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Le nouvel ouvrage de Nathan Tobie, une critique de l’interprétation des rêves de Freud par l’ethnopsychiatrie

mardi 2 juillet 2013, par Robert Paris

Le nouvel ouvrage de Nathan Tobie, une critique de l’interprétation des rêves de Freud par l’ethnopsychiatrie

Le grand public a tendance à confondre dans un même ensemble les trois courants que sont la psychologie, la psychiatrie et la psychanalyse. Ceux qui se plongent davantage dans les thèses de ces trois grands ensembles parviennent généralement à la thèse selon laquelle ces disciplines s’opposent entre elles. Cela n’est pas étonnant : l’essentiel des auteurs les opposent effectivement. Mais, en sciences, on constate souvent de telles inimitiés entre disciplines : les chimistes n’aiment pas les physiciens et réciproquement, les chercheurs fondamentaux n’aiment pas les expérimentateurs et réciproquement, les spécialistes de physique des solides n’aiment pas ceux de la physique des particules et les uns et les autres n’aiment pas les spécialistes de l’astrophysique et réciproquement, les paléontologues n’aiment pas les spécialistes de la biologie du développement et j’en passe…

Fort heureusement, il y a des exceptions ! Et des auteurs qui n’opposent pas les différentes démarches et qui s’aperçoivent qu’elles ne posent tout simplement pas les mêmes questions au monde et ne risquent pas de donner les mêmes réponses. Ce qui n’empêche pas l’unité du monde ni la validité des diverses recherches dans leur domaine d’application….

Il n’y a pas une manière unique de soigner une paralysie d’un membre. Il y a au contraire de multiples manières suivant la cause de cette maladie. Cela peut être un problème moteur, un problème neurologique, un problème psychologique, psychiatrique, psychanalytique, etc… C’est le contexte particulier qui peut répondre à cette question et pas l’affirmation selon laquelle une des disciplines prévaudrait sur les autres. L’être humain est une unité au sein de laquelle corps et esprit ne peuvent nullement se séparer et n’ont jamais été séparés. On ne peut jamais exclure des causes psy ou des causes physiologiques et souvent les deux sont liés…

Psychiatrie, psychologie et psychanalyse n’ont ni les mêmes méthodes ni les mêmes buts. La psychiatrie est médecine et recherche une action médicale sur la maladie. En particulier, le psychiatre donnera des médicaments au malade qui est dans une phase aiguë et qui en a absolument besoin. Le psychologue et le psychiatre ne sont généralement pas des médecins et ne donnent pas des médicaments. La psychologie cherche à ce que la personne réfléchisse sur les difficultés qu’il constate afin d’en supporter les effets, qu’elle s’adapte à son environnement ou essaie de trouver une manière de vivre avec. La psychanalyse affirme que nous refusons une fraction inconsciente de nous-mêmes d’accéder à la conscience et que cette inhibition est devenue trop douloureuse pour pouvoir continuer ainsi. Mais la venue de l’inconscient à la conscience n’est pas faite spontanément. Il faut une aide qui est le fait de parler à une personne complètement extérieure et anonyme qui ne servira pas à vous expliquer votre inhibition mais seulement à vous permettre de l’exposer. Le fait d’extérioriser l’inhibition suffira à en désamorcer l’agressivité interne contre le malade. Il faut donc retenir que nous avons là trois disciplines différentes à rajouter à la neurophysiologie et que ces disciplines ne se contredisent pas autant que leurs auteurs le prétendent. Il n’est nullement nécessaire de donner raison à l’une contre les autres puisqu’elles ne se posent pas les mêmes problèmes et traitent en réalité de maladies différentes ou à un stade différent. Il peut arriver qu’un malade ait besoin à la fois de deux ou plus de ces disciplines ou, au contraire, qu’il n’est besoin que de l’une d’elles. Cela ne dit pas que les autres soient toujours inutiles…

