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Cerveau et dialectique

jeudi 3 avril 2014, par Robert Paris

Lire ici : Le dialogue des deux hémisphères du cerveau

Cerveau et dialectique

Si notre cerveau nous a permis de développer une conception non dialectique, la logique formelle, dans laquelle les contraires sont incompatibles (tiers exclus), ne se changent pas l’un dans l’autre, ne se composent pas et ne se combinent pas, ne construisent pas ensemble un niveau de structure, ne peuvent que se détruire mutuellement, le vivant, dont notamment notre cerveau, présente un mode de fonctionnement dans lequel les contraires sont inextricablement mêlés et inséparables et fondent le niveau supérieur d’organisation, un fonctionnement dans lequel il n’est pas souhaitable qu’une fonction ne possède pas son contraire, son inhibition, sa contrainte, son mode d’arrêt, de repos, de relaxation ou de diminution. Et surtout un fonctionnement dans lequel le combat des contraires n’est pas un défaut, une maladie, une faiblesse mais un mode indispensable de dynamique et de régulation du vivant.

Nous allons essayer de montrer que tout le fonctionnement cérébral est fondé sur des luttes entre contraires dialectiques et que les dysfonctionnements sont la transformation de ces oppositions dialectiques en oppositions diamétrales. Le dialogue cérébral est fondé à toutes les échelles sur des contradictions dialectiques. Destruction et construction se complètent. Logique et imagination, conscient et inconscient, corps et cerveau, cerveau et pensée, messages durables et rapides, messages à courte distance et à longue distance, s’opposent, mais ils composent une unité, sans cesse remise en question. Contradiction dialectique également entre le mode de penser verbal et non verbal, entre l’écrit et le non écrit, entre le mode de penser rationnel et le mode de penser émotionnel, entre la schématique géométrique et la schématique algébrique, etc...

Rappelons d’abord que ce qui caractérise l’existence de contraires dialectiques est le fait que la lutte ne cesse pas, que l’un des adversaires n’est pas définitivement vaincu ni détruit, que les contraires sont interdépendants et interactifs, que les opposés s’opposent mais aussi se composent pour former une entité nouvelle, que le niveau supérieur d’organisation nait de leur conflit, que les contraires ne font pas que se combattre mais se changent l’un dans l’autre, se produisent l’un l’autre, se rendent mutuellement dépendants l’un de l’autre.

Aucune de ces propriétés n’existe chez les opposés diamétraux. Ces derniers ne supportent pas la coexistence et celle-ci ne peut être durable, devant se terminer par la défaite ou la mort d’un des opposés.

Les luttes des contraires dialectiques se retrouvent à tous les niveaux hiérarchiques d’organisation du cerveau, de son matériel, de sa formation, de son fonctionnement. On peut ainsi citer les oppositions dialectiques suivantes : les deux hémisphères cérébraux, le conscient et l’inconscient, l’accepté et le refoulé, le ressenti et l’inhibé, l’individuel et le social, l’actuel et le virtuel, le rêvé et l’éveillé, l’attention et l’inattention, le niveau des émotions et le niveau cortical, l’irrationnel (proposé notamment par le cingula) et le rationnel (confronté au connu), l’instinctif et le non instinctif, l’inné et l’acquis, la mémoire immédiate et la mémoire profonde, le génétique et l’épigénétique, la construction et la destruction du message partagé par le réseau neuronal, les émotions opposées, les dialogues internes psychologiques, les deux personnalités (révélées notamment en cas de rupture du corps calleux entre les deux hémisphères), le couple attirance-répulsion, le couple amour-haine, le couple animalité-humanité, le couple sentiment-pensée, le couple rythme neuronal lent et rythme rapide, la dialectique entre vie et mort au sein des cellules nerveuses, l’affectation et désaffectation de zones pour des fonctions, etc.

Jamais l’un des éléments de ces couples ne détruit définitivement l’autre. Si l’un l’emporte, ce n’est que momentanément et le combat continue. Toujours les deux opposés continuent à former des situations et des niveaux nouveaux et ils ne se contentent pas de se combattre mais se composent. La maladie ne consiste pas en leur combat mais au triomphe d’un seul des deux ou en une tendance à ce que l’un cherche à détruire l’autre. La transformation d’opposés dialectiques en contraires diamétraux est le signe même d’une maladie cérébrale. Par exemple, si le couple construction/destruction du message neuronal ne fonctionne plus, c’est l’épilepsie. Si le couple de contraires psychologiques ne fonctionne plus, c’est la psychose. Si l’amour de soi l’emporte entièrement ou si la peur l’emporte tout à fait, ce sont de graves affections psychologiques. Il y a des couplages physiologiques aussi importants que les couplages psychologiques, comme le couplage entre neurones et cellules gliales, ou entre gènes et protéines de la mort face aux gènes et protéines de la vie de la cellule nerveuse. On trouve aussi à la base du mécanisme de la cellule nerveuse le couple excitation-relaxation du neurone qui mène à l’émission brutale ou potentiel d’action, mécanisme fondé sur celui de polarisation/dépolarisation. En termes d’évolution, on trouve aussi des contradictions dialectiques, comme celle entre notre cerveau animal et notre cerveau humain, entre le cerveau singe et le cerveau hominidé, ou encore comme celle entre notre cerveau de chasseur et notre cerveau d’agriculteur. Il y a également un combat entre les fonctions pour acquérir de plus grandes zones du cerveau. Il y a un combat au sein de chaque individu qui modifie la conformation du cerveau. Par exemple, un musicien va augmenter la taille de son corps calleux. En même temps, les zones consacrées à la musique envahissent des zones qui servaient précédemment au langage. Les systèmes nerveux sympathique et parasympathique, par exemple, sont antagonistes mais complémentaires. Les neurotransmetteurs sur lesquels s’appuient ces deux systèmes (noradrénaline et adrénaline d’un côté, acétylcholine de l’autre) sont également opposés et composés. A tour de rôle l’un prend le dessus mais jamais ils ne se bloquent durablement mutuellement. Tous les mécanismes de régulation sont fondés sur deux forces contraires couplées et interactives. Les mécanismes du type faim/satiété ou soif/satiété sont également fondés sur des couples dialectiques. Tous les mécanismes permettant de lancer des gestes, des mimiques, des mouvements du corps ou de la face, sont fondés sur des lanceurs couplés à des inhibiteurs. Quand ce couplage n’est plus dialectiquement relié, on trouve une maladie, celle par exemple des personnes qui enclenchent involontairement des grimaces, des mimiques, des spasmes, des tics, des gestes incontrôlés. L’ordre de faire un geste est toujours couplé à une fonction retenant cet ordre et inhibant ce geste. Dans le vivant, tout mécanisme contient sa propre inhibition. Tout gène fonctionne à la fois grâce à un activateur et à un inhibiteur. Si les deux ne sont pas dialectiquement couplés, le fonctionnement est gravement perturbé : soit bloqué, soit sans cesse actif. Les capacités cérébrales sont toujours d’abord virtuelles et c’est seulement l’activation qui permet à ces capacités de se développer par apprentissage. Le couplage du virtuel et de l’actuel est donc permanente. Par exemple, nous avons un potentiel sensoriel mais il nous faut le cultiver pour l’activer et le mémoriser. L’inhibition est une fonction essentielle. Par contre, une inhibition permanente non combattue par une activation signifie la mort de la potentialité, comme une oreille qui est bouchée va finir par ne plus être capable d’entendre car l’inhibition du signal est permanente.

