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Quand la classe ouvrière devient une force politique

mercredi 19 mars 2014, par Robert Paris

Quand la classe ouvrière devient une force politique

Avec les élections municipales, on essaie une fois de plus d’intéresser les milieux populaires et la classe ouvrière à la démocratie bourgeoise, celle où on a le droit de décider sur tout sauf sur ce qui compte vraiment, sur l’emploi, sur le salaire, sur les conditions de travail, sur le logement, sur l’éducation et sur la santé. Et pas non plus sur la guerre ou la paix, sur les répressions policières, etc... On a le droit de nommer tous les dirigeants que l’on veut sauf les patrons des banques et des banques centrales, les patrons des trusts et des grandes entreprises d’Etat, les patrons des assurances, les chefs de la bourse et les patrons des grands instituts de spéculation, les chefs de l’armée, de la police, de la justice, des syndicats et des média. En somme, on élit tout ce que l’on veut sauf le vrai pouvoir. C’est bien pour cela qu’on l’appelle la démocratie bourgeoise. Et, une fois de plus, avec Hollande on a la démonstration que le vote ne change absolument rien au mode de gestion de la société. Avec la gauche comme avec la droite et plus encore l’extrême droite, la politique est décidée en suivant les intérêts du grand capital. La démocratie locale des municipales comme celle des élections nationales ne sert que de paravent à la dictature du capital sur le travail.

Mais alors comment, nous travailleurs, pouvons-nous agir pour influer sur la politique ? La gauche de la gauche et les syndicats répondent : en votant bien et par les grèves et les manifestations. Mais nous avons connu en France de grandes grèves comme en 1936, en 1953, en 1968, ou plus récemment en 1995 ou lors du mouvement des retraites. Sur le plan politique et social, ces mouvements n’ont rien changé de fondamental et l’ordre établi s’est maintenu. Il s’est même parfois aggravé. On nous a dit qu’il fallait nous faire entendre des patrons et du gouvernement en nous manifestant. Est-ce que cela signifie que ces derniers seraient sourds ou ignoreraient les coups qu’ils nous portent ?

La véritable réponse, la droite et l’extrême droite mais aussi la gauche et les syndicats, y compris la gauche de la gauche, se gardent bien de la donner car elle remet en question l’ordre capitaliste. La véritable réponse, ce sont les travailleurs qui l’ont donnée au cours de l’histoire de la lutte des classes. Le moment où les travailleurs commencent à devenir une force politique est exactement le moment où la social-démocratie, les staliniens et les dirigeants syndicaux ou toute sorte de réformistes et d’opportunistes s’arrêtent, comme devant un mur, et arrêtent le mouvement social car il deviendrait dangereux pour les classes dirigeantes. « Il faut savoir terminer une grève » disait Thorez en 1936, qui a ainsi immortalisé ce seuil où les dirigeants bourgeois de gauche bloquent les mouvements sociaux.

Partout dans le monde et pas seulement ici, les appareils réformistes ont arrêté les luttes au moment où elles risquaient de remettre en question le pouvoir des exploiteurs.

Terminer une grève quand la classe ouvrière commence à toucher au sacro saint pouvoir bourgeois et à construire son propre pouvoir, voilà la préoccupation essentielle des partis et syndicats réformistes. Cela se manifeste non seulement dans les situations révolutionnaires ou dans les grands mouvements nationaux mais même dans toutes les luttes sociales, petites ou grandes. Car le pouvoir du patron peut se contester aussi localement quand les travailleurs commencent à décider par eux-mêmes.

Et le rôle des dirigeants syndicaux, de gauche, de la gauche de la gauche ou de l’extrême gauche opportuniste et bien sûr de droite ou d’extrême droite, consiste à agir pour empêcher les travailleurs de s’organiser par eux-mêmes. Si un secteur, un site, une entreprise, un hôpital, un groupe de cheminots commencent à entrer en lutte, leur préoccupation est de chapeauter ces travailleurs pour éviter qu’ils commencent à décider eux-mêmes de leurs revendications, à écrire leurs propres tracts et pancartes, à juger de la stratégie à adopter, à se donner les moyens de contacter d’autres secteurs de la classe ouvrière, à faire connaître largement leur lutte. Et surtout, les appareils syndicaux sont mortellement hostiles à l’idée que les travailleurs s’organisent en comités de grèves, les fédèrent en coordinations, élisent leurs véritables représentants en formant des conseils de salariés élus à l’échelle locale, régionale, nationale et même internationale.

