Accueil > 02 - SCIENCES - SCIENCE > Evolution ou révolution des espèces ? > La théorie hiérarchique de l’évolution de Stephen Jay Gould

La théorie hiérarchique de l’évolution de Stephen Jay Gould

mercredi 24 février 2016, par Robert Paris

D’autres lectures de Stephen Jay Gould

La théorie hiérarchique de l’évolution de Stephen Jay Gould

Stephen Jay Gould dans « Les quatre antilopes de l’Apocalypse » :

« La thèse centrale de Darwin stipule que la sélection naturelle porte sur des « individus » engagés dans une lutte (métaphorique et sans intention consciente, bien sûr) en vue du succès reproductif. Les « individus » qui laissent le plus de descendants survivants obtiennent un avantage darwinien, et les populations changent en fonction de ce résultat. Très bien, mais comment allons-nous définir l’ « individu » engagé dans ce type de lutte ? Darwin a donné une réponse claire : les individus sont des organismes, c’est-à-dire des êtres vivants considérés au niveau de leurs corps, comme dans le sens courant (même s’il faut nuancer un peu cette conception pour tenir compte de cas ambigus comme les champignons ou les pucerons). La sélection naturelle joue sur ces organismes…

L’accent ainsi mis par Darwin sur les organismes individuels au sens courant a joué un rôle central dans sa reformulation radicale de la vision de la nature, car il a consciemment cherché à renverser la conception classique et réconfortante d’une nature fondamentalement bienveillante, où le Créateur interviendrait directement pour doter les organismes de bonnes adaptations et faire des écosystèmes harmonieux… Pour Darwin, seuls les organismes étaient des individus, autrement dit des « cibles de la sélection ». Or quelles propriétés doit posséder une netité pour fonctionner comme un individu darwinien et les organismes sont-ils les seules entités de ce type dans la nature ?

On peut énumérer cinq de ces propriétés : un « individu » doit avoir un début dans le temps très net (sa naissance), une fin très nette (sa mort) et suffisamment de stabilité entre ces deux moments pour être reconnu comme une entité. Ces trois premières propriéts suffisent à définir un « individu » en un sens tout à fait abstrait. Mais une unité doit posséder deux propriétés supplémentaires pour entrer dans le processus darwinien de la compétition reproductive : premièrement, un individu darwinien doit engendrer des rejetons et deuxièmement, ces derniers doivent résulter d’un principe d’hérédité, par lequel ils ressemblent à leurs géniteurs, avec la possibilité de certaines différences. Darwin avait surement raison de penser que les organismes ordinaires possèdent ces cinq propriétés… mais qu’en est-il des entités plus globales que des organismes ? Qu’en est-il des gènes, « au-dessous » des organismes, ou des espèces, « au-dessus » ? Tout compte fait, une espèce naît lorsqu’une population s’isole et se détache de la lignée souche parentale. Et elle meurt, sans ambiguïté, lorsqu’elle s’éteint. La plupart des espèces sont assez stables pendant toute leur durée géologique. Les gènes possèdent également les cinq propriétés clés que sont la naissance, la mort, la stabilité, la reproduction et la transmission héréditaire avec possibilité de différences… Les gènes et les espèces sont aussi des individus darwiniens, et la sélection peut également s’appliquer à ces entités plus petites ou plus grandes que des organismes. La sélection peut œuvrer simultanément à plusieurs niveaux de la hiérarchie généalogique : sur des gènes et des lignées cellulaires, « au-dessous » des organismes, ainsi que sur des populations et des espéces, « au-dessus » des organismes. A tous ces niveaux existent de légitimes individus darwiniens et cette conception hiérarchique nous fournit donc une définition biologique correcte, vaste et globale, du terme « individu ». Lorsque la sélection agit simultanément sur plusieurs sortes d’ « individus » à différents niveaux, l’évolution ne fonctionne pas comme Darwin l’avait envisagé. Les stabilités dans le temps ne découlent pas de la perfection adaptative, mais d’équilibres et de rétrocontrôles… La nature ne se caractérise pas automatiquement par une harmonie entre unités clairement définies. Elle comporte de multiples niveaux, interagissant avec un certain flou à leurs frontières. »

