tempête...
Si son inexpérience nous a valu par la suite l’échec de la manifestation autour de la Chambre des députés et de la première élection de délégués et si sa myopie politique nous a menés en fin de compte à une scission que je considère comme humiliante fin 1949 (en raison des "arguments" employés) il reste acquis que P. Bois a joué un rôle historique décisif dans la grève Renault 1947, où il a tenu, pour l’organisation, le rôle le plus difficile, moralement.
Bien amicalement »

Barta

Lettre de Louise (Irène) à la direction de Lutte ouvrière
Décembre 1972.

« Camarades,
J’ai pris connaissance avec surprise et peine de la réponse que vous avez faite à la Mise au point de Barta. Venant de votre part, qui revendiquez comme votre principal mérite de combattre les méthodes malhonnêtes au sein du mouvement ouvrier, une pareille attitude enlève toute justification morale à votre existence indépendante parmi les autres groupes "révolutionnaires".
Tout en affirmant que "cette période de notre histoire (1939-1951) est peu connue de nos camarades", vous n’apportez aucun éclaircissement à ce sujet. Et pour cause. Cette période, sauf pour Bois de 1947 à 1949, n’est nullement, ou très peu, votre histoire. En revanche, vous vous permettez cette affirmation monstrueuse : "un passé auquel on renonce ne vous appartient plus" ! Voilà qui explique, enfin, pourquoi une brochure écrite par Barta en 1940 (La 2ème Guerre impérialiste mondiale), document historique, puisqu’il a été le seul à analyser correctement les perspectives du conflit et à défendre une position internationaliste au moment de la débâcle française, a été publiée par vous comme un document anonyme de l’Organisation -inexistante à l’époque ! Pourquoi une collection de Luttes de classes du temps de l’occupation allemande est réimprimée sans un mot ou une allusion à leur auteur, et que le Rapport sur l’organisation de 1943 est reproduit dans les mêmes conditions.
De pareils procédés ont des précédents : nous appelons cela du stalinisme. Et au moment où les staliniens eux-mêmes commencent à parler du rôle de Trotsky dans la révolution russe, vous choisissez vous, de donner de Barta une image ridicule, après l’avoir tout simplement fait disparaître des textes et des actions dont il est l’auteur.
Mais en l’occurrence la référence au passé n’est pour vous qu’un alibi pour créer chez vos militants un réflexe de discipline sans réflexion politique, et de justifier votre propre rôle dirigeant. "L’auteur de la mise au point fut en effet l’un des principaux dirigeants de notre tendance à une époque importante", écrivez-vous. Quels furent les autres ? Nommez les. Y en avait-il, hormis de jeunes camarades qui s’éveillaient seulement aux idées socialistes, suivaient des cours d’éducation et faisaient leur apprentissage ?
Pourquoi parlerions-nous de Barta ? dites-vous. En effet, laissons les morts avec les morts, mais prenons leur dépouille pour nous en revêtir. Et c’est ainsi qu’on en arrive tout simplement à falsifier l’histoire dont vous assumez soi-disant l’héritage. A commencer par l’histoire de la grève Renault, "fait d’armes" de l’organisation.
En 1971 vous avez publié une brochure sur la grève Renault d’avril 47, où le western le dispute au conte de fées, dans l’esprit de France-Dimanche et de son petit ouvrier de 25 ans. Lorsqu’à l’époque j’avais fait remarquer à la camarade D. que cela revenait à falsifier l’histoire, elle avait convenu que la brochure pêchait par omission. Omission, en effet, puisque dans cette brochure il y a une grande absente, l’organisation. On voit bien apparaître les Jeunesses socialistes et leur historique camionnette à haut-parleur, mais nullement les militants de l’U.C. Pourquoi cet oubli ? Il y a semble-t-il, chez l’auteur, un réflexe analogue à celui de Séguy déclarant : "Cohn-Bendit connais pas".
Quand il est dit dans votre brochure que, le 1er mai, "le comité de grève tire un tract à 100.000 exemplaires qui sera diffusé sur le parcours du défilé", Barta a raison de rétablir la vérité dans sa mise au point en écrivant : "j’ai rédigé (le 30 avril) un tract au nom du comité de grève appelant les travailleurs de toute la métallurgie à suivre l’exemple de Renault". Car sans sa direction politique, cette grève aurait été l’une quelconque des innombrables luttes revendicatives que mènent les ouvriers. Quel sens y a-t-il à parler de la grève Renault, si ce n’est pour expliquer en quoi elle était différente d’une autre ? S’il est vrai que sans Bois -sans sa détermination et la confiance qu’il inspirait aux ouvriers- la grève n’aurait pas été possible, il est non moins vrai que les décisions du comité de grève étaient guidées par la volonté du mouvement de masse soutenu par tout l’organisation, le rôle des camarades extérieurs à l’usine étant aussi déterminant que celui des militants de l’intérieur.
La valeur d’exemple de la grève, c’est qu’elle a révélé la capacité d’une avant-garde trotskyste à s’intégrer dans les événements et à en prendre la direction. Non sans un long travail de préparation : si une année auparavant, le 1er mai 1946, un de nos camarades (Louis 1), travaillant à l’usine Thomson dans le 15ème, a eu le courage de porter seul dans le défilé de la CGT une pancarte "Echelle mobile" -mot d’ordre banni à l’époque par la CGT- c’était une directive politique (de Barta) et non le geste spontané d’un ouvrier. Si l’U.C. a été en 1945 la première à vendre un journal trotskyste aux portes des usines, ce n’était pas non plus une action tentée au hasard. A l’objection des camarades que chez Gnôme-et-Rhône, fief stalinien, 600 staliniens s’attaqueraient à nous, Barta a répondu que s’il y avait 600 inscrits à la CGT, une trentaine seulement étaient des membres "disciplinés" du PC. Et l’expérience lui a donné raison.
Mais ce n’est pas seulement la grève Renault qui est "revue et corrigée" par vous. Quand Barta parle du SDR et des raisons de sa disparition, tout votre commentaire se résuma à ceci : "que de grands mots pour décrire une affaire, somme toute mineure".
Et pourtant ceux qui ont vécu, ou étudié, cette expérience, savent que la création du Syndicat -décidée à la suite d’un choix politique et non pas au hasard- a posé au groupe que nous étions des problèmes beaucoup plus complexes que la grève de mai elle-même : élaboration et défense des revendications, action de masse avec ou sans les dirigeants syndicaux, lutte pour l’unité d’action, pour la représentativé du SDR, pour un système électoral démocratique des délégués, etc. Ce travail s’est reflété dans 42 numéros de La Voix des Travailleurs, des milliers de tracts, des meetings, un travail d’éducation impulsé par les éléments non ouvriers du groupe. En octobre 49, le SDR a réussi à imposer l’unité d’action de toutes les organisations syndicales dans un cartel. Pour la première fois, la CGT s’est trouvée ainsi obligée de discuter et de compter avec des trotskystes déclarés, ou comme le dit Barta dans sa mise au point : "Nous avons imposé aux staliniens une unité d’action sans précédent : un meeting commun où chaque organisation a exprimé librement, à la même tribune, son point de vue sur la grève en cours. Ceci le 24 novembre 1949, en plein stalinisme !" C’était là également le résultat d’une analyse politique, qui n’était pas acceptée par tous les camarades. Dans le bulletin du SDR du 17 janvier 1950, Bois précisait dans une mise au point que "les écrits du journal La Lutte de Classes, organe de l’Union communiste (trotskyste) n’engagent en rien la responsabilité du SDR". Et dans le bulletin SDR de mars 1950 il commentait : "la grosse erreur c’était de s’illusionner sur l’unité à la tête, c’était de croire que l’expérience du cartel suffisait pour avoir la victoire". Cet épisode, qu’on l’explique comme on voudra, a bien existé dans notre histoire. Mais chez vous la bassesse du propos remplace l’argumentation.
Déjà dans La Lutte de Classes (n°1, nouvelle série) qui reparaissait le 12 janvier 1950 après 33 mois d’interruption, Barta expliquait que la disparition du journal (remplacé par La Voix des Travailleurs de chez Renault) avait été "provoquée... par notre premier succès décisif". Des exemples de ce genre il en existe d’autres dans l’histoire du mouvement ouvrier. A défaut du développement d’un courant révolutionnaire, le succès de la grève et l’engagement politique qu’il réclamait de nous a fait succomber l’organisation. Cette analyse se trouve dans ce même numéro 1 de La Lutte de Classes. Seuls ceux qui mènent le train-train d’une politique à la petite semaine sont à l’abri de ce sort.
Quand Barta dit que "l’arbre prolétarien a rejeté la greffe révolutionnaire", cela peut être vrai pour une époque et pour une période (à moins de penser que la conjoncture politique est nécessairement toujours ascendante). Aux jeunes militants de faire la preuve que cela n’est pas une vérité éternelle : la retraite ou même l’abandon d’anciens militants n’a jamais empêché les jeunes générations de persévérer et de monter sans cesse à l’assaut de la vieille société. Mais si cet "ancien militant" ne mérite que vos réflexions méprisantes, quelles sont les garanties que vous offrez, vous, dont la pensée politique n’a encore jamais eu l’occasion de s’illustrer ? Les leçons de morale ne peuvent camoufler l’indigence des idées. Et "l’amour propre de parti", derrière lequel vous vous réfugiez, ne peut, pour un socialiste, tenir lieu de pensée, d’esprit critique, et de respect de la vérité. »

