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La grande hypocrisie face au génocide des Arméniens

jeudi 18 septembre 2014, par Robert Paris

La grande hypocrisie face au génocide des Arméniens

On le sait : le gouvernement turc n’admet pas l’existence d’un génocide des Arméniens et encore moins de plusieurs génocides. Mais le génocide des Arméniens est l’objet de plus d’un mensonge : de plusieurs et de plusieurs tentatives d’effacement…

Il y a la volonté des héritiers des génocidaires, des classes dirigeantes turques, d’effacer de l’histoire ce crime de masse. Mais ce n’est pas tout…

Il y a aussi la volonté des héritiers des classes dirigeantes européennes de l’époque d’effacer leur propre responsabilité !

Il y a aussi un effacement de la signification et des buts de ce génocide.

Et d’abord, il faut absolument préciser que les Arméniens n’ont pas été les seuls à être assassinés en masse. Exactement comme les Juifs n’avaient pas été les seuls ni les premiers à être assassinés dans les camps de la mort des nazis : les ouvriers, les militants socialistes et communistes, les syndicalistes, tous les opposants avaient commencé à y être torturés et assassinés, bien avant les Juifs, les Tziganes ou les Russes…

Il faudrait plutôt parler de génocide arménien, assyrien, chaldéen, syriaque, yézidi, grecque pontique, araméen, nabatéen, kurde, etc…

Le génocide assyrien ou araméen / assyrien / chaldéen / syriaque (également connu sous le nom Sayfo ou Seyfo) se réfère au meurtre en masse de la population « assyrienne » de l’Empire ottoman lors de la Première Guerre mondiale. La population assyrienne du nord de la Mésopotamie (Tour Abdin, Hakkari, Van, Siirt, régions du sud-est de l’actuelle Turquie et la région du nord-ouest de l’Iran, Urmiah) a été déplacée de force et massacrée par les forces ottomanes (turques) et les forces kurdes entre 1914 et 1920.

Les estimations sur le nombre total de morts varient. Certains rapports citent le nombre de 270 000 morts, bien que les estimations récentes ont révisé ce chiffre au nombre plus réaliste de 500 000 à 750 000 morts représentant environ 70 % de la population assyrienne de l’époque.

Le génocide assyrien a eu lieu durant la même période et dans le même contexte que le génocide arménien et des Grecs pontiques. Toutefois, les études sur le génocide assyrien sont relativement récentes notamment en raison du fait que la question du génocide arménien a occupé longuement la scène principale des génocides à l’encontre des populations chrétiennes de l’Empire ottoman.
La population d’origine assyrienne a été ramenée de 20 millions à trois millions.

Il ne s’agit donc pas d’une hostilité raciale des citoyens turcs ou de l’Empire ottoman (ou de la république turque) contre un seul des peuples opprimés de l’empire : les Arméniens et ne parler que du génocide arménien mène à en cacher les raisons sociales et politiques, exactement comme on cache les raisons sociales et politiques du massacre des Juifs par les nazis. Et, du même coup, on cache la complicité des autres puissances face à ces massacres et cette complicité crève pourtant les yeux.

La cause des massacres, c’est le fait que les peuples se révoltaient tous contre la dictature de l’empire.

Il flottait déjà, avant même qu’éclate la première guerre mondiale, un parfum de révolution dans tout l’Empire Ottoman. Il y avait eu la guerre italo-ottomane. Il y avait de multiples expressions de sentiments d’hostilité de toutes les nationalités opprimées de l’empire qui était attisé par les grandes puissances comme l’Angleterre et la France contre l’empire. Les Anglais entretenaient même une armée arménienne pour préparer le conflit contre l’empire. Les peuples avaient flairé leur libération et n’entendaient plus s’en laisser imposer par cette prison des peuples. Les Arméniens bougeaient. Les Kurdes bougeaient. Les Juifs étaient touchés par l’aspiration à la liberté. Les Alaouites se rebellaient. Avant même qu’éclate la révolution russe, tout était comme un baril de poudre prêt à exploser.

Le régime ottoman était déjà menacé, depuis 1900, de l’intérieur par la révolution bourgeoise jeune turque. Il n’avait pas eu la force d’écraser cette rébellion. Les Jeunes-Turcs parviennent à renverser le sultan en 1908 avec l’aide des mouvements minoritaires, et dirigent alors l’Empire ottoman. Comme l’empire, comme toutes les classes dirigeantes turques, les « jeunes turcs » se sentent menacés par la révolte des peuples et commencent à les massacrer systématiquement. Il faut dire que les grandes puissances laissent croire à ces peuples qu’ils vont les soutenir militairement contre l’empire, ce qui ne sera pas vrai…

Le 15 septembre 1915, le ministre de l’intérieur Talaat Pacha envoie un télégramme à la direction du parti Jeunes-Turcs à Alep : « Le gouvernement a décidé de détruire tous les Arméniens résidant en Turquie. Il faut mettre fin à leur existence, aussi criminelles que soient les mesures à prendre. Il ne faut tenir compte ni de l’âge ni du sexe. Les scrupules de conscience n’ont pas leur place ici » ; puis, dans un second télégramme : « Il a été précédemment communiqué que le gouvernement a décidé d’exterminer entièrement les Arméniens habitant en Turquie. Ceux qui s’opposeront à cet ordre ne pourront plus faire partie de l’administration. Sans égard pour les femmes, les enfants et les infirmes, si tragiques que puissent être les moyens d’extermination, sans écouter les sentiments de la conscience, il faut mettre fin à leur existence ». L’éloignement de nombre des victimes du front, lors des différentes phases des massacres, enlève toute vraisemblance à l’accusation de collaboration avec l’ennemi.

Dans les provinces orientales, l’opération se déroule en tous lieux de la même manière. Les séquences suivantes se produisent systématiquement dans les villes et les bourgs :

• perquisitions dans les maisons des notables civils et religieux ;

• arrestation de ces notables ;

• tortures pour leur faire avouer un prétendu complot et des caches d’armes ;

• déportation et exécution des prisonniers à proximité de la ville ;

• publication d’un avis de déportation ;

• séparation des hommes qui, liés par petits groupes, sont exécutés dans les environs de la ville ;

• évacuation de la totalité de la population arménienne répartie en convois de femmes, d’enfants et de personnes âgées qui quittent la ville à intervalles réguliers, à pied, avec un maigre bagage ;

• enlèvement dans le convoi de femmes et d’enfants conduits dans des foyers musulmans ;

• décimation régulière des convois par les gendarmes chargés de les escorter, des bandes kurdes ou des miliciens recrutés à cette fin.

Il ne faut pas parler de passivité en ce qui concerne l’attitude des autres grandes puissances face au génocide mais de complicité, comme en ce qui concerne le massacre par les nazis des Juifs, des Tziganes, et avant, l’assassinat du mouvement ouvrier en Allemagne, en Autriche, en Pologne, en Ukraine, en Roumanie, etc…

Même après la première guerre mondiale et le dépecement de l’empire ottoman, les grandes puissances occidentales ont été parfaitement complices des violences faites contre les Arméniens et Assyriens.

L’Allemagne n’a pas été la seule à soutenir l’empire ottoman malgré ses massacres de masse. La France et l’Angleterre en ont fait autant…

Le traité, signé à Lausanne le 24 juillet 1923 par les grandes puissances, revient sur le traité de Sèvres. L’Arménie n’y est plus mentionnée. L’historien H.-L. Kieser commente :

« Pour les perdants aussi bien que pour les humanitaires internationaux, l’ombre de la conférence était écrasante. Le traité acceptait tacitement les faits de guerre : le génocide des Arméniens ottomans, le massacre d’Assyriens ottomans, la déportation de Kurdes ottomans (1915-1916) et l’expulsion des Ottomans gréco-orthodoxes (1914 et 1919-1922), commise au profit de la turquification de l’Anatolie. Le nouveau gouvernement d’Ankara cachait à peine sa naissance au sein du parti Jeune-Turc, directement responsable des crimes perpétrés entre 1914-1918. Le traité complétait les faits de guerre par un transfert de populations jusqu’alors inouï, celui de Grecs musulmans (356 000) et d’Ottomans anatoliens de confession orthodoxe (290 000, avec ceux déjà expulsés comptant environ un million et demi de personnes). Avec quatre générations de retard, on a tout récemment commencé à déplorer publiquement ce transfert, même en Turquie. Pour ce qui est des crimes antérieurs, le négationnisme et l’apologie parfois grotesques, mais tacitement autorisés par le traité, prévalent toujours largement. »

Depuis des décennies, l’Europe n’ignorait rien des premiers massacres, déjà dénoncés par Jaurès et Anatole France sur la place publique. Elle n’a rien ignoré des deux génocides et, si elle n’a pas bougé le petit doigt, c’est en suivant toujours une seule règle : les intérêts des classes dirigeantes. Ce dernier dictait de laisser massacrer des peuples livrés à la vague révolutionnaire…

Juste après cette déclaration, ces puissances, qui se moquent des intérêts des peuples, y compris le leur, ont oublié leurs propres déclarations pour ne voir que leurs intérêts... Ces puissances, qui calculaient éventuellement d’appuyer une armée ou un pouvoir arménien pro-français ou pro-anglais quand l’empire ottoman s’effondrerait, se moquaient des intérêts des Arméniens et elles l’ont bien montré...

Voici exactement ce que savait le ministère des affaires étrangères français de l’époque

Le témoignage de la femme du consul de France

Le tableau officiel du massacre par les ambassades étrangères

Le témoignage de Leroi-Beaulieu

Les calculs de la France au "Levant"

Le rapport secret de l’allemand Lepsius

LA FRANCE ETAIT PARFAITEMENT AU COURANT

M. Louis Martin, Sénateur du Var,

à M. de Margerie, Directeur des Affaires politiques

Lettre.

Sans lieu ni date.1

J’ai l’honneur de vous envoyer ci-inclus une lettre sur l’Arménie pour M. le Président du Conseil. M. le Président a préféré cette procédure à celle de la question à la Tribune, cette lettre et la réponse devant être ensuite communiquées à la presse, dans les termes dont nous conviendrons. J’ai voulu laisser à M. le Président, car notre conversation est déjà ancienne, le temps de régler d’autres questions urgentes avant mon retour.

Sentiments distingués et haute considération.

(Archives du ministère des Affaires étrangères, Guerre 1914-1918, Turquie, tome 888, folio 67).

Annexe

M. Louis Martin, Sénateur du Var, à M. Aristide Briand, Président du Conseil,

Ministre des Affaires étrangères

Lettre.

Sans lieu ni date.

Tandis que les événements les plus favorables à la grande cause de la civilisation se produisent, diplomatiquement et politiquement, sur tous les fronts, les événements les plus douloureux pour l’humanité continuent de se produire dans toutes les parties de l’Arménie possédées encore par les Turcs.

