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Poésie de Jacques Prévert
lundi 11 mars 2013, par
Poésie de Jacques Prévert
« La poésie c’est le plus joli surnom qu’on donne à la vie. »
Jacques Prévert

« Embauché malgré moi dans l’usine à idées
J’ai refusé de pointer
Mobilisé de même dans l’armée des idées
J’ai déserté
Je n’ai pas compris grand-chose
Il n’y a jamais grand-chose
ni petite chose
Il y a autre chose.
Autre chose
c’est ce que j’aime qui me plait
et que je fais. »
Malgré moi - Extrait de Choses et autres de Prévert
« Quand les éboueurs font grève,
les orduriers sont indignés »
Extrait de Choses et autres de Prévert
Le roi
– Fais moi rire, bouffon.
Le bouffon
– Sire, votre premier ministre est un imbécile, votre second ministre un idiot, votre troisième ministre un crétin, votre quatrième ministre…
Le roi (saisi d’une grande hilarité)
– Arrête, bouffon, et dis-moi la solution.
Le bouffon
– La solution, Sire : vous êtes le roi des cons.
Charade - Extrait de Choses et autres de Prévert
« L’étoffe des héros est un tissus de mensonges »
« Les prisons trouvent toujours des gardiens. »
Extrait de Choses et autres de Prévert
« La révolution est quelquefois un rêve, la religion est toujours un cauchemar. »
Extrait de Choses et autres de Prévert
On ferme !
Cri du cœur des gardiens du musée homme usé
Cri du cœur à greffer
A rafistoler
Cri d’un cœur exténué
On ferme !
On ferme la Cinémathèque et la Sorbonne avec
On ferme !
On verrouille l’espoir
On cloître les idées
On ferme !
O.R.T.F. bouclée
Vérités séquestrées
Jeunesse bâillonnée
On ferme !
Et sir la jeunesse ouvre la bouche
Par la force des choses
Par les forces de l’ordre
On la lui fait fermer
On ferme !
Mais la jeunesse à terre
Matraquée piétinée
Gazée et aveuglée
Se relève pour forcer les grandes portes ouvertes
Les portes d’un passé mensonger
Périmé
On ouvre !
On ouvre sur la vie
La solidarité
Et sur la liberté de la lucidité.
Mai 68 - Extrait de Choses et autres de Prévert
« Ils ont insulté les vaches
ils ont insulté les gorilles
les poulets
Ils ont insulté les veaux
Ils ont insulté les oies les serins les cochons les maquereaux les chameaux
Ils ont insulté les chiens
Les chats
Ils n’ont pas osé. »
Cataire - Extrait de Choses et autres de Prévert
Le professeur
– Dites ce que vous savez sur le Parthénon.
L’élève
– …
Le professeur
– Zéro !
Un autre élève
– Pourquoi ?
Le professeur
– Comment pourquoi ? Mais parce qu’il reste coi, et s’il reste coi, c’est qu’il ne sait pas.
Le second élève (l’interrompant)
– Je réponds…
Le professeur
– Répondre pour lui, mais vous n’y pensez pas !
Le second élève
– Je ne voulais pas répondre pour lui mais simplement répondre de lui. Je le connais. Et puis vous affirmer que le Parthénon, il sait très bien ce que c’est.
Le professeur
– Alors ?
Le second élève
– Alors, ce qui me surprend c’est que vous ne vous demandez pas pourquoi il ne répond pas.
Le professeur
– Est-ce que je sais !
Le second élève
– En voilà une question !
Le professeur
– Comment une question ?
le second élève
– Parfaitement. Ne venez-vous pas de me demander si je savais pourquoi il se taisait ?
« Est-ce que je sais », n’est-ce pas une question ?
Le professeur
– !!!
Le second élève
– De deux choses l’une ou toutes deux : vous me demandez ou vous vous demandez si vous savez pourquoi il se tait.
