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La classe capitaliste, vue par…

lundi 14 septembre 2015, par Robert Paris

La classe capitaliste, vue par…

Par le portrait au travers des âges

Par citations

Adam Smith, 1776

« Dans la fabrique d’épingles (la sienne), chaque ouvrier faisant un dixième de ce produit fabrique l’équivalent de 1800 épingles dans la journée. S’ils avaient travaillé indépendamment (…) chacun d’eux assurément n’eût pas fait vingt épingles. »

Balzac, dans « Eugénie Grandet », 1833

« Les avares ne croient point à une vie à venir, le présent est tout pour eux. Cette réflexion jette une horrible clarté sur l’époque actuelle, où, plus qu’en aucun autre temps, l’argent domine les lois, la politique et les mœurs. Institutions, livres, hommes et doctrines, tout conspire à miner la croyance d’une vie future sur laquelle l’édifice social est appuyé depuis dix-huit cents ans. Maintenant le cercueil est une transition peu redoutée. L’avenir, qui nous attendait par delà le requiem, a été transposé dans le présent. Arriver per fas et nefas au paradis terrestre du luxe et des jouissances vaniteuses, pétrifier son cœur et se macérer le corps en vue de possessions passagères, comme on souffrait jadis le martyre de la vie en vue de biens éternels, est la pensée générale ! pensée d’ailleurs écrite partout, jusque dans les lois, qui demandent au législateur : Que payes-tu ? au lieu de lui dire : Que penses-tu ? Quand cette doctrine aura passé de la bourgeoisie au peuple, que deviendra le pays ? »

Balzac dans « Béatrix », 1839

« Quand l’avarice se propose un but, elle cesse d’être un vice, elle est un moyen d’une vertu, ses privations excessives deviennent de continuelles offrandes, elle a enfin la grandeur de l’intention cachée sous ses petitesses. »

Balzac, dans « Scènes de la vie parisienne », 1845

« L’usurier des pauvres, semblable aux égoutiers, trouvait enfin des diamants dans la fange où il barbottait depuis quatre ans en y épiant un de ces hasards qui, dit-on, se rencontrent au milieu de ces faubourgs d’où sortent quelques héritières en sabots. Tel était le secret de sa mansuétude avec l’homme de qui la ruine était jurée. On peut imaginer en quelle anxiété il fut en attendant le retour de la veuve Cardinal, à qui ce profond ourdisseur de trames ténébreuses avait donné les moyens de vérifier ses soupçons sur l’existence du trésor, et à qui sa dernière phrase avait promis tout, si elle voulait s’en remettre à lui du soin de recueillir cette moisson. Il n’était pas homme à reculer devant un crime, surtout quand il voyait chance à le faire commettre par autrui, tout en s’en appliquant les bénéfices. Et il achetait alors la maison de la rue Geoffroy-Marie et il se voyait enfin bourgeois de Paris, capitaliste en état d’entreprendre de belles affaires ! »

Friedrich Engels dans « La situation de la classe laborieuse en Angleterre », 1845

« Lorsque je parle ici de la bourgeoisie, j’y inclus en même temps ce qu’on appelle l’aristocratie, car elle n’est aristocratie, n’a de privilèges que par rapport à la bourgeoisie, mais non par rapport au prolétariat. Le prolétaire ne voit en ces deux catégories de personnes que le possédant, c’est-à-dire le bourgeois. Auprès du privilège de la propriété, tous les autres privilèges s’effacent. La seule différence, c’est que le bourgeois proprement dit s’oppose au prolétaire des usines et en partie à celui des mines, et, comme fermier, au journalier agricole également, tandis que celui qu’on nomme aristocrate n’a de contact qu’avec les prolétaires agricoles et avec une fraction seulement des prolétaires des mines. Je n’ai jamais vu une classe si profondément immorale, si incurablement pourrie et intérieurement rongée d’égoïsme, si incapable du moindre progrès que la bourgeoisie anglaise, et j’entends par là surtout la bourgeoisie proprement dite, singulièrement la bourgeoisie libérale, qui veut abroger les lois sur les grains. Pour elle il n’existe rien au monde qui ne soit là pour l’argent, sans l’excepter elle-même, car elle ne vit que pour gagner de l’argent et pour rien d’autre, elle ne connaît pas d’autre félicité que de faire une rapide fortune, pas d’autre souffrance que de perdre de l’argent. Avec une telle rapacité et une telle cupidité il est impossible qu’il existe un sentiment, une idée humaine qui ne soient souillés. Certes, ces bourgeois anglais sont de bons époux et de bons pères de famille, ils ont aussi toutes sortes de « vertus privées » comme on dit, et, dans les rapports de la vie courante, ils semblent tout aussi respectables et corrects que tous les autres bourgeois ; même dans les affaires, on peut mieux traiter avec eux qu’avec les Allemands ; ils ne marchandent et n’ergotent pas tant que nos épiciers, mais qu’importe tout cela ? En dernier ressort, le seul facteur décisif reste l’intérêt particulier et spécialement la volonté de gagner de l’argent. Un jour je pénétrai dans Manchester avec un de ces bourgeois et discutai avec lui de la construction déplorable, malsaine, de l’état épouvantable des quartiers ouvriers et déclarai n’avoir jamais vu une ville aussi mal bâtie. L’homme m’écouta calmement et au coin de la rue où il me quitta, il déclara : « And yet, there is a great deal of money made here. » (Et malgré tout, on gagne ici énormément d’argent.) « Au revoir, Monsieur ! » Le bourgeois se moque éperdument de savoir si ses ouvriers meurent de faim ou pas, pourvu que lui gagne de l’argent. Toutes les conditions de vie sont évaluées au critère du bénéfice, et tout ce qui ne procure pas d’argent est idiot, irréalisable, utopique. C’est pourquoi l’économie politique, science qui étudie les moyens de gagner de l’argent, est la science préférée de ces juifs usuriers. Ils sont tous économistes. Le rapport de l’industriel à l’ouvrier n’est pas un rapport humain, mais une relation purement économique. L’industriel est le « capital », l’ouvrier est le « travail ». Si l’ouvrier ne veut pas se laisser enfermer dans cette abstraction, s’il affirme qu’il n’est pas le « travail » mais un homme qui, il est vrai, possède entre autres la faculté de travailler, s’il s’avise de croire qu’il ne devrait pas se laisser vendre et acheter en tant que « travail », en tant que marchandise, sur le marché, l’entendement du bourgeois est alors comme frappé de stupeur. Il ne peut comprendre qu’il puisse avoir avec les ouvriers d’autres rapports que ceux de l’achat et de la vente, et il ne voit pas en eux des hommes mais des « mains » (hands), puisque c’est ce nom qu’il leur jette constamment à la face ; et, comme dit Carlyle, il ne reconnaît pas d’autre relation d’un homme à un autre homme, que celle du paiement comptant. Même les liens entre lui et sa femme ne sont - dans 99 % des cas - qu’un « paiement comptant ». L’esclavage misérable dans lequel l’argent tient le bourgeois marque même le langage, du fait de la domination de la bourgeoisie ; l’argent fait la valeur de l’homme ; cet homme vaut 10,000 livres (he is worth ten thousands pounds), c’est-à-dire il les a. Quiconque a de l’argent est « respectable », appartient à « la meilleure catégorie de gens » (the better sort of people), est « influent » (influential) et ce qu’il accomplit fait époque dans son milieu. Le sordide esprit mercantile imprègne la langue tout entière, tous les rapports humains sont traduits en formules commerciales expliquées sous forme de catégories économiques. Commande et fourniture, demande et offre, supply and demand, telles sont les formules à l’aide desquelles la logique de l’Anglais juge toute la vie humaine. Voilà qui explique la libre concurrence partout, voilà qui explique le régime du « laissez-faire » et du « laisser-aller » dans l’administration, dans la médecine, l’éducation et bientôt aussi dans la religion où la domination de l’Église d’État s’effondre de plus en plus. La libre concurrence ne veut pas de limites, pas de contrôle d’État ; tout l’État lui pèse, son vœu le plus cher serait d’être dans un régime tout à fait dépourvu d’État, où chacun pourrait exploiter son prochain à cœur joie comme dans la « société » de notre ami Stirner, par exemple. Mais comme la bourgeoisie ne peut se passer de l’État, ne serait-ce que pour tenir en respect le prolétariat qui lui est tout aussi nécessaire, elle utilise le premier contre le second et cherche à tenir l’État le plus possible à distance en ce qui la concerne. »