Gould démontre d’abord que Darwin défend un véritable a priori : celui d’une sélection opérant à un seul niveau, celui des organismes individuels. Ce réductionnisme (tout ramener au niveau inférieur) de Darwin est la racine profonde, indispensable, de sa conception de l’évolution. Gould souligne ce point pour défendre, au contraire, une conception de l’évolution qu’il appelle « une thèse hiérarchique », c’est-à-dire l’idée que le vivant est constitué de nombreux niveaux d’organisation interactifs et que la sélection opère simultanément à tous les niveaux. Selon lui, seule la micro-évolution peut s’expliquer par une sélection au seul niveau des organismes. La macro-évolution a besoin également de la sélection au niveau des groupes, de l’espèce, des groupes d’espèces en co-évolution et de l’ensemble de l’environnement. Ce caractère hiérarchique entraîne inévitablement des discontinuités et des changements brutaux et qualitatifs, c’est-à-dire la « saltation » ou sauts de l’évolution.

Gould propose une théorie hiérarchique de la sélection, parce que, pour lui, les espèces sont les premières visées par la sélection naturelle, puis les populations et les organismes et en fin, au plus bas niveau dans la hiérarchie, les gènes, qui « possèdent la propriété unique en son genre d’enregistrer les changements ». Gould réfute les arguments contre la sélection entre espèces, il fait remarquer que ces arguments sont généralement pertinents pour des dèmes (les dèmes des souris vivant dans des meules de foin, par exemple), mais qu’ils le sont beaucoup moins du point de vue de la sélection entre espèces. Par contre, dans certaines conditions, il existe un risque, « la sélection organismique surpasse nécessairement la sélection entre espèces et annule ses effets ».

Une introduction brève et claire de la théorie hiérarchique de l’évolution selon Stephen Jay Gould

Les fondements empiriques et logiques de la théorie de la sélection hiérarchique, par Stephen Jay Gould

Extrait de « La structure de la théorie de l’évolution » :

La signification de l’individualité et l’élargissement du programme de recherche darwinien

« Acceptons donc la formulation la plus stricte du mécanisme prévu par la théorie darwinienne : la sélection naturelle fonctionne au moyen d’une lutte (réelle ou métaphorique) entre les individus, en vue de leur succès reproductif individuel ; En d’autres termes, une sélection se réalise lorsque les caractéristiques d’un individu donné interagissent avec l’environnement d’une façon telle qu’elle a pour conséquence d’influencer, dans la constitution héréditaire des générations suivantes, la proportion des éléments (quels qu’ils soient) apportés par cet individu. Si on attribue ainsi, de façon absolue, la responsabilité du mécanisme darwinien à l’éction des individus, alors il semble bien qu’en découle assez automatiquement la vision d’ensemble de Darwin que tous les phénomènes, à toutes les échelles de l’évolution, doivent résulter de proche en proche du mécanisme de sélection entre les individus, ces derniers étant définis, à la manière ordinaire, comme des organismes caractérisés par un corps organisé…

Qu’est-ce qu’un individu ? Les organismes dotés d’un corps organisé dans le sens ordinaire sont-ils les seules entités dans la nature qui méritent d’être désignées de ce nom, surtout quand on s’aperçoit que le fait de posséder un corps bien distinct ne définit pas toujours sans ambiguïté l’individu en tant que siège du mécanisme envisagé par Darwin (sans parler des difficultés rencontrées lorsqu’on essaye de caractériser les entités situées aux niveaux en dessus et en dessous des organismes dotés d’un corps organisé dans la hiérarchie généalogique de la nature) ? (…)

Et que penser des organismes vivant en « société », dont le corps organisé bien distinct présente une certaine variation génétique de l’un à l’autre et qui, considérés tous ensemble, ne peuvent être envisagés comme une collection de ramets identiques, mais qui coopèrent, à l’isntar des organes au sein d’un organisme, comme s’ils étaient les éléments différenciés d’un « tout » plus vaste, ainsi qu’on le voit dans le cas d’une ruche ou d’une fourmilière dotées d’une seule reine ? Wilson et Sober (1989) ont, dans de tels cas, instamment appelé à retourner au concept ancien de « superorganisme ».

