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Qu’est-ce qu’un mythe ?

samedi 30 juillet 2016, par Robert Paris

Qu’est-ce qu’un mythe ?

« C’est probablement une exigence de l’esprit humain d’avoir une représentation du monde qui soit unifiée et cohérente. Faute de quoi apparaissent anxiété et schizophrénie. Et il faut bien reconnaître qu’en matière d’unité et de cohérence, l’explication mythique l’emporte de loin sur la scientifique. Car la science ne vise pas d’emblée à une explication complète et définitive de l’univers. Elle n’opère que localement. Elle procède par une expérimentation détaillée sur des phénomènes qu’elle parvient à circonscrire et définir. Elle se contente de réponses partielles et provisoires. Qu’ils soient magiques, mythiques ou religieux, au contraire, les autres systèmes d’explication englobent tout. Ils s’appliquent à tous les domaines. Ils répondent à toutes les questions. Ils rendent compte de l’origine, du présent et même du devenir de l’Univers. On peut refuser le type d’explication offert par les mythes ou la magie. Mais on ne peut leur dénier unité et cohérence car, sans la moindre hésitation, ils répondent à toute question et résolvent toute difficulté par un simple et unique argument a priori. »

François Jacob dans « Le jeu des possibles »

« Montrant les premiers pas de l’homme sur le chemin de la connaissance, cette anthologie indique clairement que la pensée poétique apparaît dès l’aurore de l’humanité, d’abord sous la forme - non considérée ici - du langage, plus tard sous l’aspect du mythe qui préfigure la science, la philosophie et constitue à la fois le premier état de la poésie et l’axe autour duquel elle continue de tourner à une vitesse indéfiniment accélérée. »

Benjamin Péret dans « La parole est à Péret »

« On a cru jusqu’ici que la floraison des mythes chrétiens sous l’Empire romain n’a été possible que parce que l’imprimerie n’était pas encore inventée. C’est tout le contraire. La presse quotidienne et la télégraphie, qui diffuse ses inventions instantanément à travers toute la terre, fabriquent en un seul jour plus de mythes (et le bourgeois imbécile les croit et les répand) qu’on n’en aurait pu produire autrefois en un siècle. »

Lettre de Marx à Kugelmann, 27 juillet 1871

« Le but de la falsification est de magnifier « le chef », de fabriquer artificiellement un mythe du héros. »

Léon Trotsky, « La bureaucratie totalitaire et l’art », juin 1938

Les mythes sont des légendes antiques ou modernes dont la force symbolique de l’idée force l’imagination et qui traversent les siècles et parfois les millénaires pour enrichir la vision des hommes sur leur propre existence mais aussi, souvent, pour leur cacher les vrais ressorts de cette existence derrière des images chargées d’adoucir les moments les plus durs de cette existence tout en les magnifiant aux yeux des hommes.

Il est indéniable que les hommes aiment les mythes et qu’ils n’aiment pas s’en passer. On serait bien en peine de dresser la liste des principaux mythes de l’Histoire : mythe du déluge, mythe de Caïn et Abel, mythe de Gaïa, mythe de Cronos, mythe de Thésée, mythe de la caverne, mythe de Job, mythe d’Œdipe, mythe de Persé, mythe de la sainte vierge, mythe de l’ours, mythe du volcan, mythe du buisson ardent, mythe de Noé, mythe de Moïse, mythe du veau d’or, mythe du bon roi, mythe d’Orphée, mythe de l’épreuve envoyée par dieu, mythe du peuple élu, mythe du père du peuple, mythe du jardin d’Eden, mythe de la création, mythe de l’homme, mythe de la vie, mythe des origines, mythe de la mort, mythe de l’âme, mythe de l’esprit, mythe de la résurrection, mythe de l’âme, mythe de l’enfer, mythe de dieu, mythe du diable, mythe de la sorcière, mythe du paradis, mythe de la fondation, mythe de la chute, mythe de l’immmaculée conception, mythe du talion, mythe de prométhée, et on en passe…

On pourrait croire que le monde moderne est moins interessé par les mythes que l’antiquité, qu’elle soit biblique ou pas, mais cela semble être une impression fausse.