Le professeur
– Enfin, voyons, « est-ce que je sais », c’est locution courante, façon de parler.
Le premier élève
– Pourquoi pas alors façon de se taire ? Vous auriez dû comprendre, Monsieur le professeur, que cela fait nombre d’années que vous nous cassez les pieds avec votre questionne-ère (il récite très vite) : l’Acropole est un petit monticule où se dressent encore de merveilleux vestiges de pierres à touristes avec son et lumière. Acropole, Parthénon, temple, église, mosquée, forteresse et poudrière.
Athènes capitale de la Grèce colonisée par les colonels…
Le professeur
– Sortez !
L’élève (sortant)
– Avec plaisir.
Le second élève se lève et prenant la relève du premier, répond à son tour au questionnaire.
Le second élève
(tonnant comme un guide accompagnant les touristes)
– Merveilles de la Grèce, au vingtième siècle après Jésus-Christ et bien d’autres siècles beaucoup plus beaux avant lui.
Visitez les Cyclades qui forment un cercle magique autour de Delos.
N’oubliez pas Yaros et Leros qu’on appelle aujourd’hui les îles infortunées les îles des déportés, des torturés…
Le professeur
– Sortez !
Le second élève
– Avec joie !
Il s’en va.
Histoire ancienne et l’autre - Extrait de Choses et autres de Prévert
Etiquette :
1°) Agiter avant de s’en servir
2°) Ordonner le désordre
3°) Ordonner l’ordre jusqu’à nouvel ordre.
Extrait de Choses et autres de Prévert
« C’est sans doute celui qui n’a jamais pêché qui lui a jeté la première pierre. »
Tourisme pontifical - Extrait de Choses et autres de Prévert
Ordonnance - Extrait de Choses et autres de Prévert
"Ça, c’est l’histoire de France, on vous l’a apprise à l’école,
Y en a qu’une qu’on ne vous a pas apprise.
C’est la vôtre et la nôtre, celle de tous les jours
Y a celle des ouvriers
Y a celle des paysans
Y a celle des étrangers"
Jacques Prévert
Refrain de « Vie de famille »
« Est-ce que c’est une vie
De vivre comme on vit
Pourquoi faire
Cette vie d’enfer
Pourquoi se laisser faire
Non ce n’est pas une vie
De vivre comme nous vivons
Et cette vie, cette vie d’enfer,
C’est nous qui la changerons. »
Jacques Prévert
« A l’école on nous a raconté des histoires
L’histoire de France
Il était une fois un roi et une reine
Ralliez vous à mon panache blanc
Du haut de ces pyramides quarante siècles vous contemplent
Notre histoire à nous
Ce sont les jacqueries, les communes
…. Nos batailles
Les grèves, les insurrections
… Nos défaites
Les répressions
Apprenons notre histoire, camarades
En 1871, première grande victoire du prolétariat
La Commune de Paris
Camarades, c’est vous qui écrivez notre histoire. »
Jacques Prévert
Extrait de « Commémoration de la Commune »
« Braves gens vous pouvez dormir sur vos deux oreilles
Dormez, braves gens, dormez
Mais
Krach… krach …krach
Les banques de New York baissent leur rideau de fer
Les braves gens sont debout, livides, au bas du lit
Qu’est-ce que vous dites, … je suis mal éveillé
La Bourse de New York va fermer
….
Ça va mal.
Le bourgeois pleure des larmes et grince des dents
Il devient de plus en plus méchant…
Il tuerait bien tout le monde pour garder sa maison
Mais il ne peut pas se tuer lui-même
Alors il cherche un homme …
Hitler… Hitler… Hitler
L’homme de paille pour foutre le feu
Le tueur
Le provocateur
…
Et maintenant les quartiers ouvriers
Sont peints couleur de sang
….
