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Les travailleurs et la patrie

mercredi 18 février 2015, par Robert Paris

Le passage dont il sera question ici est celui dans lequel les auteurs du Manifeste dépeignent le rapport du prolétariat à la patrie. Voici ce passage :

« En outre, on accuse les communistes de vouloir abolir la patrie, la nationalité. Les ouvriers n’ont pas de patrie. On ne peut leur ravir ce qu’ils n’ont pas. Comme le prolétariat de chaque pays doit, en premier lieu, conquérir le pouvoir politique, s’ériger en classe nationalement dirigeante, devenir lui-même la nation, il est encore par là national, quoique nullement au sens bourgeois du mot.

Déjà les démarcations nationales et les antagonismes entre les peuples disparaissent de plus en plus avec le développement de la bourgeoisie, la liberté du commerce, le marché mondial, l’uniformité de la production industrielle et les conditions d’existence qui y correspondent. Le prolétariat au pouvoir les fera disparaître plus encore. Son action commune, dans les pays civilisés tout au moins, est une des premières conditions de son émancipation. Abolissez l’exploitation de l’homme par l’homme, et vous abolirez l’exploitation d’une nation par une autre nation. En même temps que l’antagonisme des classes à l’inférieur de la nation, l’hostilité des nations entre elles disparaîtra. »

Et quelques pages plus haut, il est dit :

« La lutte du prolétariat contre la bourgeoisie, bien qu’elle ne soit pas, quant au fond, une lutte nationale, en revêt cependant tout d’abord la forme. Il va sans dire que le prolétariat de chaque pays doit en finir, avant tout, avec sa propre bourgeoisie. »

Les phrases ci-dessus ont été citées d’innombrables fois dans la littérature socialiste le plus souvent pour fonder sur elles l’attitude négative du mouvement ouvrier envers le patriotisme et le chauvinisme bourgeois. Mais on a aussi parfois cherché à affaiblir le langage vigoureux de ces phrases et de leur attribuer un sens nationaliste opposé.

Lire ici "Les travailleurs et la patrie"

Messages

  • Lénine en 1915 :

    « Le social-chauvinisme et l’opportunisme ont le même contenu politique : la collaboration des classes, la renonciation à la dictature du prolétariat, à l’action révolutionnaire, la servilité devant la légalité bourgeoise, le manque de confiance dans le prolétariat, la confiance dans la bourgeoisie. Les mêmes idées politiques. Le même contenu politique pour ce qui est de la tactique. »

    « L’arme la plus puissante du prolétariat dans sa lutte pour la révolution socialiste est son unité. De cette vérité incontestable il découle non moins incontestablement que, lorsque des éléments petits-bourgeois viennent en grand nombre au parti du prolétariat et peuvent gêner le combat pour la révolution socialiste, l’unité avec ces éléments devient préjudiciable et funeste à la cause du prolétariat. Les événements actuels ont précisément montré que, d’une part, les conditions objectives étaient mûres pour une guerre impérialiste (c’est-à-dire une guerre qui correspond au stade le plus élevé, au stade ultime du capitalisme), et que, d’autre part, les dizaines d’années de l’époque dite pacifique ont accumulé dans tous les pays d’Europe une masse de fumier petit-bourgeois opportuniste à l’intérieur des partis socialistes. Il y a déjà près de quinze ans, depuis l’époque de la fameuse “bernsteiniade” en Allemagne, et même plus tôt dans nombre d’autres pays, que la question de cet élément opportuniste, étranger, au sein des partis prolétariens, a été mise à l’ordre du jour : et il ne se trouverait sans doute pas un seul marxiste en vue qui n’ait reconnu maintes fois que les opportunistes sont un élément non prolétarien, hostile à la révolution socialiste. Nul doute que cet élément social ne se soit accru très rapidement au cours des dernières années : fonctionnaires des syndicats légaux, parlementaires et autres intellectuels, commodément installés dans le mouvement de masse légal, certaines couches d’ouvriers les mieux rétribués, petits employés, etc., etc. La guerre a clairement montré qu’au moment d’une crise (or, l’époque de l’impérialisme sera inévitablement une époque de crises de toutes sortes), la masse des opportunistes, soutenus et, pour une part, directement inspirés par la bourgeoisie (ce qui est particulièrement important !) passe aux côtés de cette dernière, trahit le socialisme, nuit à la cause ouvrière et la conduit à sa perte. Dans toute crise, la bourgeoisie viendra toujours en aide aux opportunistes et essaiera d’écraser la partie révolutionnaire du prolétariat, sans reculer devant rien, en recourant aux mesures militaires les plus arbitraires, les plus brutales. Les opportunistes sont des ennemis bourgeois de la révolution prolétarienne qui, en temps de paix, accomplissent à la dérobée leur besogne bourgeoise en s’incrustant dans les partis ouvriers, mais qui, dans les périodes de crise, se révèlent aussitôt les alliés déclarés de toute la bourgeoisie unie, des conservateurs aux bourgeois les plus radicaux et les plus démocrates, des libres penseurs aux éléments religieux et cléricaux. Quiconque n’a pas compris cette vérité après les événements dont nous sommes témoins, se leurre irrémédiablement soi-même et leurre les ouvriers. »