John Stuart Mill, 1848

« J’avoue que je ne suis pas enchanté de l’idéal que nous présentent ceux qui croient que l’état normal de l’homme est de lutter sans fin pour se tirer d’affaire, que cette mêlée où l’on se foule aux pieds, où l’on se coudoie, où l’on s’écrase, où l’on se marche sur les talons et qui est le type de la société actuelle, soit la destinée la plus désirable pour l’humanité au lieu d’être simplement une des phases désagréable du progrès industriel. »

Karl Marx, dans « Les luttes de classe en France », 1850

« Après la révolution de Juillet, lorsque le banquier libéral Laffitte conduisit en triomphe son compère le duc d’Orléans à l’Hôtel de ville, il laissa échapper ces mots : « Maintenant, le règne des banquiers va commencer. » Laffitte venait de trahir le secret de la révolution. Ce n’est pas la bourgeoisie française qui régnait sous Louis-Philippe, mais une fraction de celle-ci : banquiers, rois de la Bourse, rois des chemins de fer, propriétaires de mines de charbon et de fer, propriétaires de forêts et la partie de la propriété foncière ralliée à eux, ce que l’on appelle l’aristocratie financière. Installée sur le trône, elle dictait les lois aux Chambres, distribuait les charges publiques, depuis les ministères jusqu’aux bureaux de tabac. La bourgeoisie industrielle proprement dite formait une partie de l’opposition officielle, c’est-à-dire qu’elle n’était représentée que comme minorité dans les Chambres. Son opposition se fit de plus en plus résolue au fur et à mesure que le développement de l’hégémonie de l’aristocratie financière devenait plus net et qu’après les émeutes de 1832, 1834 et 1839 noyées dans le sang elle crut elle-même sa domination plus assurée sur la classe ouvrière. Grandin, fabricant de Rouen, l’organe le plus fanatique de la réaction bourgeoise, tant dans l’Assemblée nationale constituante que dans la Législative était, à la Chambre des députés, l’adversaire le plus violent de Guizot, Léon Faucher, connu plus tard pour ses vains efforts à se hausser au rôle de Guizot de la contre-révolution française, guerroya dans les derniers temps de Louis-Philippe à coups de plume en faveur de l’industrie contre la spéculation et son caudataire, le gouvernement. Bastiat, au nom de Bordeaux, et de toute la France vinicole, faisait de l’agitation contre le système régnant. La petite bourgeoisie dans toutes ses stratifications, ainsi que la classe paysanne étaient complètement exclues du pouvoir politique. Enfin, se trouvaient dans l’opposition officielle, ou complètement en dehors du pays légal les représentants idéologiques et les porte-parole des classes que nous venons de citer, leurs savants, leurs avocats, leurs médecins, etc., en un mot ce que l’on appelait les capacités. La pénurie financière mit, dès le début, la monarchie de Juillet sous la dépendance de la haute bourgeoisie et cette dépendance devint la source inépuisable d’une gêne financière croissante. Impossible de subordonner la gestion de l’État à l’intérêt de la production nationale sans établir l’équilibre du budget, c’est-à-dire l’équilibre entre les dépenses et les recettes de l’État. Et comment établir cet équilibre sans réduire le train de l’État, c’est-à-dire sans léser des intérêts qui étaient autant de soutiens du système dominant, et sans réorganiser l’assiette des impôts, c’est-à-dire sans rejeter une notable partie du fardeau fiscal sur les épaules de la grande bourgeoisie elle-même ? L’endettement de l’État était, bien au contraire, d’un intérêt direct pour la fraction de la bourgeoisie qui gouvernait et légiférait au moyen des Chambres. C’était précisément le déficit de l’État, qui était l’objet même de ses spéculations et le poste principal de son enrichissement. A la fin de chaque année, nouveau déficit. Au bout de quatre ou cinq ans, nouvel emprunt. Or, chaque nouvel emprunt fournissait à l’aristocratie une nouvelle occasion de rançonner l’État, qui, maintenu artificiellement au bord de la banqueroute, était obligé de traiter avec les banquiers dans les conditions les plus défavorables. Chaque nouvel emprunt était une nouvelle occasion, de dévaliser le public qui place ses capitaux en rentes sur l’État, au moyen d’opérations de Bourse, au secret desquelles gouvernement et majorité de la Chambre étaient initiés. En général, l’instabilité du crédit public et la connaissance des secrets d’État permettaient aux banquiers, ainsi qu’à leurs affiliés dans les Chambres et sur le trône, de provoquer dans le cours des valeurs publiques des fluctuations insolites et brusques dont le résultat constant ne pouvait être que la ruine d’une masse de petits capitalistes et l’enrichissement fabuleusement rapide des grands spéculateurs. Le déficit budgétaire étant l’intérêt direct de la fraction de la bourgeoisie au pouvoir, on s’explique le fait que le budget extraordinaire, dans les dernières années du gouvernement de Louis-Philippe, ait dépassé de beaucoup le double de son montant sous Napoléon, atteignant même près de 400 millions de francs par an, alors que la moyenne de l’exportation globale annuelle de la France s’est rarement élevée à 750 millions de francs. En outre, les sommes énormes passant ainsi entre les mains de l’État laissaient place à des contrats de livraison frauduleux, à des corruptions, à des malversations et à des escroqueries de toute espèce. Le pillage de l’État en grand, tel qu’il se pratiquait au moyen des emprunts, se renouvelait en détail dans les travaux publics. Les relations entre la Chambre et le gouvernement se trouvaient multipliées sous forme de relations entre les différentes administrations et les différents