Là-bas, c’est Hitler
Et ici
Demain
Si l’ouvrier se laisse faire »
Jacques Prévert :
Extrait de « L’avènement d’Hitler »
Pour faire le portrait d’un oiseau
À Elsa Henriques
« Peindre d’abord une cage
avec une porte ouverte
peindre ensuite quelque chose de joli
quelque chose de simple
quelque chose de beau
quelque chose d’utile pour l’oiseau
placer ensuite la toile contre un arbre
dans un jardin
dans un bois
ou dans une forêt
se cacher derrière l’arbre
sans rien dire
sans bouger...
Parfois l’oiseau arrive vite
mais il peut aussi bien mettre de longues années
avant de se décider
Ne pas se décourager
attendre
attendre s’il le faut pendant des années
la vitesse ou la lenteur de l’arrivée de l’oiseau
n’ayant aucun rapport
avec la réussite du tableau
Quand l’oiseau arrive
s’il arrive
observer le plus profond silence
attendre que l’oiseau entre dans la cage
et quand il est entré
fermer doucement la porte avec le pinceau
puis
effacer un à un tous les barreaux
en ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l’oiseau
Faire ensuite le portrait de l’arbre
en choisissant la plus belle de ses branches
pour l’oiseau peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent
la poussière du soleil et le bruit des bêtes de l’herbe dans la chaleur de l’été
et puis attendre que l’oiseau se décide à chanter
Si l’oiseau ne chante pas c’est mauvais signe
signe que le tableau est mauvais
mais s’il chante c’est bon signe
signe que vous pouvez signer
Alors vous arrachez tout doucement
une des plumes de l’oiseau
et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau. »
J. Prévert, Paroles
Le défilé
C’est l’anniversaire de l’armistice 18 et c’est aussi celui de Charles Baudelaire. Aussi la musique militaire depuis Vincennes jusqu’à la République, verse-t-elle l’héroïsme au cœur des citadins.
Pour célébrer la paix, on fait fête à la guerre.
Précédant les chars de l’Etat, des gendarmes imberbes déguisés en poilus de 14, en soldats inconnus, en fusillés de 17, les uns en rouge jusqu’à la ceinture, les autres bleu horizon de la tête aux pieds, marquent le pas.
C’est comme la Mi-Carême, ou le Mardi-Gras d’autrefois : des chars, des travestis, une vraie chienlit, mais les serpentins et les confetti sont interdits.
Le défilé – Choses et autres –Jacques Prévert
« En argot les hommes appellent les oreilles des feuilles
c’est dire comme ils sentent que les arbres connaissent la musique
mais la langue verte des arbres est un argot bien plus ancien
Qui peut savoir ce qu’ils disent lorsqu’ils parlent des humains
les arbres parlent arbre
comme les enfants parlent enfant
’Quand un enfant de femme et d’homme
adresse la parole à un arbre
l’arbre répond
l’enfant entend
Plus tard l’enfant
parle arboriculture
avec ses maîtres et ses parents
Il n’entend plus la voix des arbres
il n’entend plus leur chanson dans le vent
pourtant parfois une petite fille
pousse un cri de détresse
dans un square de ciment armé
d’herbe morne et de terre souillée
Est-ce… oh… est-ce
la tristesse d’être abandonnée
qui me fait crier au secours
ou la crainte que vous m’oubliiez
arbre de ma jeunesse
ma jeunesse pour de vrai
Dans l’oasis du souvenir
une source vient de jaillir
est-ce pour me faire pleurer
J’étais si heureuse dans la foule
la foule verte de la forêt
avec la crainte de me perdre
et la crainte de me retrouver
N’oubliez pas votre petite amie
arbres de ma forêt. »
“Les arbres parlent arbre” - citation d’un texte de Prévert extrait du recueil Arbres (1956).