Les massacres d’Arméniens qui ont constitué si longtemps le fond de la politique hamidienne, et que l’Europe libérale croyait avoir supprimés par le projet de réforme de 1913, ont redoublé. Sous la domination des Jeunes Turcs, depuis surtout la guerre actuelle, les souffrances de l’Arménie ont été portées au comble : le sang arménien a coulé à torrents ; jamais la barbarie n’avait atteint ce degré d’horreur. Les Jeunes Turcs, en leur délire, ont juré l’extermination de ce peuple, d’une civilisation si ancienne, et poursuivent implacablement leur but.

L’Arménie ne périra point. La victoire des Alliés brisera le joug de fer sous lequel on veut l’anéantir. Cette race, honneur de l’humanité, a produit, dès les premiers siècles, des historiens, des poètes, des littérateurs illustres, donné à Byzance quelques-uns de ses empereurs les plus remarquables et un grand nombre d’hommes d’état et de généraux fameux, à la reine Tamara, la Sémiramis de la Géorgie, ses plus grands capitaines, au tsar Alexandre II des hommes d’état de premier ordre, tel Loris Melikov et de brillants généraux comme Lazarev et Der-Ghou kassov, à l’Egypte son grand réformateur Nubar pacha, au monde contemporain une foule d’hommes éminents de tout ordre. Cette Arménie poétique, berceau d’antiques et vénérables légendes qui ont ravi les divers âges de l’humanité, qui fut pour les Croisés une alliée si utile, qui a manifesté tant de fois, avec tant de force, sa vitalité, et dont le génie a vaincu le temps et les persécutions, resplendira encore au monde pendant de longs siècles. Mais nous ne saurions assister, impuissants et impassibles, aux scènes abominables dont l’Arménie turque est le théâtre permanent et ses habitants les incessantes victimes, et qui ont fait de cette merveilleuse contrée un immense océan d’horreurs, de sang et de larmes. Les Turcs ont passé par là.

Massacres sans nombre, exécutés contre des populations paisibles et sans défense, avec les plus horribles raffinements, accompagnés des plus ignobles attentats à la dignité humaine : les femmes, les enfants vendus comme esclaves, les jeunes filles des meilleures familles parquées dans des maisons et livrées pour quelques piastres à la lubricité des amis et des clients de leurs bourreaux. Des populations entières ont été arrachées par milliers aux hautes montagnes et aux douces vallées tapissées d’ombre et de verdure de leur pays natal, transportées dans les déserts de la Mésopotamie où la chaleur dépasse parfois 60 degrés et, poussées sous le fouet, comme des bestiaux, de localité en localité. D’après les plus récents détails donnés par le Temps qui reproduit le dernier rapport du Comité suisse de secours aux Arméniens, les femmes ont été séparées de leurs maris, les mères de leurs enfants : interdiction absolue de tout travail pour gagner leur vie ; à part quelques distributions de pain noir, dans de rares localités, obligation générale de vivre de mendicité ou des secours envoyés par les philanthropes d’Europe ou d’Amérique, mais la plupart du temps, au sein de cette détresse sans nom et sans exemple dans l’histoire contemporaine, les malheureux Arméniens exténués par la faim ou les maladies tombaient chaque jour par centaines, tandis qu’à côté d’eux, les survivants étaient, aux termes mêmes du dernier rapport du Comité américain de secours aux Arméniens, réduits à manger les cadavres de leurs compagnons morts d’inanition.

J’emprunte au Journal de Genève, du 17 août 1916, les extraits suivants d’une lettre publiée par les Basler Nachrichten2 et adressée par quelques professeurs de l’école allemande d’Alep de Syrie à l’Office des Affaires étrangères de Berlin.

« En présence, écrivent-ils, des scènes d’horreur qui se déroulent chaque jour sous nos yeux, à côté de notre école, notre travail d’instituteurs devient un défi à l’humanité... Des 2.000 à 3.000 paysannes de la Haute-Arménie amenées ici, en bonne santé, il reste 40 à 50 squelettes. Les plus belles sont les victimes de la lubricité de leurs gardiens. Les laides succombent aux coups, à la faim, à la soif ; car étendues au bord de l’eau, elles n’ont pas la permission d’étancher leur soif. On défend aux Européens de distribuer du pain aux affamées. On emporte chaque jour d’Alep plus de cent cadavres. Et tout cela se passe sous les yeux de hauts fonctionnaires turcs. 40 à 50 fantômes squelettiques sont entassés dans la cour vis-à-vis de notre école. Ce sont des folles : elles ne savent plus manger ; quand on leur tend du pain, elles le jettent de côté avec indifférence. Elles gémissent en attendant la mort : « Voilà, disent les indigènes, Ta-â-lim el Alman (l’enseignement des Allemands) »... « On peut s’attendre encore à de plus horribles hécatombes humaines d’après l’ordonnance publiée par Djemal pacha (il est interdit aux ingénieurs des chemins de fer de Bagdad de photographier les convois d’Arméniens ; les plaques utilisées doivent être livrées dans les 24 heures sous peine de poursuite devant le conseil de guerre). C’est un aveu que les autorités influentes craignent la lumière, mais ne veulent point mettre fin à ces scènes déshonorantes pour l’humanité ».

Ceux qui s’expriment ainsi, et leur témoignage n’en est que plus accablant, appartiennent, je le répète, à la nation qui gouverne souverainement l’Empire ottoman par la main sanglante des Jeunes Turcs.

Or, « il est maintenant établi, dit le Comité suisse de secours aux Arméniens dans son dernier rapport, que la conduite des Turcs à l’égard des Arméniens ne dépendait en aucune façon des exigences de leur situation militaire, il ne s’agissait uniquement que de l’extermination de cette pauvre nation ».

C’est donc bien là un crime aussi injustifiable qu’il est inouï dans l’histoire, et contre lequel doivent s’élever toutes les nations qui ont le sentiment de l’honneur de l’humanité. Laisser se consommer un pareil attentat sans faire tout le possible pour l’empêcher, c’est s’en rendre complice.

Le gouvernement des états-Unis a fini par obtenir, après combien d’efforts restés vains, d’envoyer à ces persécutés, des secours en argent recueillis par souscription et distribués par les consuls et missionnaires américains. Mais les vivres manquent dans le pays ; le gouvernement turc s’oppose énergiquement à l’envoi, par les Américains, de missions composées de neutres, venant, avec des vêtements, des provisions et des remèdes, ravitailler les malheureux Arméniens et leur créer du travail. Et toujours l’angoissante menace de massacres possibles qui ne cessent en un endroit que pour recommencer, au moindre prétexte, en un autre endroit.

Les sympathies de la France, plus profondes que jamais, se sont déclarées par la voix de la presse, fidèle organe de l’opinion publique et par la récente et grandiose manifestation de la Sorbonne. J’ai l’entière certitude de correspondre aux sentiments de votre cœur en vous demandant si vous ne croyez pas le moment venu de prononcer à votre tour, comme chef du gouvernement et ministre des Affaires étrangères, les paroles réconfortantes qui iront annoncer aux Arméniens persécutés, ainsi que l’a déjà fait l’Angleterre, le jour prochain de leur libération et du châtiment de leurs bourreaux. Ces paroles seront d’autant plus puissantes dans votre bouche que vous les direz, Monsieur le Président, avec tout le prestige de la grande nation que vous représentez et l’autorité personnelle que vous vous êtes acquise en Europe. Vous avez flétri les déportations des populations du Nord et de la Belgique, et le monde entier s’est ému. Qui sait si, lorsque votre voix se sera élevée de nouveau en faveur de ces autres victimes des barbares, les nations neutres, dont la plus puissante a déjà manifesté ses sentiments, ne jugeront pas l’heure arrivée de faire savoir au gouvernement turc qu’elles considèrent, elles aussi, le massacre systématique d’un peuple opprimé, par ses oppresseurs, comme l’opprobre de l’humanité.

1)
Nous avons retenu la date de classement des archives : 12 septembre 1916.

2)
Sur cette lettre, voir aussi ci-dessus le n° 248 (annexe).

Archives du ministère des Affaires étrangères, Guerre 1914-1918,
Turquie, tome 888, folios 68-71.

La numérotation et les notes sont d’Arthur Beylerian :

Beylérian, Arthur. Les Grandes Puissances, l’Empire ottoman et les Arméniens dans les archives françaises (1914-1918), recueil de documents, Paris, Publications de la Sorbonne, 1983.


Une conférence organisée par Anatole France en 1897

Anatole France :

« Il y a vingt ans, lorsque les massacres ordonnés par le sultan Abdul Hamid ensanglantèrent l’Arménie, quelques voix seulement en Europe, quelques voix indignées protestèrent contre l’égorgement d’un peuple. En France, un très petit nombre d’hommes appartenant aux partis les plus opposés s’unirent pour revendiquer les droits de l’humanité grandement offensée. Vous les connaissez : Jaurès, Denys Cochin, Gabriel Séailles, Ernest Lavisse, Jean Finot, Victor Bérard, Francis de Pressensé, le Père Charmetant, Pierre Quillard, Clemenceau, Albert Vandal, quelques autres encore que je m’excuse de ne pas nommer. Le reste demeura muet. Plusieurs se sentaient émus d’une grande pitié ; mais comme les malheureux inspirent de l’éloignement à la plupart des hommes, on chercha des torts aux victimes ; on leur reprocha leur faiblesse. Quelques-uns, prenant la défense des bourreaux, les montraient châtiant des séditieux ou vengeant les populations turques ruinées par des usuriers chrétiens. D’autres enfin voyaient dans ce carnage la main de l’Angleterre ou celle de la Russie.

Cependant, malgré les protestations des arménophiles et les représentations timides de quelques puissances, en dépit des promesses du gouvernement turc, la persécution, parfois assourdie et voilée, ne cessait pas. En vain une révolution de palais changea les chefs de l’Empire. Les Jeunes Turcs, parvenus au pouvoir, surpassèrent Abdul Hamid en férocité, dans l’organisation des massacres d’Adana. A la longue, les malheurs de ces chrétiens d’Orient lassèrent la pitié. Ils demeuraient incompréhensibles à l’Europe civilisée. Le peuple arménien ne nous était connu que par les coups qui le frappaient. On ignorait tout de lui : son passé, son génie, sa foi, ses espérances. Le sens de son extermination échappait. Il en allait encore ainsi il y a deux ans. La grande guerre éclata. La Turquie s’y comporta comme une vassale de l’Allemagne. Et la lumière se fit soudain en France sur l’esprit de l’Arménie et les causes de son martyre. On comprit que la longue lutte inégale du Turc oppresseur et de l’Arménien était, à la bien comprendre, la lutte du despotisme, la lutte de la barbarie contre l’esprit de justice et de liberté. Et quand nous vîmes la victime du Turc tourner vers nous des yeux éteints où passait une lueur d’espérance, nous comprîmes enfin que c’était notre sœur d’Orient qui mourait, et qui mourait parce qu’elle était notre sœur et pour le crime d’avoir partagé nos sentiments, d’avoir aimé ce que nous aimons, pensé ce que nous pensons, cru ce que nous croyons, goûté comme nous la sagesse, l’équité, la poésie, les arts. Tel fut son crime inexpiable.