On aurait parfois tendance à croire que telle ou telle fonction, telle ou telle qualité serait bien meilleure si on ne possédait pas son contraire mais cela est faux. On a déjà cité l’amour de soi sans son contraire. On peut aussi citer l’absence de douleur ou l’absence de peur, l’absence d’émotions dans l’intelligence, l’absence de faim ou de soif.

Toute absence d’un couple de contraires dialectiques est généralement synonyme d’une maladie grave.

Ressentir trop fort les douleurs par absence d’inhibition de ces sensations est gênant et parfois grave. Ne pas ressentir les douleurs est aussi très grave car ce sont les douleurs qui actionnent des alarmes pilotant les mécanismes de relaxation, de réparation, etc.

La maladie est fondée sur l’absence de son contraire dialectique. Si, par exemple, l’attention polarisée par un sujet ne peut pas être inhibée ou relâchée, elle devient permanente, possessive, maladive. Le cerveau doit être informé de ce qu’il voit, de ce qu’il ressent, de ce qu’il pilote, mais cette information doit aussi laisser place à d’autres informations, ne doit pas rester bloquer ou tourner en boucle. Les informations tournant en boucle sont synonymes de graves maladies psychologiques amenant l’individu à répéter le même geste, à répéter la même phrase, à ressasser sans cesse la même pensée, à bloquer ainsi son fonctionnement normal.

Tous les mécanismes sensoriels ont besoin d’un mécanisme de relaxation. Par exemple, l’œil ne doit pas regarder en permanence et il doit ciller. Les paupières doivent battre. Les cellules nerveuses doivent se charger et se décharger, de même que leurs axones ou leurs synapses. Le sentiment de besoin, de manque, de nécessité, de mouvement nécessitent le sentiment de plaisir, de satisfaction, de repos qui vont provoquer l’inhibition de l’action et permettre la relaxation.

On pourrait croire que le mieux pour un être humain serait de ne pas être stressé. Rien de plus faux. L’absence de stress est aussi grave que l’absence d’inhibition du stress.

De même les deux circuits de la récompense et de la punition (fondés tous deux sur des neurotransmetteurs) sont mutuellement contradictoires et indispensables. Tout mécanisme d’action nécessite son mécanisme d’inhibition. Si l’inhibition est trop forte ou trop faible, les contraires ne sont pas capables de continuer à se confronter et on tombe dans des pathologies graves. L’attraction sexuelle, par exemple, est normale mais, si elle n’est pas inhibée, elle devient une pathologie. Dans tous ces domaines, les neurotransmetteurs constituent des couples de contraires dialectiques comme dopamine et prolactine dans production des sentiments de faim/satiété sexuelle.

La dialectique du vivant est donc à la base de la santé et le cerveau n’en est qu’un exemple. L’opposition dialectique de la vie et de la mort, de la variation et de la conservation, de l’auto-organisation et du désordre, de la l’auto-construction et de l’auto-destruction (apoptose) est indispensable dans tous les domaines du vivant, dans celui du cerveau notamment. Cette opposition ne fait que prendre de nouvelles formes : opposition dialectique des envies et de la rétention d’envies, des faims et des satisfactions de faims, des désirs sexuels et de leur inhibition, des peurs et des attirances allant contre ces peurs, etc… Et, comme dans toutes les oppositions dialectiques du vivant, la suppression d’un des contraires est synonyme de maladie. On sait par exemple que la suppression ou l’affaiblissement du mécanisme d’apoptose de la cellule vivante signifie le cancer. La suppression d’un des contraires du couple euphorie/tristesse engendre une maladie psychiatrique. La dépression est la diminution trop grande d’activité d’un des neurotransmetteurs d’un couple de contraires. Cela concerne tout particulièrement la dopamine, la sérotonine et la noradrénaline.

Citons « Le biologiste dialecticien » de Richard Levins et Richard Lewontin :
« Ce qui caractérise le monde dialectique sous tous ses aspects est qu’il est constamment en mouvement. Les constantes deviennent des variables, les causes deviennent des effets, et les systèmes se développent, détruisant les conditions qui leur ont donné naissance. Même les éléments qui apparaissent stables sont des forces en état d’équilibre dynamique qui peuvent soudain se déséquilibrer, comme lorsqu’un morceau de métal tristement gris d’une taille critique devient une boule de feu plus aveuglante qu’un millier de Soleils. (…) Le développement des systèmes à travers le temps apparaît comme la conséquence de forces et de mouvements en opposition les uns aux autres. Cette figuration de forces opposées a donné naissance à l’idée la plus discutée et la plus difficile, et cependant la plus centrale dans la pensée dialectique : le principe de contradiction. (…) Les contradictions entre forces sont partout dans la nature, et non seulement dans les institutions humaines. Cette tradition de la dialectique remonte à Engels (1880) qui écrivait dans « Dialectique de la nature » que les enchaînements dialectiques ne doivent en aucune manière « être introduits dans les faits par construction mais découverts en partant d’eux » et élaborés de même. (…) Des forces opposées se trouvent à la base du monde physique et biologique en évolution. Les choses changent à cause de l’action sur elle de forces opposées, et elles sont ce qu’elles sont à cause de l’équilibre temporaire de forces opposées. Dans les premiers âges de la biologie, prévalait une vision inerte des choses : les cellules nerveuses étaient au repos jusqu’à ce qu’elles soient stimulées par d’autres cellules nerveuses et en fin de compte par l’excitation sensorielle. Les gènes étaient actifs si les matières premières de leur activité étaient présentes ; sinon, ils restaient au repos. La fréquence des types de gènes dans une population demeurait stable en l’absence de sélection, de mutation, de mouvement aléatoire ou d’immigration. La nature était en équilibre à moins d’être perturbée. Plus tard, on a reconnu que les influx nerveux avaient pour effet aussi bien d’inhiber. »
« Avec chaque niveau d’organisation, apparaissent des nouveautés, tant de propriétés que de logiques. (…) Une dialectique fait s’interpénétrer les contraires et s’engendrer la qualité et la quantité. » explique également François Jacob dans « La logique du vivant ».
« Le mécanisme de fonctionnement de l’esprit humain a besoin d’une dialectique : sans contradiction, il n’avance pas. Il ne sort de son inertie qu’en entrant dans une dynamique du contre. », voilà ce qu’écrit le physicien Etienne Klein dans « Conversation avec le sphinx ».
Quelle est la part de la dialectique, c’est-à-dire de processus dans lesquels les contraires se combattent sans cesse et construisent un état nouveau, dans les processus de l’intelligence décrits par Naccache ?
Il y a plusieurs niveaux des processus dialectiques du cerveau. Tout d’abord le lien contradictoire entre processus subjectif et objectif. Ensuite, le lien entre diverses zones du cerveau. Encore, le lien entre les deux hémisphères dont les interprétations se combattent tout en collaborant à la décision finale.
Dans son dernier ouvrage, Naccache montre que la relation de l’homme et de la connaissance est loin d’être une relation linéaire fondée sur une accumulation de faits issus des observations de l’environnement. La connaissance est un processus psychologique bien plus perçu comme négatif que comme positif. Il développe son explication de l’intelligence que l’on pourrait résumer par un « j’interprète donc je suis ». Il explique ainsi que lorsque nous disons que la bataille de Marignan a eu lieu en 1515 ou que l’atome d’oxygène contient 8 protons et 8 neutrons, ce qui compte pour nous c’est toute la part de fiction toute personnelle et imaginaire que nous rajoutons à ces faits. Il explique que les maladies neurologiques ont permis de souligner cette capacité de l’intelligence car chez les personnes qui n’ont pas ces maladies, le réel vient rectifier les fables et les schémas fictifs. Il écrit : « Ces malades nous révèlent – à travers les pathologies qui perturbent dramatiquement leur capacité à produire des significations – vaut également pour chacun d’entre nous, sous une forme plus dissimulée, moins évidente à mettre au jour : chacun d’entre nous est un créateur de fictions. »
Naccache en conclue que l’acte de connaissance n’a rien à voir avec la mémorisation de faits établis, vus, perçus, sentis mais qu’il correspond à l’interaction contradictoire de l’interprétation et de la perception ou de la mémorisation. Il rappelle que l’intelligence n’est pas une simple capacité que l’on possède en fixe, mais un processus dynamique automatique du cerveau. La contradiction a lieu entre des circuits neuronaux ayant des fonctions différentes par exemple un circuit d’interprétation et un circuit de vérification du caractère vraisemblable de l’interprétation à l’aide du pré-acquis, ou encore un circuit de reconnaissance des visages et un circuit de reconnaissance de la familiarité de ceux-ci. La plupart des messages du cerveau sont donc rejetés par ces combats contradictoires.
Je voudrais rappeler que le processus de fabrication d’un cerveau est lui-même un processus dialectique.
En effet, le plus impressionnant dans le rôle de l’apoptose est la fabrication du cerveau lui-même. C’est en effet par suicide cellulaire que va se construire l’édifice extraordinairement complexe des ramifications du cerveau. Lors de sa fabrication, pendant le développement de l’embryon, les cellules du cerveau se multiplient, se déplacent, se ramifient et se diversifient de façon spontanée et désordonnée. Pour survivre, elles ont besoin de recevoir des messages des cellules voisines, des impulsions le long de leurs bras, et des neurotransmetteurs. Celles qui ne reçoivent pas suffisamment de signaux de survie vont se suicider. Le réseau qui va résulter de cette multiplication des connections suivie de destructions massives sera adapté au fonctionnement du corps mais sans avoir eu un plan de fabrication préétabli. Le réseau a été constitué par expérience et par tâtonnement, suivi d’une destruction constructrice. La plupart des neurones et de leurs connections vont en effet disparaître. Le processus peut paraître extrêmement coûteux mais le résultat est d’une souplesse et d’une efficacité si extraordinaires que personne n’est capable de fabriquer artificiellement l’équivalent d’un cerveau.
Dans l’embryon en train de se construire, à un certain moment de notre développement, les neurones ont en effet cessé de se dédoubler et ont alors émis des prolongements, les axones, qui se sont projetés en aveugle, guidés par des signaux chimiques qui les attirent vers certaines zones et d’autres signaux qui leur interdisent l’accès à certains territoires et vont se connecter à des cellules musculaires, des cellules de la peau, etc . Puis ces mêmes neurones envoient d’autres prolongements plus fins, les dendrites, vers des cellules voisines, constituant de proche en proche des réseaux de communications par lesquels circulent des signaux électriques et des signaux chimiques. Les neurones se diversifient en plusieurs dizaines de sous-familles spécialisées qui se multiplient dans des zones spécifiques du cerveau. Pour chaque neurone appartenant à une sous-famille donnée, seul le contact avec certains types de neurones est possible. Là encore, c’est l’apoptose qui, en l’absence de signaux de survie, va faire disparaître les neurones inadéquats.

