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La contribution de Jean-Louis Roche

jeudi 27 juin 2013, par Robert Paris

Messages

  • Pour répondre au sympathique compte-rendu critique de Jean-Louis sur l’assemblée ouverte initiée par VDT

    Commençons par la fin de son commentaire : pas de conclusion, pas de synthèse, pas d’avancée ? Eh bien oui, la seule avancée est celle qu’il signale, nous avons pu confronter radicalement nos points de vus sans anathèmes. Nous n’allons pas signer ensemble un texte de compromis. Nous n’allons pas lancer un appel ensemble. Nous n’allons pas fusionner aujourd’hui ni sur un plan ni sur plusieurs. Nous n’allons pas conclure à la place des participants. Le but, comme il le constate, est politique et pas partidaire. Nous voulons tâcher de comprendre et, pour cela, nous avons absolument besoin de confronter, ce que les « grands groupes » ne proposent pas.

    Cette nécessité de confronter est celle de la science. Certains s’imaginent que la science conclue mais cela est faux. Les accords des scientifiques sont très partiels et momentanés et tous ceux qui ont eu l’occasion de côtoyer la science savent qu’elle est faite d’interrogations plus que de réponses définitives.

    Jean-Louis pense que nous avons comme souci de regrouper des militants épars. Pas du tout ! Grouper n’est pas notre but mais faire dialoguer oui ! Et dialoguer nécessite qu’on n’attribue pas l’autorité à qui que ce soit sur quelque question que ce soit ! C’est pour cela que VDT nécessite de n’être pas un groupe pour le moment. Nous estimons que ce qui correspond à notre préoccupation est de chercher des orientations et pas à grouper. Cela ne nous empêche pas de militer ensemble mais ce n’est pas un but en soi. Pas plus que le but de l’homme serait de manger ! Certains groupes comme la Fraction ne nous croit pas et dit que « nous prétendons ne pas être un groupe ». La prétention, voilà une accusation digne de nos origines à LO, une accusation moraliste ! Nous essayons d’expliquer nos préoccupations et certains ne les comprennent pas et nous proposent d’ « unifier nos groupes » !

    Jean-Louis a-t-il raison de dire que la politique de l’antifascisme pur est mensongère et dangereuse ? Certainement ! Mais, contrairement à ce qu’il à l’air de croire, telle n’est nullement la position de Trotsky ni … la nôtre ! Nous n’appelons pas à la simple « unité antifasciste » qui prétend couvrir la gauche ou la bourgeoisie du voile démocratique ! Nous ne prétendons pas qu’on peut combattre le fascisme avec les démocrates bourgeois et rien que dans le tract de VDT qu’il cite nous écrivons explicitement le contraire !

    Mais, là où nous sommes complètement en désaccord, c’est sur la signification de ce qu’est le fascisme. Selon nous, ce qui caractérise le fascisme, c’est la nécessité pour la classe dirigeante de mobiliser massivement des couches populaires et petites bourgeoises non prolétarienne contre le prolétariat. La marche à la guerre ne peut en être séparée dans les cas classiques, italien et allemand, car la guerre mondiale est nécessaire pour faire face aux risques de révolution prolétarienne. Il ne s’agit pas de buts purement économiques ou étatiques. Il s’agit de buts de guerre de classe.

    Quand le système est profondément déstabilisé, les couches sociales qui étaient les piliers essentiels de l’ordre bourgeois, couches moyennes, jeunesse, lumpenprolétariat, bandits, assassins du pouvoir ou hors du pouvoir, membres de l’appareil d’Etat n’ont plus confiance dans la démocratie bourgeoise et lui deviennent violemment hostiles mais en même temps hostiles au prolétariat et au communisme.

    Le fascisme est le moyen de faire en sorte que la révolte de ces couches sociales, loin de tourner contre le système capitaliste et d’appuyer le rôle révolutionnaire du prolétariat, agisse en sens exactement inverse : vers l’écrasement de toute forme d’organisation ouvrière et démocratique.

    Le fascisme n’est pas comme n’importe quelle dictature bourgeoise. Ce n’est pas la même chose d’avoir une répression violente policière et militaire que d’avoir au sein même des masses populaires des représentants d’un appareil de masse de répression.

    Nous sommes hypnotisés par des risques fascistes imaginaires ?

    Pourtant nous n’imaginons pas que le système capitaliste ne repart pas, ne relance pas ses investissements privés, que les couches petites bourgeoises se révoltent, entraînent des mouvements mondiaux.

    Pour le moment, ce n’est pas le prolétariat qui menace le système, c’est lui-même qui s’effondre sur ces propres bases et la petite bourgeoisie, la jeunesse faisaient partie de ces bases.

    Ce qui manque au prolétariat, c’est la conscience de son rôle dans ces événements. Faut-il lui dire que ces révoltes et révolutions ne le concernent pas parce qu’elles ne seraient pas prolétariennes ou faut-il faire en sorte que le prolétariat apparaisse comme l’aile dirigeante de la révolution ?

    C’est là que se placent nos préoccupations dans les luttes actuelles : faire en sorte que les travailleurs s’auto-organisent, discutent eux-mêmes de leurs revendications afin que celles-ci deviennent un programme de combat contre le système dominant, afin que les prolétaires prennent conscience au cours de leur action de leur rôle social et politique. Les revendications et méthodes d’action doivent, selon nous, être déterminés par ces buts… Il ne s’agit pas du « discours classique sur les revendications unificatrices ». Nous ne prétendons pas que notre manière de commenter les aspirations des travailleurs vont les amener un beau jour à nous suivre en reprenant nos revendications. Nous voulons seulement nous battre pour une politique de classe dans les luttes ouvrières.

    Ainsi, quand nous avançons partout où nous le pouvons, ce n’est pas parce que le mouvement spontané des comités naitra de nos initiatives. C’est une manière de mener dès maintenant le combat sur la base de nos idées.

  • Cher Jean-Louis, j’ai lu ton gros ouvrage sur le maximalisme.

    Très documenté et intéressant.

    Des critiques cependant, en plus des désaccords politiques que je développerais plus tard.

    Le maximalisme n’a pas seulement été critique du stalinisme il a été le courant dominant de l’extrême gauche communiste européenne pendant la vague révolutionnaire de 1917-1923 et majoritaire y compris dans l’Internationale Communiste.

    Il faudrait rapporter sa politique en la matière, dans les écrits et dans les actes.

    Bordiga a dirigé politiquement le courant communiste italien. Quels résultats ?

    Le KAPD était plus important que le KPD en Allemagne. Quel bilan politique ?

    Korsch a dirigé durant la révolution allemande de 1923. Quel bilan ?

    Il y avait déjà, avant le stalinisme, les divergences avec les points de vue de Lénine et Trotsky et cela a eu des conséquences dans les actes. Il serait intéressant de rapporter lesquels.

    Rosa Luxemburg était en partie maximaliste aussi Quelles conséquences sur sa politique ?

    Et les Polonais ?

    Ceci dit, c’est un ouvrage d’un révolutionnaire et c’est bien sûr à relever dans un environnement d’extrême gauche qui se fout de la révolution et tient à son activisme réformiste !

    • Cher Robert,

      tes remarques sont ponctuellement justes et recevables, cela pourra me demander un travail complémentaire ultérieur, car j’ai déjà effectué un corrigé général des nombreuses fautes de frappe ou d’ortho ainsi que d’imprécisions. Ton questionnement renvoie à une nécessaire bibliographie plus étoffée, où existe réponse à tes remarques (nota Serge Bricianer, Bourrinet, Michel Roger, etc.)

      amicalement,

      JLR

  • Cher Jean-Louis,

    Ma remarque soulignait un point qui me semble plus être un désaccord : les « gauches communistes » ou « maximalistes » européens estiment que la révolution a été un échec en Russie du fait de la politique léniniste (ou trotskyste) alors que c’est la vague révolutionnaire qui a échoué en Europe et, du coup, aussi en Russie où elle avait d’abord réussi. Et, dans l’échec européen, on ne peut se contenter d’incriminer nos ennemis et nos faux amis, les bourgeoisies, leurs armées et les dirigeants de la droite social-démocrate. Il faut aussi incriminer les dirigeants communistes eux-mêmes, surtout quand on ne s’est pas gênés pour le faire à propos de la révolution russe… Or, il se trouve que la quasi-totalité des dirigeants de l’aile révolutionnaire communiste européenne sont peu ou prou maximalistes. Donc…

    Par exemple, le refus de considérer les revendications paysannes et celles des nationalités en Pologne et le refus d’admettre que l’entrée de l’armée russe en Pologne allait être perçue comme une intervention oppressive ont été des caractéristiques du courant dominant du communisme polonais et une cause, selon moi, de l’échec de la révolution en Pologne.

  • Cher Robert,

    Vaste débat où il y a risque de confusion dans ta façon de présenter les choses plus que désaccords :

    1. comme l’a dit Rosa les bolcheviks ne pouvaient pas faire autrement,

    2. dans la non extension de la révolution mondiale il ne reste plus à un moment donné qu’à "gérer la dégénérescence" (dixit à la manière de l’Opposition ouvrière) et dans le repli Lénine et Trotsky trahissent les principes (sur le rapport du parti et de l’Etat + identification à la nation) ; Trotsky veut "militariser" les organes de défense immédiate de la classe et développe des théories stupides (terrorisme, le truc de la guerre révolutionnaire, puis le Front unique avec les partis bourgeois, etc.)

    3. ensuite on peut toujours constater que les masses n’ont pas été à la hauteur (Bitot va jusqu’à dire qu’elles ont trahi les spartakistes...), mais ce ne peut être pour atténuer les erreurs et faiblesses théoriques des bolcheviks ; moi je le formule ainsi (ainsi que je l’ai rappelé à votre réunion) : alors que la révolution avait éclaté dans les pays vaincus (Russie, Italie, Allemagne) est stoppée par la paix provisoire de la bourgeoisie US : en France, en GB en particulier, malgré le nombre de trouffions massacrés, la bourgeoisie de ces pays se donne les moyens d’éviter la généralisation.

    4. Tu as tort de confondre les critiques des maximalistes (gauche germano-hollandaise, Gorter, Appel et Cie) avec les erreurs bolchevico-trotskystes à ton sens. (J’ai connu Jan Appel, président des Conseils ouvriers de Hambourg et de Berlin, et j’ai été chargé de son éloge funèbre à Masstricht vers 1985). D’autant que comme l’a fort bien dit Trotsky face à la montée du nazisme (’"il est des moments où l’histoire nous échappe complètement"), indépendamment des aléas de l’histoire, la lutte pour les principes théoriques les plus avancées doit être tranchée. Il ne s’agit pas comme une certaine ultra-gauche bobo et ignorante des positions de classe l’a fait en France trop longtemps à mon avis, de renier les immenses apports de Lénine et Trotsky, mais de se féliciter que leurs faiblesses aient été décryptées par des camarades du même camp maximaliste (eux-mêmes avec leurs propres limites ou sinuosités, cf. les Bordiga et Pannekoek). Jan Appel dénonce la stratégie syndicale des bolcheviks dès le début à Moscou et se fait rouler dans la boue par la claque trotskiste (cf. cr de la réunion ed la vecchia talpa, vers le milieu des années 1970).
    La bourgeoisie a été plus forte que nous, le cours de l’histoire n’a pas accouché de la révolution mondiale, les masses sont restées majoritairement soumises et réformistes, mais il serait trop facile d’en rester au culte du bolchevisme pour continuer à passer sous silence ou amoindrir l’apport incontestable des "gauches maximalistes"... pour la prochaine fois. J’ai assez développé sur le mythe de la guerre révolutionnaire pour que tu saches que je n’ignore pas les contradictions de la politique du "passage en force" des bolcheviks (mais aussi du KAPD OK à l’époque pour le forçage par la "guerre révolutionnaire" même en écrasant les paysans) et la position girondine et militariste de Trotsky concernant l’invasion de la Pologne en 1920. Cette dernière question est hélas complètement esquivée par le vague milieu maximaliste qui végète de nos jours : bordiguisants et conseillistes croient encore aux fadaises sur l’extension armée, principale erreur bolchevik en Pologne et à... Kronstadt. D’une façon ou d’une autre, les leçons qui ne sont pas tirées des échecs révolutionnaires ou le refus de restauration des principes se payent toujours par de nouveaux échecs ou handicapent tout pas en avant historique (par ex. la Commune de Paris est restée trop limitée par l’exemple jacobin, allant jusqu’à en parodier ridiculement certaines appellations). C’est la critique de la révolution russe in vivo et post festum qui nous arme aujourd’hui, pas la critique au même niveau des critiques maximalistes de cette même révolution.