Il convient donc, Mesdames et Messieurs, qu’une assemblée de Français rende à ce peuple, dans sa grande et noble infortune, un solennel hommage. Nous accomplissons ici un devoir sacré. Nous rendons à l’Arménie les honneurs dus moins encore à ses illustres infortunes qu’à la constance avec laquelle elle les a supportées. Nous la louons de cet invincible amour qui l’attache à la civilisation des peuples représentés dans cette salle, à notre civilisation. Car l’Arménie est unie à nous par les liens de famille et, comme l’a dit un patriote arménien, elle prolonge en Orient le génie latin. Son histoire, telle que M. Paul Deschanel vient de nous en donner un vigoureux raccourci, se résume dans un effort séculaire pour conserver l’héritage intellectuel et moral de la Grèce et de Rome. Puissante, l’Arménie le défendit par ses armes et ses lois ; vaincue, asservie, elle en garda le culte dans son cœur. L’on peut dire que, en ces heures récentes dont M. Painlevé nous a retracé éloquemment l’horreur sans exemple, plus de cinq cent mille Arméniens sont morts pour notre cause et notre nom sur les lèvres. « Ces chrétiens, disent les Turcs, organisaient une vaste insurrection et tendaient la main aux ennemis du Croissant ! » Les assassins ne sauraient légitimer leur crime par cette imputation. Mais il est vrai que les Arméniens appelaient de leurs vœux la victoire de la France et des Alliés.

Au reste, la destruction de ce peuple, qui nous aime, était résolue dans les conseils du gouvernement turc. Tout ce qu’il y avait, de Samsoun à Diarbékir, de jeunes hommes, de vieillards, de femmes, d’enfants, périt assassiné par ordre du sultan, avec la complicité de l’Allemagne.

L’Arménie expire. Mais elle renaîtra.

Le peu de sang qui lui reste est un sang précieux dont sortira une postérité héroïque. Un peuple qui ne veut pas mourir ne meurt pas.

Après la victoire de nos armées, qui combattent pour la justice et la liberté, les Alliés auront de grands devoirs à remplir. Et le plus sacré de ces devoirs sera de rendre la vie aux peuples martyrs, à la Belgique, à la Serbie. Alors, ils assureront la sûreté et l’indépendance de l’Arménie. Penchés sur elle, ils lui diront : « Ma sœur, lève-toi ! ne souffre plus. Tu es désormais libre de vivre selon ton génie et ta foi. »

Le 9 avril 1916, Anatole France, à la Sorbonne, lors du meeting « Hommage à l’Arménie ».


Jean Jaurès :

Messieurs,

« Voilà dix-huit ans, - et bien avant qu’il ne soit fondé en France ou à Londres des comités arméniens – que l’Europe réunie au congrès de Berlin avait reconnu elle-même, la nécessité de protéger les sujets arméniens de la Turquie. Voilà dix-huit ans qu’elle avait inséré dans le traité de Berlin l’engagement solennel de protéger la sécurité, la vie, l’honneur des Arméniens. Et il était entendu, en même temps, que l’Europe devrait demander des comptes annuels, devrait exercer un contrôle annuel sur les réformes et sur les garanties introduites par le Sultan dans ses relations avec ses sujets d’Asie Mineure. Eh bien ! Où sont ces comptes ? Où sont ces contrôles ? Où est la trace de cette intervention solennellement promise par l’Europe elle-même ? Et lorsque, devant la faillite de tous ces engagements, lorsque, devant l’indifférence de l’Europe qui détourne la tête, qui laisse se perpétuer contre l’Asie Mineure tous les abus antérieurs, qui se contente d’avoir dépecé l’empire turc, de lui avoir pris au profit des uns ou des autres, la Bulgarie, la Bosnie, l’Herzégovine et Chypre, et laisse subsister dans ce qui lui reste de provinces les abus qui avaient servi de prétexte à de nouvelles interventions ou à de nouvelles spoliations,-…vous vous étonnez que les Arméniens, qui sont les dupes ou les victimes de cette intrigue européenne, de ce manquement à la parole européenne, aillent dans les capitales, à Paris, à Londres, essayer d’éveiller un peu la pitié, l’attention de l’Europe ! Et c’est contre eux, Monsieur le ministre des Affaires étrangères de France, qu’au lendemain de ces massacres qui ont fait cent mille victimes, oubliant que c’est l’Europe qui a manqué à sa parole, c’est contre ces victimes que vous avez eu ici les paroles les plus sévères ! [Applaudissements à l’extrême-gauche]

Nous aussi, nous voulons la paix ; mais nous ne pensons pas que ce soient des paroles comme celles qu’a prononcées M. le ministre des Affaires étrangères, que ce soit une attitude comme celle que nous constatons par tous les documents, qui puisse assurer pacifiquement le respect des droits, la sécurités et la vie pour les sujets arméniens.

Il est inutile, à l’heure ou nous sommes, d’étaler de nouveau devant la Chambre et devant le pays, trop longtemps indifférent ou peu averti, les horreurs qui ont été accumulées en Asie Mineure. L’essentiel, à cette heure, c’est de préciser les responsabilités, et non seulement, comme l’a fait M. de Mun avec sa force souveraine, avec sa sobre et décisive éloquence, la responsabilité du Sultan, mais la responsabilité de l’Europe elle-même, et la responsabilité précise du Gouvernement de la France ; et c’est aussi de chercher avec quelque précision quelle peut être la solution de la question qui est posées à cette heure devant la conscience européenne.

Oui, messieurs, il a été accumulé contre les populations d’Asie-Mineure un ensemble de faits dont on a pu dire qu’ils avaient à peine, à ce degré, quelques précédents. Mais si ces faits avaient été spontanés, si tous les viols, tous les vols, tous les meurtres, tous les pillages tous les incendies qui se sont produits en Asie Mineure s’étaient produits spontanément, il n’y aurait là qu’un élément accoutumé, malgré tout, de l’histoire humaine.

Et, lorsque, dans les rapports des délégués et de la commission d’Erzeroum chargés d’examiner les faits qui s’étaient produits à Sassoun, lorsque, dans les rapports officiels des consuls de l’Europe sur les faits des six principaux vilayets d’Asie Mineure, j’ai lu le détail des brutalités atroces commises de concert par les Kurdes et par la soldatesque du Sultan ; lorsque j’y ai vu les premières résistances de cette population arménienne, si longtemps moutonnière et passive, à l’arbitraire et aux pilleries des Kurdes ; lorsque j’y ai vu les premières rencontres sanglantes de ces nomades, dans les ravins et les bois, avec les pâtres et les laboureurs d’Arménie, et la fureur soudaine des Kurdes, et la guerre d’extermination qui a commencé, et l’émigration des familles arméniennes partant de leurs maisons détruites par l’incendie ; et les vieillards portés sur les épaules, puis abandonnes en chemin et massacrés ; et les femmes et les mères affolées mettant la main sur la bouche de leur enfants qui crient, pour n’être pas trahies par ces cris dans leur fuite sous bois, et les enfants cachés, tapis sous les pierres, dans les racines des arbres et égorgés par centaines ; et les femmes enceintes éventrées, et leurs fœtus embrochés et promenés au bout des baïonnettes ; et les filles distribuées entre les soldats turcs e les nomades kurdes et violées jusqu’à ce que les soldats les ayant épuisées d’outrages les fusillent enfin en un exercice monstrueux de sadisme, avec des balles partant du bas-ventre et passant au crâne, le meurtre s’essayant à la forme du viol, et le soir, auprès des tentes ou les soldats et les nomades se livraient à la même orgie, les grandes fosses creusées pour tous ces cadavres, et les Arméniens fous de douleur qui s’y précipitaient vivant ; et les prêtres décapités, et leurs têtes ignominieusement placées entre leurs cuisses ; et toute cette population se réfugiant vers les hauts plateaux ; et puis, lorsque tous ces barbares se sont aperçus que l’Europe restait indifférente, qu’aucune parole de pitié ne venait à ceux qu’ils avaient massacrés et violentés, la guerre d’extermination prenant tout à coup des proportions beaucoup plus vastes ; et ce n’était plus de petits groupes qu’on massacrait, mais dans les villes par grandes masses de 3000 et 4000 victimes en un jour, au son du clairon, avec la régularité de l’exécution d’une sentence ; voilà ce qui a été fait, voilà ce qu’a vu l’Europe ; voilà ce dont elle s’est détournée ! – et lorsque, je le répète, j’en ai vu le détail, il m’a semblé que toutes les horreurs de la guerre de Trente ans étaient déchaînées dans cet horizon oriental lointain et farouche.

Mais ce qui importe, ce qui est grave, ce n’est pas que la brute humaine se soit déchaînée là-bas ; ce n’est pas qu’elle se soit éveillée. Ce qui est grave, c’est qu’elle ne s’est pas éveillée spontanément ; c’est qu’elle a été excitée, encouragée et nourrie dans ses appétits les plus féroces par un gouvernement régulier avec lequel l’Europe avait échangé plus d’une fois, gravement, sa signature. Car c’est là ce qui domine tout : c’est le Sultan qui a voulu, qui a organisé, qui a dirigé les massacres. Il a vu que, depuis quinze ans, partout ou il y avait une agglomération chrétienne, cette agglomération chrétienne tendait à l’autonomie, soit par son propre mouvement, soit sous des impulsions étrangères ; il a vu qu’ainsi, dès le début de son règne, la Bulgarie, la Serbie, la Bosnie, l’Herzégovine avaient échappé à l’empire ottoman, et il s’est dit que les revendications arméniennes, se produisant non loin de cette île de Chypre devenue, par un codicille secret du traité de Berlin, un île anglaise, pourraient bien servir de prétexte à de nouveaux démembrements. Et comme il était incapable de retenir à lui ces populations, pourtant si douces, par des réformes, par un régime d’équité et de justice ; comme il s’enfonçait de plus en plus, malgré d’hypocrites promesses, dans un absolutisme aigri et haineux, il n’a plus compté bientôt que sur une force qui, celle-là, lui resterait fidèle jusqu’à la fin : la force du vieux sentiment turc, dont parlait avec raison M. de Mun. Et c’est cette force qu’il a déchaînée contre l’Arménie. Et il a pensé, messieurs, et pense avec raison, qu’il n’avait, pour aboutir dans ce dessein, qu’à mettre l’Europe devant le fait accompli, devant le massacre accompli. Il l’a vue hésitante, incertaine, divisée contre elle-même, et pendant que les ambassadeurs divisés, en effet, et impuissants le harcelaient, en pleine tuerie, de ridicules propos de philanthropie et de réformes, il achevait, lui, l’extermination à plein couteau, pour se débarrasser aussi de l’hypocrite importunité d’une Europe geignante et complice comme vous l’êtes. [Applaudissements à l’extrême-gauche. Interruptions]