L’ouvrage que nous voulons commenter ici, « La nouvelle interprétation des rêves » de Nathan Tobie fait partie de la thèse de la psychiatrie, dans une de ses parties appelée ethnopsychiatrie et se croit classiquement obligée de s’opposer à la psychanalyse de Freud. Classiquement car la plupart des psychiatres sont hostiles aux thèses de Freud. C’est en partie obligatoire que ce qui s’intitule « une nouvelle thèse » sur les rêves contredise Freud, dans la mesure où les thèses de Freud sur le rêve sont parmi les plus connues, sinon reconnues, et très citées parmi les études sur ce domaine. Mais on trouve aussi la nécessité pour une étude psychiatrique de démolir la thèse de Freud pour mieux affirmer l’appartenance à la famille psychiatrique, ce qui est bien plus une affirmation de clan que de conviction, surtout quand les accusations contre les théories freudiennes sont de simple affirmations peu argumentées. Et pour cela de dresser une caricature de la thèse de Freud. Par exemple, celle consistant à dire que son interprétation des rêves n’aurait rien à voir avec l’individu, avec son existence particulière, singulière, individuelle ou encore que Freud ne proposerait aucune forme de thérapie.

On comprend cependant que la psychiatrie insiste sur l’action puisque, contrairement à la psychologie et à la psychanalyse, elle est du domaine de la médecine, du soin, du médicament, du traitement…

On comprend aussi que l’ethnopsychiatrie qui remet en selle l’importance du substrat religieux, mythique, ethnique, culturel, critique la thèse de Freud, accusée de débarrasser l’interprétation des rêves de ses explications diaboliques, d’interventions de sorcières, de mauvais sorts, et autres explications développées par les anciennes sociétés.

Mais Tobie ne se contente pas de cela. Il défend contre Freud la nécessité des religions alors que Freud combattait les religions. Il ne s’agit donc pas seulement d’un débat sur l’interprétation des rêves. Tout l’ouvrage de Tobie est éloge parfaitement enthousiaste et subjectif de l’Ancien Testament des Juifs et particulièrement du Talmud.

Ainsi, Tobie cite Freud :
« Un homme qui a soigné son père malade et qui a beaucoup souffert de sa mort fait, peu de temps après cette mort, le rêve absurde suivant : son père était de nouveau en vie et lui parlait. »

Tobie donne l’interprétation suivante :
« A la différence de Freud, j’aurais interprété ce rêve comme signe de l’absence de rituel accompli par cet homme lors des funérailles de son père. »

Pour Tobie, les morts reviennent sur terre et nous parlent, modifient nos vies, agissent sur notre avenir. Il est en pleine interprétation mystique, magique, religieuse et son ethnopsychiatrie consiste à nous faire revenir vers les conceptions antiques du diable et de dieu….

Tobie nous fait revenir au caractère diabolique des cauchemars. Son ethnopsychiatrie nous permet un retour en arrière de plusieurs centaines d’années et même milliers d’années de la pensée ! Il nous ramène aux sorciers, aux diables, au pouvoir du jeteurs de sorts et autre balivernes…

Pour Tobie, l’interprète crée le rêve et le rêve est une prédiction. Il retire tout caractère objectif au rêve, tout caractère matérialiste.

Voici sa critique de Freud :
« La psychanalyse était persuadée qu’elle était parvenue à chasser des rêves les démons visiteurs en se référant au désir du sujet. »

Et Tobie d’éradiquer les désirs du sujet de l’interprétation pour ramener l’intervention des démons visiteurs !!!

Curieusement, en même temps, il prétend donner une signification biologique au rêve.

En effet, il s’appuie sur la thèse de Michel Jouvet sur la nature du sommeil paradoxal, cette fraction du sommeil durant laquelle les rêves se produisent.
Citons Tobie :

« Qui souhaite penser l’interprétation du rêve se trouve devant l’obligation de respecter la dynamique principale du sommeil paradoxal, consistant, nous venons de le rappeler, à confirmer l’individu biologique dans sa spécificité. »

Donc le rêve aurait une fonction biologique de conservation ? Etonnante interprétation due à Michel Jouvet.