    amicalement,

    JLR

  • Ne craignons pas d’examiner les critiques des gauches communistes (ou maximalistes) sur la politique bolchevique, dis-tu avec raison, et ne craignons pas de reconnaître les insuffisances du prolétariat européen. Je te répondrais inversement : ne craignons pas de reconnaître les limites de ce que pouvait faire le prolétariat russe isolé et de voir dans les échecs européens les erreurs politiques des leaders communistes révolutionnaires qui, majoritairement, étaient de la gauche communiste maximaliste. Par exemple en 1920 en Italie et en 1921 en Allemagne, ces maximalistes sont aux manettes dans les luttes sociales et politiques, dans les révolutions. On peut examiner si leurs conceptions politiques éclairent, orientent, donnent une boussole à la lutte révolutionnaire ou pré-révolutionnaire. Et si leurs divergences politiques avec les conceptions de Lénine et Trotsky ne les désorientent pas au contraire. La révolution russe n’était pas russe et ne pouvait pas triompher de manière russe. C’est seulement Staline qui inventera le socialisme dans un seul pays. C’est donc les possibilités de la vague révolutionnaire qu’il faut étudier. Le propre du courant maximaliste a été de combattre le réformisme de manière anti-dialectique, c’est-à-dire de se couper des aspirations réformistes des masses sous prétexte de combattre la trahison réformiste des chefs. Le propre de la politique de Lénine et Trotsky est de partir des besoins objectifs de la situation de la lutte des classes. Et de reconnaître les contradictions dialectiques au sein de ces rapports et de a conscience qui en découle. Dialectique ? Oui celle qui oppose le caractère national et pas seulement national de la révolution européenne avec des questions nationales et paysannes (donc locales) à prendre en considération. Le caractère prolétarien mais pas seulement prolétarien de ces révolutions car les aspirations des peuples ne sont pas que prolétariens : démocratiques, nationaux, paysans, des nationalités opprimées (et pas seulement en Russie : dans toute l’Europe de l’Est). Ne pas opposer diamétralement la lutte démocratique contre la dictature à la lutte révolutionnaire prolétarienne, la lutte économique et la lutte politique, la grève générale ouvrière à la grève insurrectionnelle, les conseils à caractère réformistes aux soviets, etc… Nous avons là des différences avec les courants « gauche » et celui de Lénine et Trotsky. Je ne dis pas avec les bolcheviks car la révolution russe a bien montré des différences politiques déterminantes au sein des bolchevils. Zinoviev, Kamenev, Boukharine, et autres ne sont pas sur la même ligne.

  • Cher Jean-Louis,
    Tu intitulais ton intervention « l’œuf et la poule », et tu penses sans doute que les cercles vicieux de la bureaucratisation et de l’isolement de la révolution n’ont pas de solution théorique ou pratique. La nature a nécessairement trouvé une solution pour le problème réel et la révolution devait aussi trouver une solution. Comme dans la nature, la solution existait au sein même du problème. La révolution russe n’est isolée que par la pensée. Lénine et Trotsky avaient parfaitement conscience de cela. Et, en même temps, ils devaient absolument répondre aux particularités de la situation en Russie pour réussir… Contradiction ?
    Voilà ce qui nécessiterait d’être examiné : quand le KAPD prend une situation pour une autre du fait de ses conceptions diamétrales ou quand Bordiga oppose diamétralement comités ouvriers et soviets, lutte économique et lutte révolutionnaire, lutte révolutionnaire et lutte antifasciste...

  • La situation des classes, les contradictions révolutionnaires ne sont pas pures en termes de classe (ou prolétariens ou bourgeois exclusivement) et, du coup, la lutte révolutionnaire, la conscience, l’organisation révolutionnaires n’ont pas à être purs.

    La réalité contient toujours en son sein les contraires et, sinon, elle ne pourrait pas passer à des étapes supérieures.

    Ne pas en tenir compte s’est se rendre incapable de profiter des situations révolutionnaires.

    Si on rejette la lutte antifasciste du prolétariat ou la lutte démocratique de celui-ci, on se condamne à ne faire aucune révolution qui soit.

    C’est la lutte démocratique qui a produit la révolution de février 1917 comme la révolution espagnole même si en rester à la lutte démocratique c’était trahir la révolution prolétarienne. Voilà où se logent les fameuses contradictions dialectiques !

  • Cher Robert,

    Bien sûr que tu peux publier notre discussion qui ne doit pas demeurer privée. On néglige trop l’histoire dans les écoles de l’Etat bourgeois pour "démémoriser" la jeunesse prolétarienne de son et notre passé. Il n’y a d’ailleurs plus aucun débats sur l’histoire entre les gauchistes eux-mêmes et leurs confrères anarchistes (toi c’est Kronstadt, moi c’est Makno, etc.) ni dans le milieu maximaliste. Tout aurait été dit et rebattu ! Oh que non et tes questions ou imprécisions montrent que notre histoire passée reste vivante et taraudante. Je dois dire que l’on ressent immédiatement que tu restes indéfectiblement fidèle à la grille de lecture trotskienne. Malgré la roublardise de ton dernier paragraphe je déplore que tu connaisses mal les positions du KAPD et de Bordiga et que ta façon de questionner révèle une ignorance de 2O ans de débats (des années 1970 aux années 1990) entre les groupes maximalistes (CCI versus PCI, versus conseillistes, etc.). Ta défense du bolchevisme et de sa version trotskisée reste arcboutée à l’expérience russe, qui ne pouvait être généralisable et dont les "dirigeants" (formule que tu affectionnes, tic de langage classiquement trotskien) n’ont pas été capables de saisir non seulement les errements contre-révolutionnaires (anti-dialectiques pour te parodier) mais ont ouvert la voie à Staline - n’en déplaise aux cultivateurs du muthe bolchevique pur - et ont permis la réinstauration d’un réformisme "capitaliste d’Etat". Pour reprendre l’excellente formule de Laugier (" le bolchevisme n’est qu’une version social-démocrate radicale uniquement en raison de son implantation dans les conditions de la Russie tsariste"), et théorisé en terrain démocratique par des bâtards de trotskiens interchangeables (qui s’éliminent entre eux régulièrement pour laisser la victoire en tête de la secte à de nouveaux "dirigeants) n’est qu’une accoutumance complaisante à l’ordre dominant, qui ouvre la voie à toutes les corruptions. L’absence de principes pour cadrer les discussions et l’allure conseilliste évanescente donnée à des discussions floues et sans conclusion illustrent non seulement une sorte d’impuissance révolutionnaire, mais contient la négation du prolétariat, ce à quoi a abouti finalement l’échec bolchevique.

    Quelques remarques ponctuelles sur des contre-vérités manifestant plus une méconnaissance de ta part du courant maximaliste dans sa diversité. En voulant sacraliser Lénine et Trotsky tu veux couler les "leaders" maximalistes en prétendant qu’en 1920 et 1921 ils sont "aux manettes" (?) des luttes sociales et politiques : c’est faux en Italie où c’est le syndicat réformiste et les gramscistes qui tirent les ficelles, ibid en Allemagne foyer des manoeuvres les plus pourries de l’IC contre le KAPD. Quant à l’empirisme russe des Lénine et Trotsky que tu flattes - que tu nommes "besoins objectifs de la situation", il conditionne le pire réformisme "capitaliste d’Etat" pour tout le XXe siècle

    Je te joins un des meilleurs textes de la fin du XXe siècle sur les leçons à tirer de la confrontation entre les bolcheviks "au pouvoir" et les gauches maximalistes (il est ignoré par toute l’intelligentsia et les éditions contactées ont refusé de le publier... tellement il est au-dessus de tout ce qui s’est répandu sur la question), que tu considères infantiles à la manière de ton maître en dialectique réformiste, Lénine, au niveau parlemantaire et syndical. Lucien Laugier a été depuis les années 1950 avec Suzanne Voute, jusqu’à leur exclusion du PCI au début des années 1970, l’âme d’une sérieuse réflexion critique sur les leçons à tirer des critiques "allemande et italienne", et explique très bien en quoi le KAPD n’était pas anarchiste et a porté les critiques les plus lucides par-delà les oeillères bordiguistes, et rejoint, mais en plus explicite et plus brillant, les vieilles analyses du CCI flamboyant de la fin des années 1970. Il explique très les faiblesses du marxisme russe, son aspect frustre, imprégné du scientisme du 19e siècle (qui retrouve quelque echo dans tes propos et dans ton site Matière...). Pour le postier Laugier, admirable mémorialiste qui a tant correspondu et milita avec Bodiga, le critère d’orthodoxie marxiste (comme celui de dialectique autorisée...) chez le pape marxiste de Naples relevait d’un empirisme historique :

    "Le débat ouvert, mais vite efermé, entre bolchevisme et "marxisme occidental", confrontais deux acceptions diamétralement opposée d’une doctrine commune. Du marxisme, le bolchevisme retenait principalement la pratique politique, militaire, organisationnelle, qu’il érigeait en système de principe au détriment de la notion du prolétariat comme classe absolument aliénée...".La Gauche italienne n’a pas su rompre à temps dans le processus de dégénérescence (Bordiga attend d’être exclu en 1930). Bordiga en se démarquant stupidement du KAPD (pour ne pas être qualifié d’anarchiste) a rendu service à la politique de droite (réformiste et contre-révolutionnaire pour l’Europe Occidentale) de Lénine. Bordiga a été battu ensuite sur la question de l’abstentionnisme.

    On mesure en lisant Laugier à quel point l’échec bolchevique a contribué à la "liquidation du prolétariat révolutionnaire", car, en effet, ce n’est pas simplement du stalinisme que triomphera la bourgeoisie dite libérale, mais de la confusion du prolétariat avec le stalinisme ; la preuve : les masses ouvrières ont été bernées par les Lénine-Staline, c’eest la preuve qu’elles n’étaient pas révolutionnaires ! CQFD !

    "La tâche de la critique n’est pas encore terminée qui devra préciser dans quelle mesure la praxis bolchevique, de par ses limites théoriques comme sous l’effet de la fonction de gestion du capital qui lui incombait en Russie, s’est inscrite dans cette liquidation du prolétariat révolutionnaire (...) Il n’est pas de projet révolutionnaire plus achevé que celui qu’énonce le marxisme au regard des connaissances et valeurs d’une civilisation déterminée ; il n’en existe pas qui soit animé d’un souci plus scrupuleux de se fonder sur l’acquis social de la science et de la technique ; il n’est aucune doctrine s’emparant d’un sujet plus généreux que la vindicte de toutes les misères et oppressions vécues par l’humanité".

    "... le bolchevisme, en retrouvant au plan international les conditions de l’Occident (n’a pas simplement) réintégré l’ancien réformisme. La critique avancée par la Gauche allemande discerne fort bien les causes de cette réintégration, mais n’en mesure pas intégralement la teneur (...) Paradoxalement, mais seulement en apparence, c’est parce que le champ historique d’action du bolchevisme devint bien vite la gestion d’un Etat en marche forcée vers le stade grand capitaliste qu’il a rempli ailleurs sa fonction réelle : non pas bâtir ce modèle de centre de capitale de l’avenir dont Bordiga, à juste titre, signalait les carences et les "retards", mais démolir les vieilles représentations jugées dangereuses par le système mondial durant toute la période historique où la jonction entre la classe travailleuse définie par sa place dans la production et le concept révolutionnaire de prolétariat demeurait, sinon réellement possible, du moins encore plausible. C’est cette fonction irremplaçable, parachevée par le stalinisme - même si elle est aujourd’hui pour l’essentiel épuisée - qui donne au bolchevisme comme idéologie la vraie dimension de sa contribution au processus au terme duquel le capital parvint à dépasser ses "insurmontables contradictions".

    Je te joins l’intégralité du texte de Lucien Laugier que tu peux placer sur ton site. Il le mérite.

    Bien amicalement,

    JLR

    PS : je te joins le texte lumineux de Laugier que j’ai déjà publier dans mon livre "En défense de la Gauche communiste, mai 2009).

  • « C’est la critique de la révolution russe in vivo et post festum qui nous arme aujourd’hui. » dis-tu. Certes ! Et critique veut dire aussi l’interprétation.