Puisque tant d’incertitudes entourent la définition de l’ « individu » au niveau supposé indiscutable enviagé par Darwin lui-même, il ne faut pas s’étonner que les tentatives de restreindre ce concept aux corps organisés aient engendré plus de problèmes qu’elles n’ont fourni de réponses claires. Peut-être faut-il adopter une approche différente et plus générale. Peut-être faut-il essayer de spécifier une série de caractéristiques minimales dont l’ensemble est requis pour pouvoir désigner une entité organique du nom d’unité individuelle ou, en bref, d’ « individu » ; puis se demander si des objets quelconques figurant à des niveaux en dessus ou en dessous de celui des organismes au sens traditionnel possèdent ces caractéristiques et, par conséquent, ont les qualités requises pour être inclus dans une conception plus large de l’individu. De cette façon on pourrait peut-être arriver à une définition utile, indépendante des particularités propres aux différents niveaux et donc suffisamment générale pour fournir une compréhension plus profonde et plus claire de ce concept fondamental du darwinisme…

Ma question est la suivante : les espèces sont-elles des individus ou des classes ? (…) Un individu peut subir un certain degré de changement, ou même changer dans une mesure importante, au cours de sa vie, mias pas au point qu’il soit impossible de le reconnaître ou qu’il soit nécessaire de le redéfinir en tant que chose différente ; et, en particulier, si l’on considère une succession d’individus dans le temps, il ne doit pas subir d’altération au point que ses derniers stades en arrivent, davantage que ses premiers stades, à ressembler à l’individu suivant dans la séquence…

Lorsque nous essayons de définir des individus à d’autres niveaux de la hiérarchie organique, et particulièrement aux niveaux élevés, nous rencontrons des problèmes, dont plusieurs font classiquement l’objet de discussions interminables dans la littérature. Par exemple, l’objection traditionnelle adressée à la sélection interdémique consiste à soutenir que de trop nombreux dèmes ne répondent pas au critère de « stabilité suffisante », car ils le persistent peut-être pas assez longtemps pour jouer un rôle dans l’évolution et leurs frontières peuvent éventuellement être trop « poreuses » - les organismes pénétrant ou sortant des dèmes – étant donné l’absence d’isolement reproductif entre les parties composantes, c’est-à-dire entre les organismes membres des différents dèmes…

Les partisans de la « sélection entre groupes » classiques (c’est-à-dire interdémique) admettent l’existence de ces problèmes, bien sûr, et tous les modèles recevables dans ce domaine ont expressément été construits pour faire droit à de telles objections en spécifiant des conditions permettant aux dèmes de satisfaire aux critères énumérés ci-dessus…

A chaque niveau de la hiérarchie biologique, les individus différant les uns des autres au sein d’une population en cours d’évolution (organismes d’un dème, dèmes au sein d’une espèce, espèces au sein d’un clade) doivent interagir avec l’environnement d’une façon telle que certains d’entre eux obtiennent un plus grand succès reproductif que les autres en raison de la possession et de l’expression de certains traits héritables, tandis que les individus les moins aptes ne les possèdent pas ou ne les expriment que sous une forme moins efficace. Cette explication du mécanisme de la sélection naturelle met en évidence une caractéristique fondamentale : c’est que celle-ci est un processus actif. Dès lors, cela signifie que nous sommes tenus de vérifier un scénario causal, expliquant comment le fait de posséder tels traits héritables plutôt que tels autres conduit à un plus grand succès reproductif.

Ces considérations nous conduisent inévitablement à la question cruciale de savoir s’il faut définir la sélection d’après cette interaction causale entre les individus et l’environnement ou bien d’après le résultat de la transmission héréditaire aux générations suivantes... C’est l’interaction avec l’environnement qui définit ce mode d’opération et ses agents sont nécessairement des individus (définis d’après les critères de l’individualité à la fois au sens commun et au sens évolutionniste)…

L’ « objectif » de la sélection naturelle ne peut pas être défini par la réplication fidèle ; il faut, en réalité, le définir par la « plurification » relativement plus grande de certains individus par rapport aux autres (ce qui signifie que certains individus « font plus » que les autres en matière de représentation relative au sein de la génération suivante, c’est-à-dire qu’ils augmentent la leur). L’individu qui se plurifie en accroissant le pourcentage de sa contribution à la constitution héréditaire de la génération suivante (quelle que soit la forme des unités et des entités transmises) est gagnant au jeu de l’évolution. Et l’on peut qualifier ce jeu de darwinien, si la plurification résulte d’une interaction causale entre les caractéristiques de l’individu gagnant et son environnement.