Tobie explique ainsi la thèse de ce dernier :

« Selon Michel Jouvet, le sommeil paradoxal permettrait au cerveau de se reprogrammer selon le schéma initial inclus dans son code génétique. Cette théorie expliquerait pourquoi certains animaux – les mammifères et les oiseaux – auraient besoin de cette fonction puisque, à la différence des autres cellules de leur organisme, les cellules de leur cerveau sont privées de la capacité de se régénérer. De ce fait, ces cellules risquent de se faire prendre dans des organisations, des systèmes contraires à la programmation génétique de l’individu. D’où la nécessité quotidienne du rêve, qui permet aux cellules nerveuses de redevenir elles-mêmes, pour ainsi dire, de venir se recaler sur leur programmation génétique initiale. »

Voilà donc la génétique venant au secours des religions, des croyances et mysticismes divers !!!

Tobie en conclue :

« Le rêve est une machinerie biologique permettant aux individus de se restructurer chaque nuit selon leur programmation originelle et donc de se réinitialiser en tant qu’individus génétiquement uniques, malgré une socialisation maximale. »

Donc l’individu devrait lutter contre la socialisation maximale pour revenir à sa « programmation originelle ». Il n’y a plus qu’à relier cette originalité à l’origine ethnique de chaque personne et la boucle est bouclée. C’est exactement ce que fait Tobie !

C’est ce que Tobie appelle tirer des conclusions des études en neurophysiologie qu’il appelle « un rapide survol des découvertes de la neurophysiologie moderne » dont il aura préalablement précisé qu’elles contredisent les thèses de Freud sans dire précisément pourquoi en en quoi.

Ainsi, Tobie conclue encore :

« Nous retiendrons également que, selon l’hypothèse de Jouvet, le rêve constitue un temps où la personne dialogue avec sa programmation génétique initiale, c’est-à-dire, d’une certaines manière, avec son « créateur ». »

On comprendra que Tobie considère que les rêves soient dus à l’absence de prières pour la mort des disparus, au retour des ancêtres dont l’âme vient déranger les vivants et autres balivernes religieuses…

Les prétendues découvertes neurobiologiques qui sont censées justifier ce « retour » au religieux, à l’ethnique, au mystique, au spiritualisme sont tout à fait inattendues et curieuses.

A lire Tobie, on pourrait croire que toute la neurophysiologie s’est déterminée à penser comme Jouvet mais c’est faux. Toute la neurophysiologie ne rejette pas Freud. Elle n’est pas entièrement d’accord que le rêve soit tout entier dans le sommeil paradoxal. La théorie actuelle de Jean Paul Tassin, au Collège de France, est que le sommeil paradoxal sert à incorporer dans la mémoire du cerveau les événements de la veille. Selon J.P. Tassin et ses collaborateurs, le rêve aurait lieu durant le temps infime qui suit l’événement qui a provoqué le réveil. Durant le sommeil, la conscience s’évanouit, les neurones sérotoninergiques et noradrénergiques cessent de fonctionner, l’information nerveuse ne peut être maintenue au-delà de quelques millisecondes dans le cerveau. Sans l’activation de ces neurones, la vision du paysage et les émotions associées à cette expérience sont tellement éphémères qu’elles ne peuvent être perçues de manière consciente, ce sont des images subliminales inclues dans le rêve. Seulement pour qu’il y ait rêve, il faut qu’il y ait conscience, et même si le cerveau est actif, il n’y a ni conscience ni rêve… Mais alors comment expliquer l’impression que l’on a tous d’avoir rêvé durant la nuit ? Lors d’une nuit de sommeil classique, on peut se réveiller plus de dix fois. Ce sont des micro-réveils, le cerveau est en état d’éveil durant un très court instant, si court qu’il est rare de s’en rappeler au matin. Nous pourrions alors nous souvenir d’un rêve sans avoir le souvenir de nous être éveillé. Pour J. P. Tassin, le rêve apparaîtrait donc dans ces phases de micro-réveil, il serait finalement dépendant du sommeil puisqu’il faut qu’il y ait eu sommeil pour qu’il y ait réveil. Et Freud dans tout ça ? Le cerveau est capable de produire des dizaines d’images en moins d’une seconde, et cette dizaine d’images traitée consciemment suffit à raconter une histoire paraissant durer quelques minutes. Mais qu’en est-il de la cohérence de cette histoire ? Le rêve entre en jeu, créant des scénarii irréel et illogiques, mais aussi « non censurés » comme l’a noté Freud. Ces récits viennent de l’expérience diurne du rêveur, suscitant des images inconscientes qui seraient remises bout à bout pendant les quelques micro-réveils de la nuit.

