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La première dame et le premier homme

mardi 28 janvier 2014, par Robert Paris

La première dame et le premier homme

Il ne s’agit bien entendu pas de Lucy et de Toumaï ni des débuts de l’humanité, mais seulement des institutions présidentielles françaises qui ont défrayé la chronique ces derniers temps et, en particulier, du statut de la « première dame » et de celui qui en est la source, du statut du président de la république française. Nous parlerons donc de celui qui est considéré comme l’homme le plus important de France. Tellement important qu’il faut continuer à le payer royalement des années après qu’il ait effectué son mandat. Si puissant qu’il dirige non seulement la France mais nombre de pays d’Afrique et des troupes intervenant pour faire et défaire des présidents aux quatre coins du monde, comme récemment en Côte d’Ivoire, au Mali ou au Centrafrique.

Mais tout d’abord, faisons un sort à la fable selon laquelle le président aurait été victime de média peu scrupuleux qui auraient porté atteinte à sa vie privée. En effet, la mise en scène par laquelle Hollande visitait son amante est cousue de fil blanc comme l’est la prétention du président d’être hostile à la médiatisation de la vie privée du président. Hollande s’est prêté volontairement à des exercices de photographies privées et a lancé plusieurs fois lui-même des messages concernant son couple. S’il dénonçait la peoplisation de la fonction présidentielle sous Sarkozy, il y a eu recours lui-même à diverses reprises.

Et, cette fois-ci, il avait une raison fondamentale d’y faire appel. En effet, la dernière affaire de publicité donnée aux amours à géométrie variable du président est tombée au moment le plus favorable pour Hollande : pour faire écran aux protestations contre son tournant encore plus ouvertement favorable aux capitalistes, son pacte avec les patrons et ses nouveaux cadeaux fiscaux aux capitalistes, et ce n’est nullement un hasard. Tout message médiatique discutant cette orientation, celle de nouveaux milliards offerts aux capitalistes, n’a pas été mise en cause avec ampleur puisque toute l’attention des média était polarisée par les affaires privées du président.

Il est plus que probable qu’Hollande ait estimé qu’il était plus important de couvrir son « pacte » avec la grande bourgeoisie quitte à découvrir sa vie privée…

Il est aussi plus que probable qu’il ait considéré que sa propre personne et son crédit personnel devait d’abord servir la classe dirigeante qu’il veut servir en tant que « président normal » de l’Etat bourgeois, à savoir serviteur de la grande bourgeoisie.

Il vient, grâce à sa publicité de sa vie personnelle, de couvrir un vol des deniers publics par les intérêts privés de grande ampleur et c’est le but même de sa présidence qui est ainsi posé.

L’image médiatique donnée du président de la république ne le gène nullement. Les derniers micro-événements de la sphère présidentielle (privée/publique) pourraient faire croire que le président est un homme comme les autres, avec ses passions, ses faiblesses, ses difficultés conjugales, ses amours, ses passions, son foyer. Mais, justement, tout cela est du cirque et un mensonge volontaire. Le président de la République n’est nullement un homme comme un autre. Les présidents ne sont pas inquiétés pour avoir volé, détourné, violé la loi ou même commis des crimes. On peut dévoiler sa vie privée mais pas ses actes politiques.

On peut vous rapporter que Mitterrand avait une femme et une enfant cachées mais pas qu’il a entrepris volontairement et consciemment le génocide rwandais. On peut vous rapporter les aventures de Sarkozy mais pas ses affaires véritablement scandaleuses qu’il a menées pour défendre les intérêts de la bourgeoisie française et certainement pas ceux du peuple travailleur.