Irène.

Lettre de Barta à Bois – 30 juin 1975
« Les problèmes fondamentaux de la construction d’un parti (et c’est l’objectif principal que vous faites figurer en tête de votre journal) sont surtout d’ordre qualitatif. Pour vous, c’est maintenant une question de vie et de mort. Rien ne sera résolu par la simple répétition ou l’accroissement du travail de la veille (en ce qui concerne la direction, bien entendu). Continuer ainsi c’est la sclérose définitive, quel que puisse être l’accroissement quantitatif. La construction d’un parti oblige à passer d’une étape à l’autre quels que soient les risques. Sinon vous serez un groupe parmi d’autres, dont le ciment sera les relations et les convenances personnelles beaucoup plus que l’attitude politique. »

Barta à Bois, 11/03/1965

« Possesseurs de recettes révolutionnaires salvatrices, les dirigeants de ces groupes [les différentes organisations trotskystes] agissent en dehors de l’histoire (Mai 1968 l’a bien confirmé) selon des formules et des orientations qui, valables il y a trente ans, le seront encore en l’an 2000 : quand la Révolution est tarie à la source, son ombre n’est plus reflétée que par des simulacres révolutionnaires. »

Barta, août 1972

« Mais en l’occurrence la référence au passé n’est pour vous qu’un alibi pour créer chez vos militants un réflexe de discipline sans réflexion politique, et de justifier votre propre rôle dirigeant.
Et « l’amour propre de parti », derrière lequel vous vous réfugiez, ne peut, pour un socialiste, tenir lieu de pensée, d’esprit critique, et de respect de la vérité. »

Lettre de Louise (Irène) à la direction de Lutte Ouvrière, Décembre 1972

« En effet, depuis longtemps, je déplorais l’absence d’une vie politique réelle au sein de l’organisation, l’absence d’objectifs clairement définis et, corollairement, l’absence d’une stratégie élaborée en vue d’une intervention consciente et efficace dans les événements. Chaque fois qu’un mouvement important s’est produit, nous nous sommes trouvés en dehors et, dans les meilleurs des cas, nous nous sommes contentés de suivre.
De même, plus d’une fois, j’ai ressenti nos méthodes organisationnelles comme une application caricaturale de principes vidés de tout contenu réel, du fait même de l’absence de la politique qui aurait dû constituer leur justification. »

Lettre de Lucienne à la direction de Lutte Ouvrière, 8 Janvier 1973


Concluons en donnant la parole à Lutte ouvrière sur Barta en réponse à la "Mise au point" de Barta adressée à Spartacus :

« L’auteur de la Mise au point fut en effet un des principaux dirigeants de notre tendance en une époque importante. Il en fut pratiquement le fondateur en 1939-40. Il cessa toute activité en 1951, quand il découvrit, dit-il, que le prolétariat n’était décidément pas révolutionnaire.
C’est encore cela qu’il tient à dire aujourd’hui aux jeunes générations : "L’arbre prolétarien" a rejeté "la greffe révolutionnaire" et "la révolution est tarie à la source", c’est ce qu’on pourra lire en conclusion de son texte.
Alors pourquoi prendre la plume ? Pour communiquer sa propre démoralisation ? Pour justifier -auprès de qui ?- son propre renoncement ? Pour pouvoir écrire, dans un sursaut stérile : "J’ai écrit," "J’ai fait", "C’était moi" !
Eh oui, c’était ! Et s’il était encore l’homme qu’il fut, il n’aurait pas manqué de voir que ces qualificatifs qu’il nous décerne, et qui se veulent ironiques, s’appliquent intégralement, d’après son texte lui-même, à sa propre action passée. Si nos actions d’aujourd’hui sont des "simulacres révolutionnaires" parce que la révolution est "tarie à sa source", et si le SDR a disparu parce que "l’arbre prolétarien a rejeté la greffe révolutionnaire", alors on ne peut que conclure que l’action de Barta n’était, elle aussi, qu’un simulacre révolutionnaire. Si un "jeune ouvrier" (pas même ouvrier de surcroît !) "sans expérience", avait quelques excuses à ne pas l’avoir vu à l’époque, que dire du militant dont la "largeur de vues" était "à l’échelle nationale et internationale".
On ne peut mieux cracher sur son passé.
Nous dirons aussi, en ce qui concerne "l’héritage", qu’un passé auquel on renonce ne nous appartient plus. »

Lutte ouvrière, Octobre 1972

« Dans les années 1950, Barta cessa pratiquement de militer. On ne peut dire autre chose de cette retraite d’un militant encore jeune, sinon qu’elle traduisit une déception personnelle résultant d’une perte de confiance injustifiée envers l’avenir du mouvement révolutionnaire et les capacités du prolétariat. »

Lutte Ouvrière, Octobre 1976

Cela ne nécessite pas de commentaire….

Biographie de Barta

Un texte de Barta le 18 octobre 1946 :

LA LUTTE DE CLASSES S’INTENSIFIE AUX COLONIES

Tandis que les gouvernements français et vietnamien signent un "modus vivendi" , la guerre continue là-bas, et chaque jour la presse nous relate des "incidents" où l’artillerie et l’aviation interviennent. Est-ce seulement l’Indochine qui est entrée dans une époque de bouleversement et de soulèvement permanents ? Non. Les grèves d’Egypte font écho à celles d’Iran ; les émeutes du Moyen-Orient répondent à celles d’Afrique du Nord ; les paysans des Philippines et de Corée se battent contre la domination "pacifique" et toute puissante des U.S.A., comme les peuples des Indes Néerlandaises contre la puissance chancelante de la Hollande. Les impérialistes avaient fait de la portion la plus considérable du globe une chasse gardée pour leurs profits. Elle est aujourd’hui le théâtre d’une lutte gigantesque, croissant chaque jour en ampleur et en intensité.