Alors à quoi servirait la phase paradoxale ? Durant cette phase, les ondes cérébrales issues du cerveau profond se propagent dans le cortex frontal, réactivant ce que nous avons appris dans la journée, et consolidant souvenirs et gestes. Tout ceci est inconscient, et le rêve serait au plus, la prise de conscience fugace de ces mécanismes. Le chat cérébrolésé par M. Jouvet ne faisait que reproduire les gestes appris dans la journée, peux-t-on réellement affirmer qu’il rêvait ? Ce qui permet de les réactiver, de les faire revenir à la conscience lors du réveil. En stimulant ces traces biologiques lors du réveil crépusculaire, au moment où l’on sort graduellement du sommeil profond pour revenir à l’état d’éveil, l’électricité cérébrale donne des moments de rêve semi-conscients. « Cela veut dire que le rêve se fabrique durant tous les stades du sommeil, sommeil paradoxal et sommeil lent, mais avec des natures de rêves différentes, analyse Boris Cyrulnik. L’électrophysiologie confirme la théorie freudienne sans exclure celle de Michel Jouvet. » Il y a encore bien d’autres neurophysiologistes qui confirment Freud…

Nous rappelons ici que les neurosciences n’ont nullement infirmé Freud

Le seul argument de Michel Jouvet consiste à avoir détruit, chez les chats, une zone du cerveau inhibant les activités motrices durant le sommeil et montré l’agitation des chats durant le rêve ce qui n’est nullement une preuve de la fameuse hypothèse anti-freudienne de Jouvet…Tobie répète à l’envi la thèse de Jouvet dans son livre mais il n’y rajoute ni une preuve ni même le moindre argument de raisonnement, ni un exemple !!!

Rien dans les expériences de Jouvet n’est une preuve directe contre la psychanalyse de Freud contrairement à ce qu’affirment ensemble Jouvet et Tobie. Que les chats agissent selon leurs pulsions après avoir détruit leur centre inhibiteur des activités motrices n’est nullement une preuve contre la thèse de Freud selon laquelle le rêve est l’expression de processus névrotiques à la frontière du conscient et de l’inconscient.

Nous rappelons ici la thèse de Freud sur les rêves

Comme l’explique André Lussier de l’Université de Montréal :