entrepreneurs. De même que les dépenses publiques en général et les emprunts publics, la classe dominante exploitait aussi les constructions de lignes de chemin de fer. Les Chambres en rejetaient sur l’État les principales charges et assuraient à l’aristocratie financière spéculatrice la manne dorée. On se souvient des scandales qui éclatèrent à la Chambre des députés lorsqu’on découvrit, par hasard, que tous les membres de la majorité, y compris une partie des ministres, étaient actionnaires des entreprises mêmes de voies ferrées, à qui ils confiaient ensuite, à titre de législateurs, l’exécution de lignes de chemins de fer pour le compte de l’État. Par contre, la moindre réforme financière échouait devant l’influence des banquiers, telle, par exemple, la réforme postale. Rothschild protesta, l’État avait-il le droit d’amoindrir des sources de revenu qui lui servaient à payer les intérêts de sa dette sans cesse croissante ? La monarchie de Juillet n’était qu’une société par actions fondée pour l’exploitation de la richesse nationale française dont les dividendes étaient partagés entre les ministres, les Chambres, 240 000 électeurs et leur séquelle. Louis-Philippe était le directeur de cette société : Robert Macaire sur le trône. Le commerce, l’industrie, l’agriculture, la navigation, les intérêts de la bourgeoisie industrielle ne pouvaient être que menacés et lésés sans cesse par ce système. Aussi, celle-ci avait-elle inscrit sur son drapeau, pendant les journées de Juillet : Gouvernement à bon marché. Pendant que l’aristocratie financière dictait les lois, dirigeait la gestion de l’État, disposait de tous les pouvoirs publics constitués, dominait l’opinion publique par la force des faits et par la presse, dans toutes les sphères, depuis la cour jusqu’au café borgne se reproduisait la même prostitution, la même tromperie éhontée, la même soif de s’enrichir, non point par la production, mais par l’escamotage de la richesse d’autrui déjà existante. C’est notamment aux sommets de la société bourgeoise que l’assouvissement des convoitises les plus malsaines et les plus déréglées se déchaînait, et entrait à chaque instant en conflit avec les lois bourgeoises elles-mêmes, car c’est là où la jouissance devient crapuleuse, là où l’or, la boue et le sang s’entremêlent que tout naturellement la richesse provenant du jeu cherche sa satisfaction. L’aristocratie financière, dans son mode de gain comme dans ses jouissances, n’est pas autre chose que la résurrection du lumpenprolétariat dans les sommets de la société bourgeoise. Quant aux fractions de la bourgeoisie française qui n’étaient pas au pouvoir, elles criaient « A la corruption ! », le peuple criait : « A bas les grands voleurs ! A bas les assassins ! » quand, en 1847, dans les théâtres les plus illustres de la société bourgeoise, on représentait publiquement les scènes mêmes qui conduisent, d’ordinaire, le lumpenprolétariat dans les bordels, dans les hospices et dans les maisons de fous, devant les juges, dans les bagnes et à l’échafaud. La bourgeoisie industrielle voyait ses intérêts menacés, la petite bourgeoisie était moralement indignée, l’imagination populaire s’insurgeait, Paris était inondé de pamphlets : « La dynastie Rothschild » « Les Juifs, rois de l’époque », etc., où l’on dénonçait, flétrissait avec plus ou moins d’esprit, la domination de l’aristocratie financière. Rien pour la gloire ! La gloire ne rapporte rien. La paix partout et toujours ! La guerre fait baisser le cours du 3 et du 4 %. Voilà ce qu’avait écrit sur son drapeau la France des Juifs de la Bourse. Aussi, sa politique étrangère sombra-t-elle dans une série d’humiliations du sentiment national français, qui réagissait avec d’autant plus de vivacité que l’annexion de Cracovie par l’Autriche avait consommé le pillage de la Pologne et que Guizot, dans la guerre du Sonderbund, s’était mis activement du côté de la Sainte-Alliance. La victoire des libéraux suisses dans ce semblant de guerre redonna de la confiance à l’opposition bourgeoise en France et le soulèvement sanglant du peuple à Palerme agit comme une décharge électrique sur la masse populaire paralysée et réveilla ses grands souvenirs et ses passions révolutionnaires. Enfin, deux événements économiques mondiaux précipitèrent l’explosion du malaise général et mûrirent le mécontentement jusqu’à la révolte. La maladie de la pomme de terre et les mauvaises récoltes de 1845 et de 1846 accentuèrent l’effervescence générale dans le peuple. Le renchérissement de la vie en 1847 provoqua en France comme sur tout le reste du continent des conflits sanglants. Face aux orgies scandaleuses de l’aristocratie financière, c’était la lutte du peuple pour les moyens d’existence les plus élémentaires ! A Buzançais, on exécuta les émeutiers de la faim, à Paris des escrocs repus étaient soustraits aux tribunaux par la famille royale ! Le second grand événement économique qui hâta l’explosion de la révolution fut une crise générale du commerce et de l’industrie en Angleterre. Déjà annoncée au cours de l’automne 1845 par la défaite massive des spéculateurs en actions de chemin de fer, enrayée pendant l’année 1846 par une suite de mesures discutables, telles que la suppression imminente des droits de douane sur les blés, elle fut finalement déclenchée dans l’automne de 1847 par les banqueroutes des grands commissaires coloniaux de Londres, qui furent suivies de près par les faillites des banques provinciales et la fermeture des fabriques dans les districts industriels anglais. Les répercussions de la crise n’avaient pas encore cessé sur le continent qu’éclatait la révolution de Février. »

