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Le socialisme en Russie ou l’échec de l’"homme nouveau" ?

lundi 26 janvier 2015, par Robert Paris

La vague révolutionnaire débutée en Russie en 1917 a échoué. C’est indiscutable. C’est la signification de cet échec qu’il faut encore discuter car il est très loin d’avoir été compris. Certains y voient l’échec des thèses de Marx ou de Lénine. D’autres y voient carrément un échec de l’homme et de l’idée même d’un homme nouveau et, bien entendu, ils y voient une condamnation définitive du communisme ! Les mêmes n’ont pas vu, bien entendu, des désordres et des horreurs qui ont suivi la révolution française la condamnation définitive de la révolution démocratique bourgeoise ! Allez savoir pourquoi...

Un homme nouveau ne serait pas sorti de la révolution russe ? Eh bien si ! Ce n’était plus du tout le même russe déjà. Les différents peuples qui composaient l’empire n’avaient plus du tout les mêmes relations. Aucune classe sociale ne se comportait plus comme avant, ni les ouvriers, ni les paysans, ni les peuples opprimés et ni bien entendu les bourgeois… Les soldats n’obéissaient plus aveuglément à la hiérarchie, fût-elle communiste. Les masses russes qui n’étaient pas plus qu’ailleurs nées avec l’idée qu’elles avaient leur mot à dire et que la réalité dépendait de leurs décisions, s’en étaient convaincues… Peut-on imaginer un changement plus important ? Les soviets n’avaient été que l’expression organisationnelle de ce changement dans les consciences et dans les actes. Pendant quatre ans, cette dynamique humaine nouvelle a porté la révolution et si cela s’est ensuite arrêté, ce n’est pas parce que les masses s’en sont détournées ni parce qu’elle aurait échoué mais parce que la situation objective a changé, passant de l’offensive révolutionnaire au reflux de la révolution, de la révolution mondiale et pas de la révolution russe… Car ce changement social, cet être humain nouveau ne pouvait pas reposer dans le ciel des espoirs d’avenir mais sur des bases réelles, celles de la lutte des classe internationale contre la bourgeoisie impérialiste.

Oui, la Russie soumise au tsarisme, à la prison des peuples, au féodalisme, celle des ouvriers, des paysans, des nationalités opprimées, celle de la soumission et du fatalisme, a disparu en Octobre 1917 et l’homme soumis et fataliste comme la femme soumise et fataliste, comme l’ouvrier, le paysan ou la nationalité soumise ont également disparu, emportés par le flot révolutionnaire. Ce n’est pas seulement le pouvoir d’état qui a changé, c’est la vie quotidienne. Ce sont les êtres humains et leurs relations sociales. Et ils les ont eux-mêmes transformées. Les exploités et les opprimés ont pris conscience que, désormais, c’était à eux de dicter leur loi, que c’étaient eux qui prenaient les décisions, qui s’organisaient pour diriger la société, qu’ils n’avaient plus à considérer la société comme un mal fatal mais comme le produit de leur action. C’était un changement radical de l’homme qui avait des conséquences dans tous les domaines des relations humaines, entre peuples, entre hommes et femmes, entre adultes et enfants, entre soldats et population civile, entre dirigeants et dirigés. L’homme nouveau était bel et bien en train d’émerger dans la Russie révolutionnaire. Le nationalisme laissait place à l’internationalisme. Le racisme, le machisme, la misogynie, les vieilles traditions laissaient place à un monde nouveau, en pleine construction.

Mais les classes dirigeantes européennes n’ont pas laissé faire l’expérience. Elles sont intervenues massivement, militairement pour l’écraser. Si elles ne sont pas parvenues à la détruire entièrement par la terreur blanche, ce n’est pas faute d’y avoir mis les moyens mais à cause de la révolution sociale en Europe. Mais elles se sont débrouiller pour détruire le plus possible le pays, pour assassiner le plus de révolutionnaires possibles, afin que le pays devienne ingérable, incapable de se reconstruire, de bâtir une économie viable par ses propres forces. La Russie, affamée, son industrie et ses chemins de fer détruits, a été contrainte de repasser du « communisme de guerre » à la nouvelle économie politique, c’est-à-dire à la liberté du commerce, à la petite production et petite activité marchande des petits bourgeois pour ne pas mourir. En même temps, on est passé de l’étape dure mais enthousiasmante de la guerre révolutionnaire pour renverser l’impérialisme et le capitalisme, à celle de la lutte économique pour la survie, lutte désespérante vue l’isolement de la Russie et son arriération qui n’était nullement un produit du communisme mais des classes dirigeantes russes et occidentales.