En même temps, il se jouait de l’Europe, il se jouait de vous et de l’humanité. Ah ! Vous avez décidé qu’il y aurait à Erzeroum une commission d’enquête sur les premiers massacres de Sassoun ; vous avez décidé que des délégués européens seraient adjoints à cette commission d’enquête ! Mais, lisez, monsieur le ministre – vous les avez lus assurément- les procès-verbaux de la commission, et vous verrez que la commission turque a toujours refusé aux délégués européens de se transporter sur les points ou s’étaient produits les plus abominables massacres afin de recueillir subitement sur place des témoignages sincères ; vous verrez aussi par le procès de Tamayan en 1894, dont parle le consul d’Angora, à quels procédés sauvages le gouvernement du Sultan avait recours pour obtenir en sa faveur des témoignages mensongers. Il s’agissait de faire dire aux Arméniens par force, en leur extorquant dans les tortures leurs signatures, que c’étaient eux qui avaient commencé. Il y avait partout des fonctionnaires qui se sentaient responsables et qui se disaient : « l’Europe interviendra peut-être demain et le Sultan sera obligé de nous demander des comptes ». Et le Sultan lui-même voulait pouvoir prouver aux ambassadeurs qui passaient au palais, sa bonne foi et la bonne foi de ses bons sujets ; et l’on exigeait des Arméniens, à l’heure même ou leurs familles râlaient sous le meurtre, qu’ils attestassent que c’étaient eux les coupables, que c’étaient eux qui avaient commencé ; et il y a un de vos consuls qui raconte qu’un des principaux témoins a été torturé comme je vais vous dire : on lui trépanait doucement la tête, puis on y introduisait une coquille de noix ou de noisette remplie de poix et, dans l’intervalle des évanouissements successifs que provoquait cette atrocité, on lui disait : « Veux-tu maintenant signer que ce sont tes frères d’Arménie qui ont commencé » ? Voilà les témoignages que l’on apportait à l’Europe ! Voilà la vérité sur la responsabilité du Sultan !

Mais il y a – et il n’est pas besoin d’être diplomate pour le démêler – il y a aussi une responsabilité de l’Europe, et c’est notre devoir à tous, avec ce large patriotisme européen dont je remercie M. Denys Cochin d’avoir parlé avec une pénétrante éloquence, c’est notre devoir à tous si l’Europe a failli à sa mission, si, divisée contre elle-même par des convoitises, par des jalousies, par des égoïsmes inavouables, elle a laissé égorger là-bas tout un peuple qui avait le droit de compter sur sa parole, uniquement parce qu’elle avait peur de se battre dans le partage des dépouilles ; c’est notre devoir, à nous, de venir confesser ici les fautes et es crimes de l’Europe pour qu’elle soit tenue aux réparations nécessaires [Applaudissements à l’extrême-gauche et sur plusieurs bancs à gauche.]

Oui, et dans cette responsabilité générale de l’Europe dite chrétienne et civilisée, il y a trois peuples, parmi lesquels j’ai la douleur profonde de compter le nôtre, il y a trois peuples qui ont assumé une responsabilité particulièrement pesante, et ces trois peuples sont l’Angleterre, la Russie et la France. »

Jean Jaurès, à la Chambre des Députés

Paris, le 3 Novembre 1896

Le Traité de Berlin remplaça le Traité de San Stefano du 3 mars 1878 qui, suite à la victoire de la Russie à l’issue de la guerre de 1877-1878 affaiblissait la Turquie. L’Angleterre, opposée à cet affaiblissement, le Traité de Berlin modifia le précédent tout en garantissant l’autonomie arménienne dans l’Empire ottoman. Ce qui ne fut, comme le dénonce Jaurès, jamais appliquée.

"[Le Sultan] se jouait de l’Europe, il se jouait de vous et de l’humanité. Vous avez décidé qu’il y aurait à Erzeroum une commission d’enquête sur les premiers massacres de Sassoun. Lisez les procès verbaux de la commission et vous verrez que la commission turque a toujours refusé aux délégués européens de se transporter sur les points où s’étaient produits les plus abominables massacres afin de recueillir subitement sur place des témoignages sincères. Vous verrez aussi à quels procédés sauvages le gouvernement du Sultan avait recours pour obtenir en sa faveur des témoignages mensongers. Il s’agissait de faire dire aux Arméniens par force, en leur extorquant dans les tortures leurs signatures, que c’étaient eux qui avaient commencé."

"Le silence complet, silence dans la presse, dont une partie, je le sais, directement ou indirectement, a été payée pour se taire, silence dans nos grands journaux, dont les principaux commanditaires sont les bénéficiaires de larges entreprises ottomanes, mais surtout silence du gouvernement de la France ! devant tout ce sang versé, devant ces abominations et ces sauvageries, devant cette violation de la parole de la France et du droit humain, pas un cri n’est sorti de vos bouches, pas une parole n’est sortie de vos conscience, et vous avez assisté, muets et, par conséquents, complices, à l’extermination complète..."

Discours du 15 mars 1897

"C’est vous qui jetez ainsi en Orient le plus redoutable germe de guerre. (...) Il semblait que le Sultan, averti enfin par l’indignation tardive de l’Europe, allait suspendre les massacres arméniens, et M. le ministre des Affaires étrangères lui avait écrit, au lendemain des interpellations qui s’étaient débattues ici :" Il ne faut plus qu’il soit versé une goutte de sang." Mails il a repris confiance, il ne vous redoute plus ; il voit tout à coup que vous restez encore ses meilleurs soutiens et ses meilleurs amis. Et voici qu’à l’heure même où
nous parlons, les massacres d’Arménie recommencent, les populations arméniennes sont massacrées de nouveau, et le Sultan ne nous permet pas d’oublier une minute à quelle collaboration vous vous résignez, en acceptant l’action des troupes ottomanes pour la Pacification de la Crête."

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Documents diplomatiques sur les affaires arméniennes

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Messages

  • Ma grand-mère rapportait que, réfugiée à Beyrouth, elle voyait arriver des masses d’Arméniens provenant de la région des génocides et que les grandes puissances occidentales, parfaitement installées au Liban, n’ignoraient rien du génocide, calculant seulement comment en profiter pour se débarrasser de l’Empire ottoman et se le partager entre impérialismes anglais et français....

  • Face aux revendications arméniennes, la riposte des autorités turques fut radicale. Trois régimes (Abdul Hamid, les Jeunes-Turcs et Kemal Attaturk) ont, de 1894 à 1922, appliqué de différentes façons le même plan d’extermination des Arméniens avec son point culminant des années 1915-1917.

    Au printemps 1894, les habitants de Sassoun et sa région (à l’ouest du lac de Van) s’insurgèrent contre les Kurdes venus les rançonner pour la énième fois. Le sultan Abdul Hamid profita de cette occasion pour tester la réaction des puissances européennes. Il envoya sur Sassoun une véritable armada : la 4e armée turque et la 26e division commandée par Zeki pacha, forte de 12 000 hommes, ainsi que 40 000 Kurdes armés jusqu’aux dents, qui se livrèrent à une véritable boucherie qui dura plusieurs semaines. Les réactions des Européens, bien que parfois outragées, ne furent que verbales. C’est ce qu’attendait le sultan qui pouvait désormais mettre en application son plan d’extermination à grande échelle, à travers tout l’empire, dès l’année suivante.

    La méthode était toujours et partout la même : vers midi, on sonne le clairon, c’est le signal des tueries. Préalablement préparés, des soldats, des Kurdes, des Tcherkesses, des Tchétchènes et des bandes de tueurs spécialement recrutés massacrent la population arménienne, sans distinction d’âge et de sexe. Dans les quartiers ou villages multinationaux, les maisons habitées par les Arméniens sont préalablement marquées à la craie par les indicateurs (troublante coïncidence, c’est la même méthode qui fut utilisée, lors des massacres des Arméniens d’Azerbaïdjan en 1988 et 1990).

    Aucune région ne fut épargnée. Même la capitale, Constantinople, fut le théâtre de deux effroyables massacres. C’était là peut-être l’erreur des Turcs, car il y avait à Constantinople des témoins oculaires occidentaux (ambassades, sociétés diverses, etc.). Après une sérieuse menace d’intervention militaire des Occidentaux, suite à la boucherie de Constantinople d’août 1896, qui était consécutive à la prise en otage des dirigeants de la Banque ottomane par des fédaïs arméniens (du parti dachnak), le sultan arrêta enfin les massacres.

    Deux ans (1894-1896) de massacres sans précédent transformèrent donc l’Arménie occidentale tout entière en un vaste champ de ruines. Le missionnaire allemand Johannes Lepsius mena une enquête minutieuse, au terme de laquelle il fit le bilan catastrophique suivant : 2 493 villages pillés et détruits, 568 églises et 77 couvents pillés et détruits, 646 villages convertis, 191 ecclésiastiques tués, 55 prêtres convertis, 328 églises transformées en mosquées, 546 000 personnes souffrant du dénuement le plus complet et de la famine... et il rajoute :« Ces chiffres sont le résultat de mes recherches personnelles ; ils ne correspondent pas à la réalité des faits, réalité bien plus épouvantable encore ! ... »

    Compte tenu de ces données, des 300 000 personnes tuées, des 50 000 orphelins et des 100 000 réfugiés en Transcaucasie, la population arménienne de l’Empire ottoman diminua de plus d’un demi-million d’âmes entre 1894 et 1896.

    En 1908, les Jeunes Turcs arrivèrent au pouvoir, apportant avec eux des promesses d’égalité et de fraternité entre tous les peuples de l’empire. Beaucoup y ont cru. Les dirigeants du parti dachnak en premier (ils avaient d’ailleurs contribué à leur arrivée au pouvoir). Il y eut même de grandes manifestations de fraternité arméno-turques dans la capitale et dans les provinces.

    Hélas ! La métamorphose des Jeunes Turcs fut fulgurante. Bientôt ils devinrent de farouches nationalistes panturquistes. Cela pourrait peut-être s’expliquer comme une conséquence de la perte des provinces balkaniques. En effet, les Turcs, originaires d’Asie centrale, se retournèrent naturellement vers les pays et peuples frères situés en Asie centrale et en Azerbaïdjan (tous soumis au joug étranger, russe ou persan), d’où la tentation de créer un très vaste état turc du Bosphore à la Chine. De surcroît, les Jeunes Turcs considéraient la race turque comme supérieure. L’Arménie et les Arméniens se trouvant au centre de ce projet, il était impératif, d’après cette logique raciste et barbare, de les éliminer.