Jacques Prévert, poète et révolutionnaire
D’autres textes de Jacques Prévert
Prévert et le groupe Octobre
De 1932 à 1936, Jacques Prévert a écrit pour le groupe Octobre des pièces, des sketches, des saynètes, des chansons et des choeurs parlés (textes dits à plusieurs voix), dans lesquels il met en scène les puissants de ce monde (les politiciens dans La Bataille de Fontenoy, les souverains dans :
Un drame à la cour, ou Le gâteau de Marina, les industriels dans Citroën, la bourgeoisie dans La Famille Tuyau de Poêle, l¿Eglise avec Conte de Noël),
soulignant leurs travers et leurs ridicules, leurs égoïsmes et leurs manigances.
Mais au-delà de la caricature, Prévert appelle le peuple à faire son théâtre. Ce que dénonce le principal auteur du groupe Octobre (dont font notamment partie Pierre Prévert, son frère, Raymond Bussières, Sylvia Bataille, Maurice Baquet, Paul Grimault, etc.), c’est en effet l’art bourgeois en général, et le théâtre bourgeois en particulier. En s’adressant au public, Prévert l’incite à se servir des mots. Parce qu’il sait que réinventer l’art, c’est réinventer la vie, et inversement.
A l’occasion du trentième anniversaire de la mort de Jacques Prévert, et en écho à la publication en mai 2007 chez Gallimard du livre Octobre. Sketches et choeurs parlés pour le groupe Octobre (1932-1936), réunis et commentés par André Heinrich, recueil rassemblant les textes de Prévert pour Octobre connus à ce jour, la plupart rares ou inédits, France Culture propose d’entendre un certain nombre de ces pièces, mises en ondes par Myron Meerson.
Des courtes pièces ou sketches : "La tête sur les épaules", "Attention Camarades", "Citroën", "Printemps-été 36", "Famille Tuyau de Poêle", "Mange ta soupe", "L’homme sur le banc", "Le sandwich", "Il ne faut pas rire avec ces gens-là", "Pars à la guerre", "Le visiteur inattendu", ponctués par des chansons : "Marche ou crève", "A la belle étoile", "Histoire du cheval", "C’est un mauvais garçon", "Les gars de la marine", "La pêche à la baleine", "Le tendre et dangereux visage de l’amour", "Et puis après", et éclairés par les propos d’André Heinrich, qui vient de préfacer et de commenter la publication de ces textes chez Gallimard.
Messages
1. Poésie de Jacques Prévert, 11 mars 2013, 08:06, par RP
Victor Hugo :
“ Le poète dans les révolutions ”
Le vent chasse loin des campagnes
Le gland tombé des rameaux verts ;
Chêne, il le bat sur les montagnes ;
Esquif, il le bat sur les mers.
Jeune homme, ainsi le sort nous presse.
Ne joins pas, dans ta folle ivresse,
Les maux du monde à tes malheurs ;
Gardons, coupables et victimes,
Nos remords pour nos propres crimes,
Nos pleurs pour nos propres douleurs.
Quoi ! mes chants sont-ils téméraires ?
Faut-il donc, en ces jours d’effroi,
Rester sourd aux cris de ses frères !
Ne souffrir jamais que pour soi !
Non, le poète sur la terre
Console, exilé volontaire,
Les tristes humains dans leurs fers ;
Parmi les peuples en délire,
Il s’élance, armé de sa lyre,
Comme Orphée au sein des enfers.
" Orphée aux peines éternelles
Vint un moment ravir les morts ;
Toi, sur les têtes criminelles,
Tu chantes l’hymne du remords.
Insensé ! quel orgueil t’entraîne ?
De quel droit viens-tu dans l’arène
Juger sans avoir combattu ?
Censeur échappé de l’enfance,
Laisse vieillir ton innocence,
Avant de croire à ta vertu.
Quand le crime, Python perfide,
Brave, impuni, le frein des lois,
La Muse devient l’Euménide,
Apollon saisit son carquois.
Je cède au Dieu qui me rassure ;
J’ignore à ma vie encor pure
Quels maux le sort veut attacher ;
Je suis sans orgueil mon étoile ;
L’orage déchire la voile
La voile sauve le nocher.
