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A un camarade …

samedi 22 juin 2013, par Robert Paris

« La nature et l’art ont fait la nique à tous ceux qui se complaisent à subdiviser le domaine du savoir et du sentir en forteresses voisines, séparées et hostiles. »

Benoît B. Mandelbrot dans la préface d’ « Universalités et fractales » de Bernard Sapoval

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La nature en révolution

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Je dédie ce texte à un camarade pour qui la révolution nécessite conscience de classe, dévouement et détermination, mais qui ne ressent pas le besoin, dans le combat politique, de s’approprier la pensée scientifique et philosophique. Je réponds à quelques unes de ses interrogations, en espérant le convaincre que la révolution a autant de rapport avec la science, la philosophie et l’art qu’avec l’économie, la politique et l’histoire. La révolution, explosion libératoire de toute oppression, est autant poésie, roman, théâtre et peinture qu’histoire, économie et sciences, du domaine des sentiments autant que des faits objectifs. Il s’agit de conscience collective des opprimés autant que d’organisation politique des révolutionnaires.

Quel lien entre sciences et transformation de la société ?

« Une révolution est un phénomène purement naturel qui obéit davantage à des lois physiques qu’aux règles qui déterminent en temps ordinaire l’évolution de la société. Ou plutôt, ces règles prennent dans la révolution un caractère qui les rapproche beaucoup plus des lois de la physique, la force matérielle de la nécessité se manifeste avec plus de violence. »
Friedrich Engels

Extrait d’une lettre à Karl Marx du 13 février 1851

"Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas arbitrairement, dans des conditions choisies par eux ; ils la font dans des conditions directement données et héritées du passé."
Karl Marx

dans "le 18 brumaire de Louis Bonaparte.

Quel lien entre physique et sciences sociales ?

« Le monde humain est semblable au monde naturel : il faut étudier les événements comme on étudie les phénomènes et on découvre les forces motrices en tâtonnant, comme le font les physiciens. »
Le poète et philosophe Giacomo Leopardi dans « Essai sur les erreurs populaires des anciens ».

Le physicien Werner Heisenberg
Dans « La partie et le tout, Le monde de la physique atomique » :

« La science est faite par les hommes. Ce fait, évident en soi, est facilement oublié ; il peut être utile de le rappeler, car cela pourrait contribuer à combler le fossé, dont on se plaint si souvent, entre deux types de culture : la culture littéraire et artistique, d’une part, la culture scientifique et technique de l’autre. »

Les exemples d’interconnexion sont nombreux. Ainsi, la physique statistique de Bernoulli est née d’un rapprochement entre physique et démographie, et le darwinisme d’une rencontre entre sélection naturelle et sociologie malthusienne.

Quel pont entre les sciences et l’économie ?

Le numéro un de la revue de vulgarisation du CNRS sur les sciences de la matière, intitulée « Elémentaire », rapporte : « On peut remarquer qu’en 1900 le mathématicien L. Bachelier avait, dans un tout autre contexte, obtenu la loi du mouvement brownien (agitation des molécules) dans une thèse intitulée « la théorie de la spéculation. (...) Le prix d’une action évolue en effet, à la suite des mouvements à la baisse ou bien à la hausse, causés par de nombreux possesseurs d’actions. En 1912, (le physicien) Jean Perrin en dessina la trajectoire (...). Il obtint une ligne brisée, sans direction privilégiée. En fait, même si on augmente la fréquence des mesures, on trouve toujours une trajectoire ayant la même complexité. » C’était la découverte de la première fractale, type de figure que l’on retrouve dans de multiples phénomènes. Les fractales allaient largement dépasser les limites de l’économie et de la physique. Le physicien Benoît Mandelbrot est bien connu pour avoir développé la physique fractale, mais il l’est moins pour avoir étudié la courbe des prix du coton (une fractale) avant de devenir un spécialiste du domaine des fractales en physique et, enfin, de revenir à des études d’économie. Mandelbrot avait découvert une image de l’évolution des cours du coton dans laquelle les grands événements s’intègrent dans la même logique que les petits. Cette logique a connu une large extension avec les phénomènes physiques dits auto-organisés, comme le rappelle le physicien Per Bak dans plusieurs ouvrages dont « Quand la nature s’organise ».