Charles Dickens dans « Hard Times », 1854

« Assurément il n’y eut jamais porcelaine aussi fragile que celle dont étaient faits les manufacturiers de Coketown… Ils étaient ruinés lorsqu’on leur demandait d’envoyer les petits manœuvres à l’école, ils étaient ruinés quand on désignait des inspecteurs pour venir visiter leurs fabriques, ils étaient ruinés quand ces mêmes inspecteurs considéraient comme douteux qu’ils eussent tout à fait le droit de couper les gens en morceaux avec leurs machines, ils étaient complètement ruinés quand on insinuait qu’ils n’avaient peut-être pas toujours besoin de faire tant de fumée… »

Victor Hugo dans « Les Misérables », 1862

« Du reste, insurrection, émeute, en quoi la première diffère de la seconde, le bourgeois, proprement dit, connaît peu ces nuances. Pour lui, tout est sédition, rébellion pure et simple, révolte du dogue contre le maître, essai de morsure qu’il faut punir de la chaîne et de la niche, aboiement jappement ; jusqu’au jour où la tête du chien, grossie tout à coup, s’ébauche vaguement dans l’ombre en face de lion. (…) Est-ce une émeute ? Est-ce une insurrection. C’est une insurrection ? »

Karl Marx, dans « Le Capital » (chapitre L’accumulation primitive), 1867

« La dette publique opère comme un des agents les plus énergiques de l’accumulation primitive. Par un coup de baguette, elle doue l’argent improductif de la vertu reproductive et le convertit ainsi en capital, sans qu’il ait pour cela à subir les risques, les troubles inséparables de son emploi industriel et même de l’usure privée. Les créditeurs publics, à vrai dire, ne donnent rien, car leur principal, métamorphosé en effets publics d’un transfert facile, continue à fonctionner entre leurs mains comme autant de numéraire. Mais, à part la classe de rentiers oisifs ainsi créée, à part la fortune improvisée des financiers intermédiaires entre le gouvernement et la nation - de même que celle des traitants, marchands, manufacturiers particuliers, auxquels une bonne partie de tout emprunt rend le service d’un capital tombé du ciel - la dette publique a donné le branle aux sociétés par actions, au commerce de toute sorte de papiers négociables, aux opérations aléatoires, à l’agiotage, en somme, aux jeux de bourse et à la bancocratie moderne. Dès leur naissance les grandes banques, affublées de titres nationaux, n’étaient que des associations de spéculateurs privés s’établissant à côté des gouvernements et, grâce aux privilèges qu’ils en obtenaient, à même de leur prêter l’argent du public. Aussi l’accumulation de la dette publique n’a-t-elle pas de gradimètre plus infaillible que la hausse successive des actions de ces banques, dont le développement intégral date de la fondation de la Banque d’Angleterre, en 1694. Celle-ci commença par prêter tout son capital argent au gouvernement à un intérêt de 8 %%, en même temps elle était autorisée par le Parlement à battre monnaie du même capital en le prêtant de nouveau au public sous forme de billets qu’on lui permit de jeter en circulation, en escomptant avec eux des billets d’échange, en les avançant sur des marchandises et en les employant à l’achat de métaux précieux. Bientôt après, cette monnaie de crédit de sa propre fabrique devint l’argent avec lequel la Banque d’Angleterre effectua ses prêts à l’État et paya pour lui les intérêts de la dette publique. Elle donnait d’une main, non seulement pour recevoir davantage, mais, tout en recevant, elle restait créancière de la nation à perpétuité, jusqu’à concurrence du dernier liard donné. Peu à peu elle devint nécessairement le réceptacle des trésors métalliques du pays et le grand centre autour duquel gravita dès lors le crédit commercial. Dans le même temps qu’on cessait en Angleterre de brûler les sorcières, on commença à y pendre les falsificateurs de billets de banque. »