    Dès avril 1909 des massacres commencent en Cilicie, d’abord à Adana, puis dans le reste de la région. Les Jeunes Turcs se montrent les dignes héritiers du « sultan rouge ». Il ne manquera rien à leur panoplie des cruautés. Il y aura au total 30 000 morts. Certains attribuèrent les massacres de Cilicie à l’ancien régime du sultan, revenu un court moment au pouvoir, mais les vrais responsables étaient bien les Jeunes Turcs.

    En 1913, les trois dirigeants de l’Ittihat, Talaat, Enver et Djemal, établissent une dictature militaire.

    à la veille de la guerre, les réformes en Arménie avaient paradoxalement bien avancé. Malgré les réticences de l’Allemagne et de l’Autriche, les puissances européennes parvinrent à un règlement de compromis qui regroupait les sept provinces arméniennes sous la forme de deux grandes régions administratives autonomes (au nord : Sivas, Trébizonde, Erzeroum ; au sud : Van, Bitlis, Dyarbekir, Kharpout), le tout sous la surveillance d’inspecteurs généraux européens de pays neutres. Ainsi, l’Arménie, après tant d’années de souffrance, était parvenue au seuil de l’indépendance. Malheureusement, tout autre était le sort qui lui était réservé par les dirigeants turcs, qui avaient déjà secrètement programmé la solution finale. La guerre allait procurer aux Jeunes Turcs les conditions idéales pour mettre en application leur plan diabolique.

    Avant même que la guerre n’éclate en Europe, le gouvernement envoie des gendarmes dans les villes et les villages pour réquisitionner les armes. Cette réquisition est limitée aux Arméniens ; ni les Turcs, ni les Kurdes, ni les Tcherkesses n’y sont astreints. Elle est accompagnée de l’arsenal connu des plus cruelles tortures. Plus grave encore, dès août 1914, les inspecteurs généraux européens nouvellement nommés dans les régions arméniennes sont expulsés ; sans que la guerre ne soit déclarée l’Empire turc procède déjà à la mobilisation générale et met sur pied la redoutable « Organisation spéciale », chargée de coordonner le programme d’extermination.

    Le 29 octobre 1914, la Turquie s’allie à l’Allemagne et entre en guerre contre les Alliés. Le champ est désormais libre. Dès janvier 1915, on désarme les 250 000 soldats arméniens de l’armée ottomane pour les affecter dans des « bataillons de travail ». à l’aube du 24 avril, qui deviendra la date commémorative, le coup d’envoi du génocide est donné par l’arrestation à Constantinople de 650 intellectuels et notables arméniens. Dans les jours suivants, ils seront en tout 2 000, dans la capitale, à être arrêtés, déportés et assassinés. Dans tout l’Empire ottoman, c’est le même scénario : on arrête puis on assassine partout les élites arméniennes. Le peuple arménien est décapité.

    Les soldats arméniens affectés dans les « bataillons de travail » seront assassinés par petits groupes, le plus souvent après avoir creusé eux- mêmes les « tranchées » qui leurs serviront de fosses communes. Le peuple arménien est non seulement décapité, mais il est dorénavant privé de ses défenseurs. Il ne reste plus aux dirigeants de l’Ittihat qu’à achever le génocide.

    L’idée est nouvelle et terriblement efficace : c’est la déportation de toutes les populations civiles arméniennes vers les déserts de Syrie pour des prétendues raisons de sécurité. La destination réelle est la mort.

    D’après l’ambassadeur des états-Unis à Constantinople de 1913 à 1916, Henri Morgenthau, ainsi que d’après certains historiens, les Turcs n’auraient jamais trouvé tout seuls cette idée. Ce seraient les Allemands qui auraient suggéré cette nouvelle méthode. D’ailleurs, pendant toute la guerre, la mission militaire allemande était omniprésente en Turquie, et il est vrai qu’un général allemand, Bronsart Von Schellendorf, avait (imprudemment) signé un ordre de déportation avec une recommandation spéciale de prendre des « mesures rigoureuses » à l’égard des Arméniens regroupés dans les « bataillons de travail ». Or « déportation » et « mesures rigoureuses » étaient des mots codés qui signifiaient la mort. Quant au commandant Wolffskeel, comte de Reichenberg, chef d’état-major du gouverneur de Syrie, il s’était distingué lors des massacres des populations de Moussa-Dagh et d’Urfa.

    à la fin de 1915, à l’exception de Constantinople et Smyrne, toutes les populations civiles arméniennes de l’Empire ottoman avaient pris le chemin mortel de la déportation vers un point final : Deir ez-Zor en Syrie.

    Les convois de déportation étaient formés par des regroupements de 1 000 à 3 000 personnes. Très rapidement, on sépare des convois les hommes de plus de 15 ans qui seront assassinés à l’arme blanche par des équipes de tueurs dans des lieux prévus à l’avance. Parfois les convois sont massacrés sur place, à la sortie des villages ou des villes, notamment dans les provinces orientales isolées. Les autres, escortés de gendarmes, suivront la longue marche de la mort vers le désert, à travers des chemins arides ou des sentiers de montagne, privés d’eau et de nourriture, rapidement déshumanisés par les sévices, les assassinats, les viols et les rapts de femmes et d’enfants perpétrés par les Kurdes et les Tcherkesses. Les survivants, arrivés à Deir ez-Zor, seront parqués dans des camps de concentration dans le désert et seront exterminés, par petits groupes, par les tueurs de l’Organisation spéciale et les Tchétchènes spécialement recrutés pour cette besogne. Beaucoup seront attachés ensemble et brûlés vifs.

    à la fin de 1916, le bilan est celui d’un génocide parfait, les deux tiers des Arméniens (environ 1 500 000 personnes) de l’Empire ottoman sont exterminés. Tous les Arméniens des provinces (vilayets) orientales, soit 1 200 000 personnes, d’après les statistiques du patriarcat, disparaissent définitivement d’un territoire qui était le cœur de l’Arménie historique depuis des millénaires. Seuls survivent encore les Arméniens de Constantinople, de Smyrne, quelque 350 000 personnes qui ont réussi à se réfugier en Arménie russe, quelques poignées de combattants arméniens qui résistent et se cachent encore dans la montagne et des milliers de femmes, de jeunes filles et d’enfants récupérés par des Turcs, des Kurdes et des Arabes.

  • Si l’Allemagne soutenait l’Empire Ottoman, pour combattre la Russie, les grands puissances française et anglaise faisaient croire qu’elles allaient soutenir les Arméniens contre l’Empire et qu’elles le feraient non seulement politiquement ou diplomatiquement mais même militairement. Et il est vrai qu’elles ont un moment envisagé d’armer les Arméniens, et ils l’ont même fait un tout petit peu et localement, pour s’en servir comme d’une force en leur propre faveur. Ils n’ont par contre jamais envisagé d’aider les peuples opprimés de l’Empire à se débarrasser de l’oppression coloniale ottomane car c’étaient eux-mêmes des puissances coloniales et des puissances oppressives, puisque ces impérialismes opprimaient le plus de peuplesdans le monde, en plus de leurs classes ouvrières. Loin de lancer la révolte des exploités et des opprimés, ils ne se sont lancés dans la guerre que pour l’éteindre. Quand l’Italie a attaqué l’empire ottoman, avant la première guerre mondiale, ils ne l’ont pas soutenue parce que c’était un concurrent au dépecement de l’empire et que les Français et les Anglais avaient conclu un accord secret pour se répartir à deux les restes de l’Empire que tout le monde voyait exploser rapidement. Ils se sont ensuite lancés dans la guerre mondiale avec les mêmes buts de brigandage et de partage du monde. Ils ont appliqué ces buts dans les partages de l’après-guerre donnant l’Egypte et la Palestine à l’Angleterre, le Liban et la Syrie à la France. Ils ne cherchaient à libérer aucun peuple, pas plus les Arméniens que les autres… Quand la massacre a commencé, ils n’ont protesté que très modestement puis se sont tus. Ils n’ont rien fait pour les victimes et ont laissé leurs banques mettre la main sur les avoirs arméniens, empêchant leurs descendants d’y accéder. En fait, dans les années 1910, ce qui inquiétait les grandes puissances, c’était justement la montée des révoltes ouvrières et populaires et des révolutions partout dans le monde. C’est cela qui a motivé la première guerre mondiale et tout particulièrement ce sont tous les empires qui étaient en révolution : non seulement l’empire ottoman, mais l’empire chinois, l’empire allemand (avec la crise de 1907 dont il ne se sortait pas), l’empire Austro-hongrois et l’empire russe. Tous ont chuté après la guerre mondiale…

  • VENDREDI 24 OCTOBRE A 20H45

    La chaine TOUTE L’HISTOIRE diffusera le documentaire exceptionnel :

    AGHET- 1915, le génocide arménien

    Aghet : 1915, le génocide arménien

    Un film d’Eric Friedler

    Retour sur le massacre des Arméniens de l’empire ottoman, qui débuta le 24 avril 1915, il y a 96 ans, et fut à l’origine du vote par l’ONU, en 1948, de la Convention sur la prévention et la punition du crime de génocide.

  • Le plus grand site de vente en ligne de Turquie Sahibinden.com a publié une annonce remarquable. Une société immobilière vend sur Internet « un village arménien vieux de 700 ans » sous la forme de 2 parcelles.

    « Nous avons fait beaucoup de recherches, mais l’ancien village est connu comme une colonie arménienne », a dit un responsable de l’agence.

    Le village de Gemlik près de Bursa est vendu 90 000 livres turque pour une parcelle 8416 mètres carrés tandis que l’autre parcelle de 9890 mètres carrés est proposé à la vente au pris de 105 000 livres turques.

    L’annonce parle « d’une ancienne colonie arménienne de 700 ans dans la nature avec un lac, la mer, vue sur la campagne. Un village unique comprenant 100 maisons et idéal pour une retraite de l’esprit dans la paix. Nos terrains comprennent des noyers, des pommiers, des poiriers, des cerisiers, des noisetiers, des figuiers et toutes sortes d’autres arbres fruitiers ».

    L’ancien nom du village est « Korsak ».