  • Trotsky en 1915 :

    " Examiner les perspectives de la révolution sociale dans le cadre national signifierait être victime de l’esprit borné qui constitue le fond du social-patriotisme. Jusqu’à la fin de ses jours, Vaillant considéra que la France était la terre promise de la révolution sociale ; et c’est précisément pour cette raison qu’il voulait la défendre jusqu’au bout. Lensch et compagnie (les uns hypocritement, les autres sincèrement) estimaient que la défaite de l’Allemagne signifierait, tout d’abord, la destruction du fondement de la révolution sociale... Dans l’ensemble, il ne faut pas oublier qu’à côté du réformisme le plus vulgaire, il y a aussi dans le social-patriotisme un messianisme révolutionnaire qui chante les exploits de son Etat national, parce qu’il considère que sa situation industrielle, sa forme " démocratique " ou ses conquêtes révolutionnaires l’appellent précisément à conduire l’humanité au socialisme ou à la " démocratie ". Si la victoire de la révolution pouvait effectivement se concevoir dans le cadre d’une nation mieux préparée, ce messianisme, lié au programme de la défense nationale, pourrait avoir une relative justification historique. Mais il n’en est rien. Lutter pour conserver la base nationale de la révolution par des méthodes qui minent les liaisons internationales du prolétariat, c’est en fait ruiner la révolution. La révolution ne peut commencer autrement que sur une base nationale, mais elle ne peut s’achever dans ce cadre, étant donné l’interdépendance économique, politique et militaire des Etats européens (interdépendance dont la force n’a jamais été aussi manifeste que durant la guerre actuelle). Cette interdépendance qui conditionnera directement et immédiatement la coordination des actes du prolétariat européen au cours de la révolution est précisément exprimée par le mot d’ordre des Etats-Unis d’Europe. "

  • « Où est la patrie de ceux qui n’ont aucune propriété, qui ne peuvent prétendre à aucun emploi, qui ne retirent aucun avantage du pacte social ? Partout condamnés à servir, s’ils ne sont pas sous le joug d’un maître, ils sont sous celui de leurs concitoyens (…) Que pourraient-ils devoir à l’Etat qui n’a rien fait que cimenter leur misère et river leurs fers ; ils ne lui doivent que la haine et les malédictions. Ah ! Sauvez-le l’Etat, vous à qui il assure un sort tranquille et heureux ; n’exigez rien de nous, c’est bien assez que le destin cruel nous ait réduit à la cruelle nécessité de vivre parmi vous. »

    Marat, novembre 1789

    « Un jeune garçon pâtissier se donnait un jour les airs d’aimer sa patrie.
    "Qu’entends-tu par ta patrie ?" lui dit un voisin : "Est-ce la rue où demeuraient ton père et ta mère, qui se sont ruinés, et qui t’ont réduit à enfourner des petits pâtés pour vivre ?" »

    Voltaire dans son Dictionnaire philosophique

    « Traîtres seraient les gouvernements qui, élevés sur les pavois prolétaires, ne feraient pas opérer à l’instant même :
    1° - Le désarmement des gardes bourgeoises.
    2° - L’armement et l’organisation en milice nationale de tous les ouvriers. »

    Auguste Blanqui – Le toast de Londres

  • « Tous ont le droit et le devoir de défendre leur patrie ; l’internationalisme véritable consiste à reconnaître ce droit aux socialistes de toutes les nations, y compris les nations en guerre contre la mienne. »

    (le social-patriote Karl Kautsky, Neue Zeit, 2 octobre 1914)

    « Quand la maison brûle, peu importe que j’habite une mansarde du dernier étage ; je dois, tout comme le locataire du premier étage, ne songer qu’à éteindre l’incendie. »

    (le social-patriote Jules Guesde)

    « Mais comme nous l’avons toujours indiqué, à l’agression contre la France républicaine et pacifique, menaçant la civilisation et l’humanité, nous répondrons de toutes nos forces et de toutes nos énergies… »