Toute la vie civile du monde moderne, y compris pour ses habitants athées, est pleine de mythes qui lui sont fondamentaux : mythe de martiens, mythe des extraterrestres, mythe de la technique, mythe de l’homme-ordinateur, mythe de la famille moderne, mythe de l’enfance protégée, mythe de l’égalité, mythe de l’opinion publique, mythe de la démocratie, mythe du monde-citoyen, mythe de la démocratie, mythe de l’anti-fascisme, mythe du progrès, mythe du bon président, mythe du droit, mythe de l’Etat, mythe de la marchandise, mythe de la pérennité du système capitaliste, mythe du nationalisme et bien d’autres…. L’histoire d’un pays, comme l’histoire du monde, qui sont diffusés officiellement et servent à l’enseignement sont un catalogue de ces mythes qui n’ont aucun autre fondement réel que l’intérêt de la classe dirigeante, nationale ou internationale.

Ces mythes sont indispensables à l’idéologie imposée par la classe dirigeante. Ils sont nécessaires aussi aux gens qu’ils trompent dans la mesure où ils permettent aux hommes de supporter les conditions d’existence, d’éviter de se poser des questions trop douloureuses, de ne pas risquer de se révolter contre des conditions de vie révoltantes pour eux ou pour d’autres hommes, de se sentir en adéquation avec la collectivité et de penser que son organisation, malgré des défauts évidents, n’existe que pour protéger l’ensemble des hommes de bonne volonté et de combattre une minorité d’hommes dangereux.

Croire dans les mythes évite de souffrir des insuffisances de l’existence et permet de se sentir proche de la collectivité et pas en lutte contre l’opinion dominante, sentiment reposant et adoucissant.

Bien entendu, les mythes modernes sont tout aussi mensongers que les anciens. Ils propagent une vision déformée de la réalité, celle de l’homme et de la société comme celle du monde inerte et vivant. Elle donne de la philosophie une vision fausse, sciemment tronquée et déformée, en faisant croire même que n’existerait pas une autre philosophie possible pour les hommes honnêtes et pacifiques.

D’ailleurs bon nombre des anciens mythes, d’origine religieuse ou païenne, ont toujours cours dans l’opinion moderne des hommes qui est diffusée par les média et les pouvoirs politiques et sociaux, y compris lorsque ces hommes ne sont pas religieux.

Des réponses morales toutes faites sont incluses dans ces mythes et elles évitent de se poser les vraies questions existentielles et historiques pourtant brûlantes au vu des tares du monde social et humain :

 l’exploitation et l’oppression sont-ils inévitables ?

 quel but de l’existence ?

 faut-il accepter l’injustice et la violence comme des fatalités ?

 de quoi sommes-nous responsables ?

 quelle relation pouvons-nous établir avec les autres hommes ?

 qu’attendons-nous de notre vie sur terre ?

 comment vaincre la peur ?

 qui sommes-nous vraiment ?

 qui étaient vraiment nos parents ?

 pourquoi devons-nous obéir aux ordres de cette société ?

 que pensons-nous vraiment des règles qu’elle impose ?

 quel est notre avis sur l’avenir du monde ?

 devons-nous suivre l’opinion dominante ou développer et défendre notre propre avis, notre propre vision des choses et la discuter autour de nous ?

 quelle place de la vie, quelle place de la mort, quel rôle des parents, quel rôle des enfants, quelles relations entre hommes, quelles relations entre hommes et femmes, etc, etc…

Les religions se sont spécialisées à s’emparer de ces questions lancinantes de l’homme et d’y répondre par leurs mythes, afin d’empêcher les hommes d’y trouver d’autres réponses que celles imposées par la tradition. Ce n’est un dieu quelconque qui les inspire mais seulement le conservatisme social et politique. Toutes les religions affirment que l’ordre est bon et le désordre mauvais. Toutes disent que vouloir dire ou faire autre chose que les ancêtres est un crime. Toutes affirment que l’individu doit plier devant le poids du passé et doit aussi s’incliner respectueusement devant les anciennes réponses de l’humanité. Elles refusent que l’humanité cherche des réponses nouvelles, au fur et à mesure de ses expériences, de ses épreuves, de ses transformations réelles et historiques. Le texte religieux, celui des mythes, des règles, des prières, des récits doit rester inchangé, tel que donné par dieu ou considéré comme tel. Elles ont ainsi bâti un cadre fataliste et conservateur bien utile aux classes dirigeantes pour asseoir leur domination. Elles ont enfermé les hommes dans des images trompeuses qui disent que :

 la femme a toujours été dominée par l’homme

 l’enfant doit obéissance aveugle à ses parents

 tel père, tel fils

 telle mère, telle fille

 l’homme est sur terre pour souffrir

 les malheurs sur terre sont des épreuves envoyées par dieu

 la vraie vie est après la mort

 les morts sont plus importants que les vivants

Et un grand nombre d’autres balivernes archaïques et réactionnaires…

Les mythes servent entre autres à conforter de tels mensonges.