Je cite ici Ameisen : « Ainsi la sculpture de la complexité de notre système nerveux résulte d’une forme d’apprentissage du soi fondée sur un dialogue obligatoire entre les cellules et sanctionnée par la mort ». Ce dialogue est fondé sur la négation et la négation de la négation qu’est le fait de retenir le suicide de la cellule qui doit rester vivante.

Dans les couples de contraires dialectiques qui sont sans cesse présents dans le fonctionnement cérébral, il est impossible de répondre par oui ou par non à la question telle propriété, telle fonction, tel produit biochimique est favorable ou défavorable au fonctionnement car chaque propriété et son contraire sont favorables et défavorables. Voilà une situation caractéristique de la dialectique du fonctionnement. On remarque également qu’il ne s’agit jamais d’une causalité linéaire unidirectionnelle, de cause à effet, mais d’interactions couplées et fondant un niveau d’organisation, ce qui caractérise la dynamique dialectique.

Si un couple dialectique se change en couple diamétral, nous sommes en présence d’une pathologie physiologique, psychologique ou les deux.
Le besoin de sommeil nécessite la sensation de satisfaction du sommeil, de repos. L’attention nécessite la capacité de relâcher cette attention. La mémoire nécessite la capacité d’effacer de la mémoire. La sensation nécessite la capacité d’inhiber la sensation. La conscience humaine nécessite le sentiment de pouvoir décider d’agir mais aussi de pouvoir décider d’arrêter cette action. Le repos nécessite la sensation de fatigue. La satisfaction de la faim nécessite la sensation de satiété. La sexualité est un couple de contraires dialectiques : excitation/inhibition. L’un sans l’autre ou l’un beaucoup plus actif que l’autre, battant sans cesse l’autre, et on a affaire à uen pathologie. Les contraires sont tous deux indispensables et inséparables l’un de l’autre.

Le cerveau et le monde extérieur constituent un couple dont il ne faut pas nier le caractère dialectique, c’est-à-dire à la fois l’opposition et l’inséparabilité, l’échange permanent et la construction ensemble, au cours des multiples combats, d’une réalité sans cesse changeante qui change à la fois la réalité extérieure et le cerveau, si bien que la séparation et l’opposition diamétrale entre extérieur et intérieur n’est pas valide. Cela s’oppose à la fois à la conception des idéalistes purs selon lesquels n’existe que l’âme et des matérialistes primaires pour lesquels le cerveau n’est qu’un mécanisme ou des réductionnistes pour lesquels le cerveau se résume au neurone. Opposer diamétralement la conscience humaine au monde matériel est une erreur comme opposer diamétralement le sentiment et la pensée, opposer diamétralement l’homme pensant et l’animal instinctif, comme opposer diamétralement le cerveau inné et le cerveau en pleine acquisition.

Le refus des processus dialectiques produisant des mécanismes d’un niveau supérieur d’organisation amène à refuser l’existence d’une dynamique permanente, remettant sans cesse en question son propre fonctionnement, produisant sans cesse de la nouveauté, du changement et du mouvement.

Or nous constatons, à tous les niveaux du vivant cérébral comme non cérébral, que les niveaux hiérarchiques d’organisation sont mutuellement produits et interconnectés, inséparables tout en étant contraires.

Les contraires dialectiques ont pour caractéristiques que l’on ne peut jamais répondre « par oui ou par non, de manière exclusive ».

Par exemple, le cerveau a-t-il un sexe ? A la fois oui et non. Le cerveau est-il déterminé par la génétique ? Oui et non. Le cerveau est il déterminé par les ancêtres ? Oui et non. Le cerveau est-il déterminé par les premiers mois de l’enfant ? Oui et non. Le cerveau peut-il être modifié par l’activité culturelle ? Oui et non. Peut-on par son activité modifier l’affectation des zones du cerveau ? Oui et non. Y a-t-il séparation, opposition, combat entre les deux hémisphères cérébraux ? Oui et non.