    Mais cela signifie aussi les révolutions allemandes, italienne, hongroise, finlandaise, en fait la révolution en Europe.

    Là aussi la critique des politiques menées par les extrêmes gauches révolutionnaires. Et leur majorité sont des maximalistes de diverses sortes.

    Sur ce plan tu écris : « La bourgeoisie a été plus forte que nous, le cours de l’histoire n’a pas accouché de la révolution mondiale, les masses sont restées majoritairement soumises et réformistes. »

    Non ! Il y a eu une révolution internationale et elle a été battue non seulement à cause de ses assassins réformistes mais de ses incompétences révolutionnaires. Et les leçons ne sont pas tirée : la meilleur preuve est ta phrase.

    La révolution allemande a été trahie et assassinée consciemment par la social-démocratie certes, mais aussi affaiblie par les incompétences spartacistes et communistes dues aux erreurs maximalistes. Voir aussi le KAPD de 1921.

  • Une précision : tu contestes que Bordiga était aux manettes dans la révolution italienne et tu dis que c’étaient les syndicaux ou sociaux démocrates de droite. Je parlais des directions du courant révolutionnaire et pas contre-révolutionnaire bien évidemment. Cela signifie qu’en Italie, personne ne défendait le point de vue du type de Lénine et Trotsky.

    Une autre rectification. Tu écris sur « la position girondine et militariste de Trotsky concernant l’invasion de la Pologne en 1920 » alors que Trotsky était virullement et publiquement contre l’intervention militaire en Pologne contre les dirigeants révolutionnaires polonais...

  • Une autre précision ! Lénine et Trotsky étaient loin de vouloir que les communistes des autres pays imitent simplement la politique des révolutionnaires russes. C’est les Zinoviev, Kamenev et autres dirigeants de l’Internationale Communiste qui le défendaient et Lénine a même écrit contre cela et fait des interventions au congrès contre la résolution adoptée sur la politique des partis communistes, dictée par Zinoviev. Zinviev jouait ainsi d’autant plus au bon élève qu’il était contre la stratégie de Lénine quand elle s’était posée en Russie, notamment en octobre 1917…

  • Encore une précision : je n’estime nullement que Lénine et Trotsky ne se sont jamais trompés. Les dieux ne sont pas mes copains ni les interprètes des dieux.

    Lénine s’est complètement trompé sur le caractère de la révolution russe jusqu’en 1917 et Trotsky sur le parti et très probablement également Trotsky n’a pas entièrement préparé les révolutionnaires au tournant à prendre sur la nature de la Russie avec la venue de la guerre mondiale, notamment lors de l’accord Staline-Hitler.

    Il n’y a pas de révolutionnaires qui ne commettent pas d’erreurs. Ce n’est pas là mon problème.

  • Cher Jean-Louis,

    Je continue à te répondre mais, bien sûr, en même temps j’écris pour nos lecteurs qui sont moins au fait de cette question que toi qui l’a étudiée et sur laquelle tu as écrit. Tu m’excuseras donc de rappeler des questions évidentes pour toi mais que bien des militants, selon moi, ignorent souvent. Et aussi de cadrer longuement le débat avant même d’avancer mes réponses personnelles.

    Je vais tenter de répondre sur le fond de la question et ce n’est ni rapportable de manière brève, ni de manière simpliste. L’opposition entre point de vue léniniste-trotskyste et point de vue des gauches communistes ou maximalistes encore appelées communisme de gauche ou gauchistes ne permet pas les simplifications sommaires, à moins de ne rien vouloir en comprendre. Il n’y a pas d’un côté des révolutionnaires et de l’autre des contre-révolutionnaires, d’un côté des dirigeants politiques responsables du mouvement prolétarien révolutionnaire et de l’autre des incapables et des irresponsables qui ne jouaient aucun rôle. Les uns comme les autres se réclament généralement de la révolution russe et de la construction d’un courant communiste mondial séparé du courant socialiste réformiste et des directions syndicales. Les uns comme les autres sont pour le pouvoir au soviet. Les questions qu’ils débattent ne sont pas des questions de coupage de cheveux en quatre en vue de se diviser inutilement. Ce sont des véritables questions fondamentales pour la révolution et pour la lutte prolétarienne. Ce sont des véritables questions fondamentales sur la manière d’organiser l’avant-garde militante et de concevoir ses liens avec les masses prolétariennes. Il n’y a pas de moyen de trancher simplement ces questions de manière définitive et ultimatiste, pas d’autre moyen que de les étudier et de se les reposer à chaque fois.

    Ces divergences portent sur de multiples points qui sont de fond et pas seulement stratégiques ou tactiques, sur la conception même de la révolution, du communisme, du prolétariat révolutionnaire, du parti et je n’ai même pas encore tout cité.

    Ce n’est donc pas un débat à balayer d’un revers de main en prétendant qu’il est définitivement tranché.

    Encore moins est-il facile de prétendre que la prise du pouvoir d’Octobre 1917 donnerait nécessairement raison aux bolcheviks puisque d’autres révolutions n’y sont pas parvenues. Même si cela était possible, cela ne prouverait même pas que ce ne seraient pas les conditions particulières de la Russie qui seraient en cause.

    Enfin, on ne peut non plus balayer dédaigneusement les gauches communistes en prétendant que ce sont des petits groupes car, à l’époque, ce n’était nullement le cas.

    Le débat a atteint son stade de crise en 1919-1921 et, à cette époque, Lénine et Trotsky reconnaissent être minoritaires face aux gauches communistes aussi bien dans l’Internationale Communiste ou troisième internationale qu’ils ont eux-mêmes initiée que dans la direction du parti bolchevik lui-même et de l’Etat russe.

    Et, à cette époque, on n’est même pas encore dans la période de déclin de la révolution en Europe qui se profilera en 1923-1924. Lénine n’est pas encore disparu et le stalinisme n’est pas encore triomphant.

    Ce premier texte vise donc seulement à planter le décor du débat et pas à le trancher.

    Je vais d’abord souligner quelques difficultés inhérentes à la question posée. Tout d’abord parce qu’elle se repose dans quatre situations très différentes : avant la révolution d’Octobre, suite à la révolution d’Octobre, dans la phase de retraite de la révolution d’Octobre et enfin dans l’époque stalinienne.

    Il faut se rendre compte que, si la révolution russe et la vague révolutionnaire en Europe à laquelle elle appartient sont très largement débattues, le débat a en fait commencé bien avant, par exemple entre Rosa Luxembourg et Lénine. La plupart des dirigeants des gauches ne sont pas plus des jeunots sans expérience que les dirigeants russes.

    Bien sûr, aucun n’a l’auréole que donne la victoire d’Octobre mais certains ont dirigé des soviets, des gouvernements révolutionnaires, des combats révolutionnaires.

    Si Lénine et Trotsky jugent sévèrement les positions des « gauches », jamais ils ne remettent en cause leur convictions révolutionnaires, prolétariennes et communistes et, pour l’essentiel, les gauches font de même. C’est donc bel et bien un débat interne au courant communiste international.

    D’autre part, ce débat est aussi interne aux bolcheviks. Il y a des bolcheviks de courants gauches.

    D’une manière générale, le débat porte sur la manière de lutter contre l’opportunisme qui a caractérisé l’essentiel des directions des anciennes organisations prolétariennes politiques et syndicales et qui a mené à la grande trahison de la révolution suite à la capitulation de ces directions durant la première guerre mondiale, ces directions trompeuses rejoignant leur bourgeoisie nationale dans cette boucherie mondiale. Partout le réformisme a eu le même sort.

    C’est les appréciations sur les causes de cette trahison de l’opportunisme et sur les conséquences dans les politiques à mener pour les révolutionnaires qui sont les points principaux de divergence même s’il y a souvent divergence sur un fond bien plus important : un fond portant sur l’interprétation du mouvement communiste révolutionnaire lui-même, sur la spontanéité révolutionnaire, sur la conscience communiste, sur le mode d’organisation révolutionnaire et même, et nous y viendront, sur la dialectique révolutionnaire.

    Ce n’est jamais un combat de coupage de cheveux en quatre, car ces militants sont tous engagés dans des révolutions où ils risquent leur vie avec leurs camarades de parti, et que les questions qu’ils posent ont des conséquences très concrètes et très importantes pour l’avenir de la révolution.

    Ce n’est pas non plus un combat de chefs qui se disputeraient la direction pour des raisons de personne, par égocentrisme ou par ambition. Rappelons par exemple que Bordiga critiquera durement Trotsky, et inversement, mais Bordiga défendra Trotsky devant l’Internationale Communiste stalinisée et s’en fera exclure pour se motif, exigeant même que Trotsky soit nommé à nouveau à sa direction ! Trotsky combattra les thèses de Bordiga mais souhaitera toujours se retrouver dans un même parti avec lui !

    Rien de comparable donc avec les attitudes des groupes actuels qui se méprisent inutilement souvent sans débattre vraiment des questions dont les militants de l’époque débattaient eux vraiment.

    Il ne s’agit dans ce qui précède d’idéaliser la lutte de tendances qui a toujours un caractère difficile, polémique, et qui mène à des affrontements entre des appareils. Mais il s’agit de réaliser que ces militants s’estimaient et comptaient souvent les uns sur les autres, même si leur chemin allait parfois les conduire à se condamner politiquement et à s’exclure mutuellement à tort ou à raison.

    Bien des militants d’aujourd’hui ont un peu facilement tranché le débat puisqu’ils ne l’ont jamais mené, ni même connu et étudié. Et c’est d’autant plus regrettable que ce débat reste indispensable aux révolutionnaires car il se repose et se reposera dans toute révolution.

    Ce n’est pas un débat conjoncturel, dépassé par les événements, ni purement théorique, ni définitivement tranché par l’Histoire.

    Il convient de remarquer aussi que les militants léninistes, trotskystes et gauches sont tous pour combattre l’opportunisme, le réformisme, les trahisons social-démocrates et syndicales mais ils ne font pas de la même manière et chacun estime même que la politique de l’autre courant fait la part belle aux réformistes. Ils sont tous pour la révolution prolétarienne et soviétique en Europe mais ils ne la voient pas de la même manière et cela a des conséquences cruciales sur les politiques menées.

    Toujours pour souligner la difficulté de rapporter correctement le débat qui s’est déroulé, je vais d’abord lister quelques unes des questions déterminantes sur lesquelles ce débat a porté :

     le dépassement de la démocratie bourgeoise en période de révolution (et notamment la participation ou non des communistes aux élections bourgeoises)

     le dépassement des organisations syndicales par le développement des comités révolutionnaire (et notamment la participation ou non communistes aux organisations syndicales)

     le rôle de la spontanéité révolutionnaire du prolétariat et le rôle de la direction politique du parti communiste révolutionnaire (soviets ou parti ?)

     le rôle des conditions objectives de la révolution (crise de la domination bourgeoise et situation révolutionnaire pour les opprimés) et la possibilité de forcer ces conditions par des minorités des prolétaires ou même par des armées révolutionnaires (thèse de la guerre révolutionnaire, tendances putschistes)

     le rôle de la stratégie et de la tactique du prolétariat : toujours offensif ou pouvant accepter des reculs momentanés et des compromis (et lesquels ?) : tout compromis et tout recul est-il opportuniste ? La révolution peut-elle accepter des retraites provisoires, des ententes avec des ennemis dans le seul but de tenir une position défensive en attendant une nouvelle offensive ?

     le rôle au sein de la révolution prolétarienne des objectifs démocratiques bourgeois (revendications paysannes, des nationalités opprimées et des revendications politiques démocratiques)

     le lien entre l’Internationale et la Russie se pose aussi du fait que la révolution en Russie étant la seule à avoir triomphé, l’Internationale est largement dominée par les bolcheviks, à tort ou à raison…

     la politique économique et sociale à mener dans les pays gagnés par la révolution : réalisation des tâches bourgeoises par le prolétariat ou seulement des tâches communistes. Rappelons que personne, ni léninistes, ni trotskystes, ni gauches n’imaginent même pas un objectif scandaleux et ridicule comme le « socialisme dans un seul pays » de Staline.

    Cette discussion nécessite l’étude de la politique bolchevik en Russie mais aussi dans les autres pays d’Europe touchés par la révolution et aussi l’étude des thèses mais aussi de la pratique politique des gauches en Russie et en Europe.

    C’est vaste et même trop vaste pour un simple texte mais il est inévitable d’aborder ensemble toutes ces questions car elles sont reliées entre elles dans les conceptions de chacun des dirigeants ou des courants.