« Jouvet déclare : « Freud ne postule à aucun
endroit des systèmes de neurones automatiquement actifs ou régulés. La conclusion qui s’impose est que la théorie de Freud doit être abandonnée… Aucun des facteurs postulés par Freud (énergie des désirs inconscients) n’est un facteur causal… » Mais comment le sait-il ? Il vient d’affirmer, quelques pages auparavant, que le neurologue ne connaît
encore rien du pourquoi de l’activité onirique ! Dogmatisme gratuit. Chasse aux sorcières. Le pourquoi neuronal va déloger la recherche du sens.
Recul de l’histoire.
Jouvet croit finalement toucher le coeur du sujet et pouvoir donner le coup de grâce à Freud : « La force agissante est une activation biologique des cellules du pont et non pas un désir réprimé… Ainsi, la motivation
première du langage du rêve ne peut pas être déguisée… puisqu’elle n’est ni un instinct ni un désir ». La confusion des scènes d’opération et des systèmes de causalité est totale. Le psychique, dirait André Green, est « dépsychisé ». Le déguisement, lui, s’il existe, ne serait qu’un accident
secondaire de parcours, en surface. Tout est dans les cellules neuronales du pont. Les neurones méritent toute notre admiration si c’est à eux que les quadraplégiques doivent de rêver qu’ils courent. Je me permets de
signaler que des chercheurs en neurophysiologie du rêve viennent de prouver la fausseté du rôle attribué par Jouvet aux cellules du pont. Au cours de la minute accordée à Freud, Jouvet y est allé d’une vérité retentissante avec un calme olympien : les découvertes des neurosciences sur le rêve classent Freud désormais parmi les folkloristes, les conteurs d’histoires de grands-mères, les créateurs de science-fiction. C’est la notoriété du conférencier qui me fait méditer sur de telles affirmations, car, par ailleurs, depuis un siècle, la mort de Freud a été annoncée cent fois par des psychiatres et des psychologues ne disposant que de peu de connaissances de l’oeuvre de Freud. »

Tobie est ethnopsychiatre parce qu’il considère qu’on doit relier un homme à son ethnie. Cela signifie, selon lui, aux traditions, aux mystiques, aux croyances, aux traits raciaux, à l’idéologie ancestrale, aux histoires lointaines qui devraient continuer à peser sur les hommes. Et il préconise de faire appel aux sorciers locaux, aux religieux ou plutôt à leur idéologie.

Il écrit ainsi :

« Le rêve est le terrain privilégié des morts… Pourquoi reviennent-ils ainsi investir les vivants ? Qu’est-ce qui du monde des vivants les intéresse encore ? La réponse est cette fois immédiate : les morts viennent exiger le rétablissement d’un ordre dont ils attendent leur progression dans le monde des morts… Nos organisations les plus accomplies nous viennent des morts… Alors, lorsqu’un mort revient en rêve, nous savons qu’il s’agit de restaurer un ordre : dans la gestion de son héritage bien sûr, mais aussi une dette impayée, une injustice manifeste qui perdure, une erreur dans la perception de la famille, de la lignée, de la descendance. »

Et, bien entendu, ces balivernes sont justifiées par des découvertes des neurosciences ?!!!

Les conclusions de Tobie sont talmudiques :

« Le rêve te permet de recevoir les messages qui ne sont pas dans le monde… Rappelle-toi la phrase du talmudiste : « Un rêve qui n’est pas interprété est comme une lettre qui n’a pas été lue. » (…) Mais, prends garde, aucun rêve ne peut être interprété par le rêveur ; il ne parviendrait alors qu’à produire un nouveau rêve, qui appellera encore plus un interprète…. Car le rêve se réalisera à partir de la parole de l’interprète. (…) Tel est celui à qui tu le raconteras, tel se réalisera ton rêve. (…) L’interprétation est toujours une prédiction. (…) L’interprétation annonce l’avenir. »

Donc prédictions, annonciations, exorcismes, mysticisme, messages ou vengeances des morts, la nouvelle interprétation des rêves de Tobie est très loin (en arrière) de celle de Freud !

Comment Freud démolissait les religions

Messages

  • C’est de l’Ancien Testament que Tobie tire son exemple le plus remarquable censé montrer que le rêve est prémonitoire, prédictif, qu’il mène à l’avenir, à une action à faire pour changer le cours des choses et pas seulement une marque d’un passé inconnu, inhibé et qui fait encore souffrir et dont il faudrait se débarrasser, rendre consciente ou assumer.