Ce n’est pas un jeu de l’esprit. Ce n’est pas un refus de donner des réponses. C’est que la réalité est contradictoire.

Qu’est-ce qui préexiste l’angoisse ou la boule qui se forme dans notre estomac ? Qu’est-ce qui préexiste dans une maladie psychiatrique, la base physiologique ou celle psychologique ? Qu’est-ce qui préexiste, l’émotion ou la pensée ? On ne peut pas répondre par oui ou par non. Le stress est-il bon ou mauvais, la fringale est-elle bonne ou mauvaise, la capacité à ne pas sentir sa fatigue est-elle bonne ou mauvaise, on ne peut pas davantage répondre par oui ou par non.
L’idée d’une séparation entre l’homme et la nature est surtout fondée sur l’existence d’une conscience humaine dont on ne trouve aucun exemple dans la nature et dont on n’avait trouvé aucune explication de type naturel. D’où l’idée d’un dualisme de type âme / corps, fondement du dualisme esprit / matière. Si quelque chose dans la nature semblait incompréhensible sans action divine, c’est bien le cerveau humain. Dans le passé, le caractère dynamique du cerveau, difficile à comprendre, ne pouvait que prêter aux interprétations magiques et religieuses. Notre cerveau pense même lorsque nous dormons. Bien souvent, nous nous demandons d’où telle ou telle pensée ou création a-t-elle bien pu émerger. Cette créativité provient du mécanisme cérébral lui-même, spontanément en changement continuel. En effet, on a découvert que le cerveau combat sans cesse un trop grand équilibre du message neuronal et des circuits activés. L’exemple du mode de fonctionnement du cerveau dévoile surtout que, malgré notre niveau de connaissance toujours plus élevé, nous sommes toujours dépendants d’anciennes conceptions philosophiques fixistes, partant du présupposé que la nature va vers la stabilité et vers l’équilibre. A l’époque où l’on concevait la nature en termes d’objets fixes et non comme activités, et l’activité humaine comme produit de la volonté consciente, on ne concevait pas que la nature ait pu produire le cerveau humain sans l’aide d’un super-cerveau divin capable de l’engendrer. Sans même tenir compte de ses changements continuels, le câblage cérébral est d’une telle complexité que l’informatique est bien incapable de le modéliser. La construction du cerveau, comme sa dynamique, provient de l’apoptose cellulaire qui permet, par autodestruction des neurones, de déterminer les cellules et les réseaux neuronaux qui vont disparaître et ceux qui vont être privilégiés ou défavorisés. Un tel fonctionnement, que nous décrirons en détail par la suite, ne peut être appréhendé par une philosophie fixiste. Ce n’est d’ailleurs pas particulier au cerveau. Tout le mécanisme du vivant est fondé sur cette fameuse « inhibition de l’inhibition ». Un spécialiste en immunologie comme Jean-Claude Ameisen, qui n’est ni un philosophe hégélien ni dialecticien, titre un de ses chapitres de « la sculpture du vivant » : « Négation de la négation » et, une autre fois, « Inhibition de l’inhibition ». Par exemple, on le constate dans le système enzymatique qui accélère sélectivement certaines réactions biochimiques, qui est fondamental, comme chez certaines protéines qui possèdent la propriété d’inhiber certains enzymes. C’est l’un des modes de régulation, par rétroaction (réaction sur le point de départ par activation résultant d’une inhibition de l’inhibition), mécanismes fondamentaux du vivant. Ce mode de fonctionnement unit matière et vie, nature et société, homme et nature.

Citant les travaux Miroslav Radman, Paul-Antoine Miquel rapporte cette propriété qui enclenche le mécanisme de protection de l’intégrité du vivant : « Si l’on irradie une colonie de bactéries jusqu’à paralyser la division cellulaire et détériorer l’ADN, se met en marche la boite SOS, un mécanisme de secours qui, normalement, est bloquée par la protéine inhibitrice LexA. Or les rayons déclenchent la synthèse de la protéine RecA, qui lève ce blocage en clivant LexA et permet ainsi l’expression des gènes de la boite SOS. Des ADN polymérases 4 et 5 sont alors synthétisées. Leur tâche est de réparer la cassure chromosomique, mais ce sont aussi des protéines mutases qui induisent des mutations ciblées et non ciblées. » Le mécanisme de conservation se change en mécanisme de mutation. Il existait déjà mais était inactivé. Il est actionné par inhibition de l’inhibition. C’est bel et bien un fonctionnement fondé sur des contradictions dialectiques. Prenons un autre exemple. Le neurobiologiste Jean-Pierre Changeux décrit le mécanisme de propagation des impulsions électriques du nerf optique vers le cortex visuel via la thalamus : « La traversée des signaux jusqu’au cortex est facilitée de manière spectaculaire (...) par la levée d’une inhibition intrinsèque qui, lors du repos, met le régime du canal au niveau le plus bas. L’acétylcholine sert de neurotransmetteur. Elle inhibe une inhibition, donc elle active. » Le neurobiologiste Yehezkel Ben-Ari expose dans la revue « Sciences et avenir » : « Dans le cerveau adulte, l’information nerveuse est essentiellement transmise par deux neuromédiateurs, le glutamate qui excite et le GABA (acide gamma-aminobutyrique) qui inhibe les neurones. » Ce qui frappe dans tous ces dispositifs, c’est non seulement qu’ils sont contradictoires mais qu’ils se fixent les uns sur les autres, se combinent, interagissent plutôt que de se détruire ou d’agir seuls. C’est la combinaison des contraires qui caractérise ces processus.

Comme le rapporte un numéro de la revue « La Recherche », pour prendre un exemple récent, des scientifiques comme Vincent Billock et Brian Tsou montrent que, dans le cerveau, des phénomènes contraires produisent des effets équivalents à ceux de la convection : des structures dissipatives. Les opposés ne s’annulent pas mais construisent un ordre. C’est le cas également dans une autre opposition liée à la vision : celle entre bandes horizontales et verticales de neurones connectés qui, ensemble, construisent la vision. Ou encore, avec les cônes et les bâtonnets. Là encore des opposés qui construisent l’ordre par leur combat. Cette dialectique n’est pas abstraite ni imaginaire : elle se fonde sur des cellules neuronales qui ont des canaux mutuellement inhibiteurs, par exemple pour la couleur.

La conscience n’est pas une propriété fixe qui appartiendrait définitivement au cerveau mais une structure émergente. Il s’agit donc bel et bien de chaos déterministe au sens de Prigogine. On vient d’en parler pour la vision comparée aux structures de la convection, comme dans les motifs d’auto-organisation de Turing. Quant à l’émergence de structure issue de phénomènes contradictoires, c’est bel bien des contradictions qui mènent à un nouvel ordre : une loi dialectique, par conséquent.