    Il est donc difficile de rapporter ce débat de manière simplifier sans tricher.

    Même le débat avec les opportunistes n’est pas nécessairement aussi simple que d’opposer en parole révolutionnaires et contre-révolutionnaires car on peut passer, y compris par erreur, de l’un à l’autre. Des militants et dirigeants du parti socialiste indépendant d’Allemagne, par exemple, sont plusieurs fois passés d’un côté à l’autre. En Russie, Boukharine est passé du courant gauche à la droite…

    Le débat sur le gauchisme n’est pas simple parce que chacun peut être doublé sur sa gauche par un autre courant. Par exemple, des gauches par des putschistes, des anarchistes, etc… On est toujours le gauchiste de quelqu’un et l’opportuniste de quelqu’un. Il faut donc en débatte sérieusement et avec arguments développés ou renoncer à rien y comprendre.

    La suite va venir à condition de ne pas s’impatienter...

  • Je poursuis donc la discussion...

    Et dans toutes les questions qui étaient posées, la manière de raisonner (la philosophie) est déterminante. En effet, tout dépend si on veut définir des conceptions d’oppositions diamétrales ou dialectiques. Donnons des exemples de positions diamétrales. Ou on est pour des compromis ou on est contre tout compromis. Ou on est toujours pour militer dans les syndicats on n’est jamais pour y militer. Ou on est pour participer aux élections bourgeoises ou on n’y participe jamais. Ou on considère que la démocratie bourgeoise est dépassée ou on considère qu’elle ne l’est pas. Ou la révolution est bourgeoise ou elle est prolétarienne. Une révolution communiste ne se donne que des tâches communistes. Une révolution qui se donne aussi des tâches bourgeoises est bourgeoise et non communiste ni prolétarienne. Etc, etc…

    Ce type de position diamétrale supprime toute possibilité de stratégie du prolétariat, toute démarche en vue de conquérir les masses au cours de la lutte et au travers de prises de position partant d’un certain niveau de conscience et de lutte, pour aller plus loin. Elle exclut toute alliance avec tout groupe qui n’est pas intégralement communiste révolutionnaire. Elle exclue non seulement les programmes de transition, les tentatives de stratégie d’unité pour enlever les masses aux appareils réformistes. Elle exclue l’utilisation des instruments de la démocratie bourgeoise. Elle exclue que le prolétariat se serve des contradictions au sein de la bourgeoisie, par exemple entre la grande et la petite, entre la bourgeoisie et des peuples opprimés. Elle exclue l’utilisation de la question nationale comme une question explosive permettant au prolétariat de prendre la tête de couches opprimées. Elle exclue aussi que l’Etat ouvrier, momentanément isolé, mène une politique sociale et économique en vue de tenir la position afin d’attendre la maturation révolutionnaire du reste du prolétariat.

    Dans les positions en ou/ou, on ne dispose que de deux couleurs dans la palette : ou la situation est révolutionnaire ou elle ne l’est pas, ou la révolution est prolétarienne et communiste ou elle ne l’est pas, ou un parti est intégralement communiste révolutionnaire ou il est contre-révolutionnaire, etc…

    Le maximalisme a ainsi voulu s’opposer diamétralement à l’opportunisme. Est-ce la meilleure manière de le combattre ?

    Mais l’opposition diamétrale, si elle sert à définir quelques positions de principe de base (ou Etat ouvrier ou Etat bourgeois, ou parti ouvrier ou parti bourgeois, ou programme communiste ou programme bourgeois), elle est trompeuse dans les situations révolutionnaires où, de manière rapide un facteur se change en son contraire. Par exemple, les syndicats allemands pactisent avec toutes les forces bourgeoises, y compris Etat-Major et fascistes des corps francs, dans la révolution ouvrière de 1918-1919. Et, immédiatement après, ce sont les syndicats qui organisent la riposte ouvrière au coup d’Etat d’extrême-droite de Kapp. Celui qui en est resté à l’idée qu’il n’y a que la contre-révolution à attendre des syndicats ne peut que se tromper de politique et rester en dehors des événements dans lesquels la classe ouvrière va pourtant intervenir. D’ailleurs, l’opposition diamétrale amènera à considérer que le régime des sociaux-démocrates contre-révolutionnaires est de même nature que le régime de Kapp et des généraux d’extrême-droite car tous deux défendent le même ordre bourgeois.

    Le maximalisme a tendance à défendre des positions pures. Cela n’a rien de choquant quand on sait à quel point le syndicalisme et la social-démocratie ont perverti les positions ouvrières mais cela peut amener à perdre la boussole dans des situations de changements rapides qui nécessitent d’adapter rapidement la stratégie de la minorité révolutionnaire pour faire face aux expériences que vivent les masses.

    Par exemple, des modes d’organisation ou de lutte peuvent changer de caractère en cours de route. Des comités ouvriers qui restent réformistes peuvent devenir révolutionnaires ou des comités révolutionnaires au moment de la poussée des masses peuvent devenir des instruments de la contre-révolution.

    Bien entendu, il serait caricatural de prétendre que les maximalistes seraient tous antidialectiques et les bolcheviks tous dialecticiens. Tel n’est pas notre propos. Ainsi, nous avons rapporté sur notre site les idées de Karl Korsch, un des dirigeants des gauches allemandes, qui défendait la philosophie dialectique. Reste à discuter s’il l’appliquait en politique ou s’il affirmait seulement abstraitement lui être favorable.

    Considérer qu’il y a une dialectique de la révolution, c’est concevoir que, dans ce type de situations, un facteur peut se changer en son inverse. Par exemple, l’aspiration nationale des Parisiens de 1871 devient la conscience communiste internationaliste de la Commune de Paris. L’aspiration à la démocratie bourgeoise du peuple russe se transforme en construction de la démocratie prolétarienne. On a vu comment, en 1920, les syndicats réformistes allemands, principal facteur de démobilisation des travailleurs dans la révolution de 1918-1919, devient le seul centre de mobilisation prolétarienne face au putsch militaire d’extrême droite de Kapp.

    Au cours de la révolution russe, les soviets ont connu des phases révolutionnaires et aussi contre-révolutionnaires.

    Le parti révolutionnaire est lui aussi un facteur à appréhender de manière dialectique.

    Le meilleur des partis pour se changer en organe conservateur. Cela s’est produit plusieurs fois en ce qui concerne le parti bolchevique, notamment après la révolution de février et jusqu’en avril 1917. Cela a également été le cas après la mort de Lénine.

    Considérer le parti uniquement comme révolutionnaire, c’est renoncer à comprendre que la réalité est bien plus contradictoire.

    En ce qui concerne ses dirigeants, il en va de même.

    Lénine et Trotsky n’ont pas été des dirigeants éclairés du prolétariat de manière permanente et constante. Ils ont commis des erreurs politiques ou organisationnelles majeures sans pour autant devenir ni opportunistes, ni réformistes, ni des bureaucrates du type de ceux de la période stalinienne.

    Ce serait un contre-sens de considérer comme un but en soi la politique (dite de retraite) que ces deux dirigeants mènent en Russie quand la révolution y est isolée. La signature du traité de Brest-Litovsk avec l’impérialisme allemand, la NEP, le capitalisme d’Etat et la politique de front unique sont considérés comme des trahisons de la politique révolutionnaire par les gauches communistes mais il semble que tout recul tactique soit considéré de même par eux…

    Bien avant cette politique de recul tactique, la divergence de fond existait sur la nature même de la révolution en Russie et même en Europe.

    Les thèses d’avril 1917 de Lénine reprenaient les thèses de « révolution permanente » de Trotsky que les gauches récusent d’une manière générale.

    L’idée même qu’une révolution prolétarienne doive réaliser des tâches historiques que la bourgeoisie n’a pas été capable de réaliser leur paraît une idée non seulement complètement farfelue mais dangereusement fausse : ou la révolution est prolétarienne ou elle est bourgeoise. Ce n’est pas au prolétariat de réaliser les tâches de la révolution bourgeoise pour les gauches. C’est une divergence fondamentale et, à mon sens comme je l’ai dit plus haut, elle découle de toute une philosophie non dialectique.

    La dialectique examine les situations non pas en cherchant ce qui est positif et en l’opposant diamétralement à ce qui est négatif mais, dans le sens inverse, cherche dans chaque système quel interaction des contraires est en œuvre.

    Ainsi, c’est la montée de la contre-révolution qui lance la révolution et inversement. Les deux sont inséparables et sans cesse en rétroaction.

    Sans la révolution soviétique pas de putsch de Kornilov mais aussi sans le putsch de Kornilov pas de révolution d’octobre. Sans la montée de la révolution espagnole pas de putsch de Franco mais sans le putsch de Franco, pas de développement révolutionnaire d’Espagne.

    Si on considère que Kérensky égale Kornilov, que le gouvernement républicain espagnol égale Franco, on a une position juste de base en termes de classe (ces gouvernements défendent exactement le même ordre social) et une politique fausse au sein des masses car c’est en luttant contre la contre-révolution que se prépare la révolution prolétarienne. Voilà le genre de raisonnements que récusent les gauches.

  • Cher Jean-Louis,

    Voici la suite de ma réponse que je publie sur le site Matière et révolution.

    Revenons sur les reproches faits par les gauches communistes ou maximalistes à la politique des bolcheviks.

    Il y en a de plusieurs sortes :

     avant même la révolution d’octobre, partir des conditions particulières de la Russie pour tenter de dicter une politique à l’ensemble du mouvement ouvrier.

     après la victoire d’octobre, analyser les succès de la révolution russe comme la validité d’une stratégie des bolcheviks.

     tirer de la victoire en Russie des conséquences sur la validité des thèses bolcheviks, alors que cela prouve seulement la maturité de la révolution en Russie.

     accepter des compromis pour sauver la révolution russe et remplacer les intérêts du prolétariat international par ceux de la révolution russe

     placer l’Internationale communiste sous l’influence quasi exclusive des Russes

     théoriser ensuite le recul de la vague révolutionnaire et en déduire une stratégie de front unique avec des forces bourgeoises, à l’intérieur comme à l’extérieur de la Russie (front unique des luttes avec les réformistes et pacification de la guerre civile internationale)

     vouloir imposer comme méthodes de luttes aux partis communistes du monde la participation aux syndicats et aux élections bourgeoises

    En fait, ces accusations ne me semblent pas valides. Certaines sont fondées sur une vision fausse des positions défendues par Lénine et Trotsky. Ni l’un ni l’autre ne pensaient que l’ « exemple russe » soit un si bel exemple que cela. Lénine le rappelle dès l’introduction de son ouvrage sur le gauchisme. Ni l’un ni l’autre ne pensaient que le prolétariat russe et ses militants étaient en avant sur le reste du monde mais que la Russie bourgeoise était le maillon faible de la chaîne, ce qui est très différent. Ni l’un ni l’autre n’ont jamais conçu leur action dans le but d’une construction nationale d’un capitalisme d’Etat. Tout au plus peut-on leur reprocher d’avoir conçu cela comme un moyen de tenir, comme un acte défensif et momentané. Prétendre que cela allait suffire à construire le socialisme dans la Russie arriérée et isolée n’est pas le propre de Lénine ou Trotsky et sera avancé par leurs ennemis staliniens bien plus tard.

    Lénine n’a jamais été le premier pas vers le stalinisme. Dès que la bureaucratie a montré des objectifs politiques, Lénine les a combattu en 1921, 1922 et 1923. voir ici

    Lénine n’a pas cultivé le développement national. voir ici

    Lénine n’a pas prétendu que le parti russe était un exemple ni qu’il fallait dicter aux autres partis communistes leur propre politique en se fondant seulement sur l’expérience russe. Lénine et Trotsky ont défendu le point de vue inverse, en désaccord avec les résolutions du congrès sur ce sujet.

    Ensuite ni Lénine ni Trotsky n’ont affirmé que le mieux était de rompre avec les gauches communistes. Au contraire, ils ont désapprouvé la scission entre KPD et KAPD, ont proposé des tentatives de convergences, ont proposé, contre l’avis du KPD, que le KAPD soit invité par l’Internationale, que des tentatives de convergences soient tentées, etc. Ils ont invité les Gorter et les Bordiga à venir défendre leurs positions, de même qu’ils ont invité tous les communistes anti-parlementaristes et anti-syndicalistes à le faire, à débattre librement dans les premiers congrès, avant la grande époque Zinoviev puis Staline.