Si les média discutent du statut institutionnel de la « première dame » en France, ils se gardent de toucher à celui du « premier homme », le président. Et même ceux qui regrettent tout ce tintouin, le font pour dire que cela nuit à l’image du président, qui est un peu l’image d’un souverain, comme en Angleterre la reine. Ils parlent de « dignité de la fonction », de respect de la France qui serait incarné par le respect de la personne « royale », pardon présidentielle…

L’Etat est ainsi incarné par un individu. Mais l’Etat, même personnalisé ainsi, n’est nullement le fait d’un individu et encore moins un pouvoir humain. Il est le fait d’une classe qui, elle, ne change pas quand on change l’individu qui, prétend-on, gouverne. Et même, il est de plus en plus évident qu’on ne change même pas la forme de la politique d’Etat en changeant l’individu qui gouverne….

Le fait de faire croire que toute politique doive consister finalement et fondamentalement à choisir un individu qui deviendra président de la république des capitalistes et des banquiers est la principale arnaque politique du monde. Et il est effectif que ça marche et que ça plait au bon peuple qui aime se dire que les présidents sont des hommes comme les autres, faibles comme les autres, avec leurs défauts comme tout le monde. Mais cette personnalisation, et même la peopolisation récente, ne changent pas un fait : l’Etat a un caractère absolument impersonnel et antihumain qui se moque des faiblesses humaines, des préoccupations humaines, sauf pour détourner l’attention des milieux populaires et amuser la galerie.

Les véritables intérêts que défendent tous les chefs d’Etat, que ce soient en France ou ailleurs, que ce soient des présidents ou des premiers ministres, que ce soient dans les institutions françaises ou dans d’autres, n’ont rien à voir avec les intérêts des êtres humains. Ils défendent des intérêts aussi impersonnels qu’une banque, qu’un trust, qu’une bourse, qu’une assurance et qu’une armée.

La grand capital, qui est le véritable président de la planète et qui se moque des frontières et des institutions, des caractères particuliers des peuples nationaux, des vies de ces êtres humains qu’il est capable de broyer comme dans les guerres et les fascismes, ne défend aucun être humain, pas même les PDG des grandes sociétés, pas même les présidents des Etats. Ce sont des intérêts impersonnels, ceux du système, ceux qui dictent aujourd’hui toutes les politiques du monde depuis que le système a connu son arrêt cardiaque de 2007 et qu’il est maintenu dans un coma artificiel depuis 2008, en étant en permanence intubé par les Etats et les banques centrales, sans qu’aucun signe de survie réelle ne se soit manifesté depuis. Et ce n’est pas pour défendre des individus, fussent-ils riches ou capitalistes que cette politique est réalisée mais parce que la loi du capitalisme s’impose à toute la société, même quand cette loi nuit à toute la société, même quand elle détruit la société, même si elle mène à une guerre mondiale destructrice pour toute l’humanité, riches compris, individus capitalistes aussi.

L’institution politique du président est un des moyens de faire croire à la population qu’elle peut donner son avis sur l’avenir de chaque pays et un moyen de détourner les luttes politiques vers des objectifs qui ne remettent pas en cause la mainmise du grand capital sur la société. En luttant pour le président machin contre le président truc, on ne fait que mener de fausses luttes et qu’opposer les fractions de la population travailleuse entre elles sans discuter jamais des vrais problèmes qui se posent à la société qui sont tout autres que le nom du président. Ainsi, l’Egypte se déchire pour ou contre Morsi, pour ou contre le général Al Sissi. Et on voudrait bien nous polariser en France sur le pour ou contre Hollande, l’Allemagne sur le pour ou contre Merkel, etc… On nous dit que l’alternative est pour ou contre Mélenchon, pour ou contre Fillon ou pour ou contre Le Pen. La présidence est présentée comme la seule alternative politique, la seule alternative sociale.