Rien de plus simple que de mettre en évidence chez chacun d’entre nous des mécanismes contradictoires du cerveau. Fermez les yeux et convainquez vous que vous ne devez penser à rien. Un million de pensées vous viennent à l’esprit que vous avez du mal à chasser. Convainquez vous qu’il est très important que vous vous endormiez ce soir. Rien de mieux pour avoir du mal à dormir. Dans votre lit, pensez qu’il est important de ne pas bouger pour ne pas réveiller votre conjoint. Cela suffit à éveiller tous vos sens sur chacun de vos membres et à vous persuader qu’il est absolument indispensable que vous les bougiez. Convainquez vous que vous ne devez surtout pas manger entre les repas et vous voilà saisi de fringales systématiques qui vous apparaissent comme des besoins irrépressibles. D’une manière générale, il suffit que vous vous disiez que vous ne devez pas faire quelque chose, que ce n’est pas bien pour que vous ayez l’impression de vous priver de quelque chose dont vous aviez envie ! Vous touchez là un mécanisme général qui provient du fonctionnement du cerveau. Loin d’aller directement aux pensées et à l’analyse logique des situations, notre cerveau fonctionne par hypothèses successives suivies de leur contradiction. Les deux hémisphères déjà sont sources de pensées contraires. Leur dialogue, loin de résoudre la contradiction, en trouve toujours de nouvelles. Ce n’est pas généralement la source d’embarras particuliers ou de maladies mais la source de la richesse de notre pensée.

Une psychologie élémentaire de l’homme le considère comme une seule conscience. Pourtant, nous avons tous constaté qu’il y a une contradiction interne. Il y a débat permanent à l’intérieur de chaque crâne humain. C’est même le fondement de l’intelligence humaine. C’est de manière automatique que notre cerveau répond à toute information par une interprétation forunie par le cingula. Mais cette interprétation n’a rien d’intelligente. Elle est généralement absurde. C’est la réponse contradictoire du cerveau qui permet que cette interprétation, après une série de contradictions et de confrontations avec tout ce que le cerveau croit savoir sur les circonstances.
La psychanalyse a montré que nous désirons des choses que nous croyons refuser radicalement et que nous dissimulons, consciemment ou inconsciemment, ces désirs. Cela signifie que la contradiction interne est permanente dans notre cerveau. Les maladies mentales sont parfois causées par l’exigence du sujet qui exige que toutes les informations soient non-contradictoires et qui soumet à nouveau toute hypothèse. Généralement, les individus se contentent d’un monde un peu contradictoire.

Friedrich Engels dans l’"Anti-Dühring" : "Tant que nous considérons les choses comme en repos et sans vie, chacune pour soi, l’une à côté de l’autre et l’une après l’autre, nous ne nous heurtons certes à aucune contradiction en elles. Nous trouvons là certaines propriétés qui sont en partie communes, en partie diverses, voire contradictoires l’une à l’autre, mais qui, dans ce cas, sont réparties sur des choses différentes et ne contiennent donc pas en elles-mêmes de contradiction. Dans les limites de ce domaine d’observation, nous nous en tirons avec le mode de pensée courant, le mode métaphysique. Mais il en va tout autrement dès que nous considérons les choses dans leur mouvement, leur changement, leur vie, leur action réciproque l’une sur l’autre. Là nous tombons immédiatement dans des contradictions. Le mouvement lui-même est une contradiction ; déjà, le simple changement mécanique de lieu lui-même ne peut s’accomplir que parce qu’à un seul et même moment, un corps est à la fois dans un lieu et dans un autre lieu, en un seul et même lieu et non en lui. Et c’est dans la façon que cette contradiction a de se poser continuellement et de se résoudre en même temps, que réside précisément le mouvement.

Nous avons donc ici une contradiction qui se rencontre objectivement présente et pour ainsi dire en chair et en os dans les choses et les processus eux-mêmes (...)

Si le simple changement mécanique de lieu contient déjà en lui-même une contradiction, à plus forte raison les formes supérieures de mouvement de la matière et tout particulièrement la vie organique et son développement. Nous avons vu plus haut que la vie consiste au premier chef précisément en ce qu’un être est à chaque instant le même et pourtant un autre. La vie est donc également une contradiction qui, présente dans les choses et les processus eux-mêmes, se pose et se résout constamment. Et dès que la contradiction cesse, la vie cesse aussi, la mort intervient. De même, nous avons vu que dans le domaine de la pensée également, nous ne pouvons pas échapper aux contradictions et que, par exemple, la contradiction entre l’humaine faculté de connaître intérieurement infinie et son existence réelle dans des hommes qui sont tous limités extérieurement et dont la connaissance est limitée, se résout dans la série des générations, série qui, pour. nous, n’a pratiquement pas de fin, - tout au moins dans le progrès sans fin."

Pour Freud, le cerveau est un univers des conflits, des contradictions. Les sentiments, les fantasmes, les situations entraînent des réactions opposées dues à la peur, au dégoût, au rejet, à la haine. Les contraires ne se suppriment pas définitivement, mais se masquent, se refoulent, se bloquent. Par exemple, le processus d’oubli n’est pas un simple effacement : il est une inhibition, une négation, c’est-à-dire un processus négatif qui a sa propre négation. L’effacement serait définitif et ne pourrait jamais revenir déranger les victimes de névroses. La mémoire inconsciente est la preuve que ce qui n’est pas conscient peut rester présent dans le cerveau.

L’origine de l’ordre du cerveau, c’est le désordre du message électrique cérébral. Ce lien ordre-désordre interpénétré est lié à l’intrication conscient-inconscient. C’est bel et bien un fonctionnement fondé sur des contradictions dialectiques. Prenons un autre exemple. Le neurobiologiste Jean-Pierre Changeux décrit le mécanisme de propagation des impulsions électriques du nerf optique vers le cortex visuel via la thalamus : « La traversée des signaux jusqu’au cortex est facilitée de manière spectaculaire (...) par la levée d’une inhibition intrinsèque qui, lors du repos, met le régime du canal au niveau le plus bas. L’acétylcholine sert de neurotransmetteur. Elle inhibe une inhibition, donc elle active. » Le neurobiologiste Yehezkel Ben-Ari expose dans la revue « Sciences et avenir » : « Dans le cerveau adulte, l’information nerveuse est essentiellement transmise par deux neuromédiateurs, le glutamate qui excite et le GABA (acide gamma-aminobutyrique) qui inhibe les neurones. » Ce qui frappe dans tous ces dispositifs, c’est non seulement qu’ils sont contradictoires mais qu’ils se fixent les uns sur les autres, se combinent, interagissent plutôt que de se détruire ou d’agir seuls. C’est la combinaison des contraires qui caractérise ces processus. Azemar G. dans « Posture et asymétries fonctionnelles » : « La latéralisation œil/main/pied rend compte de la dialectique cerveau droit / cerveau gauche. » Dans une publication du CNRS, l’épistémologue Bernard Andrieu concluait dans « Le laboratoire du cerveau psychologique » : « Entre la neurologie et la psychologie, nombre de philosophes, de médecins, de psychanalystes n’ont de cesse de modéliser les liens de l’esprit et du cerveau. (...) Le cerveau psychologique inventait déjà un dialogue entre les sciences exactes et les sciences humaines (...) ».