    Les médias turcs précisent que le village a été abandonné lors de “l’expulsion des Arméniens du village et l’installation des immigrés turcs de Bulgarie. A cette période, le nombre des Arméniens vivant dans le village était estimé à environ cinq mille“.

    http://www.armenews.com/article.php3?id_article=103410

  • Celal Bey était le gouverneur de Konya, une vaste province au centre de l’Anatolie et un carrefour pour les routes de déportation des Arméniens, depuis le nord et l’ouest en direction du désert syrien. Il savait exactement quel serait le sort des Arméniens le long de ces routes ou au cas où ils survivraient aux déportations et atteindraient Deir-es-Zor ; auparavant gouverneur d’Alep, il avait été témoin des atrocités qui s’y déroulèrent. Celal Bey tenta de raisonner les dirigeants du Comité Ittihat ve Terraki, leur affirmant qu’il n’y avait pas la moindre révolte des Arméniens en Anatolie, ni à Alep, et que les déportations en masse n’étaient en rien justifiées. Néanmoins, un de ses subordonnés à Marash mit le feu aux poudres en faisant arrêter et exécuter plusieurs Arméniens de cette ville, suscitant une résistance de la part des Arméniens. Résultat, Cela Bey fut limogé de son poste de gouverneur à Alep et muté à Konya. Dès sa venue, il refusa de procéder à la déportation des Arméniens de Konya, en dépit d’ordres réitérés venus d’Istanbul. Il parvint même à protéger certains Arméniens qui avaient été déportés d’autres régions et qui étaient arrivés à Konya. Lorsqu’il fut à nouveau limogé, en octobre 1915, il avait sauvé des milliers d’Arméniens. Dans ses mémoires sur son activité de gouverneur à Konya, il se compare à « quelqu’un assis près d’un fleuve, sans aucun moyen de sauver quiconque. Le sang coulait à flots, le long du fleuve, tandis que les eaux charriaient des milliers d’enfants innocents, de vieillards irréprochables et de femmes sans défense vers l’oubli. J’ai sauvé tous ceux que j’ai pu sauver de mes mains nues, et le reste descendait le fleuve, sans jamais revenir. »

  • Le gouvernement turc continue de nier sa responsabilité dans le massacre de centaines de milliers d’Arméniens entre 1915 et 1917, dont le centenaire est commémoré ce 24 avril. Et Barack Obama a encore du mal avec le terme de « génocide arménien ».

  • Dans la grande hypocrisie sur le génocide arménien-assyrie-chaldéen-yazidi, il faut bien sûr dénoncer le crime de l’empire ottoman et les mensonges d’Etat de la Turquie et de ses « pays amis ». Mais cela ne suffit pas. Il y a aussi le mensonge d’Etat des grandes puissances occidentales qui, à l’époque, ont caché le crime et se sont bien gardées d’exercer de vraies pressions sur l’empire ottoman et sur la Turquie. Ils n’ont même pas protesté. Or cela allait complètement à contrario de leurs déclarations précédentes selon lesquelles elles allaient défendre les Arméniens et leur demandaient de prendre parti en leur faveur y compris militairement en constituant des forces armées arméniennes pour renverser l’empire. Elles n’ont quasiment pas levé le petit doigt dans la guerre pour défendre réellement les Arméniens. Aujourd’hui, alors que ces puissances laissent à nouveau massacrer les Syriens après les avoir encouragé à se constituer en milices armées pour renverser Assad, on voit à nouveau les mêmes impérialismes occidentaux lâcher les populations. Ils n’ont jamais voulu défendre les peuples et il ne faut jamais les croire quand ils prétendent le contraire !

  • L’Angleterre colonialiste a des visées sur l’empire ottoman et instrumentalise dans ce but les exactions ottomanes contre les Arméniens pour s’implanter dans ce pays mais pas pour défendre réellement les populations arméniennes. L’Angleterre fait signer à l’empire Ottoman des reconnaissances de pure forme des droits des Arméniens, et ces accords ne seront jamais appliqués. A Londres, le pouvoir britannique organise des campagnes de défense des intérêts des Arméniens, en 1880, 1890, 1892 et 1894, mais jamais ce même pouvoir n’impose une quelconque défense des intérêts des Arméniens. Pendant ce temps, Abdul-ul-Hamid, le sultan de l’empire ottoman achète les hommes politiques, les diplomates, la presse française à coups de millions. Par exemple, dix-sept journaux reçoivent des subsides de l’ambassade ottomane d’après Jacques Ancel de l’Institut des Hautes Etudes Internationales (lire notamment « Manuel historique de la question d’Orient »).

    Quant à la Russie, elle déclare officiellement par la voix du prince Lobanof : « Il n’existe pas, à vrai dire, un coin que l’on puisse appeler l’Arménie. »

    Les interventions européennes sont loin d’empêcher les massacres : massacre de Sassoun à l’été 1894, nouveaux massacres très étendus au printemps 1896 à Biredjik (8000 morts), à Sert (15.000 morts), des milliers de rapts de femmes, de conversions forcées, etc. A Zeitoun (Haute Cilicie), les Arméniens réfugiés dans la forteresse, ont résisté pendant trois mois, de novembre 1895 à février 1896, à l’armée ottomane sans recevoir le moindre soutien ni politique ni militaire de l’Europe et pas plus de l’Angleterre malgré ses déclarations hypocrites. La population de la province de Van est massacrée. La population de Constantinople organise des manifestations pacifiques qui sont écrasées par la répression violente avec 7000 morts du 26 au 28 août 1896. Les autorités européennes ne peuvent pas ignorer les faits mais se taisent, complices. Des conférences de diplomates obtiennent de l’empire… l’amnistie des victimes en février 1897 qui ressemble surtout à une amnistie des crimes de l’empire…

    Les massacres ont renforcé le régime du sultan, soudant autour de lui les groupes qui ont participé à celui-ci comme les chefs féodaux kurdes ou turcs mais pas au point de sauver l’empire de sa contestation sociale et politique interne et la révolution sociale éclate dans l’empire : c’est la révolution dite « jeune turque ».

    Tous les ennemis de l’empire, bourgeois modernistes, fonctionnaires, militaires, progressistes, militaires s’unissent derrière le comité « union et progrès » au nationalisme turc radical pour tenter de sauver la nation dont les intérêts sont selon eux menacés par le régime réactionnaire et corrompu du sultan. Ils veulent la réforme des institutions et du fonctionnement social et politique afin de réaliser une nation moderne, prospère et respectée qui cesse de perdre progressivement ses dépendances coloniales et de devenir une dépendance des puissances occidentales. Les « jeunes turcs » finissent par déposer le sultan mais, loin de libérer les peuples, le gouvernement de la bourgeoisie progressiste va s’unir avec les forces armées du sultan pour écraser les révoltes des peuples opprimés de l’empire à commencer par les Arméniens, le tout dans une situation où tous les peuples opprimés de l’empire se révoltent (arabes, albanais, grecs et autres…).

    La guerre mondiale sert de point d’appui pour les « jeunes turcs » afin de prendre le pouvoir avec comme chef de file Talaat pacha, un être si féroce qu’il prétendait en 1915 obtenir des compagnies d’assurances européennes l’ensemble des capitaux des familles arméniennes massacrées en écrivant : « Car ils sont presque tous morts maintenant sans laisser d’héritiers ; leur argent revient au gouvernement. » (cité par Jacques Ancel dans « Manuel historique de la question d’Orient »).

    Début 1915, le régime jeune turc désarme la population civile arménienne et saisit les femmes arméniennes de la région de Van sous l’accusation que les Arméniens seraient des espions pro-russes. Ils brûlent 80 villages de la région et en massacrent les habitants. Ceux-ci se révoltent le 20 avril 1915, jettent dehors les troupes ottomanes le 20 mai 1915. Ces dernières ont déjà tué 55.000 habitants arméniens. La Cilicie est « nettoyée » de ses habitants arméniens en avril et mai 1915, puis l’Est en juin-juillet (Erzeroum, Trébizonde, Van, Bitlis, Kharpout, Sivas), l’Ouest et l’Anatolie en août et septembre. Les horreurs contre les femmes et jeunes filles sont innombrables et durent pendant tout l’été 1915. Des camps de concentration d’Arméniens sont mis en place à Alep, Hama, Homs, Damas. Il y a déjà 600.000 morts et autant de déportés sur 1.800.000 Arméniens. Talaat déclare : « J’ai fait plus en trois mois pour résoudre le problème arménien qu’Adul-ul-Hamid en trente ans. »

  • Je trouve que ce titre est bien choisi pour illustrer le problème de la reconnaissance une bonne fois pour toute de ce crime odieux contre l’humanité, j’ai nommé le génocide arménien. Les turcs continuent leurs agissements avec aujourd’hui comme but ultime l’ effacement des kurdes sur la carte des nations. C’est une honte totale pour les démocraties occidentales qui entretiennent un rapport incroyablement chaleureux avec ces bourreaux. Il faudra bien qu’un jour les turcs payent l’addition, qu’ils rendent aux arméniens ce qu’ils leur ont spolié et volé, ainsi que leurs terres. C’est impensable de voir qu’on ferme les yeux sur le nettoyage ethnique par le génocide de cette région de l’anatolie. C’est simple, il n’y a quasiment plus d’arméniens, là où ils étaient des millions.

  • Quel tribunal pénal international jugera jamais : aucun de ceux mis en place par les puissances impérialistes qui ont utilisé les Arméniens tant que cela leur rapportait et les ont lâchés ensuite...

  • On peut situer le début de l’émergence de la Question arménienne à la guerre russo-turque de 1877-1878. Après la défaite de la Turquie, le traité de San Stefano, signé en mars 1878, accordait l’indépendance à la Serbie, au Monténégro, à la Roumanie et l’autonomie à la Bulgarie.

    L’Arménie obtint, pour sa part, d’après l’article 16, des réformes assurant la protection de ses habitants. Les Arméniens n’en demandaient pas plus à l’époque. La Russie, d’après ce traité, annexait une partie de l’Arménie turque et ne devait se retirer de l’autre partie (de l’Arménie turque qu’elle occupait), seulement après l’application des réformes.

    Mais l’Angleterre, ainsi que l’Allemagne et l’Autriche, voyaient d’un très mauvais œil la future et prévisible indépendance de l’Arménie. Quelques mois plus tard, au congrès de Berlin qui conduisit à la révision du traité de San Stefano, l’Anglais Salisbury fit transformer l’article 16 en... 61, en y rajoutant une phrase assassine qui rendait très aléatoire l’application des réformes. En guise de remerciements, l’Angleterre reçut comme cadeau des Turcs l’île de Chypre.

    Les représailles reprirent de plus belle. Des tribus kurdes organisées et armées par le gouvernement répandaient plus que jamais la terreur dans les provinces arméniennes, particulièrement les territoires d’où l’armée russe s’était récemment retirée.

    En 1879, le Grand Vizir déclare : « Aujourd’hui, même l’intérêt de l’Angleterre exige que notre pays soit à l’abri de toute intervention étrangère et que tout prétexte à cette intervention soit éliminé. Nous, Turcs et Anglais, non seulement nous méconnaissons le mot Arménie, mais encore nous briserons la mâchoire de ceux qui prononceront ce nom. Aussi, pour assurer l’avenir, dans ce but sacré, la raison d’état exige que tous les éléments suspects disparaissent.