" Les hommes vont aux précipices.
Tes chants ne les sauveront pas.
Avec eux, loin des cieux propices,
Pourquoi donc égarer tes pas ?
Peux-tu, dès tes jeunes années,
Sans briser d’autres destinées,
Rompre la chaîne de tes jours ?
Épargne ta vie éphémère :
Jeune homme, n’as-tu pas de mère ?
Poète, n’as-tu pas d’amours ? "
Eh bien, à mes terrestres flammes,
Si je meurs, les cieux vont s’ouvrir.
L’amour chaste agrandit les âmes,
Et qui sait aimer sait mourir.
Le poète, en des temps de crime,
Fidèle aux justes qu’on opprime,
Célèbre, imite les héros ;
Il a, jaloux de leur martyre,
Pour les victimes une lyre,
Une tête pour les bourreaux.
" On dit que jadis le poète,
Chantant des jours encor lointains,
Savait à la terre inquiète
Révéler ses futurs destins.
Mais toi, que peux-tu pour le monde ?
Tu partages sa nuit profonde ;
Le ciel se voile et veut punir ;
Les lyres n’ont plus de prophète,
Et la Muse, aveugle et muette,
Ne sait plus rien de l’avenir !
Le mortel qu’un Dieu même anime
Marche à l’avenir, plein d’ardeur ;
C’est en s’élançant dans l’abîme
Qu’il en sonde la profondeur.
Il se prépare au sacrifice ;
Il sait que le bonheur du vice
Par l’innocent est expié ;
Prophète à son jour mortuaire,
La frison est son sanctuaire,
Et l’échafaud est son trépied.
" Que n’est-tu né sur les rivages
Des Abbas et des Cosroës,
Aux rayons d’un ciel sans nuages,
Parmi le myrte et l’aloès !
Là, sourd aux maux que tu déplores,
Le poète voit ses aurores
Se lever sans trouble et sans pleurs ;
Et la colombe, chère aux sages,
Porte aux vierges ses doux messages
Où l’amour parle avec des fleurs !
Qu’un autre au céleste martyre
Préfère un repos sans honneur !
La gloire est le but où j’aspire ;
On n’y va point par le bonheur.
L’alcyon, quand l’océan gronde,
Craint que les vents ne troublent l’onde
Où se berce son doux sommeil ;
Mais pour l’aiglon, fils des orages,
Ce n’est qu’à travers les nuages
Qu’il prend son vol vers le soleil !
2. Poésie de Jacques Prévert, 11 mars 2013, 08:16
Lire aussi : Benjamin Péret, poète et révolutionnaire, Ici
3. Poésie de Jacques Prévert, 13 juin 2013, 21:47, par RP
Lire aussi crosse en l’air
4. Poésie de Jacques Prévert, 30 août 2013, 19:35
Tu dis que tu aimes les fleurs,
tu les coupes.
Tu dis que tu aimes les poissons,
tu les manges.
Tu dis que tu aimes les oiseaux,
tu les mets en cage.
Quand tu me dis "Je t’aime",
j’ai peur...
Jacques Prévert
1. Poésie de Jacques Prévert, 12 juillet 2014, 10:37, par Johnny
Etes- vous bien sur qu’il s’agisse d’un poeme de Prevert ? Savez-vous dans quel recueil il a paru ? Merci.
2. Poésie de Jacques Prévert, 12 juillet 2014, 11:04, par Robert Paris
Dans Jacques Prévert 1900-1977.
5. Poésie de Jacques Prévert, 9 juin 2014, 12:39
LE DISCOURS SUR LA PAIX
Vers la fin d’un discours extrêmement important
le grand homme d’État trébuchant
sur une belle phrase creuse
tombe dedans
et désemparé la bouche grande ouverte
haletant
montre les dents
et la carie dentaire de ses pacifiques raisonnements
met à vif le nerf de la guerre
la délicate question d’argent
6. Poésie de Jacques Prévert, 30 novembre 2014, 10:52
"Un poète a écrit un jour, je cite, - il ne faut pas laisser les intellectuels jouer avec les allumettes -"
"je le connais ?"