Tout est fait pour faire croire que la politique du pays, de l’Etat et même des classes dirigeantes va dépendre des choix personnels de cet homme ou de son parti politique. Tout est fait aussi pour faire croire que les différents candidats au poste de président représentent autant de politiques opposées, de conceptions sociales et idéologiques contradictoires. Ce mensonge est diffusé massivement jusqu’au jour où l’on trouve, du fait des accords ou des crises, ces hommes collaborant ensemble voire se retrouvant tous dans un même gouvernement dit d’unité ou de concorde nationale, montrant que les incompatibilités prétendues entre eux n’étaient pas aussi fondamentales qu’ils le prétendaient. Ainsi les hommes politiques des partis dits démocratiques prétendent s’opposer diamétralement aux partis d’extrême droite mais cela ne les empêche pas ensuite de gouverner ensemble. L’essentiel du combat politique est polarisé généralement par l’affrontement prétendu gauche/droite mais cela n’empêche pas ensuite gauche et droite de gouverner ensemble comme c’est le cas actuellement dans nombre de pays comme l’Allemagne, la Grèce et l’Italie où gauche et droite s’affrontaient prétendument du moins en paroles.

Mais le problème du rôle présidentiel est encore plus particulier puisqu’il consiste en une personnalisation du pouvoir du même type que le pouvoir royal et la comparaison n’est pas exagérée, même s’il s’agit d’une république qui a éradiqué depuis longtemps la royauté et n’envisage nullement d’y revenir, comme la France. Le président a un rôle, un pouvoir, une importance politique bien plus importante que les anciennes royautés et les pouvoirs des premiers ministres dépendant des parlements. Cela fait que le pouvoir présidentiel français est bien plus royal que la royauté anglaise, même si n’y entrent pas les liens du sang et l’hérédité du pouvoir… Le caractère royal provient de la forme prise par la personnalisation du pouvoir politique et du pouvoir d’Etat. Hollande n’a pas besoin d’autre justification pour une décision que de dire : « car tel est mon bon plaisir ». Du moins vis-à-vis de la population. Car ce n’est pas le cas vis-à-vis des classes dirigeantes nationales et internationales.

Tout est fait comme si l’individu qui dirige l’Elysée détermine les choix de l’Etat français et pas les intérêts des trusts, des banques, de l’appareil militaire, judiciaire, administratif, ecclésiastique, etc. Comme si le vote était un vote indépendant des intérêts de tous ces appareils-là. Comme si le président leur commandait.

Le vrai pouvoir, politique comme social, n’est justement pas celui qui est élu qui, lui, n’est que la vitrine, qu’il s’agisse du président ou des députés.

A preuve : on n’élit pas les responsables des banques, pas même de la banque centrale, des assurances, des trusts, des administrations, des armées, des polices, de la justice, de la religion… Et les choix des Etats ne sont pas décidés par des votes. Ce n’est pas le vote des Allemands qui a amené Hitler au pouvoir et ce n’est pas par un vote que se sont décidées les guerres, pas même les guerres mondiales ou coloniales…

Si nous voulons que quelque chose change vraiment, ce n’est ni sur la forme des institutions ni sur la personne de celui ou de ceux qui gouvernent qu’il faut compter. Il faut changer la classe sociale qui dicte sa loi. Il faut cesser d’accepter que l’infime minorité de grands capitalistes fasse la loi et imposer que les travailleurs dictent les décisions au travers d’organisations qui les représente directement : des conseils de salariés. Cela suppose de supprimer de bas en haut l’appareil d’Etat de la bourgeoisie et de combattre tous ceux qui prétendent qu’il suffit de participer à ce pouvoir.

Messages

  • On peut vous rapporter que Mitterrand avait une femme et une enfant cachées mais pas qu’il a entrepris volontairement et consciemment le génocide rwandais.

    Sarkozy et Hollande sont complices de ce génocide ; or ce génocide est la continuité de la politique d’état depuis la semaine sanglante : ce massacre dans les rues de Paris mai 1871.
    Les révoltés sont à mater au 19e, comme au 20e siècle : en sera-t-il de même au 21e siècle ?

    Et pourquoi la bourgeoisie changerait de méthodes contre les opprimés qui se révoltent et menacent son pouvoir ?

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