    Les seuls qu’ils n’ont pas invités sont les adversaires de la prise de pouvoir par les soviets en Russie, ce qui n’était pas le cas pour les gauches communistes.

    On peut aisément prouver les points précédents dans la citation de leurs interventions dans les congrès.

    Par contre, il est exact que Lénine et Trotsky ne pensaient pas que la lutte contre l’opportunisme doive conduire à la rupture avec les masses qui suivent les dirigeants opportunistes.

    Ne pas rompre et même s’unir avec les masses trompées par les réformistes ne signifiait pas de diminuer ou d’étouffer les critiques, au contraire. Mais cela signifiait donner des objectifs concrets à la lutte qui soient à la fois porteurs des aspirations prolétariennes et qui fassent passer les masses prolétariennes de leur conscience actuelle à une conscience révolutionnaire.

    Ce type d’attitude du genre lettre ouverte ou programme de transition se retrouve notamment dans des textes comme les « Thèses d’avril », « La crise et les moyens de la conjurer » ou « Le programme de transition ».

    On retrouve cette attitude chez Marx et Engels, notamment dans la circulaire aux militants de la Ligue des Communistes dans la révolution allemande de 1848.

    Loin de l’ultimatisme ou de la position diamétrale des gauches, Marx et Engels donnent des objectifs aux prolétaires qui les placent à la tête des masses petites bourgeoises et rejettent la politique consistant à déclarer qu’ils sont et seront fatalement une masse réactionnaire dans les événements cruciaux.

    Se refuser à s’allier avec les ouvriers qui suivent les réformistes, aux petits-bourgeois que l’on pourrait entraîner dans le combat contre la bourgeoisie mondiale, ce n’est pas une politique qui aurait permis à la révolution russe de battre ses ennemis. Une telle politique aurait isolé le prolétariat russe et empêché toute victoire contre la bourgeoisie russe et la bourgeoisie internationale.

    Peut-on mesurer l’importance du courant maximaliste dans le mouvement communiste européen du début des années 1920 ? Oui et on peut dire qu’il est d’abord prédominent à cause de la réprobation violente, non de la politique bolchevik mais de la politique social-démocrate qui amène au rejet violent du réformisme, de l’opportunisme, de l’électoralisme et du syndicalisme. L’enthousiasme de la révolution amène également une aspiration à rejeter les vieilles potions des réformistes, en oubliant parfois que la politique révolutionnaire ne débute pas de la fin, de la révolution communiste, et qu’il faut cependant donner des objectifs politiques et sociaux qui soient en conformité avec les tâches posées par la réalité.

    Ce n’est pas aux buts finaux communistes de décider quels peuvent être les objectifs liés à la situation des classes réelles et actuelles. Il faut, pour cela, analyser les divisions des classes et la situation dans laquelle la crise révolutionnaire les trouve.

    Cette analyse n’est pas un simple analyse économique et sociologique mais une analyse historique du même type que celle de Marx avec « Les luttes de classe en France » ou avec « La guerre civile en France » ou encore avec « le 18 Brumaire ». Même si la démocratie bourgeoise n’a aucun avenir historique, pas plus que la petite propriété paysanne ou les divisions nationalistes, cela ne signifie pas que ces questions ne soient pas des bombes attachées au flanc des classes dirigeantes et des bombes indispensables à la victoire du prolétariat à condition qu’il dispose d’un parti qui sache en faire une arme au service du prolétariat et pas au service de la bourgeoisie…

    Là encore, ce type de raisonnements n’est pas intelligible pour les gauches communistes maximalistes. C’est pour cela que j’ai écrit qu’ils sont dans l’opposition diamétrale et pas dans la dialectique des classes et des oppositions de classe.

  • Suite du message précédent :

    Il conviendrait d’étudier sérieusement la politique des gauches communistes en Italie, en Pologne, en Tchécoslovaquie, en Allemagne. Les quelques mots qui suivent ne prétendent pas tenir lieu d’une telle analyse.

    Tout d’abord, j’ai affirmé que les gauches avaient eu un rôle dirigeant du courant communiste européen, souvent majoritaire devant le courant bolchevik hors de Russie. Il y a même des pays d’Europe où les positions du type de Lénine et Trotsky étaient quasiment inconnues. Seule la révolution russe a permis, très lentement, de les faire connaître car son attirance a amené nombre de dirigeants aux congrès de l’Internationale communiste. Mais parfois, dans bien des pays, le zinoviévisme et le stalinisme sont restés les seuls connus sous l’intitulé de léninisme.

    Une partie des gauches ont fini par identifier léninisme et stalinisme et il me semble que ceux-là sont passés à côté de la signification du combat de Lénine, y compris de son combat des dernières années contre la bureaucratie.

    La plupart des gauches ont assimilé toute stratégie ou tactique à de l’opportunisme. Là encore, cela ne me semble pas permettre de discuter une politique révolutionnaire dans des événements.

    Nous allons essayer de le faire en parlant des situations italiennes et allemandes. Dans les deux cas, les gauches sont connues dans le pays, sont même prépondérants dans l’extrême gauche communiste révolutionnaire.

    Par exemple, à la fondation du Parti communiste allemande, le KPD, par rupture avec la social-démocratie et les indépendants, les gauches sont majoritaires dans les deux tendances dont la fusion donnera le KPD : le groupe Spartakus et l’IKD. Au sein de la gauche du parti indépendant qui rejoindra ensuite le KPD, il en sera de même. Le fait qu’Otto Rülhe soit un des leaders les plus populaires du parti unifié en dit long. Il est un des plus hostiles au parti bolchevik. Liebnecht lui-même est plutôt du côté des gauches. Cette majorité des gauches est manifeste dans la décision du KPD de boycotter les élections à l’assemblée constituante. D’autres leaders sont également populaires du côté des gauches comme Léviné, Frölich, Rieger, Becker, Wolfheim, Laufenberg, Münzenberg, Merges, Wendel et Schröder.

    L’incapacité du KPD à converger avec les délégués révolutionnaires, le groupe communiste révolutionnaire le plus implanté dans la classe ouvrière, du fait de cet ultimatisme antisyndical en dit long aussi. Et les politiques de gauche sont pourtant également dominantes au sein des délégués comme on va le voir en janvier 1919.

    L’incapacité de ces cadres révolutionnaires à reculer quand cela s’avère nécessaire va se manifester dès le premier affrontement, lors de la provocation organisée autour du limogeage du préfet Eichorn. L’emporte alors parmi les communistes l’opinion de gauche : on peut renverser le gouvernement Ebert. La conquête patiente des masses ouvrières n’est pas leur souci. Les minorités peuvent faire basculer la situation croient-ils, avec le soutien ouvert de Liebnecht. Rosa Luxembourg n’a approuvé ni le mot d’ordre de sortie des syndicats, de boycott des élections et de renversement du gouvernement mais elle ne s’y est pas opposée publiquement, du fait de l’importance de ce courant gauche. L’offensive révolutionnaire de janvier 1919 n’a de manière évidente pas un soutien massif dans la classe ouvrière et elle a un caractère désespéré alors que rien ne justifie à ce stade d’entreprendre une action désespérée. La révolution est à ses débuts. Quand l’échec est devenu évident, le KPD refuse d’appeler à la retraite.

    De même, il va vite devenir évident que le KPD est seul dans son attitude boycottiste des élections à la constituante et qu’il se prive du moyen de donner une expression politique au prolétariat révolutionnaire. A ces élections, considérées comme dépassées par les gauches, il y a 36 millions de votants soit deux fois plus qu’aux précédentes élections de 1912 ! Cela signifie que la classe ouvrière dont le mouvement révolutionnaire est encore montant continue d’avoir des aspirations de type démocratique bourgeois. Une contradiction incompréhensible pour les gauches. Ces élections marquent une forte poussée au courants les plus à gauche dont le KPD s’est privé de profiter politiquement pour renforcer le courant des travailleurs révolutionnaires.

    Avec l’échec du mouvement de janvier du fait du manque de liens avec la masse de la classe ouvrière, le courant gauche, loin de décliner, augmente. Le KPD d’Hambourg, par exemple, déclare incompatibles l’appartenance à un parti et l’adhésion à un syndicat ! Les éléments révolutionnaires des socialistes indépendants de gauche sont repoussés le 7 octobre 1919 par les militants du KPD de Berlin sous le prétexte qu’ils n’acceptent pas de sortir des syndicats !

    La méthode bureaucratique de la direction de Lévi (imposer les « thèses d’Heidelberg » contenant en plus des éléments opportunistes au lieu de discuter d’une stratégie révolutionnaire) va entraîner la rupture entre les militants de la gauche communiste et la direction, provoquant la rupture. Le 18 octobre 1919, Lénine déclare qu’il est contre la rupture initiée par Lévi et affirme que l’opposition de gauche n’est pas à rejeter mais à convaincre. A l’opposé des propositions de Lénine, la direction centrale du KPD va aggraver la rupture. Le comité central du KPD des 4 et 5 janvier 1920 exclue les opposants de gauche du parti.

    Les gauches allemands sont divers et divergents en réalité. Les uns prônent la formation d’unions pour remplacer les syndicats. Les autres sont pour s’en tenir aux comités ouvriers de la révolution. D’autres encore affirment que le parti suffit. Enfin, il y a un courant qui considère que tout va se jouer dans une guerre révolutionnaire où s’uniront les révolutionnaires allemands et russes contre les puissances capitalistes. Les divergences portent aussi sur le pronostic révolutionnaire. Pour les uns, la révolution est immédiate et pour d’autres c’est un processus de longue haleine. Le dirigeant de gauche Pannekoek, contrairement aux putschistes et aux impatients, explique dès le début de la révolution allemande que c’est « un processus de longue durée ». Il combat l’idée des minorités agissantes et aussi la position du leader de gauche Laufenberg selon lequel la révolution pose immédiatement le problème du pouvoir. La majorité de l’opposition de gauche va combattre également la thèse de gauche de la guerre révolutionnaire, qui est nationaliste allemande, privilégie la guerre sur la révolution et dérive de plus en plus du courant révolutionnaire. Mais en même temps, d’autres tendances de gauche se développe : Franz Pfemfert de la gauche communiste diffuse un « communisme anti-autoritaire » fédéraliste, anti-organisation en général, contre « le socialisme des chefs ». Il n’y a pas davantage d’unité des gauches que de rapprochement entre les gauches et le KPD.

    Pendant ce temps, grâce à l’absence des communistes, les syndicats sont tenus par les sociaux-démocrates et les indépendants. Alors que la radicalisation se poursuit politiquement et socialement dans le prolétariat, elle ne peut pas s’exprimer dans les organisations les plus nombreuses dans la classe ouvrière d’Allemagne, les syndicats. La place est libre pour les réformistes qui n’ont à craindre, à l’intérieur, aucune sorte de critique communiste.

    Il n’empêche, Lénine continue à dire à propos de l’opposition que « les divergences entre communistes sont des divergences entre les représentants d’un mouvement de masse qui grandit sans cesse. Ce sont des divergences alors qu’existent entre eux une base commune essentielle, solide comme un roc, celle de la reconnaissance de la révolution prolétarienne, de la lutte contre les illusions démocratiques bourgeoises et le parlementarisme démocratique bourgeois, de la reconnaissance de la dictature du prolétariat et du pouvoir des soviets. »

    Lors du coup d’état de Kapp, mené par des cadres militaires d’extrême droite, alors que la direction des syndicats brise le coup d’état par une grève générale ouvrière massive, des leaders de la gauche communiste, les responsables berlinoisFriesland et Budich, poussent le KPD à appeler à ne pas participer à la riposte ouvrière contre le putsch militaire d’extrême droite. Ils affirment que « la classe ouvrière, désarmée, est incapable d’agir » et
    Qu’ « elle entreprendra la lutte contre la dictature militaire dans les circonstances et avec les moyens qu’elle jugera propres. »

    Ils sont très loin de connaître l’état d’esprit des masses ouvrières et la classe ouvrière balaie par sa mobilisation, gréviste et armée, le coup d’état. Ce qui aurait pu permettre une nouvelle montée révolutionnaire restera ainsi aux mains des réformistes.

    D’énormes possibilités étaient offertes en 1920 à un parti révolutionnaire, du même type que celles lors du coup d’état de Kornilov. Les communistes ont en grande partie laissé passer l’occasion.