Quel pont entre sciences et philosophie ?

« Les résultats de la recherche scientifique nécessitent très souvent un changement dans la conception philosophique des problèmes qui s’étend au delà du domaine restreint de la science. (...) Les généralisations philosophiques doivent être fondées sur les résultats scientifiques. Une fois formées et largement acceptées, elles influencent très souvent le développement ultérieur de la pensée scientifique en indiquant, entre les nombreux procédés possibles, celui qu’il faut suivre. » répondait le physicien Albert Einstein dans « L’évolution des idées en physique ».

Quelle passerelle entre l’art et la révolution ?

« L’art véritable, c’est-à-dire celui qui ne se contente pas de variations sur des modèles tout faits mais s’efforce de donner une expression aux besoins intérieurs de l’homme et de l’humanité d’aujourd’hui, ne peut pas ne pas être révolutionnaire, c’est-à-dire ne pas aspirer à une reconstruction complète et radicale de la société, ne serait-ce que pour affranchir la création intellectuelle des chaînes qui l’entravent et permettre à toute l’humanité de s’élever à des hauteurs que seuls des génies isolés ont atteintes dans le passé. En même temps, nous reconnaissons que seule la révolution sociale peut frayer la voie à une nouvelle culture. Si, cependant, nous rejetons toute solidarité avec la caste actuellement dirigeante en URSS, c’est précisément parce qu’à nos yeux elle ne représente pas le communisme, mais en est l’ennemi le plus perfide et le plus dangereux. » écrivaient André Breton, Diego Rivera et Léon Trotsky dans l’appel « Pour un art révolutionnaire indépendant ».

Quel lien entre art et sciences ?

Le physicien Simon Diner, dans "Etat des lieux publics", écrit : "Pouvoir séparément parler d’Art et parler de Science est la marque d’une époque qui vit des dichotomies profondes et des dualismes stériles."

Le physicien et biologiste Léo Szilard écrit : « Le scientifique créatif a beaucoup en commun avec l’artiste et le poète. Il doit faire preuve de pensée logique et de capacité d’analyse, mais c’est loin d’être suffisant pour faire un travail créatif. Les idées nouvelles qui ont conduit à de grandes percées n’ont pas été déduites logiquement des connaissances préexistantes : les processus créatifs, sur lesquels repose le progrès scientifique, opèrent à un niveau inconscient. »
L Szilard et W Lanouette dans « Genius in the shadows »

« L’histoire en général, et plus particulièrement l’histoire des révolutions, est toujours plus riche de contenu, plus variée, plus multiforme, plus vivante, « plus ingénieuse » que ne le pensent les meilleurs partis, les avant-gardes les plus conscientes des classes les plus avancées. Et cela se conçoit, puisque les meilleures avant-gardes expriment la conscience, la volonté, la passion, l’imagination de dizaines de milliers d’hommes, tandis que la révolution est … l’œuvre de la conscience, de la volonté, de la passion et de l’imagination de dizaines de millions d’hommes aiguillonnés par la plus âpre lutte des classes. » Lénine
dans « La maladie infantile du communisme »

« J’ignore où se livrera le combat entre le vieux monde et le nouveau, mais peu importe : j’y serai. Que ce soit à Rome, à Berlin, à Moscou, je n’en sais rien, j’irai et sans doute bien d’autres aussi. Et quelque part que ce soit, l’étincelle gagnera le monde ; les foules seront debout, prêtes à secouer les vermines de leurs crinières de lions. »
Louise Michel
dans ses « Mémoires »

Art et mathématiques

Messages

  • Cohen-Tannoudji dans « Matière-Espace-Temps » :