Face à ce mouvement révolutionnaire dont "même la bombe atomique ne saurait venir à bout", les puissances coloniales découvrent la démocratie, et affirment qu’elles ne sont là que pour préparer l’émancipation des peuples colonisés.

Mais en quoi se manifeste cette nouvelle politique "libérale" ? "Impossible d’accorder l’indépendance aux colonies, s’écrient les capitalistes et leurs perroquets fidèles, d’autres capitalistes prendraient notre place !" Mais, en vérité, est-ce contre telle ou telle puissance qu’est menée la lutte émancipatrice des peuples coloniaux ? Non ! Toutes les puissances sont logées à la même enseigne. Comme dit le dicton français : "Notre ennemi, c’est notre maître", et peu importe aux peuples asservis quel est ce maître.

Cependant les puissances colonisatrices voient maintenant se dresser devant elles des rivaux faibles, mais avides : les bourgeoisies indigènes. Celles-ci chassent peu à peu les propriétaires étrangers et mettent la main sur le capital investi par eux. Ainsi, le principal journal des Indes, le Times of India, porte-parole de l’impérialisme anglais, est entièrement contrôlé par des Hindous. Pour sauvegarder l’essentiel de leur domination, les puissances colonisatrices sont obligées de compter avec ces rivaux, et de garantir par des concessions politiques – indépendance formelle dans le cadre de l’Union Française ou du Commonwealth, accession à tous les postes administratifs, etc... – les positions économiques dont la bourgeoisie indigène s’est emparé. Voilà ce que signifie l’accession des "élites" au gouvernement des pays colonisés.

Que vaut cette nouvelle politique "libérale" ? Les événements de chaque jour nous l’apprennent : la guerre s’installe aux colonies de façon permanente, car si la force manque aux impérialistes pour écraser toute résistance, leur politique de concessions mêlées de répres-sion soulève continuellement de nouveaux conflits. Le corps expéditionnaire d’Indochine est bien incapable de venir à bout du Viêt-nam, mais sa présence est une source continuelle d’échauffourées sanglantes.

Pour le peuple de la métropole elle-même, cette politique signifie une misère accrue. L’entretien et le renouvellement du corps expéditionnaire et d’occupation pompent les finances du pays. C’est une source inépuisable d’inflation qui échappe à toute tentative d’"assainissement".

Pourquoi cette "nouvelle" politique coloniale porte-t-elle des fruits aussi amers ? C’est que la bourgeoisie indigène se montre incapable d’endiguer le raz de marée populaire qui, en balayant les "colonisateurs", tarirait une source appréciable de ses profits. Hô-Chi-Minh et Moutet peuvent s’embrasser, Le Monde (19-9) nous apprend que "les "extrémistes mènent une campagne contre le Président Ho-Chi-Minh, et ses adversaires organisent des réunions dans les localités des environs de la capitale." Tandis que les masses la bousculent en avant, la bourgeoisie indigène se raccroche à son adversaire étranger. Devant les grèves égyptiennes et les marches de la faim du Caire, l’ancien Premier Ministre Sedky Pacha déclare : "Nous n’aurions rien à gagner à nous débarrasser de notre alliance avec l’Angleterre." (Monde, 1-10).

Ainsi, dans sa lutte pour l’existence, la population coloniale ne trouve plus seulement devant elle les soldats des impérialistes : elle se heurte à ses propres gendarmes "nationaux". Sectes religieuses et gendarmes égyptiens collaborent dans l’assassinat des ouvriers révolutionnaires ; le gouvernement nationaliste des Indes Néerlandaises jette en prison les leaders communistes ; les militants trotskystes indochinois sont systématiquement assassinés. Devant la répression, les masses paysannes et le jeune prolétariat colonial apprennent à ne plus faire de différence entre ceux qui les exploitent.

Les défenseurs du colonialisme invoquent les liens internationaux qui lient tous les peuples pour s’opposer au mouvement d’émancipation du monde colonial. Sur la base de la domination des capitalistes, cette indépendance s’exprime par la guerre et la misère. Mais sur la base de la lutte contre le capitalisme, cette indépendance est justement l’arme principale aux mains des exploités, car elle permet d’unifier en une seule lutte celle des travailleurs des pays "avancés" et celle des millions d’esclaves coloniaux. Et tandis que les gouvernements colonialistes discutent pour savoir s’il faut "accorder" ou "ne pas accorder" l’indépendance (est-ce à eux de décider ?), c’est cette lutte mondiale qui en décide.

Cependant, dans l’indifférence et la passivité du prolétariat des métropoles, les capitalistes trouvent la possibilité de sauvegarder, à travers le foisonnement des conflits nationaux, leur pillage international.

Comment sortir de cette situation ? Toutes les solutions sont mauvaises, si ce sont les capitalistes qui les appliquent. C’est seulement si à la tête de la France était une force démocratique – le gouvernement des ouvriers et des paysans – qui reconnaisse aux peuples les droits démocratiques élémentaires, y compris le droit de séparation, que le terrain serait déblayé pour une véritable entente entre le peuple de la métropole et ceux des colonies.

La suite : Comment Barcia-Hardy, fondateur de l’organisation française Lutte Ouvrière (ne pas confondre avec David Körner alias Barta, fondateur de l’Union Communiste Internationaliste – parfois appelée Union Communiste) a construit le mythe fondateur de son groupe en présentant comme son oeuvre la grève Renault de 1947

Messages

  • Wikipedia affirme :

    Lutte ouvrière prend ses origines en la personne de David Korner, alias Barta, jeune militant trotskiste roumain qui, avec trois autres camarades, rallie en 1936 les trotskistes français exclus de la SFIO qui viennent de constituer le Parti ouvrier internationaliste.

    L’organisation qui par la voix de Arthaud vient de déclarer "LO n’existe que pour peser et dénoncer" n’a pas de telles origines.

  • Barta écrit en 1949 :

    « La guerre de 39-45 s’étant terminée par l’occupation de la presque totalité de l’Europe centrale et des Balkans par les armées de Staline et l’arrivée au pouvoir, sous sa protection, des partis staliniens, on pouvait supposer que ce problème au moins serait résolu dans un sens progressif. Mais au lieu de favoriser l’unification des pays gravitant dans sa sphère d’influence, Moscou dressa, à son tour, des obstacles militaires et économiques entre les peuples de l’Est pour les maintenir sous sa sujétion. Elle a imposé des frontières aussi nombreuses et pas plus justes que les anciennes, puisque tracées selon le critère militariste du vainqueur et du vaincu ; elle prélève, sous prétexte de réparations, un lourd tribut sur les anciens "alliés" de l’Allemagne que leurs maîtres successifs avaient déjà réduits à la misère complète ; elle interdit toute entente économique directe entre les Etats. Etouffant dans les étroites limites de leurs économies naines, les pays de l’Est n’ont ainsi d’autre partenaire possible que l’URSS envers laquelle leur isolement et leur faiblesse les condamnent à la soumission complète.