Si l’homme communiste n’est pas sorti de la société soviétique, c’est parce que l’homme révolutionnaire qui en était sorti a été écrasé par un poids insurmontable de misère, de désespoir et d’isolement. Le seul espoir communiste pour les prolétaires russes résidait dans la révolution dans les pays les plus riches de l’Europe capitaliste, à commencer par l’Allemagne. La trahison des directions social-démocrates et syndicales de cette Europe a amené la révolution à son échec et la révolution russe s’est retrouvée isolée.

Il est facile ensuite d’accuser l’homme soviétique de n’avoir pas produit l’homme communiste mais le koulak et le bureaucrate comme si c’était une décision politique des dirigeants révolutionnaires qui pouvait produire l’homme communiste ! Comme si l’homme socialiste pouvait être produit sans une société plus avancée que le capitalisme et capable de donner « à chacun selon son travail » et comme si l’homme communiste pouvait sortir par décret gouvernemental d’un pouvoir se réclamant du marxisme et pas d’une société suffisamment avancée économiquement pour donner « à chacun selon ses besoins » !

Il suffit ensuite d’affirmer que le marxisme et le bolchevisme ont fait faillite puisque les hommes qui ont finalement triomphé sont les bureaucrates, comme si le capitalisme n’y était pour rien, comme si les réformistes n’y étaient pour rien, comme si l’ « expérience communiste » avait pu se dérouler tranquillement et avait produit les résultats de sa simple action ! Comme si la société soviétique n’avait pas subi les massacres des armées des classes dirigeantes russes en même temps que celles des armées de tous les pays riches du monde ! Si ces classes dirigeantes avaient pensé que le communisme allait tout seul à l’échec, il suffisait de le laisser tomber tout seul dans le fossé !

L’homme nouveau, communiste, n’est pas le produit immédiat de la révolution sociale même si l’homme de la révolution est déjà le début de cette transformation. Pour transformer l’homme, il faut transformer en profondeur les conditions matérielles d’existence, changer l’économie. Cela n’est pas possible dans un seul pays, à fortiori dans un pays arriéré et détruit par la guerre et la guerre civile. C’est sur des bases économiques et sociales supérieures au capitalisme que le socialisme est possible et qu’il peut produire une humanité débarrassée de ses toiles d’araignées, comme de ses préjugés aussi bien ancrés soient-ils.

Le capitalisme lui-même, en supprimant bien des sociétés traditionnelles, a montré que le changement des conditions d’existence, produit un homme nouveau. Mais, en maintenant et en aggravant l’exploitation de l’homme par l’homme, il a eu besoin souvent de conserver le poids des traditions et des fatalismes, des féodalismes et des tribalismes, des religions et des oppressions.

Ce n’est pas le socialisme qui a eu besoin de développer le bureaucratisme. La révolution non plus. C’est, au contraire, contre le socialisme, contre la révolution, contre l’intervention directe des masses que s’est développé le bureaucratisme, profitant que la mort, l’isolement, la faim, la misère menaient à nouveau les masses de la révolution vers l’inactivité politique.

Le bureaucratisme soviétique n’a pas été un pouvoir réellement opposé au capitalisme. Au contraire, ce dernier s’est accommodé d’un pouvoir bureaucratique en URSS, s’est entendu avec lui, lui a reconnu sa capacité sans pareil à assassiner et à discréditer ses meilleurs révolutionnaires. Elle s’est entendue sans cesse avec le pouvoir stalinien, a pactisé avec lui, et lui avec elle, contre la révolution, en Russie comme dans le monde.

Cela ne signifiait pas que la révolution sociale menait fatalement à la bureaucratie mais que son échec, tout en ne permettant pas au grand capital de revenir immédiatement au pouvoir, devait céder la place à une couche parasitaire incapable de bâtir une société de son cru, et capable seulement de tenter de faire durer son pouvoir, sans bases sociales propres, par des méthodes policières fascistes et dictatoriales.