"je serai étonné du contraire... même les enfants le connaissent, du moins en France"
"il doit être de notre époque"
"à quoi le vois-tu ?"
"les allumettes, c’est récent"
"pas du tout... le mot « allumette » date des environs de l’an 1200 pour désigner une petite bûche destinée à faire prendre le feu... et c’est au début du XIXe siècle que l’on verra pour la première fois une allumette produire une flamme en un seul temps, par réaction chimique ou par frottement"
"sauf que dans ce vers, le poète fait référence aux intellectuels"
"et alors... il y en a eu à toutes les époques, même les plus reculées..."
"oui mais, jusqu’à une époque récente, les intellectuels étaient plutôt bien vus..."
"que veux-tu dire ?"
"je veux dire que ce vers incite à une certaine méfiance à leur égard, le poète dit - il ne faut pas... -, ça sonne comme un appel à la vigilance... il semble dire, attention, ils sont dangereux..."
"perspicace analyse !"
"et puis le poète dénonce leur inconscience"
"qu’est-ce qui te fait dire ça ?"
"il dit que les intellectuels, je cite, - jouent avec les allumettes... il semble vouloir signifier qu’ils ne sont pas conscients du danger..."
"quel est ce danger ?"
"le feu, bien sûr !"
"n’exagère-t-il pas un petit peu ?"
"attention... t’as dit que c’est un poète..."
"et alors ?"
"nous sommes dans la symbolique"
"mais encore ?"
"les allumettes pourraient être n’importe quelle autre chose susceptible d’être à l’origine du feu..."
"comme quoi ?"
"les armes"
"oui mais pourquoi cette mise en garde spécifique vis-à-vis plus des intellectuels qui ne manipulent pas d’armes ?"
"toujours la symbolique"
"je ne comprends pas"
"les idées peuvent parfaitement être des armes très redoutables... à mon avis, le poète lance-là un appel contre les idées source de conflits et de guerres... il ne se trompe pas en spécifiant les intellectuels puisque ce sont eux qui, de par leur activité professionnelle, manipulent exclusivement des idées... comme les scientifiques, les écrivains, les philosophes, les journalistes..."
"je suis ébahi par ta perspicacité"
"de plus, il doit être français"
"comment t’as deviné ?"
"t’as dit qu’il était connu des enfants en ajoutant, je cite, du moins en France..."
"c’est juste... c’est un poète français..."
"il a certainement vécu les horreurs d’une guerre"
"c’est juste"
"ça doit être un grand poète"
"pourquoi ?"
"parce qu’il a vu venir les intellectuels d’aujourd’hui, je veux dire ceux de nos jours... ceux qui rampent sur les marches du pouvoir... et jouent avec les allumettes... je ne vois qu’un poète capable d’une si grande prouesse..."
"c’est-à-dire ?"
"capable de porter une si profonde critique avec de si simples mots, si simples, qu’on peut se permettre de les apprendre aux enfants... "
"c’est qui ?"
"c’est Prévert !"
"oui"
"il a aussi écrit quelle connerie la guerre !... et là, pas besoin d’analyse... tout le monde peut comprendre, sauf peut-être des intellectuels"
"... !?"
7. Poésie de Jacques Prévert, 30 novembre 2014, 10:53
Il ne faut pas...
( Jacques Prévert, 1946 )
Il ne faut pas laisser les intellectuels jouer avec les allumettes
Parce que Messieurs quand on le laisse seul
Le monde mental Messieurs
N’est pas du tout brillant
Et sitôt qu’il est seul
Travaille arbitrairement
S’érigeant pour soi-même
Et soi-disant généreusement en l’honneur des travailleurs du bâtiment
Un auto-monument
Répétons-le Messssssieurs
Quand on le laisse seul
Le monde mental
Ment
Monumentalement.