    L’oppression à laquelle l’URSS soumet les peuples balkaniques est telle qu’elle est arrivée à entrer en conflit non pas avec de quelconques représentants de l’ancienne bourgeoisie balkanique, mais avec les leaders les plus influents des partis staliniens. Quand, en 1947, Dimitrov osa parler, dans un discours public, de Fédération balkanique, il fut rappelé à l’ordre par Moscou et cela suffit pour qu’il se rétractât aussitôt. Ensuite, Tito partisan, lui, d’une Fédération danubienne [6] fut plus heureux que Dimitrov, en ce sens qu’il put résister aux injonctions de Moscou. Mais il n’a pu se maintenir qu’en spéculant sur les antagonismes des deux camps de guerre : Amérique-URSS. Ce qui n’améliore nullement la situation, ni de la Yougoslavie, ni des Balkans, ni de l’Europe. D’autres, comme Gomulka en Pologne et, il y a une semaine environ, Kostov en Bulgarie, furent éliminés purement et simplement. Or quel est le crime capital du dernier en date ? "Au cours de pourparlers commerciaux récents avec l’Union soviétique, Traitcho Kostov a manqué de sincérité et d’amitié envers les représentants de l’Union soviétique".

    Staline a compartimenté l’est européen exactement comme Hitler et pour la même raison. L’unification et la planification de ces régions, riches en matières premières et en population, auraient provoqué un essor économique considérable, dont l’URSS ne pouvait que bénéficier. Mais, en même temps, les bases de la domination totalitaire de la bureaucratie soviétique auraient été sapées. Rien n’inflige un démenti plus éclatant aux prétentions socialistes de la bureaucratie soviétique et rien n’éclaire mieux son caractère parfaitement réactionnaire que son attitude dans cette question capitale ! Les noms et les maîtres ont changé. Mais, derrière le "rideau de fer", comme dans l’ancienne Russie des tsars, les "démocraties populaires" sont autant de prisons des peuples dont Staline est le geôlier en chef. »

  • Maurice Joyeux :

    « Au cours de ces journées où l’usine fut entièrement dans les mains des ouvriers, nous fûmes présents grâce à une centaine de travailleurs qui sympathisaient avec nos idées, la plupart appartenant à la CNT et à l’émigration espagnole. Les réunions que j’organisais aux alentours des bâtiments de l’usine de Billancourt ne rassemblèrent jamais de grandes foules, mais elles me permirent de garder le contact avec ceux d’entre nous qui avaient une certaine influence dans les ateliers. Avec les militants du groupe Louise Michel, nous pénétrâmes en voiture plusieurs soirs de suite dans l’usine pour y semer des tracts et laisser des numéros du Libertaire sur les établis. Mais nous n’avions pas sur place de camarades suffisamment avertis pour orienter la bataille des travailleurs contre leur direction appuyée par les communistes, et tout le poids en retomba sur la gauche socialiste et sur les éléments trotskistes. La grève dura trois semaines. Pris à la gorge par les grévistes, les communistes furent contraints d’accepter les revendications du personnel, ce qui amena le socialiste Ramadier à les chasser de son gouvernement. Ce fut cette petite canaille de Duclos qui, donnant le signal du retrait, prononça cette parole historique : « Nous ne nous laisserons pas tourner à gauche ! »
    Sur la fin, la lassitude gagna les grévistes, et le poids du nombre jouant, les staliniens, auxquels leur départ du gouvernement avait donne une nouvelle virginité, retrouvèrent une partie de leur influence sur les travailleurs.
    Pourtant cette grève, à laquelle une certaine presse nous accorda une influence disproportionnée pour la part que nous y prîmes réellement, étendit cette influence parmi la population, et c’est à partir de cette époque que la Fédération anarchiste fut considérée autrement que comme un groupuscule négligeable. Présents, nous l’avions été, c’était incontestable. J’étais intervenu plusieurs fois dans les ateliers, nous avions fait des réunions à la porte de l’entreprise, distribué des tracts aux bouches du métro. J’avais pris avec Bois, le militant trotskiste qui fut la cheville ouvrière de cette lutte, un contact épisodique sans grande chaleur, chacun redoutant de tirer les marrons du feu pour l’autre. »

    André Claisse dit Goupil

    "Goupil" est surtout connu dans le milieu révolutionnaire pour son implication dans la grève Renault de 1947 qui servit de prétexte aux faux communistes pour se retirer du "gouvernement de collaboration de classes". Journalistes superficiels et petits plumitifs gauchistes se sont surtout focalisés sur Pierre Bois. Or, André Claisse était déjà sur des positions bien plus claires politiquement d’indépendance de classe du prolétariat. Lors de cette grève, dont il n’est pas au début l’initiateur, il n’est pas enthousiaste à l’idée d’engager un combat d’envergure dans la difficile période de reconstruction. Il sera un court moment membre du comité de grève mené par la petite poignée de trotskystes de l’U.C. dont il est encore membre. Mais rapidement, il ne veut plus participer à ce comité à cause de ses divergences sur l’orientation de la grève.

    A la porte de l’usine Renault, il fait connaissance avec deux vendeurs du journal l’Etincelle (qui publient aussi la revue théorique Internationalisme ), Marc Chirik et Robert Salama du petit groupe de la "Gauche communiste de France" (GCF), un des rares groupes à avoir maintenu les positions internationalistes durant la guerre. Les discussions dans les cafés environnant achèvent de le convaincre qu’il est sur la même "longueur d’onde" que ces militants. Il défendait l’idée d’extension du mouvement, c’est cela l’essentiel lui répondirent les deux militants. Contrairement aux trotskystes corporatistes et ambigus vis-à-vis du "parti ouvrier stalinien", il estime qu’il ne faut pas limiter la protestation et le blocage aux seules usines Renault. Toute la classe ouvrière est concernée par l’austérité imposée par le gouvernement gaulliste-stalinien ! On ne peut le faire reculer que "tous ensemble" ! La grève qui dure et manifeste l’intransigeance de la masse des ouvriers jette l’émoi au sein du parti stalinien, il ne craint pas tant de perdre deux ou trois postes ministériels que de perdre son autorité terroriste sur la classe ouvrière.

    Goupil reste minoritaire dans l’action. Il n’est pas grand orateur non plus. Pourtant il ne subit aucune menace directe de l’appareil du PCF, plus effrayé par la détermination des ouvriers pour leurs 10 francs d’augmentation que par le danger d’être "doublé" par de petits groupes révolutionnaires, infinitésimaux et encore peu aguerris.

    La grève, vu les circonstances de l’immédiat après-guerre, en reste au simple niveau économique, même si les ouvriers ont conscience de ridiculiser les élus staliniens dans leurs fauteuils ministériels. Le repli, l’absence d’extension, signe la fin de la lutte. Conformément à leur vision trade-unioniste la minorité trotskyste dissidente de Pierre Bois en est réduite à former un nouveau syndicat à appellation dérisoire, le SDR (syndicat démocratique Renault) auquel Goupil refuse de se joindre, considérant que les seuls organismes véritablement contrôlables par les ouvriers ne peuvent que prendre la forme des conseils ouvriers en période révolutionnaire ; ce syndicat artificiel s’étiolera pendant trois ans avant de disparaître de la firme du losange.

    Goupil reste militant de la GCF jusqu’en 1952, date où cette minorité politique disparaît (suite à une erreur d’analyse sur le risque immédiat de déclenchement d’une troisième guerre mondiale, les dirigeants sont dispersés). Face à la vacuité politique en France et à l’évaporation de la GCF, Goupil adhère en 1953, à la Fraction Française de la Gauche Communiste (FFGC pour les initiés) animée par Suzanne Voute, c’est-à-dire au Parti communiste international (revue Programme communiste, dont Bordiga est la figure de proue légendaire) dont il restera membre jusqu’en 1971. A l’époque il est atteint par un premier cancer qui l’empêche de poursuivre toute activité militante. Il en est guéri quelques années plus tard. Il a toujours maintenu des liens épistolaires avec ses camarades.