    Au début 1920, les tendances de gauche communiste se développent non seulement en Allemagne mais en Autriche, en Hollande, en Italie. Les leaders des gauches sont l’italien Bordiga, le hollandais Gorter, le hollandais Pannekoek, le hongrois Luckacs et le belge Van Oestraeten.
    Le débat a lieu entre Lénine et Gorter sur la politique des gauches et également entre Lénine et les émissaire du KAPD, Appel et Jung, auxquels Lénine fait lire le brouillon de son ouvrage « La maladie infantile du communisme ». Fondamentalement, Lénine reproche aux gauches de négliger tout effort pour conquérir les masses situées plus à droite des communistes et de ne voir comme moyen de gagner la majorité que la destruction des syndicats et des parlements auxquels les masses restent attachés. C’est l’action et la propagande communiste qui est chargée par les gauches de cette destruction alors que Lénine pense que c’est d’accompagner l’expérience réelle des masses qui peut le permettre et qu’on ne peut pas devancer la période où les masses ont perdu confiance dans les classes dirigeantes.

    Les défaites des révolutions prolétariennes de 1919 en Hongrie et en Bavière, en grande partie dues à des défauts opportunistes et notamment à l’incapacité des dirigeants communistes locaux de rompre avec la social-démocratie, ont renforcé encore le camp des gauches.

    En Allemagne, c’est en mars 1921 que l’état d’esprit de gauche mène véritablement à une politique qui entre dans l’Histoire : « l’offensive à tout prix ».

    L’action de mars 1921 est une offensive conjointe et concurrente des deux partis communistes allemands, KPD et KAPD, pour déclencher l’insurrection de manière forcée. On y trouve tous les ingrédients de l’aventurisme et du putschisme. Il est très possible que les gauches ne soient pas les seuls à y être mêlés et que les émissaires de Zinoviev soient tout aussi incapables et irresponsables.
    Cependant, il faut souligner que sont des militants ouvriers communistes sérieux, liés aux travailleurs, véritablement militants et révolutionnaires qui en ont pris la tête parce qu’ils ne voyaient pas ce qu’apportait d’attendre l’arme au pied et qui ont fait de leur impatience un thermomètre de l’action.

    Bien entendu, le pouvoir qui sent que le prolétariat n’est pas prêt à suivre lance des provocations mais celles-ci ne sont pas les seules à entraîner l’action. Les dirigeants appellent clairement à la grève générale et à l’insurrection.

    Le dirigeant des gauches Friesland répond vertement à tous ceux qui, au comité central du KAPD et à la direction du KPD, sont sceptiques sur la combativité ouvrière en mars 1921.

    L’échec va être cuisant : non seulement une élimination physique d’une bonne partie des militants révolutionnaires allemands mais une démoralisation massive. L’essentiel des communistes arrête de militer, non pas à cause de la répression mais de l’impression profonde de manipulation, de déboussolement et d’échec de toute la stratégie.

    Dans ce mouvement, on a tout vu : des grèves où l’immense majorité des ouvriers étaient contraints par la force armée des communistes à ne pas travailler et traités de jaunes, des chômeurs communistes mobilisés contre des ouvriers, des travailleurs révolutionnaires qui sont des courageux militants admirables trompés par une tactique misérable…

    Cela ne montre bien entendu pas la nullité des gauches puisqu’on peut aussi bien en dire autant de gens comme Zinoviev, Bela Kun, et Lévi, dirigeants se disant du côté de la politique de Lénine.

    Cela montre surtout que la politique révolutionnaire ne se contente pas de bonnes intentions et est une politique à étudier minutieusement, en se privant des accusations faciles et en analysant par avance la théorie révolutionnaire.

    Je ne prétends nullement qu’une telle analyse soit suffisamment faite dans ce qui précède d’autant qu’il faudrait le faire également en Italie, en Pologne, en Tchécoslovaquie et en Autriche, tous pays où la politique des gauches a été mise en œuvre en pratique.

    D’autre part, se dire d’accord avec Lénine ou Trotsky ou avec les gauches, d’une sorte ou d’une autre, ne signifie nullement avoir appris à distinguer les situations révolutionnaires, pré-révolutionnaires, les politiques et stratégies révolutionnaires de celles opportunistes ou gauchistes. Car une décision bonne dans une situation devient mauvaise le lendemain dans les périodes critiques.

    Il ne découle donc nullement de ce que j’ai écrit une condamnation en bloc des gauchistes et un satisfecit aux pro-Lénine qui ont souvent été aussi peu éclairés que les autres. Rappelons qu’ils l’avaient été aussi peu durant la révolution russe puisque la majorité bolchevique, contre Lénine et Trotsky, était favorable en février 1917 à collaborer avec la gauche réformiste, contre les thèses trotskystes de Lénine en avril 1917 et contre la prise de pouvoir d’Octobre 1917, traitée par eux de gauchiste et putschiste. Les bolcheviks ne sont pas plus un bloc politique homogène que les gauchistes. Ce sont des mythes qui perdurent qui les présentent ainsi. Il n’y a pas grand-chose de commun, en réalité, entre ceux qui poussaient à la révolution prolétarienne allemande et ceux qui poussaient à la guerre révolutionnaire russo-allemande, même s’ils momentanément appartenu au même courant de gauche.

    Il n’est pas facile de tirer aujourd’hui de tirer des leçons de ce passé. Il convient au moins d’essayer et le mérite des textes comme ceux de notre camarade Jean-Louis est de nous pousser à réfléchir dessus. Je ne partage pas ses conclusions mais je pense que je partage ses buts, son idéal, sa révolte et sa révolution, et ce n’est pas rien !

    Je pense que Lénine ne partageait pas les conclusions des gauches communistes mais partageait lui aussi leurs buts, incontestablement communistes révolutionnaires et les uns et les autres le savaient. Jean-Louis citait par exemple dans son ouvrage que Bordiga avait défendu Trotsky dans l’Internationale communiste et s’en était fait exclure pour ce motif. La « proposition » qu’il faisait d’ailleurs à l’Internationale communiste stalinisée était de choisir Trotsky comme dirigeant ! Certes, Bordiga a tardé à quitter l’Internationale communiste mais ce n’est pas par manque de courage politique. Ces questions d’appréciations sont parfois plus faciles après coup que dans la situation…

    En tout cas, je rappellerais qu’il y a des personnes et des groupes avec lesquels on serait d’accord sur le papier avec les leçons du passé et d’accord sur rien d’autre. Dans le cas de Jean-Louis, c’est le contraire : il fait partie des camarades avec lesquels je ne suis peut-être pas d’accord sur les leçons du passé mais d’accord avec quelque chose de plus profond.

    • Bonjour Robert,

      Je te laisse continuer à dialoguer avec toi-même, ta logorrhée est non seulement fatigante mais passe à côté des questions essentielles de la transition aujourd’hui. Mon souhait n’était pas qu’une éventuelle discussion entre nous revienne sur les archi-radotages sur la révolution russe, ni sa défense, ni sur le fait avéré que les "gauches maximalistes" étaient dans le même camp que les bolcheviques. Je ne veux pas dire que l’impatience et le putschisme ne seront pas à combattre demain (et qu’à cet égard nous ne devons pas oublier les leçons du passé en Allemagne surtout) mais tu t’efforces - dans ton empressée glorification des bolcheviques - de ne surtout pas faire le bilan de l’échec de "l’Etat prolétarien" en focalisant sur les qualités des Lénine et Trotsky. C’est au nom de leur "realpoilitik" que tu imagines qu’il aurait suffi de composer avec les appareills réformistes pour ne pas "se couper des masses" - théorie trotskienne décadente (Lénine à Zimmerwald n’a pas eu peur de se "couper des masses") - et nous on s’en fout s’il faut aller à "contre-courant" on y va même si la victoire n’est pas au bout. Tu ne caches pas défendre finalement la même politique d’accommodement que LOavec les "bons gauchistes" et la bonne gauche gouvernementale si on agite un éventuel (et généralement obscur) "danger fasciste". En ne se coupant pas des masses l’IC a inventé un nouveau réformisme, et c’est celui-ci que tu défends, hélas trop génétiquement formaté par ton école à LO. Je te réponds sur mon blog, amicalement mais déçu.

      JLR

    • Cher Jean-Louis,

      Le danger fasciste que tu dis obscur a cependant été vécu par des militants comme Bordiga et il aurait été intéressant de discuter ensemble de la manière dont il proposait de faire face. Je ne désespère pas qu’on en discute.

      amicalement

      Robert Paris

  • Sur le site de Jean-Louis, Le Prolétariat universel :

    PEUT-ON DISCUTER AVEC UN TROTSKIEN GENETIQUE ?

    Curieux débat que vous pouvez suivre « en direct », à la minute près sur le site Matière et Révolution, sous la rubrique « La contribution de Jean-Louis Roche », ce qui est apparemment me faire trop d’honneur et, sous la flatterie ponctuelle, me faire passer pour un des derniers mohicans de l’extrémisme (infantile dixit Lénine) dit ultra-gauche puis maximaliste, politique qui, qualifiée de « diamétrale » par R. Paris exclurait tout compromis dans le combat pour renverser le pouvoir bourgeois, sous-entendu toute alliance ou lutte commune avec les partis démocratiques bourgeois et les syndicats. R.Paris procède constamment avec un double langage, un double raisonnement, un coupage de cheveux en quatre qu’il nomme dialectique ou philosophie, selon l’orientation de son clavier. Ainsi je découvre sur son site une série de commentaires de rectifications (précisions) que je n’ai jamais reçus dans ma boite e-mail dans le déroulé du soit disant débat. Pas plus d’ailleurs que d’autres intervenants que R.Paris lui-même se succédant à lui-même par une série de rectifications repoussant tout développement de ma part au rang de contribution superfétatoire, comme il est de coutume dans les partis staliniens comme LO. Robert Paris avec la méthode du petit-prof-qui-a-toujours-raison semble s’adresser d’ailleurs à son propre petit public avec de multiples entorses à la vérité historique, des à peu près lamentables, une logorrhée qui se mord la queue, dont la quintessence philosophique est le « oui-mais » trotskien, qui permet de faire avaler les plus galantes turpitudes réformistes et syndicalistes. Il ne répond jamais directement à mes observations, en particulier du dernier mail du message blog précédent. Il ne discute pas, il professe. Il ne discute pas il radote bolchevik modeste pour dénoncer derechef trotkien « l’incompétence maximaliste ». Et voici qu’il va « cadrer longuement le débat avant même d’avancer mes réponses personnelles » et « tenter de répondre sur le fond », et surtout planter le décor et pas le trancher » (toujours la même fausse modestie et politique fuyante). La pensée et son expression reflètent un cerveau modelé par le trotskysme made in LO : rien que dans cette page blog on trouve une dizaine de fois l’expression « dirigeants », exsudant une problématique très léniniste. La diamétralité invoquée est une variante du oui-mais inculquée par la secte. R.Paris ne sait même pas jongler avec les mots ni les concepts ce qui donne un énoncé assez simpliste qui débouche sur toutes les vieilleries idéologiques de la gauche et de l’extrême gauche bourgeoises : antifascisme ringard, action syndicale unie, généralisation foutoir, utilisation du parlement et permutation des militants de partis divers même bourgeois (fadaises plus visibles sur ses tracts de boite).

  • Sur le site Le Prolétariat Universel (le débat continue cependant...)