    (résolution du parti socialiste de France le 2 août 1914)

  • « L’époque de l’impérialisme capitaliste est celle où le capitalisme a atteint sa maturité, celle où il l’a dépassée, et se trouve à la veille de son écroulement ; il est mûr au point de devoir céder la place au socialisme. La période qui va de 1789 à 1871 a été l’époque du capitalisme progressif, où le renversement du féodalisme et de l’absolutisme, la libération du joug étranger figuraient à l’ordre du jour de l’histoire. C’est sur cette base, sur cette base seulement, que l’on pouvait admettre « la défense de la patrie », c’est à dire la lutte contre l’oppression. Aujourd’hui encore on pourrait appliquer cette idée à la guerre contre les grandes puissances impérialistes, mais il serait absurde de l’appliquer à une guerre entre grandes puissances impérialistes, dans laquelle il s’agit de savoir qui saura spolier davantage les pays balkaniques, l’Asie Mineure, etc. Aussi, rien d’étonnant que les « socialistes », qui admettent « la défense de la patrie » dans la présente guerre, éludent le manifeste de Bâle comme le voleur fuit le lieu où il a volé. C’est que le manifeste démontre qu’ils sont des social chauvins, c’est à dire des socialistes en paroles, des chauvins en fait, qui aident « leur » bourgeoisie à spolier les pays étrangers, à asservir d’autres nations. L’essentiel dans la notion de « chauvinisme » est justement de défendre « sa » patrie, même lorsque ses actes tendent à asservir les patries étrangères.

    Considérer qu’une guerre est une guerre de libération nationale, entraîne une tactique ; considérer qu’elle est impérialiste implique une autre. Le manifeste indique clairement cette autre tactique. La guerre « amènera une crise économique et politique », qu’il faudra « utiliser » : non pour atténuer la crise, non pour défendre la patrie, mais au contraire pour « secouer » les masses en vue de « hâter le renversement de la domination de la classe capitaliste ». On ne peut hâter ce pour quoi les conditions historiques ne sont pas encore mûres. Le manifeste a reconnu que la révolution sociale est possible, que les prémisses en sont mûres, qu ’elle viendra précisément avec la guerre : « les classes dominantes » redoutent « la révolution prolétarienne qui suivra la guerre mondiale », déclare le manifeste en invoquant l’exemple de la Commune de Paris et de la révolution de 1905 en Russie c’est à dire les exemples de grèves de masse et de guerre civile. C’est un mensonge que d’affirmer comme le fait Kautsky, que l’on n’a pas défini quelle devait être l’attitude du socialisme envers cette guerre. Cette question a été non seulement discutée mais tranchée à Bâle, où fut adoptée la tactique de la lutte de masse révolutionnaire et prolétarienne.

    Quelle hypocrisie révoltante que d’éluder le manifeste de Bâle en son entier ou dans ses parties les plus essentielles, pour citer les discours des chefs ou les résolutions de certains partis qui, premièrement, datent d’avant Bâle ; deuxièmement, n’étaient pas les décisions des partis du monde entier ; troisièmement, se rapportaient à différentes guerres possibles, mais nullement à la guerre actuelle. Le fond de la question, c’est que l’époque des guerres nationales entre les grandes puissances européennes a fait place à l’époque des guerres impérialistes entre ces puissances, et que le manifeste de Bâle devait, pour la première fois, reconnaître officiellement ce fait. »

    Lénine, L’opportunisme et la faillite de la II° Internationale, janvier 1916

  • « Si ce souci de l´intérêt national était sincère et honnête, alors, c´est ce que j´ai expliqué, les classes dominantes n´auraient qu´à mettre en pratique la revendication déjà ancienne du programme social-démocrate, c´est-à-dire le système de la milice ; car, disais-je, ce système est le seul moyen de garantir sûrement la défense de la patrie ; en effet, seul un peuple libre qui part en campagne contre l´ennemi par libre décision constitue un rempart suffisamment sûr pour la liberté et l´indépendance de son pays. C´est alors seulement que l´on pourrait chanter « Chère patrie, tu peux dormir tranquille » ! Et j´ai posé la question : pourquoi les défenseurs officiels de la patrie ne veulent-ils pas entendre parler de ce système de défense, le seul efficace ? Simplement parce que ce qui leur importe au premier chef, ce n´est pas la défense de la patrie, ce sont des guerres impérialistes, des guerres de conquête, pour lesquelles il est vrai la milice ne vaut rien. Et puis les classes dominantes craignent sans doute de mettre les armes dans les mains du peuple laborieux, parce que les exploiteurs ont mauvaise conscience et qu´ils ont peur que le coup de feu, un jour, ne parte dans une direction qui ne plairait pas aux maîtres en place. »

    Rosa Luxemburg, le 20 février 1914, lors de son procès

  • Les patriotes bourgeois réalisent des bénéfices avec les malheurs de la patrie.