Comment peut-on prétendre qu’un travail conscient chez le psychanalyste va résoudre des problèmes qui seraient liés à l’inconscient et donc inaccessible à notre intelligence ? La réponse est que conscience et inconscience sont aussi bien opposées que combinées, dialectiquement liées. Dans « Cinq psychanalyses », (chapitre sur la psychanalyse de Dora), Freud explique : « En présence d’une semblable idée prévalente (…) renforcée par l’inconscient (…) on se dit qu’elle ne peut être résolue par le travail intellectuel, soit qu’elle-même s’étende avec sa racine jusqu’au matériel inconscient refoulé, soit qu’une pensée inconsciente se cache derrière elle. Cette pensée inconsciente lui est la plupart du temps directement opposée. Les pensées opposées, contraires, sont toujours étroitement liées les unes aux autres et souvent accouplées de façon à ce que l’une d’entre elles soit très intensément consciente, tandis que son antagoniste demeure refoulée et inconsciente. Cette corrélation est le résultat du processus de refoulement. Le refoulement, en effet, a souvent été effectué de telle sorte que la pensée opposée à celle qui doit être refoulée a été renforcée à l’excès. (…) On ne peut jamais calculer dans quel sens penchera la décision dans un conflit de mobiles, si c’est dans le sens de la levée ou du renforcement du refoulement. L’incapacité de satisfaire aux exigences réelles de l’amour est un des traits caractéristiques de la névrose ; ces malades sont sous l’empire de l’opposition qui existe entre la réalité et les fantasmes de leur inconscient. (…) J’ai voulu éveiller l’intérêt pour certains phénomènes qui sont encore tout à fait ignorés de la science, car on ne peut les découvrir qu’en appliquant précisément cette méthode. Personne ne pouvait, avant elle, avoir une idée exacte de la complexité des phénomènes psychiques dans l’hystérie, de la simultanéité des tendances les plus diverses, de la liaison réciproque des contraires, des refoulements, des déplacements, etc. (…) Il faudra nécessairement supposer que les excitations accompagnées de représentations incapables de devenir conscientes agissent autrement les une sur les autres, se déroulent d’une autre manière et conduisent à d’autres modes d’expression que celles que appelées par nous « normales » et dont le contenu représentatif nous devient conscient. (…) Il y a un processus qu’Alf Adler a dénommé très justement l’ »intrication des pulsions ». (…) Telle est l’origine des conflits : ce père, que Hans ne pouvait s’empêcher de haïr comme un rival, était le même que Hans avait aimé de toujours et qu’il devrait continuer à aimer ; ce père était son modèle (…) : voilà ce ce qui donna naissance au premier conflit affectif, tout d’abord insoluble. (…) Nous avons ainsi une pulsion érotique et un mouvement de révolte contre elle, un désir pas encore obsessionnel. »

Dans « Trois essais sur la théorie sexuelle », Freud montre que le psychisme humain n’est pas un mécanisme fondé sur des processus préétablis, figés ni déterminés a priori, mais un processus dynamique qui emploie à chaque fois une voie originale. Cela provient des contradictions et des conflits multiples au sein du lien entre psychisme et sexualité qui est un lien contradictoire. Freud montre notamment que la contradiction entre homme et femme est interne à chaque individu. Une thèse très novatrice puisque Freud affirme que tous les hommes sont plus ou moins bisexuels dans le fonctionnement de leur cerveau. Voilà encore un point où nous demanderons leur avis aux neurosciences.

Dans son « Introduction à la psychanalyse », Freud rappelle que la notion de conflit est indispensable à la compréhension du fonctionnement psychique : conflit entre le moi et la sexualité, comme on l’a lu précédemment, conflit entre désir et refoulement, conflit qui n’est pas en soi pathogène : « Chez des personnes en pleine santé qui sont frappés d’une affection névrotique, on trouve régulièrement les indices d’une opposition de désirs ou, comme nous avons l’habitude de nous exprimer, d’un conflit psychique. Une partie de la personnalité manifeste certains désirs, une autre partie s’y oppose et les repousse. Sans un conflit de ce genre, il n’y a pas de névrose. Il n’y aurait d’ailleurs là rien de singulier. Vous savez que notre vie psychique est constamment remuée par des conflits dont il nous incombe de trouver la solution. Pour qu’un pareil conflit devienne pathogène, il faut donc des conditions particulières. (…) Le conflit est provoqué par la privation, la libido à laquelle est refusée la satisfaction normale étant obligée de chercher d’autres objets et voies. Il a pour condition la désapprobation que ces autres voies et objets provoquent de la part d’une certaine fraction de la personnalité : il en résulte un veto qui rend d’abord le nouveau mode de satisfaction impossible. » Les contradictions internes au fonctionnement du cerveau sont nombreuses. Celle entre conscient et inconscient oppose les deux fonctionnement sans qu’aucun ne détruise jamais l’autre définitivement ni durablement. L’activation du cortex affaiblit l’activation de l’amygdale. Pourtant, il existe des mécanismes amenant des informations de l’amygdale vers le cortex (par exemple, dans la thérapie psychanalytique) et le circuit inverse existe également (refoulement). Freud montre les contradictions qui se combattent de façon dynamique : contradiction réel/virtuel, conscient/inconscient, intelligence/sensualité, plaisir/déplaisir, réflexion/sentiments, désiré/ refoulé, homme/femme, j’aime / je n’aime pas, je désire / je ne désire pas, normal/pathologique. Le fonctionnement normal est contradictoire. La contradiction n’est pas pathologique, c’est la rupture de la contradiction qui l’est. L’enfant n’a pas encore de besoins physiques sexuels mais il a des sentiments sexuels. L’être vivant a un sexe mais il a des sentiments et des besoins de l’autre sexe. Freud a eu le mérite à son époque d’affirmer que chaque être vivant a des côtés hétérosexuels et d’autres homosexuels, des sentiments d’homme et d’autres de femme. Pour Freud, la contradiction est permanente et indispensable. C’est pour rejeter un des éléments de la contradiction qu’apparaît la maladie nerveuse. La maladie est la rupture de la dynamique des contradictions. Le sensuel a tellement été refoulé qu’il devient dominant au niveau conscient et bloque le fonctionnement cérébral au point d’empêcher la réflexion ou même de bloquer des fonctionnements physiques. Ces processus sont contradictoires au sens dialectique comme le rapporte Rita Carter : « Un débordement d’émotion peut bloquer la pensée, tandis qu’une tâche cognitive ardue peut atténuer l’émotion. » Freud relevait non seulement la contradiction dialectique entre conscient et inconscient mais aussi entre pulsion de vie et pulsion de mort, entre sentiment activé et inhibé, entre homme et femme, entre désir et refoulement. Freud reconnaît dans le langage cette capacité à passer rapidement d’une idée à son contraire, d’exprimer les sentiments contraires qui coexistent.

La psychologie humaine, et son fondement, la conscience, basé sur l’auto-organisation des flashs du cerveau, est un domaine où la loi dialectique a cours, comme le note le texte de Gaston Bachelard, « La dialectique de la durée » : « Ces notes rapides sont, croyons-nous, suffisantes pour souligner le rôle de la dialectique dans les phénomènes psychologiques (...) qui sont fondamentalement des successions. Une fonction ne peut être permanente ; il faut que lui succède une période de non-fonctionnement puisque l’énergie diminue dès qu’elle est dépensée. Dans les phénomènes de la vie, c’est en termes de successions qu’il faut définir les contradictions du comportement. » Notre cerveau est un dialogue permanent : entre neurones, entre circuits, entre zones, entre circuits redondants ou non, entre hémisphères cérébraux. Ce dialogue est fondé sur des contradictions. Le message cérébral est construit puis détruit. C’est indispensable au fonctionnement du cerveau. Si le message était conservé en boucle, la zone cérébrale serait bloquée et incapable de porter d’autres messages cérébraux. La négation du message est indispensable à la construction de nouveaux messages. Le message est fondé sur le dialogue collectif d’un grand nombre de cellules. Là encore, il faut entendre par dialogue une négation. A l’échelle d’un seul neurone, l’émission d’un message entraîne pour un intervalle de temps la fermeture de la membraneux du neurone. Le dialogue des contraires, autrement appelé dialectique, est à la base du fonctionnement nerveux et cérébral.