    Nous supprimerons donc et ferons disparaître à jamais le peuple arménien. Pour y parvenir rien ne nous manque : nous avons à notre disposition les Kurdes, les Tcherkesses, les gouverneurs de province, les percepteurs, les agents de police, en un mot tous ceux qui font la guerre sainte à un peuple qui n’a ni armes ni moyens de défense. Nous, au contraire, nous avons une armée et des armes, et la protectrice de nos possessions en Asie Mineure est la plus grande et la plus riche des puissances du monde. »

    L’intention des Turcs, dès 1879, de « faire disparaître à jamais le peuple arménien », d’après les propres paroles du Grand Vizir, ne peut pas être plus claire.

    Face aux revendications arméniennes, la riposte des autorités turques fut radicale. Trois régimes (Abdul Hamid, les Jeunes-Turcs et Kemal Attaturk) ont, de 1894 à 1922, appliqué de différentes façons le même plan d’extermination des Arméniens avec son point culminant des années 1915-1917.

  • Quelle fut la position des bolcheviques face aux massacres des Arméniens par les troupes turques ?

  • Le massacre des Arméniens par les Turcs est inséparable de la révolution qui menaçait l’empire ottoman avant, pendant et après la première guerre mondiale voir ici et voir là, ainsi que des visées impérialistes sur cet empire allié de l’impérialisme allemand. Ce sont les puissances alliées, les impérialismes opposés à l’Allemagne, qui ont poussé au-delà des Arméniens, tous les assyro-chaldéens à s’organiser en armées contre l’empire en leur laissant entendre qu’ils les soutiendraient militairement mais en comptant en fait en faire des forces supplétives de leurs propres objectifs de conquête.

    La révolution russe a modifié la perspective.

    La perspective de l’effondrement total des forces russes sur le front du Caucase et du Kurdistan devait être bientôt sérieusement prise en compte. C’est dans ce cadre qu’il faut envisager les divers projets élaborés à cette époque par les états-majors alliés. Pour remédier à la défaillance russe. Un des plus importants fut élaboré en octobre 1917, très peu de temps avant la prise du pouvoir par les Bolcheviks, par le Général Niessel, chef de la mission militaire française en Russie ; celui-ci écrit : "Toute action militaire contre la Turquie peut et doit s’appuyer sur une action de désorganisation politique de cet Empire hétérogène. L’entente a déja proclamé l’Arabie aux Arabes, elle doit continuer en proclamant le Kurdistan aux Kurdes...

    Ce sera l’un des moyens d’action les plus efficaccs à employer sur le front du Caucase au moment où l’action militaire russe semble perdre de son ancienne valeur... Tous les efforts des Russes pour rattacher les Kurdes à leur cause ont échoué... Les pillages et les meurtres... ont beaucoup contribué à ce résultat".

    Le Général préconisait l’installation à Van d’une commission interalliée chargée de mettre en oeuvre cette nouvelle politique et ajoutait : "Les Arméniens nous aideraient dans cette tâche bien que l’hostilité séculaire entre les deux peuples soit un fait historique". Le rôle dévolu aux Assyriens se lit en filigrane.

    Ce projet ne fut suivi d’aucun effet concret, mais il fut cependant discuté dans les sphères dirigeantes alliées et donna lieu à des discussions qui précisèrent les politiques de l’Entente dans le nouveau contexte. C’est ainsi que le Président du Conseil français, par l’intermédiaire du Maréchal Foch, définit les axes le la politique française dans un télegramme adressé le 15 décembre 1917 au Général Niessel, en réponse à ses propositions : "Le Gouvemement estime qu’il est possible de s’assurer à peu de frais le concours durable des Arménìens et de toutes les populations chrétiennes du Caucase... il considère, en revanche, qu’une manifestation de sympathie vis-à-vis des tribus kurdes serait de nature à nous aliéner les sentiments de ces populations chrétiennes... il ne croit pas opportun en conséquence de favoriser ouvertement la création du Kurdistan autonome... Le Gouvemement envisage cependant les possibilités offertes d’obtenir à prix d’argent le concours militaire des tribus kurdes".

    Les objectifs étaient donc clairs : remplacer les armées russes sur le front du Caucase par des troupes issues des minorités nationales qui, unies par leur commune hostilité aux Ottomans pourraient tenir tête aux forces turques. Le rôle des Assyriens était, dans ce cadre, de tenir Ourmia et la région pour empêcher une descente turque vers la Mésopotamie.

    Le concours durable des populations chrétiennes fut effectivement assuré à peu de frais, si ce n’est pour elles-mêmes, du moins pour les états-majors alliés.

    Tout d’abord la montée explosive de la question nationale arménienne provient de la victoire de la révolution russe et elle fait partie de la victoire de la question des nationalités opprimées de la Russie puisqu’une partie de l’empire russe était arménienne. Profitant de cette victoire, la petite bourgeoisie arménienne a tenté de tirer son épingle du jeu comme les autres petites bourgeoisies nationalistes des autres provinces de Russie. Bien entendu, la vague révolutionnaire s’étendait et touchait aussi l’empire ottoman comme elle touchait l’empire austro-hongrois ou allemand.

    Après la révolution russe de 1917, l’armée russe s’est retirée de tous les fronts et en particulier du front turc et l’armée turque en a profité pour envahir l’Arménie, obligeant les Arméniens à constituer leur propre armée. Les armées blanches tsaristes étaient contre le droit à l’indépendance des peuples opprimés alors que l’Etat ouvrier russe d’octobre 1917 était de leur côté en paroles et en actes et pourtant les provinces qui se rendaient indépendantes prenaient systématiquement parti pour les armées blanches ou pour les armées impérialistes et ce fut le cas pour l’Arménie, comme pour la Géorgie ou pour l’Ukraine.

    Le 29 décembre 1917 (11 janvier 1918), le Conseil des commissaires du peuple promulgua le « Décret sur l’Arménie turque » qui reconnaissant « le droit de l’Arménie de sidposer d’elle-mêm. ». Le décret fut publié le 31 décembre 1917 (13 janvier 1918) dans le n° 227 de la Pravda.

    Le 4 janvier 1918, Lénine écrivait : « La politique du Conseil des Commissaires du peuple a proclamé l’indépendance complète de la Finlande, commencé le retrait des troupes de la Perse et proclamé la liberté pour l’Arménie de disposer d’elle-même. » voir ici

    En février 1918, les Arméniens, les Géorgiens et les Azéris forment leur propre parlement Transcaucasien. Les Arméniens unis sous le Congrès national arménien. Le 22 avril 1918, il vote pour l’indépendance, se proclamant la République démocratique fédérative de Transcaucasie. La fédération est dissoute lorsque la RD de Géorgie proclame son indépendance le 26 mai, le Congrès national arménien lui emboîte le pas deux jours après, le 28 mai.

    Les Arméniens qui détenaient le triste privilège d’avoir été les plus éprouvés par la guerre — puisqu’ils comptent parmi les victimes de cette effroyable mêlée environ le tiers de leur chiffre total — étaient fondés à espérer, qu’après un tel passé la victoire des Alliés marquerait, sinon le terme de leurs souffrances, du moins le commencement d’une ère d’amélioration générale dans leur situation. Or, contrairement à toute attente, la victoire finale des Alliés n’a pas apporté aux Arméniens la délivrance promise du joug turc. L’armistice de Moudros, signé le 30 octobre 1918 entre les Principales Puissances Alliées et la Turquie, a arrêté les troupes alliées sur les frontières de l’Arménie turque. Parmi les territoires appelés à être détachés de l’ancien Empire Ottoman, les régions destinées à l’Etat Arménien furent les seules à ne pas être occupées par les Alliés victorieux.

    L’Arménie indépendante, dirigée par la bourgeoisie, comptait sur les alliés impérialistes, prenait partie contre l’Etat ouvrier russe et soutenait la contre-révolution du général Wrangel.

    L’Armistice de Moudros, déjà défectueux en lui-même, ne fut jamais appliqué comme il devait l’être. C’est ainsi que l’armée turque ne fût que très partiellement désarmée. En même temps que celle-ci était démobilisée, les soldats turcs distribuaient la plus grande partie de leurs armes et munitions, aux populations musulmanes. Les armes et les munitions, dont des stocks considérables se trouvaient entreposés dans les régions de la Turquie d’Asie, contrôlées par les Alliés (Afioun Karahissar, Bozanti, etc.) n’ont pas été détruites, ce qui a permis aux Turcs d’y puiser largement pour équiper et armer les formations nationalistes. Une des clauses de l’armistice prévoyait expressément que si des désordres éclataient dans les provinces arméniennes de la Turquie, ces régions seraient occupés par les troupes alliées, mais en dépit des méfaits journaliers des bandes, des déportations en masse, des massacres et de maints autres désordres qui s’y sont perpétués depuis, les Puissances Alliées n’ont même pas envisagé l’application des mesures de coercition qu’ils détenaient en leur pouvoir.

    Pendant une longue période, la Turquie fut ainsi laissée libre de ses faits et gestes à l’intérieur, ce qui lui permit de réduire pratiquement à néant la clause de la démobilisation de l’armée turque. Bientôt au commencement du printemps igic,, Mustapha Kemal Pacha fut envoyé par le Gouvernement turc en Anatolie, ostensiblement en qualité d’inspecteur de la IIIe armée, mais en réalité pour y organiser la résistance turque à la décision des Alliés.

    Mustapha Kemal Pacha y trouva un terrain tout préparé par une foule de collaborateurs actifs, anciens membres du Comité Union et Progrès, qui avaient été laissés en liberté, et, s’attelant à la tâche qui lui avait été assignée, établit son quartier général au cœur même de l’Arménie.

    Et bientôt il se sentait suffisamment fort pour tenir tête aux Puissances Alliées et il allait même jusqu’à les défier ouvertement en lançant son attaque brusquée contre la République Arménienne, reconnue par les Puissances de l’Entente comme Alliée.