    La guerre de 1870-71 qui a immolé des milliers de soldats, qui a dévasté un tiers de la France, qui lui a arraché deux provinces et qui lui a coûté une dizaine de milliards de dépenses et cinq milliards d’indemnité ne fit pas perdre un centime de leurs revenus aux rentiers de la Dette publique. Le gouvernement de la Trahison nationale paya régulièrement aux patriotes bourgeois les intérêts de la Dette publique, tandis qu’il ruinait les petites gens en suspendant la restitution des dépôts de la Caisse d’Epargne. Mais la guerre procura aux patriotes capitalistes de superbes occasions de s’enrichir.

    La cession de l’Alsace-Lorraine que, tremblants de joie, signèrent Thiers, le gros actionnaire des mines d’Anzin, et Pouyer-Quertier, le grand cotonnier de Rouen, débarrassa les compagnies minières d’Anzin et du Pas-de-Calais de la concurrence des mines du Haut-Rhin et les fabricants de cotonnades de la Seine-Inférieure et du Nord de la concurrence des filatures et des tissages de l’Alsace. Les énormes fortunes de ces régions industrielles, qui se chiffrent par dizaines de millions, datent de cette néfaste époque. Les patriotes de l’Alsace profitèrent de sa cession pour s’enrichir. Koechlin, Dolfus et les autres grands industriels, afin d’avoir deux marchés nationaux pour leurs produits, conservèrent leurs fabriques d’Alsace et allèrent en établir d’autres à Belfort, à Troyes, etc, et afin de se procurer des ouvriers, ils chauffèrent à blanc le patriotisme des travailleurs alsaciens et lorrains, et les excitèrent à émigrer en France, pour ne pas subir le joug prussien, auquel ils s’accommodaient joyeusement. Les pauvres dupes émigrèrent en masse ; ceux qui possédaient de petits lopins de terre les vendirent à vil prix ; Koechlin, Dolfus et autres grands patriotes les achetaient. Koechlin qui, pour enflammer le patriotisme des travailleurs, avait dit à Guillaume Ier, qu’il n’y avait pas place à sa boutonnière pour une décoration allemande, s’empressa d’accepter celle que lui offrit Guillaume II, dès que fut terminé l’accaparement des terres. On dit que le père du patriotard Barrès et que Déroulède profitèrent de l’occasion pour agrandir les biens territoriaux qu’ils possédaient en Alsace-Lorraine.

    La Banque de France réalisa d’énormes bénéfices : son dividende qui, en 1868, était de 90 francs par action, s’éleva à 270 francs en 1871, à 320 francs en 1872, et à 360 francs en 1873 : à aucune époque elle ne distribua de si considérables dividendes. C’étaient les transactions financières pour le paiement de l’indemnité de guerre de 5 milliards qui lui rapportaient ces bénéfices aussi inaccoutumés que réjouissants.

    Les patriotes bourgeois qui avaient des capitaux à placer, surent, eux aussi, extraire de l’or des infortunes de la patrie. L’emprunt des 5 milliards d’indemnité donna lieu aux plus fiévreuses et plus profitables spéculations de Bourse.

    Jamais il n’y eut emprunt plus scandaleux : Thiers fixa le prix de son émission au-dessous de celui que le plus juif des banquiers chrétiens fixe pour l’emprunt d’un Etat dont les finances et la situation économique seraient compromises. Il émit l’emprunt à 80 francs et à 5 pour cent, ce qui mettait le taux de l’intérêt à 6 pour cent. L’Etat recevait 80 francs et s’engageait à rendre 100 francs et à payer 5 francs d’intérêt par an : l’Etat perdait donc 20 francs par titre et 125 millions pour les cinq milliards.

    Tous les capitalistes, Thiers, Simon, Ferry et autres grands patriotes en tête, se ruèrent sur l’emprunt, qui fut couvert huit fois ; on demandait cinq milliards, on en offrit quarante, tellement l’opération était fructueuse. Les titres de l’emprunt firent prime le jour même de l’émission ; ils montèrent à la Bourse de 80 à 112 et 115 francs. De sorte que tout patriote qui avait souscrit 80 francs gagnait 32 et 35 francs. La masse des souscripteurs réalisa en quelques jours un bénéfice de 218 millions.