    Dans le fascicule "Barta, lettres à un jeune camarade" (cf. Les publications du GET, BP 12 92262 Fontenay aux Roses) où l’on peut lire sous la plume de Barta :

    "Toute l’organisation (ou l’essentiel) avait concentré son travail chez Renault (après Citroën), et avant Bois, un autre camarade ’Goupi’ était l’élément principal parmi quelques six militants (très dévoués et actifs) entrés dans l’usine" (...) Quelques semaines avant la grève Renault, un tiers environ (plutôt plus) de l’organisation avait fait faillite. Le camarade Goupi qui, avant Bois, était notre principal militant d’usine, a rompu (suivi de quelques militants extérieurs) avec nous en posant carrément la question de l’agitation dans les usines. Il voulait revenir en arrière, à l’époque où notre principale activité c’était des réunions de groupes étudiant la Révolution (en chambre !) et où l’action principale consistait à diffuser quelques numéros de "Lutte de classe" autour de soi ! (au moins Goupi a eu le mérite de poser la question politiquement)."

  • Lettre de Barta à Bois – 30 juin 1975 « Les problèmes fondamentaux de la construction d’un parti (et c’est l’objectif principal que vous faites figurer en tête de votre journal) sont surtout d’ordre qualitatif. Pour vous, c’est maintenant une question de vie et de mort. Rien ne sera résolu par la simple répétition ou l’accroissement du travail de la veille (en ce qui concerne la direction, bien entendu). Continuer ainsi c’est la sclérose définitive, quel que puisse être l’accroissement quantitatif. La construction d’un parti oblige à passer d’une étape à l’autre quels que soient les risques. Sinon vous serez un groupe parmi d’autres, dont le ciment sera les relations et les convenances personnelles beaucoup plus que l’attitude politique."

    Quel militant peut écrire quelque chose d’aussi précis et donner 1 appréciation aussi juste au regard de ce qu’est devenu LO aujourd hui ?
    En tout cas , pas un dirigeant à retraite qui aurait perdu confiance dans la révolution prolétarienne.

    Pierre Bois a t il répondu à Barta ? (Merci encore à ceux qui sont la mémoire vivante de ces débats.)

    • Un texte doit paraître très prochainement sur cette question dans Matière et Révolution, texte qui exposera comment la filiation entre l’UCI de Barta et Lutte Ouvrière d’Hardy est un mythe développé notamment par la brochure de LO sur la grève Renault de 1947. Les différents mensonges contenus dans cette brochure, omissions volontaires y seront exposés.

      On peut dès maintenant donner un extrait de ce texte à venir :

      Dans le comité de grève de Renault en 1947, il y avait certes Pierre Bois à son initiative et à sa direction, mais on ne peut pas effacer la présence de militants ou de sympathisants d’autres groupes, anarchistes, bordiguistes et d’autres trotskistes. Les « personnages oubliés » de la grève Renault de 1947 dans la brochure de Lutte Ouvrière, en plus de Barta dont le nom n’y figure même pas sous le prétexte qu’il aurait arrêté de militer (Barta celui qui l’a conçue de bout en bout, rédigeant tous ses tracts avec ses camarades de l’Union Communiste extérieurs à l’usine – la brochure ne citant que les militants et sympathisants de l’usine -, sont : André Claisse, dit Goupil (ou Goupi) qui a démarré le travail de l’UCI à Renault avant de le quitter du fait de divergences sur l’orientation de la grève et d’entrer dans la Gauche communiste de France avec d’autres militants de l’UCI extérieurs à Renault, et qui a été un court moment membre du comité de grève, Gil Devillard, dit Cédar qui était alors anarchiste et a fait partie du comité de grève en tant que représentant du département 49 de l’usine de Billancourt. Sont donc intervenus dans la grève toutes sortes de tendances d’extrême gauche et cela n’enlevait rien de son rôle central au groupe qui l’avait dirigé, sauf pour Hardy-LO qui n’y comprenant rien, a préféré les supprimer de l’histoire... Ce n’est même pas de l’ignorance due au seul fait que Hardy avait démissionné depuis longtemps de l’UCI pour raison d’ « incompatibilité d’humeur » avait-il dit avec Barta, puisque Goupi, Barta l’avait cité dans ses écrits, et Cedar a milité avec Hardy et fondé avec lui le groupe Voix Ouvrière. Non, en bon stalinien, Hardy efface au fur et à mesure les personnages qui se sont opposés à lui ! On remarquera que Barta ne pratiquait pas ainsi, puisqu’après la scission de Goupi, il le cite encore, remarquant même le caractère politique de cette scission alors que le départ de Hardy du groupe UCI (où il a milité moins de deux ans) était sur des bases affirmées d’une mésentente personnelle !

    • Ni en 1975 ni jamais, Barta ne s’est mis en retraite de la révolution ! Il a seulement dit que la perspective de l’après deuxième guerre mondiale avait été manquée par le prolétariat international.

  • Merci et le clin d’oeil "à la retraite" dans mon commentaire était justement par rapport à la citation de LO dans l’article de M&R ci-dessus. Je rendais hommage justement à son analyse politique et révolutionnaire.

    "Dans les années 1950, Barta cessa pratiquement de militer. On ne peut dire autre chose de cette retraite d’un militant encore jeune, sinon qu’elle traduisit une déception personnelle résultant d’une perte de confiance injustifiée envers l’avenir du mouvement révolutionnaire et les capacités du prolétariat. »

    Lutte Ouvrière, Octobre 1976

    • Barta écrit : « Sous la plume de Roussel transparaît une version du passé qui est celle des dirigeants de Lutte ouvrière qui prétendent continuer sans Barta (tout en s’appropriant ses actions et ses écrits) ce que Barta leur a soi-disant enseigné ».

      Barcia (Hardy) avait alors répondu par un texte qui rayait Barta de l’histoire et dont la bassesse avait amené Louise Barta (Irène) à réagir. Ce n’est donc pas d’hier que la volonté de R. Barcia de fonder son autorité sur un passé usurpé se manifeste. Tous les documents le démontrant sont disponibles (Barta, Lettres à un jeune camarade, GET).

      Dans ses entretiens avec Bourseiller (son livre), Barcia poursuit les mêmes objectifs avec les mêmes méthodes. Sa version des événements qui menèrent à la disparition de l’UC en 1950 est erronée, pour dire peu. Ses allégations concernant les démarches entreprises ultérieurement par Voix ouvrière (groupe fondé par Robert Barcia en 1956, remplacé par Lutte ouvrière après sa dissolution en 1968) pour convaincre Barta de la rejoindre sont affabulations. Ayant quitté l’UC et n’y ayant pas laissé son empreinte, peut-être R. Barcia n’a-t-il pas eu connaissance à l’époque de l’appel aux anciens de l’UC, resté sans réponse, que lancèrent Barta et Irène (en décembre 1950) à une « collaboration, même en dehors de liens organisationnels » face au risque de déclenchements d’un nouveau conflit mondial (Lettre du 3 décembre 1950, Lettres à un jeune..., op. cit. p.24).

      « Par la suite, en 1956, pendant la crise ouverte par Suez, j’ai essayé de publier un bulletin ronéotypé avec Hardy » écrit Barta. « Mais je me suis heurté aux mêmes difficultés qu’avant : le manque d’« horizon » socialiste véritable, disons-le, de culture (car il n’y a pas de dirigeants socialistes sans culture véritable) » (Lettre à J-P. B. 16 mars 1976, Lettres à un jeune… p.17). Fin de non recevoir de Hardy (via Pierre Bois) à Barta à qui, en 1965, il avait proposé une collaboration, semble-t-il sans l’aval de Hardy : « Après avoir rediscuté des dates de réunion du Comité de rédaction, nous n’avons pu trouver d’autre jour que le samedi matin qui puisse convenir à chacun. Je regrette beaucoup que ce détail important soit un obstacle à ta collaboration » (Pierre Bois à Barta, 2 mars 1965, Lettres à un jeune… p.36). « Je suis prêt à examiner toute proposition qui permettrait une collaboration efficace » répondit Barta, « Mais plutôt que des obstacles matériels, ce sont, je crois, des obstacles politiques qui empêchent cette collaboration » (Barta à P. Bois, 11 mars 1965, Lettre…, p.36). Courrier resté sans réponse.