L’échec de la révolution est indiscutable mais pas parce que l’homme socialiste n’est pas sorti de pied en cap de la révolution sociale, parce que la vague révolutionnaire défaite partout en Europe, en Finlande, en Bavière, en Hongrie, en Allemagne, en Pologne, en Italie, etc., a donné le pouvoir à la contre-révolution procapitaliste et que cette dernière, en Russie, n’a pas pu être directement bourgeoise, la bourgeoisie étant trop radicalement éradiquée par la révolution. C’est donc le succès même de la révolution sociale qui a empêché la contre-révolution bourgeoise de triompher immédiatement mais ce succès ne pouvait pas compenser l’isolement. On ne peut pas bâtir le socialisme dans un seul pays, pas plus qu’on ne peut s’élever en se tirant par les cheveux…

Oui, la société soviétique, la société socialiste, la société communiste ont besoin d’hommes nouveaux, de femmes nouvelles, produits par des circonstances historiques particulières, des conditions nouvelles économiques, sociales et politiques. Ils ne sont pas les produits de la politique des gouvernants mais du renversement des anciennes conditions d’existence. Nous ne sommes pas des idéalistes qui croyons que l’idée du communisme produit l’homme communiste. Pas plus que nous ne croyons que le socialisme sera le produit de l’Etat.


Manuscrits de 1844

Karl Marx


(...) Nous avons vu quelle signification prend sous le socialisme la richesse des besoins humains et, par suite, quelle signification prennent un nouveau mode de production et un nouvel objet de la production : c’est une manifestation nouvelle de la force essentielle de l’homme et un enrichissement nouveau de l’essence humaine. Dans le cadre de la propriété privée, les choses prennent une signification inverse. Tout homme s’applique à créer pour l’autre un besoin nouveau pour le contraindre à un nouveau sacrifice, le placer dans une nou­velle dépendance et le pousser à un nouveau mode de jouissance et, par suite, de ruine écono­mique. Chacun cherche à créer une force essentielle étrangère dominant les autres hommes pour y trouver la satisfaction de son propre besoin égoïste. Avec la masse des objets augmen­te donc l’empire des êtres étrangers auquel l’homme est soumis et tout produit nouveau renforce encore la tromperie réciproque et le pillage mutuel. L’homme devient d’autant plus pauvre en tant qu’homme, il a d’autant plus besoin d’argent pour se rendre maître de l’être hostile, et la puissance de son argent tombe exactement en raison inverse du volume de la production, c’est-à-dire que son indigence augmente à mesure que croît la puissance de l’argent. - Le besoin d’argent est donc le vrai besoin produit par l’économie politique et l’unique besoin qu’elle produit. La quantité de l’argent devient de plus en plus l’unique et puissante propriété de celui-ci ; de même qu’il réduit tout être à son abstraction, il se réduit lui-même dans son propre mouvement à un être quantitatif. L’absence de mesure et la démesure deviennent sa véritable mesure. (...)

Les tâches de l’éducation communiste

Léon Trotsky

18 juin 1923


On prétend souvent que la tâche de l’instruction communiste consiste dans l’éducation de l’homme nouveau. Ces mots ont quelque chose d’un peu trop vague, d’un peu trop déclamatoire, et nous devons faire preuve d’une vigilance toute particulière pour ne permettre aucune interprétation humanitariste informe de la conception de « l’homme nouveau » ou des tâches de l’édification communiste. Il n’y a aucun doute que l’homme futur, le citoyen de la commune sera un être extrêmement intéressant et attrayant et que sa psychologie (le futuriste me pardonnera, mais j’aime à croire que l’homme de l’avenir aura une psychologie) sera très différente de la nôtre. Notre tâche actuelle, malheureusement ne peut consister à éduquer l’être humain de l’avenir. Le point de vue utopique et psychologique humanitaire est que le nouvel homme doit d’abord être formé et qu’il créera alors les nouvelles conditions. Nous ne pouvons croire cela. Nous savons que l’homme est le produit des conditions sociales. Mais nous savons aussi qu’entre les êtres humains et les conditions existe une rapport mutuel, compliqué et agissant. L’homme lui-même est un instrument de ce développement historique et non le moindre. Et dans cettte interaction historique compliquée des conditions expérimentées par des êtres humains actifs, nous ne créons pas le citoyen abstraitement harmonieux et parfait de la commune ; nous formons les êtres humains concrets de notre époque, qui ont encore à lutter pour la création des conditions capables de faire surgir le citoyen harmonieux de la commune. c’est là quelque chose de très différent, bien sûr, pour la simple raison que notre arrière petit-fils, le citoyen de la commune ne pas révolutionnaire.