Karl Marx dans Le Capital, tome I, 1867

« Le capitaliste n’a aucune valeur historique, aucun droit historique à la vie, aucune raison d’être sociale, qu’autant qu’il fonctionne comme capital personnifié. Ce n’est qu’à ce titre que la nécessité transitoire de sa propre existence est impliquée dans la nécessité transitoire du mode de production capitaliste. Le but déterminé de son activité n’est donc ni la valeur d’usage, ni la jouissance, mais bien la valeur d’échange et son accroissement continu. Agent fanatique de l’accumulation, il force les hommes, sans merci ni trêve, à produire pour produire, et les pousse ainsi instinctivement à développer les puissances productrices et les conditions matérielles qui seules peuvent former la base d’une société nouvelle et supérieure. Le capitaliste n’est respectable qu’autant qu’il est le capital fait homme. Dans ce rôle, il est, lui aussi, comme le thésauriseur, dominé par sa passion aveugle pour la richesse abstraite, la valeur. Mais ce qui chez l’un paraît être une manie individuelle est chez l’autre l’effet du mécanisme social dont il n’est qu’un rouage. Le développement de la production capitaliste nécessite un agrandissement continu du capital placé dans une entreprise, et la concurrence impose les lois immanentes de la production capitaliste comme lois coercitives externes à chaque capitaliste individuel. Elle ne lui permet pas de conserver son capital sans l’accroître, et il ne peut continuer de l’accroître à moins d’une accumulation progressive… Enfin accumuler, c’est conquérir le monde de la richesse sociale, étendre sa domination personnelle, augmenter le nombre de ses sujets, c’est sacrifier à une ambition insatiable. Mais le péché originel opère partout et gâte tout. A mesure que se développe le mode de production capitaliste, et avec lui l’accumulation et la richesse, le capitalisme cesse d’être simple incarnation du capital. Il ressent une « émotion humaine » pour son propre Adam, sa chair, et devient si civilisé, si sceptique qu’il ose railler l’austérité ascétique comme un préjugé thésaurisateur passé de mode. Tandis que le capitaliste de vieille roche flétrit toute dépense individuelle qui n’est pas de rigueur, n’y voyant qu’un empiètement sur l’accumulation, le capitaliste modernisé est capable de voir dans la capitalisation de la plus-value un obstacle à ses convoitises. Consommer, dit le premier, c’est « s’abstenir » d’accumuler ; accumuler, dit le second, c’est « renoncer » à la jouissance. « Deux âmes, hélas ! habitent mon cœur, et l’une veut faire divorce d’avec l’autre. » … Toutefois il s’élève dès lors en lui un conflit à la Faust entre le penchant à l’accumulation, et le penchant à la jouissance. … Accumuler pour accumuler, produire pour produire, tel est le mot d’ordre de l’économie politique proclamant la mission historique de la période bourgeoise. Et elle ne s’est pas fait un instant illusion sur les douleurs d’enfantement de la richesse : mais à quoi bon les jérémiades qui ne changent rien aux fatalités historiques ? A ce point de vue, si le prolétaire n’est qu’une machine à produire de la plus-value, le capitaliste n’est qu’une machine à capitaliser cette plus-value… Dans le progrès de l’accumulation, il n’y a donc pas seulement accroissement quantitatif et simultané des divers éléments réels du capital : le développement des puissances productives du travail social, que ce progrès amène, se manifeste encore par des changements qualitatifs, par des changements graduels dans la composition technique du capital, dont le facteur objectif gagne progressivement en grandeur, proportionnelle par rapport au facteur subjectif. C’est-à-dire que la masse de l’outillage et des matériaux augmente de plus en plus en comparaison de la somme de force de travail nécessaire pour les mettre en œuvre. A mesure donc que l’accroissement du capital rend le travail plus productif, il en diminue la demande proportionnellement à sa propre grandeur. (…) D’une part donc, le capital additionnel qui se forme dans le cours de l’accumulation renforcée par la centralisation attire, proportionnellement à sa grandeur, un nombre de travailleurs toujours décroissant. D’autre part, les métamorphoses techniques et les changements correspondants dans la composition-valeur que l’ancien capital subit périodiquement font qu’il repousse un nombre de plus en plus grand de travailleurs jadis attirés par lui. La demande de travail absolue qu’occasionne un capital est en raison non de sa grandeur absolue, mais de celle de sa partie variable, qui seule s’échange contre la force de travail. La demande de travail qu’occasionne un capital, c’est-à-dire la proportion entre sa propre grandeur et la quantité de travail qu’il absorbe, est déterminée par la grandeur proportionnelle de sa fraction variable. Nous venons de démontrer que l’accumulation qui fait grossir le capital social réduit simultanément la grandeur proportionnelle de sa partie variable, et diminue ainsi la demande de travail relative. Maintenant, quel est l’effet de ce mouvement sur le sort de la classe salariée ?... »

Victor Hugo dans « Choses vues », 1887

« Qui arrête la révolution à mi-côte ? La bourgeoisie. Pourquoi ? Parce que la bourgeoisie est l’intérêt arrivé à satisfaction. (...) Il y en a qui disent qu’il faut me tirer un coup de fusil comme un chien. Pauvre bourgeoisie. Uniquement parce qu’elle a peur pour sa pièce de cent sous. (...) Ouvriers de Paris, vous faites votre devoir et c’est bien. Vous donnez là un bel exemple. La civilisation vous remercie. »
« Bourgeois parvenus qui tirent l’échelle après eux et ne veulent pas laisser monter le peuple. »

Paul Mantoue, dans « La Révolution industrielle », 1905

« Placé si fort au-dessus de ses ouvriers, le manufacturier se trouve de plain-pied avec les autres capitalistes, le financier et le marchand. Il a d’ailleurs besoin d’eux, du crédit que lui fournit l’un, de la clientèle que lui assure l’autre… Mais il ne se confond pas avec aucun des deux : il a sa fonction propre qui est d’organiser la production industrielle, ses intérêts propres au service desquels il saura mettre bientôt la puissance politique. Les créateurs du système de fabrique ont créé en même temps une classe, une espèce sociale nouvelle. »

Lénine, dans « L’impérialisme, stade suprême du capitalisme », 1916

« Les groupements de monopoles capitalistes - cartels, syndicats, trusts - se partagent tout d’abord le marché intérieur en s’assurant la possession, plus ou moins absolue, de toute la production de leur pays. Mais, en régime capitaliste, le marché intérieur est nécessairement lié au marché extérieur. Il y a longtemps que le capitalisme a créé le marché mondial. Et, au fur et à mesure que croissait l’exportation des capitaux et que s’étendaient, sous toutes les formes, les relations avec l’étranger et les colonies, ainsi que les "zones d’influence" des plus grands groupements monopolistes, les choses allaient "naturellement" vers une entente universelle de ces derniers, vers la formation de cartels internationaux. Ce nouveau degré de concentration du capital et de la production à l’échelle du monde entier est infiniment plus élevé que les précédents. Voyons comment se forme ce supermonopole. »

Léon Trotski dans « Leur morale et la nôtre », 1938

« La bourgeoisie, dont la conscience de classe est très supérieure, par sa plénitude et son intransigeance, à celle du prolétariat, a un intérêt vital à imposer "sa" morale aux classes exploitées. »

« La dernière ressource de la bourgeoisie est le fascisme, qui remplace les critères historiques et sociaux par des normes biologiques et zoologiques de façon à se libérer de toute restriction dans la lutte pour la propriété capitaliste. »