Cette remarque ne concerne pas seulement le neurone mais tout le fonctionnement du vivant. Dans « Repenser la psychanalyse avec les sciences », Georges et Sylvie Pragier rappellent les découvertes de l’immunologie : « Avec la « sculpture du vivant » décrite par Ameisen, (…) l’organisme se construit grâce au suicide permanent auquel tend spontanément chaque cellule. (…) Ainsi, un événement positif, la vie, merveilleux modèle de construction de la complexité, naît de la négation d’un événement négatif, la mort. Cette découverte dessine alors une étrange vision de la vie : « Avoir réussi pour un temps à réprimer le déclenchement du suicide. » comme l’écrit Ameisen dans « La sculpture du vivant ». La survie devient alors négation de la négation, totalement dépendante de messages inhibant l’autodestruction ! (…) « Le destin d’une cellule dépend de la qualité des liens provisoires qu’elle a tissés avec son environnement. » affirme Ameisen. Le destin d’une cellule vers sa mort est l’issue d’une succession de dialogues échangés avec sa communauté qui fonctionne avec l’image d’une société pour l’humain. » On ne peut pas mieux dire : toute société est destinée à mourir de ses propres contradictions. Elle fait ce qu’elle peut pour survivre. Tels sont les buts de sa structure.

La vie est l’inhibition dialectique (pas la destruction de la mort).

L’inhibition est également un mécanisme fondamental de la dialectique du système neuronal. Jean-Pierre Changeux les décrit ainsi dans « L’homme neuronal » : « Singer (1979) a suivi la propagation des impulsions électriques du nerf optique au cortex visuel via le thalamus (...) Si, au moment où elles passent, on stimule la formation réticulée, la traversée des signaux jusqu’au cortex est facilitée de manière spectaculaire (...) L’amplitude de la réponse électrique au niveau du cortex augmente. Cette augmentation correspond à la levée d’une inhibition intrinsèque qui, lors du repos, met le régime du canal au niveau le plus bas. L’acétylcholine sert de neurotransmetteur. Elle inhibe une inhibition, donc, elle active. Le noyau de la formation réticulée qui la contient agit comme régulateur du canal visuel. » Dans le numéro de janvier 2007 de « La Recherche », Patrick Philipon, citant les travaux d’Axel Cleermans, rappelle que « 70% des neurones du cortex sont inhibiteurs. L’inhibition neuronale est donc certainement une fonction essentielle. » Il relève, par exemple, que « le cortex latéral préfrontal inhibe les activités cérébrales non pertinentes. (...) Lorsqu’une perturbation est suffisamment forte pour être perçue, cette aire intervient pour inhiber l’activité du cortex visuel : elle « filtre » le signal non approprié. » L’article explique ainsi que l’un des moyens d’inhiber cette inhibition est que le message soit suffisamment rapide (image subliminale). L’inconscient est donc inhibition du conscient et inversement.

Les Pragier montrent que le psychisme est un processus dialectique : « L’appareil psychique se constitue en un mouvement dialectique : ouverture à l’objet qui participe à l’émergence du sujet et fermeture sur lui-même où le sujet devient le moi de l’appareil psychique. Freud avait résolu le problème en faisant émerger le moi des identifications. »

Le refoulement est un processus dialectique permanent qui contredit (inhibe, combat, cache) le désir sans le supprimer. L’analyse freudienne, qui rend consciente le fantasme pour en supprimer le caractère pathogène, est une inhibition de l’inhibition.

L’inhibition est un processus fondamental du psychisme puisque la réalisation d’une pensée consciente serait le produit d’une inhibition : celle du processus d’autodestruction de la pensée inconsciente.

La construction/destruction concerne aussi bien le message neuronal, les formations de groupes neuronaux que le cerveau tout entier. L’immunologue Jean Claude Ameisen dans « La sculpture du vivant ou le suicide cellulaire, une mort créatrice » :

« Une image nouvelle, plus dynamique et plus riche, de notre cerveau commence à se dessiner. Un cerveau capable de se remodeler. Un cerveau qui se construit, comme l’ensemble de notre corps, tout au long de notre existence. Depuis quelques années, il est apparu que certains des signaux qui parcourent normalement notre cerveau ont le pouvoir d’entraîner le suicide de neurones. Parce que l’idée que les neurones du cerveau ne peuvent pas être renouvelés a été une idée persistante, la plupart des médecins et des biologistes considèrent que le suicide des neurones ne peut pas être une des conséquences normales des dialogues cellulaires à l’intérieur du cerveau et ne peut donc survenir qu’au cours de maladies du vieillissement. Mais s’il existe des cellules capables d’enfanter des neurones, le suicide et le renouvellement des neurones pourraient au contraire représenter des phénomènes qui freinent le vieillissement et permettent de maintenir intactes pendant plusieurs dizaines d’années nos capacités d’apprentissage. (…) Le pouvoir de se reconstruire est lié au pouvoir de s’autodétruire. »

Où sont les passages de la quantité à la qualité au sein du fonctionnement cérébral demandait un lecteur ?

Eh bien, il y a un saut qualitatif du neurone et de quelques neurones connectés au réseau neuronal, un autre saut à la carte neuronale. Il y a un saut qualitatif

L’émission neuronale est aussi un passage de la quantité à la qualité avec émission brutale quand le niveau seuil a été atteint.

Lorsqu’un événement est trop rapide, il ne peut être mémorisé. Dès qu’il passe un seuil de durée, il peut être mémorisé. C’est un exemple de passage de la quantité à la qualité.

Lorsque les neurones se connectent souvent et beaucoup, leur relation change de qualité. Le niveau hiérarchique des connexions se modifient alors. C’est un changement qualitatif.

L’existence de niveaux d’organisation atteint par le combat dialectique des contraires au niveau inférieur est aussi un passage de la quantité à la qualité. Toute l’émergence d’ordre est un passage de la quantité à la qualité.

« Il nous faut comprendre au sein d’un tout les propriétés naissantes qui résultent de l’interpénétration inextricable des gènes et de l’environnement. Bref, nous devons emprunter ce que tant de grands penseurs nomment une approche dialectique, mais que les modes américaines récusent, en y dénonçant une rhétorique à usage politique. La pensée dialectique devrait être prise plus au sérieux par les savants occidentaux, et non être écartée sous prétexte que certaines nations de l’autre partie du monde en ont adopté une version figée pour asseoir leur dogme. (…) Lorsqu’elles se présentent comme les lignes directrices d’une philosophie du changement, et non comme des préceptes dogmatiques que l’on décrète vrais, les trois lois classiques de la dialectique illustrent une vision holistique dans laquelle le changement est une interaction entre les composantes de systèmes complets, et où les composantes elles-mêmes n’existent pas a priori, mais sont à la fois les produits du système et des données que l’on fait entrer dans le système. Ainsi, la loi des « contraires qui s’interpénètrent » témoigne de l’interdépendance absolue des composantes ; la « transformation de la quantité en qualité » défend une vision systémique du changement, qui traduit les entrées de données incrémentielles en changements d’état ; et la « négation de la négation » décrit la direction donnée à l’histoire, car les systèmes complexes ne peuvent retourner exactement à leurs états antérieurs. » écrit le géologue et paléontologue Stephen Jay Gould Dans « Un hérisson dans la tempête »