Les religions empêchent les hommes d’examiner leur propre inconscient psychanalytique, d’examiner la validité du système social en place, de remettre en question une oppression, un harcèlement, une exploitation et elles ont interdit à l’homme de secouer les jougs qui pèsent sur lui. Et tout particulièrement sur les femmes et les enfants !!! Elles ont soutenu le patriarcat, l’exploitation et l’oppression.

La démarche propre à la religion consiste à produire une croyance en des forces immatérielles situées en dehors du monde matériel et au-dessus de lui. Elle détermine, du coup, des comportements consistant non seulement dans une morale humaine, mais dans des règles destinées à obéir aux volontés de ces forces qui dominent le monde terrestre. L’objectif de cet univers virtuel, celui des esprits, qui vient s’ajouter au monde connu de nos sens, est de résoudre les multiples contradictions insolubles de la réalité. En opposant ces deux mondes, le réel et le virtuel, la matériel et l’immatériel, le sensible et l’inconnaissable, l’humain et le divin, le naturel et le surnaturel, la religion prétend résoudre l’existence de ces contradictions fondamentales qui nous heurtent sans cesse de manière douloureuse. Ces contradictions sont celles de la vie et de la mort (comme la nécessité pour survivre de tuer d’autre animaux alors que le chasseur antique se considère lui-même comme un animal et qu’il y a des interdits contre le fait de tuer), du pouvoir et de la faiblesse, de la tentation et de la punition, de la pulsion et de l’inhibition, du bien-être et de la misère, de l’amour et de la haine, du conscient et de l’inconscient, de la connaissance et de l’ignorance, de l’oppresseur et de l’opprimé, de la soumission et de la révolte,… En donnant à la réalité un jour nouveau, celui du mythe, l’homme transcende ses souffrances, ses déchirements entre ces pôles contraires. Cela ne l’aide pas à les surmonter mais plutôt à les supporter. Le mythe ne résout pas le problème réel, mais il lui donne un sens, une interprétation qui le rend plus acceptable, plus général et moins individuel, qui lui permet de ne pas devoir en assumer seul tout le poids puisque c’est la collectivité qui lui dit ce qu’il faut en penser et ce qu’il faut faire dans ces situations. Par la mythologie religieuse, le pauvre accède à la richesse (en pensée), le faible accède à la force, l’ignorant accède à la connaissance, celui qui a peur gagne en confiance (en dieu et pas en lui-même), …

La société civile moderne, souvent beaucoup moins religieuse, a développé d’autres mythes qui vont dans le même sens. Le mythe du bon dieu et du bon roi ont été remplacés souvent par celui du bon président et du bon Etat, tout aussi criminels et mensongers. Tous les grands personnages historiques sont mythifiés : mythe de De Gaulle, de Gandhi ou de Nasser. Toutes les situations cruciales de l’Histoire le sont aussi. Les guerres, les grands massacres, les grandes conquêtes, les grandes dictatures, les grandes victoires comme les grandes défaites sont mythifiées au point que leur signification réelle devient quasiment inaccessible au commun des hommes.

Tout est mythifié : mythe de la science, mythe de l’opinion publique, mythe de la communauté internationale, mythe de la paix, mythe du développement, mythe du progrès, mythe de la démocratie, mythe de la défense de la nature, mythe de la technoscience, mythe du tout-génétique, mythe du cerveau-ordinateur, mythe du contrôle informatique, mythe du climat global, mythe de l’anti-terrorisme, mythe du capitalisme indépassable, etc… Nous sommes très loin d’être débarrassés du mythe. Ce n’est pas seulement parce que les mythes plaisent, ni parce qu’ils adoucissent les duretés de la vie, mais parce que les hommes ne contrôlent pas leurs connaissances, leurs existences, leurs pouvoirs, leurs avenirs. Un monde qui n’est pas débarrassé de l’exploitation et de l’oppression et où ces derniers ont atteint leurs limites est un monde où les fantasmes mythiques jouent un plus grand rôle que jamais car il est plus important que jamais de tromper les peuples.

Dépasser ce point historique est indispensable à l’humanité mais, pour y parvenir, il lui est également indispensable de dépasser les grands mythes du passé…

Le mythe de l’Immaculée conception, Paul Lafargue

Le Mythe de Prométhée, Paul Lafargue

Le mythe de Pandore

Le mythe de l’âme

Le mythe du paradis

Le mythe du talion

Mythe de Jeanne d’Arc

Mythe de Gandhi

Mythe du bon roi

Mythe de Staline

Mythes de la révolution française

Mythes de l’histoire de France

Mythes grecs

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