    « Assurément, une théorie, pour être reconnue, doit s’appuyer sur une concordance des prédictions avec les faits expérimentaux et participer de la tendance à s’affranchir des idées fausses qui caractérise le mouvement de la connaissance. Mais elle doit aussi emporter l’adhésion par la beauté conceptuelle et l’harmonie qu’elle inspire dans sa formulation. Dans cette formulation même, souvent abstraite, les physiciens s’emploient à utiliser un langage imagé, parfois purement symbolique et évocateur : la beauté, le charme, la couleur des quarks, la liberté asymptotique, l’expansion de l’univers, les fluctuations quantiques du vide. Ces mots, certes, désignent des concepts bien précis mais stimulent aussi un imaginaire toujours éveillé chez le physicien comme chez le poète. »

  • Stephen Jay Gould dans « Il n’y a pas de science sans imagination » (publié dans l’ouvrage « Antilopes, dodos et coquillages ») :

    « Personne n’a jamais accusé Francis Bacon d’excès de modestie, mais lorsque le Lord Chancellor anglais proclama sa « grande instauration » de la compréhension humaine et fit serment d’embrasser toutes les formes du savoir, l’objectif ne sembla pas d’une arrogance ridicule face à la compétence et la longévité d’un grand penseur de l’époque shakespearienne. Mais depuis l’explosion du savoir et sa fragmentation en disciplines aux frontières sans cesse plus rigides et jalousement gardées, le fébrile savant qui tente de toucher à plus d’un domaine est devenu un objet de suspicion – un prétentieux polymorphe (« touche-à-tout et bon à rien », pour reprendre le vieux cliché), ou un dilettante gênant qui cherche à imposer, dans un domaine qui lui est étranger, les méthodes de son réel savoir-faire à des sujets inadéquats dans un univers différent…

    La plupart des intellectuels sont favorables à un dialogue entre les sciences et les arts. Mais ils admettent également que ces deux domaines du savoir sont aux antipodes l’un de l’autre, et qu’un tel dialogue ne peut s’établir que sur la base de contacts diplomatiques entre adversaires. Au mieux espèrent-ils dissiper les stéréotypes, devenir amis (ou du moins neutres), et faire ainsi abstraction de leurs différences réelles pour s’unir temporairement et résoudre quelques problèmes plus généraux exigeant une action commune de tous les gens cultivés.

    Au sein de ces deux domaines, la perception de « l’autre » est encore régie par des stéréotypes – des images fondées sur quelque chose qui est à peine plus qu’une ignorance et un esprit de clocher, mais qui n’est pas pour autant sans pouvoir… Loin de moi l’idée de vouloir créer une union artificielle lors d’agapes de circonstance. Ces deux domaines diffèrent réellement par leurs préoccupations et leurs modes de validation… Mais nombre de ceux qui, comme moi, travaillent dans ces deux domaines (ne serait-ce qu’en amateur dans l’un des deux), ont le réel sentiment qu’une unité d’esprit primordiale crée entre l’art et la science une similitude plus profonde que la division associée à la disparité de leurs sujets d’étude… Si nous ne reconnaissons pas l’existence de caractéristiques et préoccupations communes à toute activité créatrice, nous passons à côté de plusieurs importants aspects de l’excellence – et parmi eux la nécessaire interaction entre l’imagination et l’observation (entre la théorie et l’empirisme) au niveau intellectuel, et la convergence de la beauté et du factuel au niveau psychologique – car chacun de ces deux domaines minimise traditionnellement un aspect de cette nécessaire dualité.

    En outre, pour étudier et comprendre les universaux sous-jacents à la diversité de nos activités, nous devons utiliser la méthode de « réplication par-delà les différences ». Je ne vois pas de meilleur moyen pour identifier ces universaux que l’étude des similitudes profondes des procédures intellectuelles intervenant en art et en science…

    Nabokov, à la fois grand romancier et grand taxinomiste des papillons, lors d’une interview donnée en 1966, brisa les frontières entre l’art et la science en déclarant : « Il n’y a pas de science sans imagination comme il n’y a pas d’art sans faits ».

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