    Lafargue, Le patriotisme de la bourgeoisie

  • Léon Trotsky

    dans Manifeste d’alarme de la IV° Internationale, mai 1940

    « Le patriotisme officiel n’est qu’un masque des intérêts des exploiteurs. Les ouvriers conscients rejettent ce masque avec mépris. Ils ne défendent pas la patrie bourgeoise, mais les intérêts des travailleurs et des opprimés de leur propre pays et du monde entier. Les thèses de la IV° Internationale affirment :

    « Contre le mot d’ordre réactionnaire de la défense nationale, il faut lancer celui de la destruction révolutionnaire de l’Etat national. A la maison de fous de l’Europe capitaliste il faut opposer le programme des Etats‑Unis socialistes d’Europe comme étape sur la route vers les Etats-Unis socialistes du monde. »  »

  • Le Parti de Gauche a sa propre version des thèses de Marx, version qui, comme celle du stalinisme ou de la social-démocratie réformiste, permet le nationalisme et même l’encourage.

    Voici leurs écrits :

    Souvent est répétée à l’envie cette phrase du Manifeste : "Les prolétaires n’ont pas de patrie". De là les courtes vues ont pris des positions figées et fausses, d’un côté en imposant leur anarchisme ou leur internationalisme contre la nation, et de l’autre en dénonçant les marxistes comme des traîtres à la patrie. Le problème, c’est que cette phrase est instrumentalisée des deux côtés.

    Si on peut comprendre ce détournement malhonnête du côté des nationalistes et capitalistes patriotiques, on a du mal à l’admettre aujourd’hui chez celles et ceux qui se réclament de la lutte des classes et qui l’affaiblissent en ne luttant que contre eux-mêmes.

    Quand Marx et Engels écrivent cette phrase, ils veulent justement dénoncer la classe dominante qui ne permet pas à la classe ouvrière d’avoir une place dans la nation. En aucun cas ils nient l’idée de nation, et jamais ils ne disent que les prolétaires ne doivent pas avoir de patrie ! Au contraire, le prolétariat doit "conquérir la nationalité" et "conquérir la démocratie." La classe ouvrière doit se constituer en nation sans se laisser réduire au nationalisme bourgeois (ce que tente de faire une partie du NPA aujourd’hui), ni se laisser impressionner par l’idée patriotique du capitalisme assassin. Le prolétariat doit refonder la nationalité.

    Ce fragments : « les ouvriers n’ont pas de patrie », n’est pas une thèse défendue par Marx mais une dénonciation de la classe dominante qui prive la classe ouvrière de patrie pour la dominer encore. Celles et ceux qui s’en revendiquent vont donc contre Marx qui la condamne.

    La phrase exacte du Manifeste communiste est :
    "On a reproché encore aux communistes de vouloir abolir la patrie, la nationalité. Les ouvriers n’ont pas de patrie. On ne peut pas leur ôter ce qu’ils n’ont pas. Sans doute le prolétariat doit tout d’abord conquérir le pouvoir politique, s’ériger en classe nationale souveraine, et se constituer lui-même en nation ; et en ce sens il est encore attaché à une nationalité. Mais il ne l’est plus au sens de la bourgeoisie. »

    Dans le même Manifeste, Marx et Engels expliquent que les nations ainsi rendues aux peuples ne pourront que tomber d’accord pour s’entendre. C’est dans cette conscience de « classe nationale souveraine » que les individus se libéreront de l’exploitation :
    « Une action combinée, au moins des peuples les plus civilisés, est une des conditions de la libération. Dans la mesure où l’exploitation de l’individu par un autre individu sera abolie, l’exploitation d’une nation par une autre le sera également. Avec l’antagonisme des classes à l’intérieur de la nation, disparaîtra l’hostilité réciproque des nations... »

    Manque de chance pour le PG, les thèses de Marx ne vont pas dans le sens de leur interprétation mais dans celle selon laquelle le prolétariat est une classe internationale qui affaire à une bourgeoisie organisée politiquement en Etats à l’échelle nationale et doit mener des révolutions nationales visant à s’étendre à l’échelle internationale et pas une classe nationale visant seulement la fraternité entre nations !

  • Karl Marx définit les communistes dans Le Manifeste communiste (qui n’est pas le manifeste du parti communiste allemand ou anglais) :

    « Les communistes ne se distinguent des autres partis ouvriers de la manière suivante : dans les différentes luttes nationales des prolétaires, ils mettent en avant et font valoir les intérêts indépendants de la nationalité et communs à tout le prolétariat. »

    C’est extrêmement clair et cela ne laisse aucune place au nationalisme bourgeoise du PG ni au "produire français" du PCF !!

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