    En fait, les massacres ont fait partie sans cesse de l’existence des bolcheviks depuis la guerre mondiale et la révolution de 1917 : massacres en Russie, en Finlande, massacres des armées blanches, tueries de la contre-révolution, pogromes de toutes sortes. Le massacre des Arméniens n’est apparu comme de grande ampleur que très longtemps après sa survenue. Il y a eu deux grands massacres : celui de l’empire ottoman et celui de Mustapha Kemal. D’autre part, les bolcheviks ont tenté de conclure des alliances avec des pouvoirs bourgeois nationalistes en lutte armée contre les puissances impérialistes. C’était le cas de Mustapha Kemal et, bien entendu, le fait que ce dernier organise un massacre contre le peuple arménien n’a pas échappé aux bolcheviks. De toutes manières, ce dernier avait déjà conclu un accord avec les puissances impérialistes et rompu avec la Russie révolutionnaire…

    Voici comment Zinoviev répondait à ceux qui l’accusaient d’avoir soutenu le régime turc : Lire ici

    Andranik Ozanian a proclamé le nouvel État, la République arménienne de la montagne, dont les activités était concentrées dans la zone de communication entre l’Empire ottoman et la République démocratique d’Azerbaïdjan au Karabagh, Zanguezour et Nakhitchevan. En janvier 1919, avec l’avancement des troupes arméniennes, les forces britanniques (Lionel Dunsterville) intiment Andranik de se replier à Zanguezour, et lui donnent l’assurance que ce conflit pourrait être résolu à la conférence de paix de Paris de 1919. La conférence de paix de Paris proclame la République démocratique d’Arménie un État internationalement reconnu et la République de l’Arménie montagneuse est dissoute.

    La République de Caspienne centrale est un gouvernement antisoviétique soutenu par les Britanniques, fondée à Bakou le 1er août 1918. Le gouvernement est composé par le parti Socialiste-Révolutionnaire et le mouvement national arménien qui était majoritairement constitué par la Fédération révolutionnaire arménienne (Dachnak). Le détachement britannique de la Dunsterforce occupait la ville et aidait les principales forces dachnak-arméniennes à défendre la capitale lors de la bataille de Bakou. Cependant, Bakou tombe le 15 septembre 1918 et une armée azérie-ottomane entre dans la capitale, provoquant la fuite des forces britanniques ainsi que d’une grande partie de la population arménienne et le massacre des Arméniens qui n’ont pas pu fuir. L’Empire ottoman signe l’armistice de Moudros le 30 novembre 1918 et la force d’occupation britannique retourne dans Bakou.

    La République d’Arménie, qui s’était séparée de la Russie soviétique en avril 1918, de septembre à décembre 1920 ne dut cependant sa survie qu’à l’intervention in extremis des troupes bolcheviques contre celles de la Turquie et celles de l’alliance impérialiste.

    Le 4 décembre 1920, un article de Staline dénonce le sort des Arméniens et souhait longue vie à la république d’Arménie : voir ici

    En mars 1921, la république d’Arménie entre dans la fédération soviétique.

  • Lénine
    AUX CAMARADES COMMUNISTES D’AZERBAÏDJAN, DE GÉORGIE, D’ARMÉNIE, DU DAGHESTAN ET DE LA RÉPUBLIQUE DES PEUPLES DU CAUCASE DU NORD

    En saluant chaleureusement les Républiques soviétiques du Caucase, je me permets d’exprimer l’espoir que leur étroite union créera un modèle de paix nationale inconnue sous la bourgeoisie et impossible en régime bourgeois.
    Mais si importante que soit la paix nationale entre les ouvriers et les paysans des nationalités peuplant le Caucase, il importe infiniment plus de maintenir et de développer le pouvoir des Soviets qui constitue la transition au socialisme. Tâche difficile, mais parfaitement réalisable. Pour pouvoir s’en acquitter avec succès, il importe par-dessus tout que les communistes de Transcaucasie comprennent les particularités de leur situation, de la situation de leurs républiques, différente de la situation et des conditions de la République socialiste fédérative soviétique de Russie ; qu’ils comprennent la nécessité de ne pas copier notre tactique, mais de la modifier, après mûre réflexion, en fonction des différentes conditions concrètes.

    La République soviétique de Russie n’avait nulle part d’appui politique et militaire. Au contraire, pendant des années, elle a lutté contre les invasions militaires de l’Entente et son blocus.

    Les Républiques soviétiques du Caucase avaient l’appui politique et, dans une faible mesure, l’appui militaire de la R.S.F.S.R. La différence est capitale.

    Deuxièmement : nous n’avons plus à craindre aujourd’hui une invasion de l’Entente, non plus que son appui militaire aux gardes blancs géorgiens, azerbaïdjanais, arméniens, daghestanais et montagnards. L’Entente « s’est brûlé les doigts » avec la Russie, ce qui l’obligera, vraisemblablement, à se montrer plus prudente pendant quelque temps.

    Troisièmement : les Républiques du Caucase sont des pays encore plus ruraux que la Russie.

    Quatrièmement : du point de vue économique, la Russie était et demeure, dans une grande mesure, coupée des pays capitalistes avancés ; le Caucase peut organiser la « coexistence » et les échanges avec l’Occident capitaliste plus vite et avec moins de difficulté.
    Ce ne sont pas là toutes les différences. Mais celles qui ont été indiquées suffisent à faire comprendre la nécessité d’une autre tactique. Il faut se montrer plus souple, plus prudent, plus conciliant à l’égard de la petite bourgeoisie, des intellectuels et, surtout, de la paysannerie. Utiliser l’Occident capitaliste sur le plan économique par tous les moyens encore davantage et au plus vite, en pratiquant la politique des concessions et des échanges commerciaux. Pétrole, manganèse, charbon (mines de Tkvartchéli), cuivre, telle est la liste très incomplète des immenses richesses minières. Il y a toute possibilité de pratiquer largement la politique des concessions et les échanges commerciaux avec l’étranger.

    Il faut s’y employer largement, avec fermeté, habileté et circonspection, et utiliser la chose de toutes les manières pour améliorer la situation des ouvriers et des paysans, pour associer les intellectuels à l’édification de l’économie. Utiliser les échanges avec l’Italie, l’Amérique et les autres pays, afin de développer à fond les forces productives de cette riche contrée, la houille blanche, l’irrigation. L’irrigation est particulièrement importante pour relever à tout prix l’agriculture et l’élevage.

    Une transition plus lente, plus prudente et plus méthodique au socialisme est possible et nécessaire pour les Républiques du Caucase, à la différence de la R.S.F.S.R. Voilà ce qu’il faut comprendre et savoir réaliser avec une tactique différente de la nôtre.

    Nous avons pratiqué la première brèche dans le capitalisme mondial. La brèche est percée. Nous nous sommes défendus dans une guerre forcenée, surhumaine, dure et pénible, rude et douloureuse, contre les blancs, les socialistes-révolutionnaires, les menchéviks, soutenus par toute l’Entente, par son blocus et son aide militaire.

    Vous autres, camarades communistes du Caucase, vous n’avez pas besoin d’ouvrir une brèche. Vous devez, d’une manière plus prudente et méthodique, savoir créer du nouveau en exploitant la situation internationale de 1921 qui vous est favorable. L’Europe et le monde entier ne sont plus en 1921 ce qu’ils étaient en 1917 et 1918.

    Il ne s’agit pas de copier notre tactique, mais de réfléchir vous-mêmes en quoi consistent sa particularité, ses conditions et ses résultats ; d’appliquer chez vous non la lettre, mais l’esprit, le sens, les enseignements de l’expérience de 1917-1921. Il faut, sur le plan économique, s’appuyer immédiatement sur les échanges avec les capitalistes étrangers, ne pas lésiner ; que des dizaines de millions de pouds de vos précieuses richesses minérales leur soient remis.

    Efforcez-vous tout de suite d’améliorer la situation des paysans et d’entreprendre de grands travaux d’électrification et d’irrigation. L’irrigation est nécessaire au premier chef ; c’est elle surtout qui régénérera le pays, le ressuscitera, enterrera le passé, affermira la transition au socialisme.

    Vous excuserez le décousu de cette lettre, que j’ai dû écrire en courant pour pouvoir l’expédier avec le camarade Miasnikov, j’envoie encore une fois mes meilleurs vœux et salutations aux ouvriers et paysans des Républiques soviétiques du Caucase.

    Moscou, 14 avril 1921

  • La Russie soviétique ne s’est pas contentée de soutenir les nationalistes turcs face aux menées impérialistes…

    Le deuxième Congrès de l’Internationale communiste déclarait à propos du mouvement nationaliste révolutionnaire de Turquie :

    « Le Congrès constate cependant que le mouvement révolutionnaire national, en Turquie, est uniquement dirigé contre les oppresseurs étrangers et que son succès ne signifierait pas la libération des paysans et des ouvriers de l’oppression et de l’exploitation en général.

    Le succès de ce mouvement n’entraînerait pas la solution des questions les plus importantes pour la libération des classes laborieuses turques : question agraire et question des impôts, et n’écarterait pas les obstacles les plus considérables à la libération de l’Orient : les conflits nationaux.

    Le Congrès estime qu’une très grande circonspection est nécessaire à l’égard des chefs de ce mouvement qui ont naguère conduit à la tuerie les paysans et les ouvriers turcs dans l’intérêt d’un groupe de puissances impérialistes et ont ainsi amené les masses laborieuses de Turquie à un double péril, au nom d’une oligarchie de ploutocrates et d’officiers supérieurs… Le Congrès recommande aux paysans et aux ouvriers turcs de se grouper dans des organisations autonomes, d’être prêts à poursuivre l’œuvre libératrice jusqu’au bout et de ne permettre en aucun cas aux impérialistes étrangers de tirer parti de leurs relations et de leur influence sur les riches, les paysans cossus, les bureaucrates et les généraux (pachas, derebeileras, etc.) du pays. A ce prix, le peuple travailleur de Turquie peut se libérer de tous ses oppresseurs et exploiteurs, à ce prix seulement la terre, les fabriques, les mines, etc…, et, d’une façon générale, toutes les richesses du pays seront utilisées dans l’intérêt des travailleurs et rien que des travailleurs. »

  • Révolte en Arménie

    En Arménie, le peuple est dans la rue. À Erevan, des milliers d’Arméniens ont bravé les forces de l’ordre présentes en nombre. Un face à face qui a vite dégénéré en affrontements. L’objet de cette colère populaire est la nomination de l’ancien président comme Premier ministre. Cible de leur courroux : Serge Sirkassian. Depuis 2008, il s’accroche au pouvoir en alternant les postes de Premier ministre et de chef de l’État.

    Arborant des pancartes "Sarkissian est un dictateur", les manifestants ont à nouveau défilé dans les rues de la capitale, Erevan, et tenté de bloquer la circulation en s’allongeant sur la chaussée. Des véhicules ont été utilisés pour barrer certaines rues, les automobilistes klaxonnant en signe de soutien aux manifestants.

    "La corruption et l’injustice étouffent ce pays. Il faut donner des pots-de-vin aux fonctionnaires, au service des impôts... On ne peut plus supporter ça. C’est Sarkissian qui a créé cette situation", estime un manifestant, Moucheg Khatchatrian, 52 ans, au chômage.

  • Le Vatican tente d’empêcher la construction d’un mémorial arménien à Sèvres en bord de Seine pour préserver ses bonnes relations avec la dictature turque !!! Pour cela, elle a pris le pouvoir au sein de l’association catholique arménienne qui gérait ce terrain et renversé leurs anciens gestionnaires !

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