  • Hardy, Bois, Barta, trois militants et dirigeants très différents

    Robert Barcia dit Hardy a arrêté son activité militante tout jeune, à peine deux ans après l’avoir commencée et juste au moment où la vague de révolte ouvrière commençait en France et il ne l’a reprise que quand elle était bien finie. Il a ensuite nagé comme un poisson dans l’eau dans les situations de calme social où son drapeau rouge lui permettait de tenir un discours radical à une classe ouvrière dominée et battue. Il a été très capable dès qu’il s’agissait de développer des talents pour organiser des gens en période calme en leur faisant pratiquer une activité très peu révolutionnaire (élections, syndicalisme, édition de journaux et fêtes). Il a formé des militants qui se sont adaptés à ce type d’activité et de situation.

    A l’opposé, David Körner dit Barta a dédié sa vie à la préparation de la révolution, que ce soit en Roumanie avant 1936 ou en France à partir de 1936, pendant et après la guerre. C’est pour y devenir un leader révolutionnaire que Trotsky lui a demandé de quitter la Roumanie. Il n’a pas pu avoir une action déterminante en France en 1936 car il y débarquait. Il n’est parvenu à former un noyau militant révolutionnaire que pendant la guerre. Lors de la montée insurrectionnelle des grèves de l’après-guerre, il a joué le rôle crucial car il s’y était préparé toute sa vie. Le retournement de la politique de l’impérialisme et de la bureaucratie du Kremlin a empêché que la vague gréviste explosive entraînée par la grève Renault de 1947 soit le début d’un soulèvement ouvrier. La CGT-PCF, n’étant plus liée au gouvernement, a pu diriger, canaliser, diviser, sans crainte de jouer au radicalisme et même en dépassant par son radicalisme l’état de combativité des travailleurs, contribuant à les démoraliser. Du coup, la position prise au sein de l’usine Renault de Billancourt, la formation d’un syndicat indépendant de la bureaucratie, qui avait été imposée au petit groupe révolutionnaire par la pression des travailleurs eux-mêmes, un syndicat massivement soutenu dans l’usine, s’est transformée en pression d’une activité par nature réformiste et, par contre, les idées communistes révolutionnaires sont restées isolées dans le cadre d’un stalinisme à son apogée et au sommet de son hystérie anti-trotskyte et en réalité anti-ouvrière, tout caché derrière les « victoires du socialisme réel ». La tentative de Barta de proposer au groupe de renoncer au syndicat indépendant de Renault afin de rester un groupe véritablement révolutionnaire a échoué, ne menant qu’à faire scissionner Pierre Bois avec une partie des camarades de Renault, puis à dissoudre le groupe. Ce qui a démoralisé momentanément mais fortement Barta, c’est la perte à la fois de nombreux militants mais aussi de la perspective révolutionnaire qu’il envisageait à l’après-guerre. La possibilité dans les usines de combattre directement la bureaucratie stalinienne et syndicale devenait pour un temps nulle et l’activité révolutionnaire en entreprise changeait complètement de caractère. La liaison possible avec la révolution coloniale disparaissait en même temps dans l’immédiat.

    Pierre Bois a été formé dans cette lutte de la guerre et de l’après-guerre. Il a fait le choix de la classe ouvrière et du socialisme et il n’a jamais cessé d’être directement lié à sa classe. Il ne concevait pas l’activité politique comme celle d’un petit groupe faisant vivre des idées révolutionnaires en dehors de la classe ouvrière mais comme celle d’un militant vivant en socialiste au sein de sa propre classe. Il ne pouvait pas concevoir d’abandonner les travailleurs avec lesquels il avait lancé l’expérience du syndicat libre et démocratique contre les appareils. Les luttes théoriques, les luttes organisationnelles, le travail au sein de l’avant-garde n’ont jamais été sa tasse de thé, ni à l’UCI, ni à Socialisme ou Barbarie, ni à VO-LO. Etre un militant pour la cause du socialisme au milieu des travailleurs, faire du syndicalisme révolutionnaire à l’ancienne mode radicale était bien plus dans son tempérament. Il a cherché au sein des groupes où il militait à faire passer son souci de former des militants visant la construction du socialisme et n’attendant pas le « grand jour » pour s’en préoccuper.

  • Une anecdote qui en dit long sur la volonté d’Hardy d’apparaître en interne comme l’héritier : lorsque Lutte Ouvrière a organisé des stages « notre courant » sur le passé de l’UCI, Pierre Bois a tenté plusieurs fois de s’y faire inscrire mais sans succès. Il m’a demandé (son secrétaire de cellule) de protester auprès du secrétariat et d’en demander la cause. Il m’a été répondu qu’il serait bien sûr inscrit mais que, dans cette première série de stages, on essuyait les plâtres et Hardy tenait donc à les faire lui-même. Il n’y a jamais eu d’autre série de stages !

  • C’est un peu gros, tu ne trouves pas, d’affirmer que la brochure de Lutte Ouvrière signée Pierre Bois n’a pas été écrite par Bois mais par Hardy, en son lieu et place ? C’est difficile à croire et encore plus difficile de comprendre pourquoi Bois aurait accepté cela. Il faudrait des explications et même des preuves. Qu’en penses-tu ?

    • Camarade Alain,

      Je suis très intéressé par ta remarque. Tu demandes des preuves de ce qu’affirme R. Paris. C’est grâce à ta remarque que j’ouvre plus sérieusement que par le passé la brochure.

      Je pense qu’il n’y a pas d’autre manière que de vérifier ce qu’affirme l’article de R. Paris, et ainsi de le vérifier par soi-même en lisant la brochure. Je vais donc relever quelques éléments dans le but de te donner des éléments de ma lecture (trop rapide, certainement et nous devrons en rediscuter pour approfondir, bien entendu).

      Je ne sais si cela constituera une preuve à tes yeux, car tu demandes une preuve sans nous dire le plus essentiel : qu’est-ce qu’une preuve ? Pour moi, une preuve est quelque chose qui n’est pas extérieur à la pensée, mais bien une construction de la pensée. Pour cela, il est nécessaire de lire et relire en interrogeant le texte soi-même. Personne d’autre que toi ne pourra dire à ta place la preuve que tu souhaites te forger. A toi de voir si tu souhaites étudier par toi-même la brochure.

      Il n’en demeure pas moins que ta question me pousse à aller lire moi-même et en cela ta question est extrêmement utile. Je vais donc donner ma lecture, fort partielle, certainement, de la brochure.

      Pour cela, il s’agit de nous mettre dans la posture d’une hypothèse de lecture pro et contra. Une lecture d’abord qui cherche à valider la thèse (en la prenant pour hypothèse) de R. Paris, et ensuite, une autre hypothèse, celle de LO qui a publié la brochure en mettant en avant comme auteur Pierre Bois.

      A mon sens à partir de certains jalons de la brochure, la version de LO ne tient pas, et celle de R. Paris semble bien mieux faire comprendre que la revendication par LO que cet écrit serait de Pierre Bois ne tient pas.