« La grande idée fondamentale, écrit Engels, selon laquelle le monde ne doit pas être considéré comme un complexe de choses achevées, mais comme un complexe de processus où les choses, en apparence stables, tout autant que leurs reflets intellectuels dans notre cerveau, les idées, passent par un changement ininterrompu de devenir et dépérissement - cette grande idée fondamentale a, notamment depuis Hegel, pénétré si profondément dans la conscience courante qu’elle ne trouve, sous cette forme générale, presque plus de contradiction. Mais la reconnaître en paroles et l’appliquer dans la réalité, en détail, à chaque domaine soumis à l’investigation, sont deux choses différentes. »

Messages

  • L’intelligence humaine peut être caractérisée par une capacité spécifique à élaborer des comportements sophistiqués dans des circonstances changeantes. Bien entendu, c’est du cerveau humain que cette particularité découle. Le cerveau humain est d’abord et avant tout un organe dynamique extrêmement instable, détruisant sans cesse tous les messages qu’il transmet et d’une capacité de transformation à de nombreuses échelles de temps et d’espace. Pour cela, le cerveau change sans cesse : ses connexions, ses synapses, l’irrigation en oxygène de ses zones sont modifiées par son fonctionnement. Son dynamisme provient de sa capacité, loin de l’équilibre, de produire sans cesse de l’auto-organisation, en se fondant sur des dialogues contradictoires entre ses neurones, entre neurones et corps humain, entre zones cérébrales, entre ses deux hémisphères, dialogues permanents et contradictoires au sens dialectique.

  • L’imagination et la pensée inconsciente sont une base essentielle de la pensée consciente, comme l’émotion est indispensable à l’intelligence. L’intelligence n’est pas une addition de connaissances de plus en plus pointues, mais une inhibition des messages d’erreur. Le cerveau n’accède pas à petit à petit des connaissances justes, mais détruit successivement des affirmations suggérées de manière complètement illogique, les confronte aux autres acquis et les remplace sans cesse par d’autres suggestions aussi infondées jusqu’à progresser vers une pensée plus conforme à ce que nous a pensons savoir. Le progrès des connaissances consiste à inhiber des voies fausses. L’inhibition et la destruction sont des moyens essentiels de l’intelligence.

    Le dialogue cérébral est fondé à toutes les échelles sur des contradictions dialectiques. Destruction et construction se complètent. Logique et imagination, conscient et inconscient, messages durables et rapides, messages à courte distance et à longue distance, s’opposent, mais ils composent une unité, sans cesse remise en question.

  • Derek Denton dans "L’émergence de la conscience" :

    "L’organisation des fonctions cérébrales a été révélée par l’étude des patients dits "split-brain" (à cerveau dédoublé) chez qui il s’est avéré nécessaire de sectionner les deux cent millions de fibres joignant les deux hémisphères du cerveau (le corps calleux). (...) Les deux hémisphères, désormais séparés, pouvaient sentir, percevoir, apprendre et se souvenir indépendamment l’un de l’autre. Dans certaines circonstances, chacun pouvait oublier l’expérience cognitive ou le savoir de l’autre. (...) Les deux hémisphères ainsi déconnectés sont chacun soumis à une volonté qui leur est propre et peuvent donc entrer en conflit. (...) L’hémisphère droit, qui est muet, possède de l’information. Il est conscient de quelque chose que l’hémisphère "parlant" ignore. (...) L’hémisphère droit, muet et dominé, a un maniement très habile des relations spatio-temporelles, de la musique, du jugement esthétique et ainsi de suite. L’hémisphère gauche n’est même pas capable de dessiner avec la main droite ! Il ne sait même pas dessiner ! (...) Lorsque l’hémisphère droit est séparé chirurgicalement de l’hémisphère gauche, l’hémisphère gauche est celui qui parle, et celui à qui on peut parler. (...) Les patients se comportent parfois comme s’ils étaient deux personnes différentes."

  • Jean-Pierre Changeux dans « L’homme neuronal » : « Singer (1979) a suivi la propagation des impulsions électriques du nerf optique au cortex visuel via le thalamus (...) Si, au moment où elles passent, on stimule la formation réticulée, la traversée des signaux jusqu’au cortex est facilitée de manière spectaculaire (...) L’amplitude de la réponse électrique au niveau du cortex augmente. Cette augmentation correspond à la levée d’une inhibition intrinsèque qui, lors du repos, met le régime du canal au niveau le plus bas. L’acétylcholine sert de neurotransmetteur. Elle inhibe une inhibition, donc, elle active. Le noyau de la formation réticulée qui la contient agit comme régulateur du canal visuel. »

    Pourquoi l’inhibition du vivant serait-elle une négation dialectique, plutôt que celle de l’ancienne logique formelle ? La négation dialectique ne supprime pas la contradiction, mais masque momentanément son existence. Dans la négation formelle, à l’inverse, les contraires se suppriment immédiatement et définitivement. Si, dans la génétique, l’inhibition semble dialectique puisque les contraires se combinent, qu’en est-il du suicide cellulaire, l’apoptose, qui provoque la mort de la cellule ? Le mécanisme d’apoptose n’est pas celui de la mort brutale et définitive. C’est un combat permanent au sein de la cellule entre molécules, protéines et gènes de la vie et de la mort, se combattant et s’inhibant mutuellement, gagnant ou perdant des zones, s’appuyant pour cela sur des messages des autres cellules. Tant que la cellule est dite vivante, elle n’est pas exclusivement vivante ou exclusivement morte, répondant à la logique du « oui ou non exclusifs ». Elle répond plutôt à la dialectique qui suppose le « oui et non ». En effet, la cellule vivante est un processus dynamique de combat intérieur permanent entre les gènes et les protéines de vie et les gènes et les protéines de mort. C’est cet équilibre sur le fil du rasoir que l’absence des messages extérieurs, molécules-signaux des autres cellules indispensables à la survie, peut facilement déstabiliser, menant à l’apoptose. La cellule vivante est sans cesse entre la vie et la mort. Elle est « la vie et la mort » et pas « la vie ou la mort ». Comme la matière est sans cesse entre la matière et le vide et pas « la matière ou le vide » (ou exclusif). Une espèce vivante est sans cesse entre la conservation de l’espèce et sa transformation, toujours sur le fil et déstabilisable en cas de changement brutal des conditions extérieures. On peut bel et bien parler de dialectique du vivant, comme de dialectique de la matière. Dans « Le vivant », le biologiste François Dagognet affirme : « On n’en finirait pas, d’examiner les paradoxes ou les propriétés antinomiques qui conviennent au corps, énigme majeure. »

  • Un médicament inhibe l’inhibiteur de la sérotonine et de la noradrénaline. Les médicaments utilisent souvent l’inhibition de l’inhibition comme action positive. C’est un bon exemple de la dialectique des neurotransmetteurs.

  • Albert Meynard écrit dans « Le sexe du cerveau » :

    « L’hémisphère droit ressent le monde en images, le gauche le met en mots. La culture, le sens, la conscience, la notion de temps, c’est lui. La logique, le calcul, la déduction, les stratégies, la vitesse d’exécution, la lecture de la musique, c’est toujours lui… A l’opposé, l’hémisphère droit est un lambin, esthète et épicurien. Il prend son temps pour contempler, apprendre, voire il sait perdre son temps. Dans leur majorité, les hommes sont plus à droite et les femmes plus bilatérales… 60% des gauchers sont des hommes. »

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