8. Poésie de Jacques Prévert, 30 novembre 2014, 10:55
Il faut essayer d’être heureux ne serait-ce que pour donner l’exemple. (Jacques Prévert)
9. Poésie de Jacques Prévert, 30 novembre 2014, 11:06
La belle vie
Dans les ménageries
Il y a des animaux
Qui passent toute leur vie
Derriére des barreaux
Et nous on est des frères
De ces pauvres bestieaux
On n’est pas à plaindre
On est à blâmer
On s’est laissé prendre
Qu’est-ce qu’on avait fait
Enfants des corridors
Enfants des courant d’air
Le monde nous a foutus dehors
La vie nous a foutus en l’air
Notre mère c’est la misère
Et notre père le bistrot
Élevés dans des tiroirs
En guise de berceau
On nous a laissés choir
Tous nus dans le ruisseau
Dès notre plus jeune âge
Parqués dans les prisons
Nous dormons dans des cages
Et nous tournons en rond
Sans voir le paysage
Sans chanter de chansons
On n’est pas à plaindre
On est à blâmer
On s’est laissé prendre
Qu’est-ce qu’on avait fait
Enfants des corridors
Enfants des courants d’air
Le monde nous a foutus dehors
La vie nous a foutus en l’air.
Jacques Prévert
10. Poésie de Jacques Prévert, 30 novembre 2014, 11:26
– Vous l’avez vu dans les journaux
– Vous l’avez sûrement vu, son portrait
– Quel portrait ?
– Mais le portrait du gâteau des noces de la Princesse Marina !
Un gâteau de trois mètres de haut
Depuis longtemps dans le monde on n’avait pas vu un gâteau comme ça…
[…]
– En Espagne
Dans les Asturies
C’est la révolution
Les mineurs rouges se battent et meurent
Pour la terre
Pour le pain
Pour la liberté
– Qu’est ce que c’est que les Asturies
Des petites montagnes de rien du tout !
Qu’est ce que c’est, la terre ?
Qu’est ce que c’est, la liberté ?
Qu’est ce que c’est, le pain ?
PARLEZ-MOI PLUTÔT DU MAGNIFIQUE GÂTEAU DE NOCES
DE LA PAUVRE PETITE PRINCESSE MARINA
UN GÂTEAU DE TROIS MÈTRES DE HAUT !!!
il paraît qu’en le voyant
Les marcheurs de la faim eux-mêmes
se sont arrêtés de marcher […]
Pauvres, remerciez le roi et la petite Princesse
et tous les grands banquiers de la ville
qui vous ont permis de contempler une telle merveille…
11. Poésie de Jacques Prévert, 1er décembre 2014, 16:43
La grasse matinée
Il est terrible
le petit bruit de l’oeuf dur cassé sur un comptoir d’étain
il est terrible ce bruit
quand il remue dans la mémoire de l’homme qui a faim
elle est terrible aussi la tête de l’homme
la tête de l’homme qui a faim
quand il se regarde à six heures du matin
dans la glace du grand magasin
une tête couleur de poussière
ce n’est pas sa tête pourtant qu’il regarde
dans la vitrine de chez Potin
il s’en fout de sa tête l’homme
il n’y pense pas
il songe
il imagine une autre tête
une tête de veau par exemple
avec une sauce de vinaigre
ou une tête de n’importe quoi qui se mange
et il remue doucement la mâchoire
doucement
et il grince des dents doucement
car le monde se paye sa tête
et il ne peut rien contre ce monde
et il compte sur ses doigts un deux trois
un deux trois
cela fait trois jours qu’il n’a pas mangé
et il a beau se répéter depuis trois jours
Ça ne peut pas durer
ça dure
trois jours
trois nuits
sans manger
et derrière ce vitres
ces pâtés ces bouteilles ces conserves
poissons morts protégés par les boîtes
boîtes protégées par les vitres
vitres protégées par les flics
flics protégés par la crainte
que de barricades pour six malheureuses sardines..