    LE DRAME DES MILITANTS TROTSKIENS HAS BEEN

    Pendant 26 ans à LO, R.Paris n’a pas eu le droit d’écrire une seule ligne. A charge de revanche, Google nous offre à chacun un blog où nous épancher. Ce peut-être un moyen de correspondre plus largement ou d’informer un cercle d’amis, un moyen pour se sentir moins seul, voire un moyen pour recruter pou tout apprenti gourou. Je ne me suis jamais fait trop d’illusions sur ce « médium » moi-même. Outil ambigu, diamétral dirait R.Paris, il correspond au triomphe de l’individualisme en même temps qu’il est un outil intéressant d’expression qui économise les timbres. Les blogs, de support personnel au départ, sont de plus en plus bouffés par la propagande publicitaire, n’importe quelle réclame vient se nicher sur un mot surligné à notre insu. C’est la nature totalitaire mercantile du Capital qui reprend toujours le dessus.
    Mon blog est généralement répertorié à côté des sites « Gauche communiste », et je m’en flatte. Matière et mémoire peut être aisément répertorié dans les sites « gauchistes décomposés » ou en tout cas dans les aires propices à la confusion idéologique pour gogos. R.Paris assure que « nous voulons tous la même révolution » (gauchistes + maximalistes), mais que nous différons sur les moyens. C’était la rengaine de LO en 1968. Rien n’est plus faux. Il existe mille conceptions différentes de ce que chacun envisage comme révolution sous couvert de la « société communiste de l’avenir ». Mais il existe UNE DIFFERENCE insurmontable qui départage révolutionnaires et révolutionnaires de pacotille : c’est celle qui consiste à dire qu’on ne peut plus REPETER LE PASSE. On ne refera ni la Commune de Paris ni Octobre 1917. Une autre différence concerne l’histoire des échecs révolutionnaires, on ne peut pas TRAFIQUER LE PASSE, à la manière de R.Paris qui, de façon statique, à la manière anarchiste, imagine une permanence et simultanéité de la révolution et de la contre-révolution. Il mélange tout à la manière des révisionnistes, Kornilov et Franco, etc. C’est un survol en deltaplane trotskien des moments et conditions de la révolution, qui aboutit à défendre des fronts uniques bourgeois ultérieurs nullement générateurs de révolution prolétarienne ni capables d’empêcher le retour de la Guerre mondiale.
    Le gauchisme, et sa partie trotskienne en particulier, est un formidable destructeur de conscience politique. L’exemple en est encore ce simili débat, que j’avais intitulé, unilatéralement « Débat sur les tares du bolchevisme », non pas pour une confrontation entre vieux machins trotskiens et l’aire dispersée et filandreuse du maximalisme, mais pour cadrer le débat vers la nécessité d’une autre façon d’envisager la révolution, en soulignant les faiblesses de l’expérience russe – non encore toutes listées (sur la soit disant guerre révolutionnaire, le rôle du parti, quel Etat ? etc.) – et pas ce cadre flou néo-léniniste proposé par R.Paris : « …des véritables questions fondamentales pour la révolution et pour la lutte prolétarienne… sur la manière d’organiser l’avant-garde militante et de concevoir ses liens avec les masses prolétariennes ». R.Paris tente de réduire le débat sur une autre société au débat étriqué de 1921 bolcheviks/ultra-gauches infantiles, mais retoqué bisbilles entre sectes gauchistes, en éliminant au passage non simplement le courant dit ultra-gauche, opposé aux dérives des Lénine et Trotsky, mais pour mieux éliminer les vraies questions de fond qui n’ont pas leur solution dans Octobre 17, dont le « cadre » est posé par Marx face aux anarchistes : période de transition contre les imbécilités de la communisation immédiate, rapport des prolétaires et du parti, Etat et parti, Etat et Conseils ouvriers. Toutes ces questions ont été ébauchées de 1917 à 1923, mais restent irrésolues. Ce sont ces questions qui nous intéressent pas « la manière d’organiser l’avant-garde militante » (appel du pied de R.Paris aux quelques recrues qui fréquentent son fragile cercle hétéroclite et voiture balai de LO).
    Lorsqu’il liste ses questions, R.Paris reste dans l’ornière trotskienne, il ne part pas du rôle historique attendu du prolétariat, de ses besoins. Il part de la politique abstraite, le dépassement des élections, des « organisations syndicales », de la « direction politique du parti », des compromis, des revendications paysannes, etc. La réponse à ces questions résiderait dans une nouvelle étude de la « politique bolchevik » et « aussi des thèses mais aussi de la pratique politique des gauches en Russie et en Europe ». Bof, tout cela a déjà été fait. Il existe de bons livres d’historiens. Peut-être R.Paris veut-il faire réaliser des exposés à la Mutualité, façon Cercle Léon T., niveau cours moyen deux ? En ressassant la nécessité de l’imitation du valeureux exemple bolchevique ?
    Nos trotskiens désenchantés sont perdus et ne peuvent que ramer avec des vieilleries hors des réalités du monde actuel et d’une lutte de classe qui pose des besoins pour l’humanité à la fois plus urgents, plus complexes et plus nécessaires que jamais. Ce n’est qu’en partant de ces besoins que l’expérience échouée du passé peut servir de référent et/ou de repoussoir. Je préfère une révolution qui a échouée (cf. en Allemagne) qu’une révolution qui a réussi (cf. en Russie). Les leçons des échecs de l’une ne peuvent aucunement trouver leur solution en se référant à l’autre, qui n’a que très peu réussi au demeurant. Le simplisme trotskien pour expliquer l’échec en Allemagne 18-23 – l’absence du parti « dirigeant » - est une vieillerie platonique, qui demeure une constante chez R.Paris et qu’il nomme « erreurs des maximalistes ». Son raisonnement politique reste pollué par les simplismes du trotskysme. Sans connaître la véritable histoire du courant maximaliste comme je le lui ai dit au début, il ne fait que ressasser les billevesées de l’opportunisme léniniste sur la présumée rigidité du maximalisme ; il se félicite que Rosa ait été « demi-maximaliste », c’est-à-dire qu’elle n’ait pas été vraiment contre les syndicats ni pour l’insurrection prématurée. Mais on touche là aux limites des qualificatifs. Nombre de politiques maximalistes ne furent point pour la « révolution à tout prix » ou n’importe comment. Le trotskien léniniste guette toujours l’anarchiste… maximaliste au coin de la rue pour lui asséner un coup du buste léninien.
    Sa théorie fumeuse de l’accouplement perpétuel révolution et contre-révolution est une improvisation stupide de ce qu’il imagine être la danse prolétariat/bourgeoisie : " la montée de la contre-révolution qui lance la révolution et inversement. Les deux sont inséparables et sans cesse en rétroaction". On entre ici dans le domaine de l’improvisation intellectuelle sur des moments différents de l’histoire. La révolution se produit contre une classe dominante affaiblie ou qui a dévoilé injustices et contradictions insurmontables. La contre-révolution n’existe pas avant la révolution. Les conditions de la montée révolutionnaire ne sont pas les mêmes que son reflux. On ne peut pas assimiler les bandes armées de Kornilov et celles de Mussolini et Hitler. Face à la tentative de putsch de Kornilov, si des alliances sont nouées avec la bourgeoisie démocratique c’est parce que le prolétariat et ses partis révolutionnaires sont en position dominante. Le recours aux bandes armées contre-révolutionnaires des deux dictateurs fascistes n’est possible pour la bourgeoisie qu’une fois le prolétariat vaincu politiquement et partiellement défait par les exactions militaires. R.Paris mélange tout avec cette théorisation simpliste et linéaire, le putsch de Kornilov comme celui de Franco et celui d’Hitler,et sans nous définir ce qu’est la contre-révolution ni quand elle a lieu, ni quand elle s’impose. La contre-révolution ce n’est pas simplement des bandes armées ni le fascisme ou le stalinisme.
    En réalité, sous couvert de « concession dialectique », le Robert Paris-en-bouteille nous livre la plus belle description de la compromission politique et de l’appartenance, avec ses critères binaires de philo de CM1, du gauchisme décati au concert politique bourgeois traditionnel et anti-révolutionnaire (ah cette fleur de rhétorique politicarde trotskienne élimée "enlever les masses aux appareils réformistes" !) :
    « Ce type de position diamétrale supprime toute possibilité de stratégie du prolétariat, toute démarche en vue de conquérir les masses au cours de la lutte et au travers de prises de position partant d’un certain niveau de conscience et de lutte, pour aller plus loin. Elle exclut toute alliance avec tout groupe qui n’est pas intégralement communiste révolutionnaire. Elle exclut non seulement les programmes de transition, les tentatives de stratégie d’unité pour enlever les masses aux appareils réformistes. Elle exclut l’utilisation des instruments de la démocratie bourgeoise. Elle exclut que le prolétariat se serve des contradictions au sein de la bourgeoisie, par exemple entre la grande et la petite, entre la bourgeoisie et des peuples opprimés. Elle exclut l’utilisation de la question nationale comme une question explosive permettant au prolétariat de prendre la tête de couches opprimées. Elle exclut aussi que l’Etat ouvrier, momentanément isolé, mène une politique sociale et économique en vue de tenir la position afin d’attendre la maturation révolutionnaire du reste du prolétariat.
    Dans les positions en ou/ou, on ne dispose que de deux couleurs dans la palette : ou la situation est révolutionnaire ou elle ne l’est pas, ou la révolution est prolétarienne et communiste ou elle ne l’est pas, ou un parti est intégralement communiste révolutionnaire ou il est contre-révolutionnaire, etc… ».
    Au-delà de ce bricolage théorique, resucée de la confrontation léninisme/gauchisme infantile, les véritables questions posées par le maximalisme - concernant la transition au communisme, la place du prolétariat détruite par le parti bolchevique, la nécessité de combattre la démocratie bourgeoise pour établir une véritable démocratie qui inaugure la fin du politique, quel Etat transitoire ?, la démarcation définitive avec les organismes passés à la bourgeoisie est-elle soluble dans des retrouvailles avec les anciens partis bourgeois, échéances de l’abolition du salariat et des hiérarchies, etc – sont ignorées. On reste dans le monde froid des « bureaux politiques » et de leurs « directions ». On discute mais de « stratégies », pas de principes prolétariens. On joue au philosophe lémurien-léninien. On peut passer d’un parti à un autre comme on cueille des fleurs ou des navets. C’est le drame de tous ceux qui sont restés trop longtemps dans le giron des trotskismes. Ils ont tout désappris et ne savent plus penser. Ils prétendent encore « faire la leçon », enseigner des rudiments même avariés et enrobés de superlatifs "réalistes" léniniens. Quand bien même ils ne peuvent même plus discuter, dégager questions principales des secondaires, soupeser vraiment l’argument opposé. Alors ils escamotent en radotant comme tous les militants des partis officiels encore en service. Ils ne peuvent pas remettre les bases doctrinales militancières de toute une vie. Le débat n’est plus alors que le monologue du petit prof qui se parle à lui-même. Ses élèves ont déserté sa classe. Il reste seul sur son estrade, un peu hébété, mais rassuré par sa propre voix.

    • Cher Jean-Louis,
      ce n’est pas que je serais "has been" trotskyste que je te déçois, comme tu l’a formulé, mais parce que je ne suis pas "has been tranformed’ en maximaliste. Cela je peux le comprendre mais cela ne devrait pas nécessiter autant de mépris.

      Tu écris : Matière et mémoire peut être aisément répertorié dans les sites « gauchistes décomposés » ou en tout cas dans les aires propices à la confusion idéologique pour gogos.

      Je te rappelle que précédemment tu écrivais que c’était un site intéressant pour un site trotskyste. Tu savais donc déjà qu’on y défendais le trotskysme et tu avais même apprécié un débat imaginaire avec le CCI...

      Donc je crains plutôt que tu rajoute à la longue liste des militants qui ne supportent pas le débat. Bien venu au club...

  • Quand je centre mon exposé sur l’étude des actions politiques des maximalistes là où ils ont eu du poids, Jean-Louis se fâche et passe à la critique non de mes propos mais de ma personne…

    Pourquoi pas, aucune critique n’est interdite. Mais les attaques sur les personnes pour remplacer le débat, là je trouve que Jean-Louis rejoint… Lutte Ouvrière, du moins dans la méthode.

    Robert Paris, copie conforme de Lutte Ouvrière ?

    Mais LO ne discute pas les thèses des maximalistes et encore moins avec eux !

    Robert Paris raisonne comme Lutte Ouvrière ?

    Mais Lutte Ouvrière ne privilégie pas la critique des appareils syndicaux et de l’électoralisme. Pour Jean-Louis, c’est la même chose. Du moment qu’on n’appelle pas à quitter les syndicats et à refuser toute participation aux élections bourgeoises, tout est trahison de la révolution. C’est ce que j’appelle le noir ou le blanc.

    Jean-Louis s’opposerait à moi parce que lui penserait qu’on ne peut pas répéter le passé ? Ah bon ! Mais pourquoi estime-t-il, comme moi, qu’il faut l’étudier si ce n’est pour en tirer des leçons générales. Franco n’est pas Kornilov, merci je ne le savais pas…

    D’autre part, j’imaginerai une simultanéité de la montée de la révolution et de la contre-révolution ?

    Par exemple, en 1923 en Allemagne, elle n’existait pas ? Ce n’est que dans mon imagination ?

    Et en Espagne, en 1936, la révolution prolétarienne ne monte pas en même temps que la contre-révolution franquiste ?