      D’ailleurs, il faut faire remarquer que cette brochure est datée de Mai 2009. Hardy-Barcia est lui décédé quelques semaines plus tard, le 12 juillet 2009 s’il faut en croire la presse bourgeoise. Voir ici

      A voir si Barcia-Hardy a voulu publier son ultime témoignage à l’approche de ce qui nous attend tous. Cependant, il faut bien noter que Pierre Bois, lui, est décédé 7 ans plus tôt. Il est donc fort étonnant que cette brochure sorte quelques semaines avant le décès prévisible de Barcia et non en 2002, en hommage à Pierre Bois après la mort de ce dernier, ou même avant la mort de Pierre Bois si Pierre Bois avait du faire comme Hardy, écrire à l’approche prévisible de la mort.

      R. Paris nous dit, très précisément : « Mieux, la brochure de Lo n’est évidemment pas écrite par Pierre Bois ni par un militant de Renault de l’époque, Pierre Bois et les militants de l’époque étant cités dans la brochure à la troisième personne…. »

      Et en effet, à plusieurs reprises, le texte cite Pierre Bois. Parfois un article (page 34 et 35 par exemple), ou un extrait de tract, parfois des propos dont on ne sait précisément d’où ils viennent (page 46, propos en style indirect).

      Mais souvent, les individus autres que Pierre Bois ne sont pas cités. L’usage du pronom personnel en 3e personne (du pluriel ou du singulier) est trop fréquent pour étayer la clarté du propos. Trop souvent seul Pierre Bois est cité. Parfois, c’est « le camarade » (pages 43 et 44), le délégué cégétiste (page 44), « un ouvrier » (page 32, ou page 44), pour désigner une personne qui prend la parole et qui est manifestement un militant, au vu de ce qu’il dit , ou encore « notre camarade » (page 32), mais on ne sait pas de qui il s’agit ! Pierre Bois ? un autre dont on veut taire le nom ? si on veut taire le nom, on trouve un pseudonyme, mais pourquoi ne pas dire clairement ? Tout cela est fort surprenant, surtout si l’on pense que ce texte est écrit par dirigeant politique comme Pierre Bois.... (ou plutôt Hardy, si l’on pense, comme moi, que c’est lui qui a écrit la brochure ?)

      Bien souvent, ce sont les militants de tel ou tel groupe qui sont cités :
      « Les camarades regroupés autour de La Voix des travailleurs de chez Renault », page 32.
      « Le MFA », « Le PCI (trotskyste) », les« syndicalistes de la CNT », page 33.

      En clair, quand il s’agit de groupes, ils sont nommés, et encore, pas de la même manière s’il s’agit des autres groupes ou du groupe dont on revendique la continuité, puisque les autres groupes semblent monolithiques et que, pour La Voix des travailleurs de chez Renault, il s’agit de « camarades groupés autour de La Voix des travailleurs de chez Renault » (page 32). Mais sait-on comment sont organisés les uns ou les autres ? et en particulier La Voix des travailleurs de chez Renault ? Jamais on ne le sait !

      D’autres éléments d’imprécision seraient à relever, par exemple, page 43 : « Un tract diffusé dans la matinée ». Mais qui a écrit ce tract ? on croirait un journaliste qui a débarqué quelques jours dans l’usine et qui n’y comprend rien, et n’a que peu d’éléments, fort extérieurs à la grève et n’a pas su identifier les acteurs de telle action ou les auteurs de tel tract. Depuis 1947, peut-être que l’auteur du tract devrait avoir été identifié.

      Ainsi, la brochure, loin d’expliquer réellement les choses, n’approfondit rien, brouille les pistes car les acteurs ne sont pas identifiés. Cela est révélateur de la manière de fonctionner de Lutte Ouvrière. Le texte reste vague, fort imprécis.

      Le texte n’a donc pour but que de faire la part belle à Pierre Bois, mais pas au Pierre Bois réel, un ouvrier avec ses qualités et ses limites, avec la façon dont il travaille avec Barta (absent de la brochure) ou avec les autres camarades des autres groupes (on sait que dans les grèves des militants d’un groupe à l’autre discutent, se mettent d’accord sur certaines choses, apprennent à travailler ensemble, voire changent d’organisation à partir des liens qui se tissent entre les uns et les autres).

      Non, il s’agit de faire de Pierre Bois un héros en effaçant les autres acteurs derrières des pronoms personnels (donc impersonnels...) ou une formule générale au lieu de préciser la personnalité du délégué, de l’ouvrier qui prend la parole publiquement, du camarade évoqué, des militants, nombreux, des autres groupes, ou même sans groupe.

      Non, ce texte a uniquement pour but de faire ce que Hardy a fait de son vivant autour de sa personne : le culte de la personnalité envers un ouvrier. C’est comme ça que Hardy voyait le monde : il préfère construire une mythologie plutôt que dire la vérité. Il a monté un appareil qui fonctionne encore comme cela. Et ses héritiers cultivent la même chose. Combien de temps encore aurons-nous à faire à un tel appareil, qui fait reculer la conscience de ceux qui y adhère ou qui travaille pour cet appareil ? certainement encore fort longtemps !

      C’est pour cela qu’il s’agit de chercher à comprendre cette organisation dans ses idées et ses modes de fonctionnement, et cela au même titre que les autres organisation ou le monde entier.

    • Par contre, F. Kletz, je ne comprend pas que tu écrives : « D’ailleurs, il faut faire remarquer que cette brochure est datée de Mai 2009. » Sans doute que ta réédition l’est. Mais ce n’est nullement la date de parution originelle de la brochure : elle est en supplément au numéro de LO n° 143 alors qu’en 2009 on en était déjà au numéro de LO n° 2109 !

  • Cher Alain,
    Tu as parfaitement raison de demander davantage d’explications et celles-ci ont un intérêt car cela permet de comprendre ce qui oppose la conception d’Hardy et celle de Barta. Mais rappelons tout d’abord que cela n’aurait rien d’extraordinaire ni de scandaleux en soi qu’Hardy (ou d’autres camarades qui n’ont pas du tout participé à la grève ou n’ont jamais été dans l’UCI de Barta) racontent les événements à la place de Bois en lui faisant ensuite relire le tout. Il est très courant que des intellectuels prennent la plume aux côtés de travailleurs et c’est même certainement juste de le faire. Trotsky l’a bien fait pour le soviet de Petrograd dans la révolution russe de 1905. Barta l’a fait déjà pour Pierre Bois dans la grève Renault de 1947. Bien entendu, tout le monde se rend compte qu’Arlette Laguiller ne pouvait pas écrire elle-même la totalité de ses éditos et de ses discours tout en travaillant ou en exerçant des responsabilités syndicales. Tout cela n’a rien de choquant ni même d’étonnant. Le problème est ailleurs : comment faire accepter à Pierre Bois qu’on efface le nom même de Barta d’une histoire dont il était l’auteur le plus important, à l’égal de Bois lui-même ? En effet, le moyen le plus simple d’évoquer la grève Renault de 1947 n’était-il pas d’éditer directement les écrits de l’époque, qu’ils soient signés Bois, Barta, comité de grève, Union Communiste Internationaliste ou La Voix des Travailleurs ? Il aurait suffi alors d’une courte introduction de Lutte Ouvrière pour montrer l’actualité des leçons de cette lutte et expliquer pourquoi LO se revendiquait du travail politique de Barta. Ce n’est pas du tout le choix qui a été fait évidemment puisqu’aucun des textes précédemment cités ne figure dans la brochure sauf les tracts du comité de grève. Pourtant diffuser des textes d’époque, rédigés pendant ou juste après la grève avaient l’avantage d’être plus vivants et véridiques, sans parler de la différence de compétence culturelle, politique et sociale entre leurs auteurs et ceux de Lutte Ouvrière. Il fallait donc effectivement convaincre Pierre Bois de la démarche consistant en un texte écrit par Lutte Ouvrière au nom de Pierre Bois et sans les textes de Barta, pourtant auteur essentiel de toute la politique qui avait mené à la grève de 1947. Cela nécessite effectivement une explication et je vais tenter de te la donner ensuite…