Par rapport aux critères de l’individualité au sens commun discutés plus haut, les critères de l’individualité au sens spécifiquement évolutionniste nous apprennent que les organismes ne sont pas les seuls individus capables de se comporter en tant qu’unités de sélection darwinienne. En particulier, et en continuant de prendre l’espèce comme exemple type des individus de plus haut niveau, tous les critères de l’individualité au sens évolutionniste s’appliquent aux espèces en tant qu’unités de base de la macroévolution. Les espèces engendrent des rejetons lorsqu’elles se scindent en donnant de nouvelles branches (dans le jargon des évolutionnistes, ces rejetons sont même appelés des « espèces filles »)…

On a parfois dit des communautés biotiques ou des écosystèmes qu’ils pouvaient probablement être regardés comme des unités de sélection. Dans ce cas, on pourrait sérieusement envisager le problème, car les communautés présentent effectivement une certaine cohésion fonctionnelle durable, sont plus ou moins bien délimitées, et peuvent éventuellement se scinder pour donner des communautés « filles » yant suffisamment de ressemblance avec leur parent. Mais je peux difficilement imaginer la série des conditions qui permettraient à de telles unités écologiques de satisfaire à un nombre suffisant de critères de l’individualité pour les considérer comme les agents d’une sélection darwinienne…

Mais s’il est vrai que l’on peut réfuter rationnellement l’emploi incorrect des notions d’individus et d’unités de sélection dans de tels cas particulier, il n’en reste pas moins que la gamme des individus biologiques légitimement envisageables reste riche. En fait, tous ces divers individus forment une hiérarchie, car ils sont tous reliés les uns aux autres par cette fascinante caractéristique, l’emboîtement en série au sein du système généalogique de l’évolution. Il s’agit des gènes, des lignées cellulaires, des organismes, des dèmes, des espèces et des clades : tous ces individus de différents niveaux peuvent se comporter comme des unités de sélection darwinienne ; et dans une gamme suffisamment vaste de conditions appropriées, tous peuveznt effectivement intervenir de façon cruciale dans l’évolution de l’ensemble des êtres vivants sur la Terre. Je doute que l’on puisse encore défendre très longtemps (ou alors seulement au nom du nombrilisme et du confort de l’habitude, ancrés sur ces circonstances fortuites que représentent la taille et la durée du corps humain) la conviction darwinienne capitale selon laquelle les organismes représentent le niveau fondamental de l’individualité, tandis que tous les autres niveaux n’existent pas, ou bien n’ont aucun rôle évolutif, ou bien sont entièrement subordonnés au niveau organismique, ou bien encore n’interviennent que dans des circonstances rares et très particulières…

Les arguments classiques contestant la sélection de haut niveau consistent à admettre que ce phénomène est certainement possible en théorie, mais à nier que qu’il ait une quelconque efficacité dans la pratique, en raison de sa rareté et de son faible impact par comparaison à la sélection naturelle ordinaire sur les organismes.

L’argument classique de R. A. Fisher consiste à dire : comment la sélection entre espèces pourrait-elle avoir la moindre influence notable sur l’évolution ? La vitesse et l’ampleur avec lequelles se réalise un processus de sélection dépendent du nombre des naissances et des morts et de la durée s’étendant entre le moment des premières et celui des secondes, ceci afin qu’existe une population suffisante d’items pouvant subir un processus de tri différentiel. Mais les espèces durent des milliers ou des millions d’années, et les espèces au sein des clades forment des « populations » aux effectifs de quelques dizaines ou, au plus, de quelques centaines de membres, alors que de nombreuses populations formées par les organismes comprennent des millions, voire des milliards d’individus. Comment la sélection entre espèces pourrait-elle avoir la moindre influence (par comparaison avec la sélection organismique ordinaire), lorsqu’en moyenne, des milliards de naissances et de morts d’organismes se produisent pour chaque apparition ou extinction d’espèce, et, lorsque les effectifs de populations d’organismes sont de plusieurs ordres de grandeur supérieurs à ceux des populations formées par les espèces apparentées au sein d’un clade ? (…)