Léon Trotsky dans « Le marxisme et notre époque », 1939

« Il est absolument impossible de chercher les causes des phénomènes de la société capitaliste dans la conscience subjective, dans les intentions ou les plans de ses membres. Les phénomènes objectifs du capitalisme ont été constatés avant que la science ne se soit appliquée à les étudier sérieusement. Jusqu’à ce jour, la grande majorité des hommes ne connaissent rien des lois qui régissent la société capitaliste. La grande force de la méthode de Marx fut d’aborder les phénomènes économiques, non du point de vue subjectif de certaines personnes, mais du point de vue objectif du développement de la société prise en bloc, exactement comme un naturaliste aborde une ruche ou une fourmilière. (…)La lutte des ouvriers contre la bourgeoisie oblige les théoriciens bourgeois à tourner le dos à l’analyse scientifique du système d’exploitation, et à se borner à la simple description des faits économiques, à l’étude du passé économique et, ce qui est infiniment pire, à une véritable falsification de la réalité à seule fin de justifier le régime capitaliste. La doctrine économique qui est enseignée aujourd’hui dans les institutions officielles et prêchée dans la presse bourgeoise nous offre une importante documentation sur le travail, mais elle est complètement incapable de saisir le processus économique dans son ensemble et de découvrir ses lois et ses perspectives, et n’a d’ailleurs pas envie de le faire. L’économie politique officielle est morte. (…) La théorie de la catastrophe- L’esprit et le cœur des intellectuels de la classe moyenne et des bureaucrates syndicaux furent presque complètement hypnotisés par les réalisations du capitalisme entre l’époque de la mort de Marx et l’explosion de la guerre mondiale. L’idée d’un progrès graduel continu semblait établie pour toujours, cependant que l’idée de révolution était considérée comme un pur vestige de la barbarie. Aux pronostics de Marx, on opposait les pronostics contraires d’une distribution mieux équilibrée du revenu national, de l’atténuation des contradictions de classes et d’une réforme graduelle de la société capitaliste. Jean Jaurès, le plus doué des sociaux-démocrates de l’époque classique, espérait remplir graduellement la démocratie politique d’un contenu social. C’est en cela que consiste l’essence du réformisme. Tels étaient les pronostics opposés à ceux de Marx. Qu’en reste-t-il ? La vie du capitalisme de monopole de notre époque n’est qu’une succession de crises. Chaque crise est une catastrophe. La nécessité d’échapper à ces catastrophes partielles au moyen de barrières douanières, de l’inflation, de l’accroissement des dépenses gouvernementales et des dettes, etc..., prépare le terrain pour de nouvelles crises, plus profondes et plus étendues. La lutte pour les marchés, pour les matières premières, pour les colonies, rend les catastrophes militaires inévitables. Celles-ci préparent inéluctablement des catastrophes révolutionnaires. Vraiment, il n’est pas facile d’admettre avec Sombart que le capitalisme devient, avec le temps, de plus en plus « calme, posé, raisonnable » ! Il serait plus juste de dire qu’il est en train de perdre ses derniers vestiges de raison. En tout cas, il n’y a pas de doute que la "théorie de l’effondrement" a triomphé de la théorie du développement pacifique. »

Joseph Schumpeter dans « Capitalisme, Socialisme et Démocratie », 1942

« Le rôle des entrepreneurs consiste à réformer ou à révolutionner la routine de production en exploitant une invention ou, plus généralement, une possibilité technique inédite… Ils s’évertuent au maximum parce qu’ils ont les yeux constamment fixés sur les gros lots et surestiment leurs chances de réussir aussi bien que les gros gagnants. »

John Kenneth Galbraith et Nicole Salinger dans « Tout savoir ou presque sur l’économie », janvier 1981

« Dans les pays développés, les chefs d’entreprise proclament très haut le caractère sacré des prérogatives de la propriété privée tout en la dépouillant des attributs de son pouvoir. La vie économique a elle aussi sa liturgie. Les congrès d’hommes d’affaires ne se terminent jamais sans que soit entonné l’hymne rituel à la gloire de l’esprit d’entreprise, de l’individualisme et de l’économie libérale, bien leur flambeau soit tombé entre les mains bien sages et conformistes des hommes de l’organisation. »

Robert Boyer dans « Les dix paradoxes du capitalisme contemporain », 1998

« Le patronat est remarquable à cet égard : les temps pairs, il n’a pas besoin de l’Etat et prône la déréglementation, et les temps impairs, il plaide ardemment en faveur d’interventions publiques destinées à corriger l’impact de cette déréglementation. »

Immanuel Wallerstein dans « Un système s’écroule aujourd’hui sous nos yeux », 1998

« Le capitalisme est un système-monde qui existe depuis cinq cent ans et qui est axé sur la primauté de l’accumulation incessante du capital. Ce système est né, pour des raisons particulières, en Europe occidentale et s’est étendu à la planète entière à travers les siècles… On observe des périodes d’expansion qui finissent par atteindre des limites, puis des phases de stagnation qui permettent au système de reprendre haleine… Nous sommes aujourd’hui parvenus à un moment de bifurcation du système. Plusieurs phénomènes rendent extrêmement difficile la poursuite de l’accumulation du capital sans laquelle le capitalisme n’a pas de raison d’être…. Un système s’écroule aujourd’hui sous nos yeux. Les privilégiés du système ne vont pas regarder cet écroulement s’opérer passivement. Ils vont tenter de faire queque chose, et ce quelque chose sera de changer le système. Mais ils ne sont pas les seuls à décider de l’avenir du monde. Les autres gens peuvent également jouer un rôle dans ce que sera notre avenir. L’avenir n’est écrit nulle part… Nous sommes entrés dans un moment de lutte politique, mais aussi de création, d’imagination sur ce que peut être une autre société, une bonne société. »

Jean-Marie Chevalier dans « La concentration économique et ses limites », conférence de l’université de tous les savoirs, 25 mai 2000