« L’homme nouveau » et le révolutionnaire

A première vue cela paraît être faux, cela paraît même une insulte. Et pourtant c’est ainsi. La notion de « révolutionnaire » est imbue du plus haut idéal et de la morale la plus élevée que nous ayons pu hériter de toute l’époque antérieure d’évolution culturelle. Ainsi peut-il sembler que nous calomnions notre postérité lorsque nous ne la voyons par révolutionnaire. Mais nous ne devons pas oublier que le révolutionnaire est le produit de conditions historiques déterminées, un produit de la société de classes. Le révolutionnaire n’est pas une abstraction psychologique. La révolution en soit n’est pas un principe abstrait mais un fait historique matériel naissant des antagonismes de classes, naissant de l’assujettissement violent d’une classe par une autre. Ainsi le révolutionnaire est un type historique concret, et par conséquent temporaire. Nous sommes fiers d’appartenir à ce type d’hommes. Mais par notre travail nous créons les conditions d’un ordre social où il n’y aura pas d’antagonismes de classes, pas de révolutions et donc pas de révolutionnaires. Il est vrai que nous pouvons élargir le sens du mot « révolutionnaire » jusqu’à ce qu’il englobe toute l’activité consciente de l’homme tendue vers la domination sur la nature et vers l’extension des conquêtes techniques et culturelles. Mais rien ne nous autorise à opérer une telle abstraction, un tel élargissement sans limites de la conception du « révolutionnaire », puisque nous n’avons nullement rempli notre tâche historique révolutionnaire concrète : le renversement de la société de classes. En conséquence nous sommes loin de la tâche d’éducation du citoyen harmonieux de la commune, consistant à le former par un travail soigneux de laboratoire au cours d’un stade transitoire de la société très peu harmonieux. Une telle entreprise serait une utopie d’un puérilité pitoyable. Ce que nous voulons faire, c’est des lutteurs, des révolutionnaires, qui hériteront et complèteront nos traditions historiques que nous n’avons pas encore menées à leur terme.

Révolution et mysticisme

Quelles sont les caractéristiques essentielles du révolutionnaire ? Il faut souligner que nous n’avons pas le droit de séparer le révolutionnaire de la base sociale sur laquelle il a évolué et sans laquelle il n’est rien. Le révolutionnaire de notre époque, qui ne peut être lié qu’à la classe ouvrière, a ses particularités psychologiques propres, particularités d’entendement et de volonté. Si cela est nécessaire et possible, le révolutionnaire brise les obstacles historiques, ayant recours à la force pour réaliser son objectif. Si cela n’est pas possible, alors il fait un détour, creuse une sape, et écrase avec patience et détermination. Il est un révolutionnaire par ce qu’il n’a pas peur de briser les obstacles et d’employer la force implacablement ; en même temps il reconnaît la valeur historique. C’est son but permanent que de maintenir son travail, destructif et créateur, à son plus haut degré d’activité, c’est-à-dire de tirer de conditions historiques données le maximum de rendement possible pour la marche en avant de la classe révolutionnaire.