Puisque la plus grande partie des débats à notre époque au sujet de la sélection aux plus hauts niveaux a visé la sélection interdémique (aussi appelée « sélection entre groupes »), les quatre arguments classiques ont été formulés principalement à l’usage du niveau situé juste au-dessus de celui auquel on s’adresse habituellement, c’est-à-dire le niveau des organismes (mais je prédis que l’on mettra bientôt l’accent sur des niveaux plus élevés, particulièrement sur celui de la sélection entre espèces, à mesure que la théorie de la macroévolution va se développer)…

L’argument sur la faiblesse de l’impact de la sélection entre espèces en raison de la longueur du cycle de remplacement et de la faible dimension des populations demeure donc la seule objection classique ayant la capacité de mettre en doute la sélection entre espèces. Et, à première vue, l’argument de Fisher paraît être à la fois puissant et décisif. L’observation de base est indiscutable : il se produit généralement des milliards de naissances d’organismes, lorsqu’il ne se réalise l’apparition que d’une seule espèce nouvelle ; et les populations d’organismes au sein des espèces dépassent preque toujours énormément les populations d’espèces au sein des clades. En dépit de sa logique irréprochable, comment la sélection entre espèces pourrait-elle exercer la moindre influence notable si la sélection classique entre les organismes est toujours capable d’agir avec une bien plus grande force ? (…)

La sélection organismique l’emporte nécessairement sur la sélection entre espèces lorsque les deux processus sont en jeu de concert en visant la même « cible » adaptative : en effet, dans ce cas, si les deux niveaux de sélection opérent dans la même direction, alors la sélection entre espèces ne peut ajouter que le plus petit des suppléments aux effets considérablement plus importants de la sélection organismique ; et si les deux niveaux opèrent dans des directions opposées, la sélection organismique surpasse nécessairement la sélection entre espèces et annule ses effets….

La sélection organismique peut surpasser la sélection entre espèces, en théorie, lorsque les deux processus opèrent à leur maximum d’efficacité, mais si le changement associé à la spéciation constitue le « seul jeu ayant cours », il est clair que le processus faible peut l’emporter sur le processus qui est potentiellement plus fort mais qui reste, dans le cas considéré, à l’état dormant. Les bombes atomiques font certainement paraître dérisoires les armes à feu classiques lors d’un conflit guerrier, mais si l’on décide de ne pas employer les armes nucléaires, alors les balles peuvent être redoutablement efficaces. La façon dont se présente dans la réalité l’équilibre ponctué constitue donc l’ « arme » appuyée sur les faits, qui permet de renverser la puissante objection théorique de Fisher à l’encontre de l’efficacité de la sélection entre espèces.

Cet argument fournit le second exemple illustrant l’importance de l’équilibre ponctué pour légitimer l’indépendance de la théorie de la macroévolution, dès lors que la pure extrapolation à partir de la dynamique microévolutive ne peut pas rendre compte de cette dernière. Nous avons vu précédemment que l’équilibre ponctué soutient fortement la notion d’espèce en tant qu’individus évolutionnistes capable d’agir comme unité de sélection. Nous voyons donc à présent que l’équilibre ponctué permet aussi de reconnaître à la sélection entre espèces une efficacité possible, alors même que de solides raisons théoriques poussaient à conclure à son impuissance.

En résumé, trois quart des arguments classiques niant la possibilité de la sélection aux niveaux plus élevés que celui des organismes ne s’appliquent pas au cas des espèces ; et le quatrième perd de sa pertinence dès lors que l’équilibre ponctué domine dans la réalité observable. Je ne vois rien qui empêche la sélection entre espèces de revêtir une importance capitale dans l’histoire de la vie. (…) »

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par les responsables.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.