    En effet, il s’agit de la manière, selon la Bible, dont Joseph aurait décrypté, interprété les rêves du Pharaon, dictant à celui-ci sa conduite en interprétant ses rêves. Joseph aurait dit au Pharaon que ses rêves signifiaient qu’il allait y avoir sept années de bonnes récoltes suivies de sept années de mauvaises récoltes qui allaient menacer l’empire des Pharaons. Selon Joseph, le rêve signifiait que Pharaon était averti, au travers du rêve par des puissances supérieures, d’une menace et devait se servir des sept années fastes pour accumuler des grains dans ses greniers royaux afin d’éviter les famines à la suite des sept années de mauvaises récoltes.

    Tobie, prenant ce récit comme un fait historique et à la fois comme texte symbolique et remarquant à juste titre comme l’interprétation des rêves est considérée dans le judaïsme comme message divin, … eh bien reprend cette thèse à sa sauce !

    Pourtant, il est bien connu que la thèses des années maigres suivies des années grasses devant mener le Pharaon à avoir une politique très stricte les années grasses a été trouvée dans des textes égyptiens datant de centaines d’années avant le texte juif. Elle provient de l’expérience des Pharaons suite à la grande révolution qui a balayé le régime en 2260 avant notre ère. L’Ancien testament a été écrit vers 650 avant J.-C., quelques années après l’échec de la révolte de Sédécias se termine par la destruction de la ville et du premier Temple, alors que les classes dirigeantes de Juda ont été battues et déportées suite au siège de Jérusalem en 598 par l’empire babylonien. La référence à la tyrannie d’Egypte sert à ces classes dirigeantes et autres rabbins à ne pas faire référence au régime babylonien tout en se plaignant d’un régime d’oppression qu’auraient subi les Juifs. Ce texte est écrit par des gens qui ne connaissent pas l’Egypte, ne savent pas par exemple que les mauvaises ne sont pas liées à une sécheresse en Egypte. Les mauvaises années en Egypte sont des années de Nil tout aussi large que les bonnes, avec autant de couverture des terres par le Nil. Les bonnes années sont des années de Nil porteur de limon et les mauvaises de Nil porteur de sable. Les sables envahit les terres et s’y dépose empêchant les cultures. La Bible n’a eu aucun contact avec des personnes ayant vécu l’Egypte des Pharaons !

    Par contre, ils ont trouvé à Babylone des textes à recopier comme les textes babyloniens ou égyptiens, comme la légende de Gilgamesh côté babylonien et comme tous les textes liés à l’effondrement du régime des Pharaons d’Egypte. voir ici

    Viviane Koenig dans « L’Egypte au temps des pharaons » :
    « Vers 2260, à la fin du long règne du pharaon Pépi II, (...), l’autorité royale s’effrite, surtout en Haute Egypte, région si éloignée de la capitale. L’Etat se disloque. Au nord, le peuple s’agite. Une révolution violente, sanglante, implacable éclate. Dépossédés de leurs biens, les riches émigrent ou découvrent la misère. La peur règne partout. Les brigands parcourent la campagne. Les paysans ne cultivent plus. La famine fait des ravages. Les fonctionnaires, débordés, voient leurs bureaux mis à sac. Les artisans abandonnent leurs ateliers. Le palais royal brûle. (...) Même les dieux sont délaissés. (...) Les pauvres possèdent les richesses. (...) Les nobles dames meurent de faim. (...) L’ordre social est bouleversé. L’Ancien Empire devient un souvenir. (...) Le temps est fini où, dans l’ordre et le calme, les paysans obéissaient au scribe surveillant l’engrangement du blé. (...) Pendant plus de deux siècles, Pharaon n’existe plus (...). Les troubles violents qui ont mis fin au vieil empire sont terminés. Ils ont été d’une violence inouïe : une véritable révolution. (...) Vers 2050, Mentouhotep devient le pharaon Mentouhotep 1er. » Elle présente un témoignage écrit : « Je te présente le pays sens dessus dessous. Ce qui se passe ne s’était jamais passé. (...) Quelques hommes sans foi ni loi sont allés jusqu’à déposséder le pays de la royauté, la résidence royale a été ravagée en une heure, celui qui ne pouvait se construire un réduit est propriétaire des murs, celui qui ne pouvait se faire construire une barque est propriétaire des bateaux… » C’est bien une révolution sociale qui a renversé l’ordre. Un changement va apparaître dans le nouvel empire : les grands nobles sont surveillés par le pharaon, les stocks de blé ne peuvent plus être détournés par corruption, les gouverneurs deviennent des fonctionnaires qui répondent de leur vie au cas où les greniers de réserve sont vides, les pauvres accèdent à la vie éternelle et ont droit de traduire leur noble en justice. La classe pauvre est reconnue, la classe riche a perdu de son pouvoir en faveur de l’Etat et la classe moyenne voit son nombre considérablement accru. La réforme de l’Etat sert fondamentalement la classe noble même si elle est dépossédée du pouvoir direct. Et Pharaon doit désormais justifier de sa nécessité, se faire de la propagande politique : des écrits exposent les problèmes de la société et combien Pharaon est indispensable pour les résoudre. L’idéologie dominante est elle aussi modifiée. Pharaon a modifié la religion qui fait mine de se tourner désormais vers le peuple. En achetant quelques formules magiques, n’importe qui peut aller dans l’au-delà. »