Le révolutionnaire ne connait que des obstacles extérieurs à son activité et aucun obstacles intérieur. C’est-à-dire : il doit développer en lui-même, la capacité d’apprécier le champ de son activité dans tout son contenu concret, avec ses aspects positifs et négatifs et d’en tirer un bilan politique correct. Mais s’il est empêché intérieurement par des obstacles subjectifs à son action, s’il manque de compréhension ou de volonté, s’il est paralysé par un désaccord intérieur, par des préjugés religieux, nationaux ou corporatifs, alors il est tout au plus un demi-révolutionnaire. Il y a trop d’obstacles rien que dans les conditions objectifs pour que le révolutionnaire puisse s’offrir le luxe de multiplier les obstacles et les frottements de caractère objectif par d’autres de caractère subjectif. Eduquer le révolutionnaire doit donc consister, par-dessus tout, à l’affranchir de ces vestiges d’ignorance et superstition que l’on trouve souvent dans une conscience très « sensible ». Nous adoptons donc une attitude tout à fait irréconciliable vis-à-vis de tous ceux qui prononcent un seul mot sur la possibilité de combiner le mysticisme et la sentimentalité religieuse avec le communisme. La religion est irréconciliable avec le point de vue marxiste.

Nous pensons que l’athéisme, en tant qu’élément inséparable de la conception matérialiste de la vie, est une condition nécessaire de l’éducation théorique du révolutionnaire. Celui qui croit à un autre monde ne peut concentrer toute sa passion sur la transformation de celui-ci.

Darwinisme et Marxisme

Même si Darwin, comme il le déclara lui-même, ne perdit pas sa croyance en Dieu malgré son rejet de la théorie biblique de la création, le darwinisme lui-même n’en est pas moins inconciliable avec cette croyance. En cela, comme par d’autres aspects, le darwinisme est un avant-coureur, une préparation au marxisme. Pris dans un large sens matérialiste et dialectique, le marxisme est l’application du darwinisme à la société humaine. Le libéralisme de Manchester a tenté d’adapter le darwinisme mécaniquement à la sociologie. De telles tentatives n’ont mené qu’à des analogies enfantines voilant une perfide apologie bourgeoise : les antagonismes vus par Marx étaient expliqués comme la loi « éternelle » de la lutte pour la vie. Ce sont des absurdités. C’est seulement la liaison qui permet de saisir le développement vivant de l’être dans sa liaison primitive avec la nature inorganique, dans son individualisation et son évolution ultérieures dans sa dynamique, dans la différenciation des besoins vitaux chez les premières espèces élémentaires des règnes végétal et animal — dans ses luttes — dans l’apparition du « premier » homme ou anthropoïde, utilisant le premier outil, — dans le développement de la coopération primitive associant des moyens — dans la stratification ultérieure de la société par suite du développement des moyens de production, c’est-à-dire des moyens de maîtriser la nature, — dans la guerre des classes, et enfin dans la lutte pour le dépassement des classes.

Comprendre le monde d’un point de vue aussi large signifie émanciper pour la première fois la conscience de l’homme des résidus du mysticisme et lui assurer un ferme point d’appui. Cela signifie être clairement convaincu que pour l’avenir il n’y a pas d’empêchements subjectifs à la lutte, mais que seuls les obstacles et oppositions existants sont extérieurs et doivent être surmontés d’une façon ou d’une autre suivant les conditions du conflit.

Nous avons souvent dit : « La pratique a le dessus en fin de compte ». Cela est juste dans le sens que l’expérience collective d’une classe, et de tout l’humanité, rejette graduellement les illusions et fausses théories basées sur des généralisations hâtives. Mais on peut dire avec autant de raison que « la théorie a le dessus en fin de compte », lorsque nous entendons par là que « la théorie englobe en réalité l’expérience de toute l’humanité. Vue sous cet angle l’opposition entre la théorie et la pratique disparaît, car la théorie n’est rien d’autre que la pratique correctement considérée et généralisée. La théorie en fait pas échouer la pratique ; mais l’attitude irréfléchie, empirique et grossière vis-à-vis de celle-ci. Afin de pouvoir faire une estimation correcte des conditions de la lutte, de la situation de notre propre classe, nous devons avec une méthode sûre d’orientation politique et historique. Cette méthode est le marxisme, ou, pour l’époque récente, le léninisme.