    Nous sommes d’accord, la dialectique de Robert Paris est un bricolage théorique sans le moindre intérêt qu’il ne sert même pas de discuter, mais où Jean-Louis développe-t-il sa conception dialectique ? Est-il pour la dialectique et qu’entend-il par là ? Ce n’est pas dit.

    Nous ne voudrions pas la même révolution lui et moi. Ce n’est pas dit. Et d’abord, la question est que préconisons nous quand se pose la situation révolutionnaire ou pré-révolutionnaire ou que préconisons nous aujourd’hui que se pose la crise du système ? Il est fâché qu’on revienne de cette manière sur les divergences passées mais cela ne doit pas nous empêcher de discuter y compris sur des convergences actuelles.

    En tout cas, lorsqu’on estime que les idées sont faites pour discuter, on n’écrit pas qu’il est impossible de discuter avec un trotskien.

    J’espère que nous aurons bientôt des comités révolutionnaires des travailleurs dans lesquels tous les courants devront discuter, s’affronter, et y compris s’affronter aux réformistes, aux opportunistes. C’est dommage que Jean-Louis pense qu’il ne pourra même pas discuter avec un camarade d’un autre courant qui vise un but bien plus commun qu’il ne le dit.

    Les militants léninistes et maximalistes de l’époque dont nous discutons non seulement ne refusaient pas la discussion entre eux et mais militaient parfois dans le même parti et dans la même internationale. Ils étaient dans le même camp dans les combats, par exemple ceux dont nous discutions en Allemagne. Je vois que ce n’est plus le cas et je ne suis pas sûr que c’est parce qu’on a progressé en compréhension !

    Jean-Louis est loin d’être le plus sectaire puisque c’est l’un des rares à avoir accepté de discuter longuement par écrit.

    Dommage que cela n’ait pas duré davantage.

    C’est parce que mes arguments ne valent rien ? Peut-être. Mais si on ne discute qu’avec ceux qui sont d’accord, je ne vois pas quels moyens on donne au lecteur pour trancher.

    Les sites internet sont un moyen ridicule pour faire de la politique ? Tu t’en sers de la même manière que moi et tu n’avais jamais émis de tels regrets d’avoir un site politique jusque là.

    Pour ma part, je pense que l’extrême gauche, toutes tendances confondues aurait beaucoup à gagner à réapprendre à discuter et à confronter les arguments et les interprétations. La recherche des positions justes est à ce prix.

    Je serais pour qu’on milite avec des maximalistes parce que je suivrais en cela Lutte Ouvrière ? Première nouvelle que LO serait pour cette position ! Non, je suis pour comme Lénine était pour et Trotsky était pour et aussi… les maximalistes de l’époque étaient pour. Et je constate que les maximalistes d’aujourd’hui se sont largement aggravés par rapport à ceux de l’époque. Comme les trotskystes d’ailleurs…

  • On peut lire sur le site de Jean-Louis :

    La crise chaotique du capital mène-t-elle au fascisme ?
    C’est la question qui me vient en lisant les commentaires (bienvenus) des camarades à propos de ma synthèse de la réunion de VDT. Un premier camarade me fait remarquer qu’à la limite du capitalisme apparaît le fascisme et que le système en mourant entraîne la classe ouvrière dans sa chute. Qui sait, si surgit un tremblement de terre y aura-t-il des survivants ? En tout cas cette vision du fascisme comme phase ultime du capitalisme était la vision (élimée et fausse) des staliniens. Il faut travailler sur autre chose que les poncifs du fascisme comme "extrémité du capitalisme".
    Robert Paris estime qu’un cercle n’a pas à conclure ses discussions à la manière de la science. Evidemment ce qui nous sépare des folklores religieux et de leurs "certitudes superstitieuses"c’est que nous doutons toujours à la manière de Marx, mais sur le plan de l’activité de groupe c’est une apologie plate de la génération spontanée qui ferait hurler même un apolitique comme Pasteur. Etonnant car le site Matière et Révolution est génial pour ses questions et réponses en matière d’avancée des sciences.
    R.Paris ne comprend pas la guerre d’un point de vue marxiste, comme Vercesi de la Gauche communiste, il n’y voit qu’une guerre contre le prolétariat, ce qui est sous-estimer l’ampleur de la limite du système en crise. Il surdétermine le rôle des couches moyennes dans la genèse du fascisme. Le fascisme n’est en effet pas un simple régime autoritaire à la Pinochet, il correspond à une unification des forces bourgeoises dans l’Etat militarisé (pas une unification à la démocrate) mais dans une période exceptionnelle : menace de révolution mondiale et nécessité d’accélérer la marche à la guerre mondiale. Toutes conditions inexistantes aujourd’hui sauf pour les inventeurs antifas d’un fascisme imaginaire.Enfin le prolétariat n’est pas en train de s’effondrer sur ses propres bases, il ne fait que tenter de se relever quand les couches petites bourgeoises prennent les devants en Turquie, Egypte, Brésil, Chili, comme toujours historiquement parce qu’il est décisif qu’elles basculent de son côté... Bien à vous pour des discussions qui ne font que commencer.

    On espère que, malgré des réactions maximales plutôt que maximalistes, on continuera les discussions...

  • Cher Jean-Louis,

    Personnellement, ne suis pas étonné que tu jettes l’éponge aussi vite. Nous avons eu une petite conversation dans laquelle j’évoquais la philosophie dialectique et cela t’avait fait rigoler. Etonnant pour un militant se réclamant de Karl Marx !

    Mais, du coup, pas étonnant de raisonner ainsi en catégories absolues et étanches : un maximaliste par ci, un trotskyste par là, et, bien entendu, pour un non-dialecticien, ces catégories ne peuvent pas se rencontrer, dialoguer, être utiles les uns aux autres. Tu ne peux pas imaginer que nous puissions trouver intérêt à militer avec quelqu’un comme toi à nos côtés, pour nous critiquer. Oui justement pour cela. Pour nous rappeler sans cesse ce qui te semble faux dans le bolchevisme. Tu ne peux pas imaginer que des militants de courants opposés non pas se regroupent sans principe mais se confrontent en défendant chacun les siens. C’est ça qui est dialectique. C’est pourquoi, moi je sais que cela m’est utile de discuter avec toi, pas toi. Je ne détiens pas la vérité historique. Je ne sais pas le milliardième de ce qui me serait nécessaire de comprendre pour aider un tant soi peu la révolution et je ne rejette pas une contribution d’un révolutionnaire – je reprend ici l’expression de Robert. Toi tu renvois tout cela à la poubelle de l’Histoire avec une déception violente et marquée.

    La déception t’amène à affirmer que la révolution russe était battue d’avance, la révolution espagnole aussi. Marx pensait qu’en 1871, la situation n’était pas mure, mais, une fois que les travailleurs parisiens avaient relevé le défi, Marx n’en restait pas à répéter que ce n’était pas mûr…

    Je regrette de te dire que ton bouquin sur le maximalisme vire à l’ethnologie de l’extrême gauche, en tant que groupe ou en tant qu’individu, ce qui est fort peu enthousiasmant à lire. La sociologie de la société n’est pas souvent passionnante mais la sociologie des groupes politiques d’extrême gauche est souvent moins intéressante que ces groupes eux-mêmes. Et cela n’explique pas grand-chose me semble-t-il. As-tu fait l’ethnologie de Marx et Engels avant d’étudier leur œuvre ?

    Tu fais visiblement des contresens sur ces gens comme tu viens de le faire sur Robert Paris. Et faire son procès n’est rien d’autre que prendre la suite justement de tes amis de Lutte Ouvrière, qui rejettent d’ailleurs comme toi la dialectique et raisonnent en noir et blanc.

    Tout ce débat arrêté à peine entamé ne change pas mon point de vue : ceux qui sont réellement attachés à la révolution communiste doivent passer par-dessus ces obstacles et continuer la discussion.

    Jean-Louis, nos raisonnements ont beau te faire horreur. Nous faisons partie des gens qui estiment trouver intérêt à entendre tes points de vue. Penses-tu que le négliger soit une bonne idée ?

    Amitiés révolutionnaire

    Tiekoura Levi Hamed

  • "Tu fais visiblement des contresens sur ces gens comme tu viens de le faire sur Robert Paris. Et faire son procès n’est rien d’autre que prendre la suite justement de tes amis de Lutte Ouvrière, qui rejettent d’ailleurs comme toi la dialectique et raisonnent en noir et blanc."

    Oui , bien d’accord.
    JL.Roche n’es pas pour rien un ex-militant de LO, et il a gardé les raisonnements tout fait de cette orga et le mépris pour la discussion (écrire des livre n’est pas synonyme de volonté de débattre comme nous venons de le voir) et pour ceux des militants et travailleurs qui la pratiquent.

  • Contrairement à ce que pense Jean-Louis, ce qui fonde Matière et révolution, ce n’est pas d’être amarrés de manière religieuse à la révolution russe et au bolchevisme qui ne sont qu’une des étapes du mouvement ouvrier. Et pas plus à Trotsky ou au trotskisme.
    Les révolutionnaires d’aujourd’hui et de demain doivent repenser le passé et l’avenir sans aucune œillère. Nous ne sommes nullement sourds aux critiques de la révolution russe faites du point de vue de la révolution bien entendu.

    Nous n’adhérons à aucun nationalisme russe ni à aucune sorte de construction révolutionnaire ou pseudo révolutionnaire à partir d’un seul pays ni à aucun capitalisme d’état. La révolution russe a été isolée et elle ne l’a pas été par Lénine et Trotsky ni par leur politique. Cela ne signifie pas que leur politique, qui était amenée par la force des choses, à céder à certains rapports de force, soit un exemple. Ces deux révolutionnaires ont mille fois dit et écrit que, dès que la révolution se développerait dans un pays avancé, la Russie révolutionnaire apparaîtrait pour ce qu’elle est : très en retard.

    Nous avons des défauts et des œillères héritées du passé ? Bien entendu mais nous acceptons qu’on nous les montre. Nous défendons nos idées mais nous diffusons aussi celles d’autres révolutionnaires qui les combattent. Nous ne connaissons pas d’autre chemin même si celui-ci est parfois compliqué.

  • A lire sur le site de Jean-Louis, la contribution de Laugier sur le KAPD : ici

  • Comment Hempel (KAPD) alias Jean Appel critiquait la politique bolchevique : voir ici

  • Sur le site de Jean-Louis :

    La crise chaotique du capital mène-t-elle au fascisme ?
    C’est la question qui me vient en lisant les commentaires (bienvenus) des camarades à propos de ma synthèse de la réunion de VDT. Un premier camarade me fait remarquer qu’à la limite du capitalisme apparaît le fascisme et que le système en mourant entraîne la classe ouvrière dans sa chute. Qui sait, si surgit un tremblement de terre y aura-t-il des survivants ? En tout cas cette vision du fascisme comme phase ultime du capitalisme était la vision (élimée et fausse) des staliniens. Il faut travailler sur autre chose que les poncifs du fascisme comme "extrémité du capitalisme".
    Robert Paris estime qu’un cercle n’a pas à conclure ses discussions à la manière de la science. Evidemment ce qui nous sépare des folklores religieux et de leurs "certitudes superstitieuses"c’est que nous doutons toujours à la manière de Marx, mais sur le plan de l’activité de groupe c’est une apologie plate de la génération spontanée qui ferait hurler même un apolitique comme Pasteur. Etonnant car le site Matière et Révolution est génial pour ses questions et réponses en matière d’avancée des sciences.
    R.Paris ne comprend pas la guerre d’un point de vue marxiste, comme Vercesi de la Gauche communiste, il n’y voit qu’une guerre contre le prolétariat, ce qui est sous-estimer l’ampleur de la limite du système en crise. Il surdétermine le rôle des couches moyennes dans la genèse du fascisme. Le fascisme n’est en effet pas un simple régime autoritaire à la Pinochet, il correspond à une unification des forces bourgeoises dans l’Etat militarisé (pas une unification à la démocrate) mais dans une période exceptionnelle : menace de révolution mondiale et nécessité d’accélérer la marche à la guerre mondiale. Toutes conditions inexistantes aujourd’hui sauf pour les inventeurs antifas d’un fascisme imaginaire.Enfin le prolétariat n’est pas en train de s’effondrer sur ses propres bases, il ne fait que tenter de se relever quand les couches petites bourgeoises prennent les devants en Turquie, Egypte, Brésil, Chili, comme toujours historiquement parce qu’il est décisif qu’elles basculent de son côté... Bien à vous pour des discussions qui ne font que commencer.

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