Dès que les salariés dépassent les frontières de la corporation, de la profession, de l’entreprise, du secteur d’activité, ils débordent le cadre syndical, ils débordent aussi le cadre fixé par le grand capital et ses serviteurs de l’Etat. Dès lors, leur lutte prend un caractère de classe autonome et un caractère politique. Ils deviennent une classe qui a des perspectives à défendre pour toute la société et ils peuvent même devenir un pôle attirant à eux tous ceux qui veulent se battre contre cette société, les jeunes, les chômeurs, les femmes, les petits bourgeois frappés par la crise, les sans papiers, les immigrés, les sans logis, les populations des banlieues, etc…

Ils cassent la fausse polarité politicienne extrême droite/droite/gauche/extrême gauche, pour mettre en avant la véritable bipolarité de la société : classe contre classe.

Bien des travailleurs ne croient plus aujourd’hui à la lutte des classes, tant elle a été discréditée par les sociaux-démocrates, les staliniens et les dirigeants syndicaux. Mais, qu’ils le veuillent ou pas, cette société est dirigée par une classe capitaliste contre la classe ouvrière. Le propre de la démocratie bourgeoise est de défendre le sacro saint privilège des classes bourgeoises qui leur donne le droit de faire ce qu’ils veulent de leur capital, fût-ce en licenciant des millions de salariés, en fermant des milliers d’entreprises et en jetant le monde dans de nouveaux fascismes et de nouvelles guerres mondiales.

La lutte des classes n’est pas une lubie de l’idéologie marxiste mais une réalité de tous les jours. La société mondiale est plus que jamais divisée en exploiteurs et exploités et la crise de 2007-2008, dont le capitalisme est incapable de se sortir, n’a nullement interrompu cette lutte de classe. Elle est en train de lui donner un cours bien plus violent et explosif dont les révolutions du Maghreb et du monde arabe commencent à donner une idée.

Mais, dans ces pays comme ici, la première des révolutions que nous devons mener consiste à nous changer nous-mêmes : à cesser de suivre des sauveurs et à ne faire confiance qu’en nos propres forces, à notre propre organisation. On a essayé au pouvoir tous les courants politiciens mais on n’a pas encore essayé de nous donner à nous-mêmes le pouvoir. Plus exactement, les tentatives en ce sens sont très anciennes comme l’est la Commune de Paris de 1871.

Or c’est seulement en faisant comme les communards, en nous organisant nous-mêmes pour notre propre pouvoir et sans le déléguer à des politiciens bourgeois, que nous pouvons devenir une vraie force politique et offrir nos propres perspectives à toute la société.

Tant que les politiciens et les dirigeants syndicaux nous mèneront par le bout de nez, nous travailleurs ne pourrons pas mesurer notre vraie force, nos vraies perspectives. Ce qui nous manque aujourd’hui, c’est de nous assembler dans les lieux d’habitation et de travail et de discuter de l’avenir que nous voulons bâtir sans laisser d’autres forces sociales le faire à notre place.

N’oublions pas, travailleurs, que toutes les forces sociales sont organisées dans la société bourgeoise sauf la classe ouvrière. Les patrons et l’Etat ont prétendu mettre en place une démocratie mais un travailleur n’a aucun droit de réunion, de discussion, de diffusion de tract, d’élection libre de délégués au sein de l’entreprise, qu’elle soit publique ou privée, et ce n’est pas un hasard : toute la société bourgeoise est fondée sur le fait de faire taire les travailleurs. Eh bien, prenons la parole et échangeons nos avis sur l’avenir après l’effondrement du capitalisme. Si nous ne nous organisons pas en tant que classe, cela signifie que nous laissons les classes dirigeantes décider à nouveau de nous jeter dans le fascisme et la guerre mondiale où mène à nouveau l’effondrement du système capitaliste. L’auto-organisation des travailleurs, ce n’est pas seulement indispensable. C’est vital !

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