Marx et Lénine, tels sont nos deux guides suprêmes dans le domaine des recherches sociales. Pour la jeune génération la voie vers Marx passe par Lénine. La voie directe devient de plus en plus difficile, car trop longue est la période qui sépare la génération montante du génie de ceux qui fondèrent le socialisme scientifique, Marx et Engels. Le léninisme est la plus haute incarnation et concentration du marxisme pour l’action révolutionnaire directe dans la période impérialiste d’agonie mortelle de la société bourgeoise. L’Institut Lénine à Moscou, doit devenir une académie supérieure de stratégie révolutionnaire. Notre parti communiste est imbu du puissant esprit de Lénine. Son génie révolutionnaire est avec nous. Nos poumons révolutionnaires aspirent l’air élevé qu’ait produite le développement antérieur de la pensée humaine. Voilà pourquoi nous sommes si profondément convaincus que les lendemains sont à nous.

Messages

  • « Bien des idéologues socialistes (idéologues dans le pire sens du terme : celui d’hommes qui mettent toute chose la tête en bas) parlent de préparer le prolétariat pour le socialisme dans le sens de le régénérer moralement. Le prolétariat, et même "l’humanité" en général devraient tout d’abord se dépouiller de leur vieille nature égoïste, l’altruisme devrait dominer la vie sociale, etc. Comme nous sommes encore très loin d’un tel état de choses, et que la "nature humaine" change très lentement, voilà le socialisme différé de plusieurs siècles. Un tel point de vue semble probablement très réaliste et évolutionniste, etc., mais il n’est, en réalité, que le fruit de plates considérations moralisantes. On admet qu’une psychologie socialiste doit se développer avant l’avènement du socialisme ; en d’autres termes, qu’il est possible, pour les masses, d’acquérir une psychologie socialiste sur la base des rapports capitalistes. Il ne faut pas ici confondre l’effort conscient vers le socialisme avec une psychologie socialiste. Cette dernière suppose l’absence de motivations égoïstes dans la vie économique ; cependant que, si le prolétariat aspire au socialisme et lutte pour le socialisme, cela résulte de sa psychologie de classe. Quel que soit le nombre de points communs qu’il puisse y avoir entre la psychologie de classe du prolétariat et la psychologie socialiste sans classe, un gouffre profond ne les en sépare pas moins.

    La lutte menée en commun contre l’exploitation engendre de magnifiques traits d’idéalisme, de solidarité et de sacrifice de soi mais, en même temps, la lutte individuelle pour l’existence, l’abîme toujours béant de la pauvreté, la différenciation dans les rangs des travailleurs eux-mêmes, la pression exercée d’en bas par les masses ignorantes et l’influence corruptrice des partis bourgeois ne permettent pas à ces traits magnifiques de se développer pleinement. Néanmoins, bien qu’il reste égoïste et philistin, et sans qu’il dépasse en "valeur humaine" le représentant moyen des classes bourgeoises, l’ouvrier moyen sait par expérience que ses besoins et ses désirs naturels les plus simples ne peuvent être satisfaits que sur les ruines du système capitaliste.

    Les idéalistes dépeignent la lointaine génération à venir qui sera devenue digne du socialisme exactement comme les chrétiens dépeignent les premières communautés chrétiennes.

    Quelle qu’ait pu être la psychologie des premiers prosélytes du christianisme (et les Actes des apôtres relatent des cas de détournement de la propriété commune), en tout cas, lorsqu’il a commencé à se répandre, le christianisme n’a pas seulement échoué dans ses efforts pour régénérer les âmes de la population tout entière, mais a lui-même dégénéré, devenant matérialiste et bureaucratique ; la pratique de l’instruction fraternelle d’un chrétien par un autre chrétien a cédé la place au papisme, la mendicité errante au parasitisme monacal ; bref, la chrétienté, bien loin de se soumettre les conditions sociales du milieu dans lequel elle se développait, s’y est elle-même soumise. Ce ne fut pas là le fruit de la maladresse ou de l’avidité des Pères de l’Église, mais bien des lois inexorables qui font dépendre la psychologie humaine des conditions de la vie sociale et du travail social ; les Pères de l’Église n’ont fait que démontrer cette dépendance en leur personne.

    Si le socialisme voulait créer une nouvelle nature humaine dans les limites de l’ancienne société, il ne serait rien d’autre qu’une nouvelle édition des vieilles utopies moralisantes. Le socialisme n’a pas pour but de créer une psychologie socialiste comme prémisse du socialisme, mais de créer des conditions de vie socialiste comme prémisses d’une psychologie socialiste. »

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