  • Louis Mars, un psychopédagogue haïtien qui s’intéressait tant au Vaudou qu’à la décolonisation, qui a créé le mot « ethnopsychiatrie ». Louis Mars est devenu diplomate, longtemps ambassadeur d’Haïti, mais, lorsqu’il était psychiatre, il préconisait de faire de « l’ethnopsychiatrie » plutôt que de la psychiatrie.

    Lié à l’anti-colonialisme, « l’ethnopsychiatrie » comme bien d’autres disciplines à préfixe « ethno » (ethnobotanique, ethnomathématiques) admet comme prémisses que des peuples n’ayant pas de tradition écrite possèdent tout de même des savoirs. Malgré leur caractère populaire, ces ethnosciences, constituent de vrais savoirs qui, en tant que tels, concernent l’humanité entière. « Ethnopsychiatrie » implique par conséquent que ce que nous nommons « psychiatrie » possède son équivalent dans chaque culture humaine. C’est ainsi que Devereux a pu écrire qu’il n’existait pas de peuple sans « ethnopsychiatrie » — c’est-à-dire de peuple qui ne possède un système de repérage et de prise en charge d’un certain type de négativité. L’ethnopsychiatrie postule que ces ethnosciences, savoirs réels, techniques efficaces, méritent d’être étudiés pour eux-mêmes et non comme des simples coutumes ou traditions archaïques.

    Parmi ses nombreux champs de recherche, l’ethnopsychiatrie étudie tous les systèmes nosologiques, à travers les cultures, ainsi que les thérapeutiques qui leur correspondent. Cette étude systématique, à l’écoute des systèmes les plus singuliers, a conduit certains chercheurs à rejeter le privilège ethnocentrique habituellement accordé à la psychiatrie occidentale, alors envisagée, en toute logique, comme une ethnopsychiatrie parmi d’autres.

  • L’ethnopsychiatrie, c’est l’interprétation archaïque qui se moque de l’interprétation moderne !

  • Quel lien peut-il être fait entre Tobie Nathan et Franz Fanon ?

    Car il me semble bien que Fanon a fait partie de l’initiation de l’ethnopsychiatrie ?

    Une vieille émission de RFI (en 2001) m’avait plutôt fait pencher pour une avancée les recherches de Fanon. En effet, prendre en compte les croyances pour comprendre les souffrances des individus issus de populations colonisées n’était pas ce que les médecins nationalistes savaient faire de mieux. Or, c’est cete démarche, que, selon ce que j’ai compris défendait Fanon. Nathan Tobie se revendique-t-il d’une manière ou d’une autre de Fanon ?

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