Un peu plus loin le bistrot
café-crème et croissants chauds
l’homme titube
et dans l’intérieur de sa tête
un brouillard de mots
un brouillard de mots
sardines à manger
oeuf dur café-crème
café arrosé rhum
café-crème
café-crème
café-crime arrosé sang !...
Un homme très estimé dans son quartier
a été égorgé en plein jour
l’assassin le vagabond lui a volé
deux francs
soit un café arrosé
zéro franc soixante-dix
deux tartines beurrées
et vingt-cinq centimes pour le pourboire du garçon.
Jacques Prévert
12. Poésie de Jacques Prévert, 2 décembre 2014, 21:25
Déjeuner du matin
13. Poésie de Jacques Prévert, 3 décembre 2014, 09:06
« Et les vitres redeviennent sable l’encre redevient eau les pupitres redeviennent arbres la craie redevient falaise le porte-plume redevient oiseau. »
Jacques Prévert
14. Poésie de Jacques Prévert, 3 décembre 2014, 11:09
Ne rêvez pas
Prévert
15. Poésie de Jacques Prévert, 7 décembre 2014, 19:06
Jacques Prévert :
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu’es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d’acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien encore vivant
Oh Barbara
Le crépuscule est lâché sur le ciel des hommes,
Que n’arrêtera jamais le plus beau des psaumes.
Sous l’azur éteint, les cris et la déraison,
L’oiseau aveuglé cherche la belle saison,
Le creux d’un olivier et sa tunique verte,
Près d’une femme obstinée, ses paumes ouvertes.
Mais les ombres crucifient le rêve et l’envie,
Dans les sillons naufragés, du sang est servi.
Quand tiennent le haut du pavé les gens de guerre,
Nous, peuples soumis, nous leur offrons notre terre.
Pendant la fameuse glorieuse dernière avant-dernière grande guerre
Le président Poincaré rigolait dans les cimetières
Oh ! Pas aux éclats naturellement
Un petit rire discret
Un petit gloussement
Un rire d’homme du monde
Un joyeux rire d’outre-tombe
La mère fait du tricot
Le fils fait la guerre
Elle trouve ça tout naturel la mère
Et le père qu’est-ce qu’il fait le père ?
Il fait des affaires [...]
Et le fils et le fils
Il ne trouve absolument rien le fils [...]
Le père continue il fait des affaires
Le fils est tué il ne continue plus
Le père et la mère vont au cimetière
Ils trouvent ça tout naturel le père et la mère
La vie continue la vie avec le tricot la guerre les affaires
Les affaires la guerre le tricot la guerre
Les affaires les affaires et les affaires
La vie avec le cimetière.
16. Poésie de Jacques Prévert, 14 décembre 2014, 16:31, par Robert Paris
Je vous salis, ma rue
17. Poésie de Jacques Prévert, 14 janvier 2015, 12:51
« Êtranger vous-même,
dit l’âne.
Et il s’envole. »
Jacques Prévert
18. Poésie de Jacques Prévert, 14 octobre 2016, 04:07
Il dit non avec la tête
mais il dit oui avec le coeur
il dit oui à ce qu’il aime
il dit non au professeur
il est debout
on le questionne
et tous les problèmes sont posés
soudain le fou rire le prend
et il efface tout
les chiffres et les mots
les dates et les noms
les phrases et les pièges
et malgré les menaces du maître
sous les huées des enfants prodiges
avec des craies de toutes les couleurs
sur le tableau noir du malheur
il dessine le visage du bonheur
Jacques Prévert
19. Poésie de Jacques Prévert, 29 juillet 2017, 22:18, par Habibob
J’ai appris par coeur tous tes poèmes sauvages qui m’ont à leur tour montré cette partie exceptionnelle de la France et de toute l’humanité.