« Dans la seconde partie du XIXème siècle, un capitalisme de pionniers se développe sur les nouvelles frontières américaines marquées par la propriété privée et l’esprit d’entreprise. Ce capitalisme souvent qualifié de « sauvage » laisse une place importante à des entrepreneurs dépourvus de scrupules, « les barons voleurs », qui construisent de vastes empires, sous forme de trusts, c’est-à-dire des entités financières qui contrôlent une multitude d’entreprises du même secteur : le pétrole, le tabac, l’acier, la photographie, le sucre. L’un des exemples les plus caricaturaux est celui du trust du pétrole, construit entre 1864 et 1880 par John Davidson Rockfeller. (…) En 1880, l’empire de la Standard contrôle environ 80% du raffinage et de la distribution. »

Viviane Forrester dans « Une étrange dictature », février 2000

« Loués soient-ils, chevaliers de la compétitivité, champions de l’autorégulation, de la dérégulation, dont nous pouvons chaque jour bénir la compétence ! A ses « forces vives », la nation reconnaissante… Profit ? Vous avez dit profit ? Ainsi la clandestinité du profit, son autorité, son bien-fondé n’ont plus à être établis : ils sont d’avance convenus, agencés, et d’avance tus. Le profit, partout sous-jacent, est cependant partout inexprimé, partout ignoré, mais partout inflitré, opérationnel au cœur de toutes choses – et consenti sans qu’aucun acquiescement conscient n’ait été formulé ni même requis. Il domine, tel un principe sacré, et règne, jamais évoqué, mais raison d’être de l’idéologie qui sous-tend le régime et ses obsessions. »

Jean-Hervé Lorenzi dans « La crise à deux visages », septembre 2009

« En décembre dernier, à l’aube, le FBI frappe à la porte d’un immense appartement du Lower East Side, à New york. Au concierge, les gendarmes ont demandé Bernard Madoff. C’est une légende de Wall Street, en chausson et en peignoir, qui ouvre la porte. Quelques jours plus tôt, le financier a réuni ses enfants et ses proches. Il leur avoue avoir détourné 50 milliards de dollars. (…) Il fut l’un des créateurs du Nasdaq avant de prendre la présidence de son conseil d’administration. (…) Bernard Madoff poursuit une terrible fuite en avant. Il utilise les économies que lui confient ses nouveaux clients pour payer les intérêts des plus anciens. C’est un classique schéma de Ponzi. Cinquante milliards de dollars plus loin, il n’est toujours pas démasqué mais ruiné, obligé de vendre la mèche. (…) Des professionnels se sont fait avoir, se sont laissés berner, bercer d’illusions. »

Laurence Parisot, interviewée par « La Tribune » du 5 février 2009

La Tribune :

« Barack Obama a décidé de fixer à 500.000 dollars la rémunération annuelle maximale des dirigeants bénéficiant d’aides publiques. Est-ce une bonne chose ? »

Laurence Parisot :

« C’est un grand risque. C’est le risque que partent des hommes ou des femmes qui sont peut-être pour partie responsables du drame économique actuel. Mais qui sont aussi les plus compétents pour mettre en place des solutions. »

Paul Jorion dans « Le capitalisme à l’agonie », mai 2011

« Jamais l’humanité ne s’est trouvée à un tel tournant. Ou faudrait-il dire : « Jamais l’humanité ne s’est trouvée devant une telle impasse » ? (…) Notre modèle de société s’effondre. Notre système économique ne survit que par des artifices. (…) Capitalisme, économie de marché, libéralisme ont épuisé ou outrepassé leur dynamique. »

Matière et Révolution, février 2015

« D’après le rapport de Forbes 400 publié en septembre, les 400 individus les plus riches aux États-Unis ont augmenté leur fortune de 17 pour cent en 2013, leur richesse collective passant de 1,7 billions de dollars à plus de 2 billions de dollars. La richesse de ces 400 individus représente plus de deux fois la somme nécessaire pour rembourser le déficit du budget fédéral, qui est utilisé comme justification pour sabrer l’aide alimentaire, l’éducation, le logement et les programmes de services de santé. Une statistique en particulier illustre l’incroyable augmentation de l’inégalité sociale aux États-Unis. La part des revenus des 1 pour cent les plus riches de la société a presque doublé entre 1979 et 2013, passant de 10 pour cent à 19.8 pour cent. Le fossé grandissant qui sépare les riches et super-riches du reste de la population est lié au dépérissement de l’infrastructure productive du capitalisme américain et au rôle grandissant de la spéculation financière. Une étude récente publiée dans l’American Economic Review a trouvé qu’entre 1982 et 2011, la portion des Forbes 400 qui doivent leur fortune à la finance a augmenté de façon importante : de 4.4 pour cent à 20 pour cent. On a appris dans le même temps que, plus les milieux populaires plongent dans la misère, plus les grandes fortunes prospèrent. L’organisme international de bienfaisance Oxfam a publié un nouveau rapport sur les inégalités sociales qui montre que le gouffre qui sépare les super riches de la majorité de la population non seulement ne se referme pas mais s’élargit à un rythme accéléré. Selon des chiffres actualisés, les 92 multimilliardaires les plus riches détenaient en 2013 autant de richesse que les 50 pour cent les plus pauvres de l’humanité. En 2014, ce chiffre était descendu à 80 milliardaires. L’inégalité est en train de croître à une telle vitesse que l’année prochaine, le un pour cent le plus riche possédera plus de richesse que les 99 pour cent restants. En fait, il est fort possible qu’au niveau mondial la société n’ait jamais été, dans les milliers d’années d’histoire de l’humanité, aussi inégale qu’elle ne l’est aujourd’hui. On pourrait regrouper les possesseurs de richesses équivalentes au total de celles des populations des USA, de l’Union Européenne, de l’Inde et de la Chine dans un seul bus à deux étages : ces 92 multimilliardaires possèdent en effet plus de richesses que 3,5 milliards de gens ! Et savez-vous ce qui paraît le plus cocasse dans cette situation : tous les gouvernants n’ont plus qu’un mot à la bouche, l’union sacrée derrière les gouvernants et les classes dirigeantes du fait des « risques sécuritaires ». Au moment même où ces classes dirigeantes mettent en cause la sécurité des emplois, des logements, de la santé, de l’éducation, pour mieux remplir le tonneau sans fond des profits capitalistes et financiers, ils se prétendent les meilleurs défenseurs de notre sécurité. Est-ce un hasard ? Est-ce un complot ? Non, c’est une politique ! C’est la politique par laquelle les capitalistes mènent la lutte des classes, la lutte du Capital contre le Travail ! »

D’autres lectures

Messages

  • 400 riches américains possèdent 2340 milliards de dollars…

    Plus riches que jamais mais plus incertains que jamais pour savoir comment investir cet argent et incapables de trouver des investissements à la fois rentables et sûrs…

  • En France, 1% des entreprises concentraient en 2013 97% de l’exportation et 65% de la valeur ajoutée selon une étude de l’Insee.