  • Pour justifier la brochure de LO sans référence à Barta, il suffisait à Hardy d’expliquer qu’on était restés en froid avec lui et qu’il n’apprécierait pas qu’on utilise son travail sans son accord et encore moins avec des conclusions qui ne seraient pas les siennes, que c’était une brochure « grand public » qui ne devait donc pas contenir trop de polémiques internes à l’extrême gauche qui devait s’en tenir aux faits de l’époque dans l’usine et aux faits politiques et sociaux, à la lutte contre l’appareil PCF-CGT qui cassait les grèves, à la manière dont on avait lutté pour l’auto-organisation des travailleurs sous forme de comité de grève, cette leçon gardant toute son actualité. Ces arguments ne devaient pas manquer de toucher Pierre Bois qui, rappelons-le, avait autrefois scissionné avec Barta, rompu personnellement avec lui avant de reprendre le contact et ne souhaitait pas agir dans le dos de Barta. Et, comme devait l’écrire plus tard Hardy en réponses aux critiques publiques de Barta : « Pourquoi dans une brochure publique parlerions-nous de Barta ? » Donc Hardy a effacé Barta, soi-disant par respect de Barta et pour ne pas se fâcher avec lui, en réalité afin de présenter la grève et le travail de l’époque de l’UC comme son propre héritage et celui de son groupe LO. Et ça a très bien marché puisque toute l’extrême gauche, qui ne porte pas LO dans son cœur, écrit que LO est le successeur politique du groupe UC qui a mené la grève de 1947 et c’est ce que tous les média reprennent.

    C’est ce que devaient dénoncer Barta lui-même puis deux anciennes militantes de l’Union Communiste de l’époque, Lucienne et Irène. Barta rappelait que « les différentes organisations trotskystes et autres n’ont jamais manifesté le moindre intérêt pour les idées et l’expérience dont il (Barta) était porteur, Lutte Ouvrière – les continuateurs !!! – pas plus que les autres. » Irène dénonçait que « la brochure (de LO) pêchait par omission. Omission, en effet, puisque dans cette brochure il y a une grande absente, l’organisation. On voit bien apparaître les Jeunesses Socialistes et leur historique camionnette à haut-parleur, mais nullement les militants de l’U.C… S’il est vrai que sans Bois – sans sa détermination et la confiance qu’il inspirait aux ouvriers – la grève n’aurait pas été possible, il est non moins vrai que les décisions du comité de grève étaient guidées par la volonté du mouvement de masse soutenu par toute l’organisation (l’U.C.), le rôle des camarades extérieurs à l’usine étant tout aussi déterminant que celui des militants de l’intérieur. » Et Lucienne, une autre ancienne de l’UC rajoute : « Pas une seule fois (dans la brochure de LO) il n’est indiqué que derrière les actes de Pierre Bois, il y avait une organisation, l’Union Communiste qui délibérait élaborait une stratégie que les camarades travaillant à l’usine se chargeaient d’appliquer, avec Pierre Bois comme porte-drapeau. »

    Reste à répondre à ta question, Alain, sur ce qui prouve que Pierre Bois alias Vic n’a pas donné non seulement sa plume mais sa marque à la brochure, ce que vais faire par la suite…

  • Tout d’abord, il convient de remarquer qu’à de multiples moments, la brochure dit « Pierre Bois a fait ceci », « Pierre Bois a dit cela » et jamais il n’est écrit : « j’ai pensé », « j’ai dit », « j’ai écrit », etc… Mais ce n’est pas encore l’essentiel. Le récit ne donne aucun fait qui ne serait pas déjà dans les textes de Barta et de l’UC de l’époque. Bois, lors de l’interview qui a servi à la brochure, n’a rien raconté de plus intérieur à la grève ou intérieur au groupe politique auquel il appartenait. La brochure ne rapporte ni les discussions internes du comité de grève du secteur Colas, ni surtout celles du comité de grève élargi à toute l’usine, et dans lequel il y avait des militants de bien d’autres tendances politiques que l’UC, ne rapporte aucun des propos de ces militants, comme de Cedar par exemple, ne rapporte aucune des discussions internes à l’UC, et pourtant il y en a eu de sévères, opposant Barta à Goupi (le plus ancien et chevronné des militants de l’UC dans l’usine), discussion qui a été si importante qu’elle a donné lieu à une scission de l’UC (pas un mot dans la brochure alors qu’il s’agissait justement de la stratégie de la grève !). La brochure ne rapporte les discussions avec les autres groupes qu’avant la grève, pour démontrer qu’ils étaient tous à côté de la plaque, mais aucune discussion pendant la grève, alors qu’elles ont été nombreuses au moins avec un militant CNT et un militant PCI qui ont participé activement au comité de grève élargi à l’usine entière. La brochure ne rapporte pas non plus les discussion intérieures ou extérieures à l’UC concernant les suites de la grève, la formation du syndicat démocratique de Renault ni la discussion sur la proposition de Barta de sa dissolution et encore moins sur la scission provoquée du coup par Pierre Bois. Et surtout, ce que la brochure ne rapporte jamais ce sont les discussions entre l’UC et Pierre Bois et, tout particulièrement, celles entre Barta et Pierre Bois, pourtant déterminantes et parfois orageuses. La brochure ne parle pas avec la voix de Pierre Bois que j’ai bien connue ayant milité dans sa cellule (celle de « vieux » de Renault, durant des années. On n’y retrouve aucune des manières de voir caractéristiques de Bois (qui n’étaient ni celles de Barta, ni celles de Hardy). On n’y retrouve pas la simplicité, la modestie de Bois, le rôle central pour lui de la classe ouvrière elle-même, son ouverture vis-à-vis des autres courants politiques, Bois ayant été anarchistes, ayant milité aux côtés d’anarchistes, de bordiguistes, d’abondancistes, de réformistes sans jamais aucun ostracisme. On n’y retrouve pas son souci de mesurer sans cesse ce que voulaient les travailleurs, lui qui répétait que le militant doit proposer sa politique aux travailleurs mais qu’il doit sans cesse mesurer où en sont les travailleurs, compter sans cesse combien pensent ceci, combien pensent cela, être le thermomètre de la classe ouvrière. Tout ce qui faisait Bois est absent. Bois a seulement donné son feu vert à Hardy pour que ce dernier écrive sa version des faits. Un point c’est tout.

  • « En 1947, nous avons eu, en dirigeant la grève Renault d’avril-mai, qui obligea les ministres communistes à quitter le gouvernement, des succès visibles. » écrit Voix Ouvrière - Hardy dans le CERCLE LEON TROTSKY du 28 février 1966. Nous c’est VO-LO ! Mais ce n’est pas VO-LO qui a dirigé la grève de Renault en 1947 ! Voilà où git l’arnaque !

  • « Chaque responsable doit être convaincu organiquement que sans la démocratie, c’est-à-dire sans la participation active de tous, non seulement au travail pratique mais également à l’élaboration de la politique de l’organisation, il ne peut y avoir de parti révolutionnaire, donc de victoire du prolétariat sur la bourgeoisie ».

    Barta dans un texte intérieur intitulé "Rapport 1943"

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