  • C’est fait : les 1% les plus riches au monde possèdent désormais plus que les 99% autres, selon l’étude annuelle de l’ONG Oxfam...

    Il n’y a plus qu’à inverser...

  • Warren Buffet (qui pèse 58 milliards de dollars) ne plaisantait pas. Il nous avait prévenu dès 2006 - avant la crise - que les riches étaient en train de gagner. Dans une interview accordée à l’époque au New York Times, il avait reconnu qu’une "lutte des classes" faisait rage, tout en précisant : "c’est ma classe, les riches, qui a déclaré cette guerre et c’est elle qui est en train de la remporter" ! … avant de confirmer en 2011 que cette guerre avait bel et bien été gagnée : "they won" - ils ont gagné. Du reste, les faits lui donnent raison car, s’il fut approprié un temps d’évoquer les fameux "1%" les plus privilégiés, certaines fortunes ont pu croître de manière exponentielle à la faveur même de la crise. C’est ainsi que l’O.N.G. Oxfam a tout récemment démontré comment 85 individus (oui 85 !) se trouvent être aussi riches que la moitié de la population mondiale ! On comprend mieux, dès lors, l’arrogance des plus dignes représentants de ces hyper-privilégiés, à l’instar du grand patron américain d’une marque d’habits de luxe, Bud Konheim, qui s’est exclamé que les pauvres devraient "arrêter de se plaindre" de leur condition. Ou la suffisance du milliardaire Kevin O’Leary quand il déclare que les inégalités sont une "nouvelle fantastique", car elles motivent "le pauvre à regarder en haut vers les 1% et à se dire : je veux faire partie de ces gens" … Et pourquoi ne pas évoquer Tom Perkins, magnat des fusions-acquisitions, qui revendique pour les riches un droit de vote plus important que pour le reste de la population ?! Et qui prône le retour au suffrage censitaire, aboli en France en 1848.

  • « Les riches vont faire quelque chose pour les pauvres : descendre de leur dos… »

    Karl Marx

  • Que dites-vous ! Les capitalistes sont généreux ! Cette compagnie aérienne offre trois mois de congé à partir de septembre ! Singapore Airlines, l’une des plus prestigieuses compagnies aériennes au monde, a adressé jeudi cette proposition par courrier électronique à ses 8200 hôtesses et stewards. Malheureusement, l’offre de la direction porte sur trois mois de congés… sans solde. Il paraît qu’il y aurait un « surplus temporaire de personnel de cabine ». Le programme baptisé VPNL, Voluntary No-pay Leave, vise à « combiner une gestion efficace des ressources de personnel de cabine avec des exigences opérationnelles », précise la compagnie.

    Voyez la générosité : proposer des vacances sans paiement de congés !

  • Warren Buffet (qui pèse 58 milliards de dollars) ne plaisantait pas. Il nous avait prévenu dès 2006 - avant la crise - que les riches étaient en train de gagner. Dans une interview accordée à l’époque au New York Times, il avait reconnu qu’une "lutte des classes" faisait rage, tout en précisant : "c’est ma classe, les riches, qui a déclaré cette guerre et c’est elle qui est en train de la remporter" ! … avant de confirmer en 2011 que cette guerre avait bel et bien été gagnée : "they won" - ils ont gagné. Du reste, les faits lui donnent raison car, s’il fut approprié un temps d’évoquer les fameux "1%" les plus privilégiés, certaines fortunes ont pu croître de manière exponentielle à la faveur même de la crise.

    C’est ainsi que l’O.N.G. Oxfam a tout récemment démontré comment 85 individus (oui 85 !) se trouvent être aussi riches que la moitié de la population mondiale ! En somme, il y a les "riches" mais il y a également les "méga riches" : c’est-à-dire les 0.01% qui, à eux seuls, sont encore plus riches que les 1%, tout en payant moins d’impôts que les 1% ! C’est un peu comme si ces fortunes généraient à leur tour davantage de fortune et, ce, de manière quasi mécanique. Du reste, les 6’000 milliards de dollars gagnés par les envolées boursières de 2013 n’ont évidemment profité qu’à cette infime minorité.

    On comprend mieux, dès lors, l’arrogance des plus dignes représentants de ces hyper-privilégiés, à l’instar du grand patron américain d’une marque d’habits de luxe, Bud Konheim, qui s’est exclamé que les pauvres devraient "arrêter de se plaindre" de leur condition. Ou la suffisance du milliardaire Kevin O’Leary quand il déclare que les inégalités sont une "nouvelle fantastique", car elles motivent "le pauvre à regarder en haut vers les 1% et à se dire : je veux faire partie de ces gens" … Et pourquoi ne pas évoquer Tom Perkins, magnat des fusions-acquisitions, qui revendique pour les riches un droit de vote plus important que pour le reste de la population ?! Et qui prône le retour au suffrage censitaire, aboli en France en 1848.

  • Selon une étude annuelle du Crédit Suisse, la France connaît la deuxième plus forte augmentation mondiale du nombre de millionnaires.

    Le cercle des millionnaires français a accueilli 259 000 nouveaux membres en un an, selon l’étude annuelle du Crédit Suisse. Un nombre équivalent à la population de Bordeaux.

    À l’échelle mondiale, on compte désormais 42 millions de millionnaires, une augmentation annuelle de 2,3 millions. La France est le second pays à connaître la plus forte hausse derrière les États-Unis (+878 000) et devant l’Allemagne (+253 000) et le Royaume-Uni (+240 000).

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