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Quelques pensées de Denis Diderot, le plus original et révolutionnaire des philosophes des Lumières

jeudi 31 mars 2016, par Robert Paris

Quelques pensées de Denis Diderot, le plus original et révolutionnaire des philosophes des Lumières

Extrait d’un rapport de police de 1748 sur Denis Diderot :

« C’est un garçon plein d’esprit mais extrêmement dangereux… »

Son dossier de police se poursuit ainsi le 9 juillet 1749 :

« Il a donné un livre intitulé « La lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient ».

Puis, le 24 juillet 1749 :

« Il a été arrêté et conduit à Vincennes à ce sujet. »

Dans « Lettre sur le commerce des livres », envoyée à de Sartine, lieutenant-général de police :

« Quel pacte solide peut-il y avoir entre la misère et l’aisance ? »

Sur la religion, Diderot écrit dans « Addition aux pensées philosophiques » :

« Égaré dans une forêt immense pendant la nuit, je n’ai qu’une petite lumière pour me conduire. Survient un inconnu qui me dit : Mon ami, souffle ta bougie pour mieux trouver ton chemin. Cet inconnu est un théologien. Si je renonce à ma raison, je n’ai plus de guide… Les doutes, en matière de religion, loin d’être des actes d’impiété, doivent être regardés comme de bonnes œuvres… Prouver l’Évangile par un miracle, c’est prouver une absurdité par une chose contre nature… A entendre un théologien exagérer l’action d’un homme que Dieu fit paillard, et qui a couché avec sa voisine, que Dieu fit complaisante et jolie, ne dirait-on pas que le feu ait été mis aux quatre coins de l’univers ? Que Jésus-Christ qui est Dieu ait été tenté par le diable, c’est un conte digne des Mille et une nuits . ».

A propos des monarchies "éclairées" :

L’impératrice Catherine II, monarque éclairée, sur Diderot :

« Je trouve à Diderot une imagination intéressante et je le range parmi les hommes les plus extraordinaires qui aient existé. »

Diderot sur les monarques éclairés :

« Tout gouvernement arbitraire est mauvais ; je n’en excepte pas le gouvernement arbitraire d’un maître bon, ferme, juste et éclairé ; (…) Un despote, fût-il le meilleur des hommes, en gouvernant selon son bon plaisir commet un forfait. C’est un bon pâtre qui réduit ses sujets à la condition des animaux. (…) Un des plus grands malheurs qui pût arriver à une nation libre, ce seraient deux ou trois règnes consécutifs d’un despotisme juste et éclairé. »

Article « Citoyen » de l’Encyclopédie :

« II en est d’un gouvernement en général ainsi que de la vie animale : chaque pas de la vie est un pas vers la mort. »

Article « Irreligieux » de l’Encyclopédie :

« II ne faut donc pas confondre l’immoralité et l’irréligion. La moralité peut être sans la religion ; et la religion peut être, est même souvent avec l’immoralité. »

« Entretien d’un philosophe avec la Maréchale de *** » :

LA MARÉCHALE. - C’est donc vous qui ne croyez à rien ?

DIDEROT. - Moi-même.

« Entretien entre d’Alembert et Diderot » :

« DIDEROT. - Si la question de la priorité de l’œuf sur la poule ou de la poule sur l’œuf vous embarrasse, c’est que vous supposez que les animaux ont été originairement ce qu’ils sont à présent. Quelle folie ! On ne sait non plus ce qu’ils ont été qu’on ne sait ce qu’ils deviendront. Le vermisseau imperceptible qui s’agite dans la fange, s’achemine peut-être à l’état de grand animal ; l’animal énorme, qui nous épouvante par sa grandeur, s’achemine peut-être à l’état de vermisseau, est peut-être une production particulière et momentanée de cette planète … qu’est-ce autre chose qu’un pinson, un rossignol, un musicien, un homme ? Et quelle autre différence trouvez-vous entre le serin et la serinette ? Voyez-vous cet oeuf ? c’est avec cela qu’on renverse toutes les écoles de théologie et tous les temples de la terre. Qu’est-ce que cet oeuf ? une masse insensible avant que le germe y soit introduit ; et après que le germe y est introduit, qu’est-ce encore ? une masse insensible, car ce germe n’est lui-même qu’un fluide inerte et grossier. Comment cette masse passera-t-elle à une autre organisation, à la sensibilité, à la vie ? Par la chaleur. Qu’y produira la chaleur ? Le mouvement. Quels seront les effets successifs du mouvement ? Au lieu de me répondre, asseyez-vous, et suivons-les de l’œil de moment en moment. D’abord c’est un point qui oscille, un filet qui s’étend et qui se colore, de la chair qui se forme ; un bec, des bouts d’ailes, des yeux, des pattes qui paraissent ; une matière jaunâtre qui se dévide et produit des intestins ; c’est un animal. Cet animal se meut, s’agite, crie ; j’entends ses cris à travers la coque ; il se couvre de duvet ; il voit ; la pesanteur de sa tête, qui oscille, porte sans cesse son bec contre la paroi intérieure de sa prison ; la voilà brisée ; il en sort, il marche, il vole, il s’irrite, il fuit, il approche, il se plaint, il souffre, il aime, il désire, il jouit ; il a toutes vos affections ; toutes vos actions, il les fait. Prétendrez-vous, avec Descartes, que c’est une pure machine imitative ? Mais les petits enfants se moqueront de vous, et les philosophes vous répliqueront que si c’est là une machine, vous en êtes une autre. Si vous avouez qu’entre l’animal et vous il n’y a de différence que dans l’organisation, vous montrerez du sens et de la raison, vous serez de bonne foi ; mais on en conclura contre vous qu’avec une matière inerte, disposée d’une certaine manière, imprégnée d’une autre matière inerte, de la chaleur et du mouvement, on obtient de la sensibilité, de la vie, de la mémoire, de la conscience, des passions, de la pensée. Il ne vous reste qu’un de ces deux partis à prendre ; c’est d’imaginer dans la masse inerte de l’œuf un élément caché qui en attendait le développement pour manifester sa présence, ou de supposer que cet élément imperceptible s’y est insinué à travers la coque dans un instant déterminé du développement. Mais qu’est-ce que cet élément ? Occupait-il de l’espace, ou n’en occupait-il point ? Comment est-il venu, ou s’est-il échappé, sans se mouvoir ? Où était-il ? Que faisait-il là ou ailleurs ? A-t-il été créé à l’instant du besoin ? Existait-il ? Attendait-il un domicile ? Était-il homogène ou hétérogène à ce domicile ? Homogène, il était matériel ; hétérogène, on ne conçoit ni son inertie avant le développement, ni son énergie dans l’animal développé. Écoutez-vous, et vous aurez pitié de vous-même ; vous sentirez que, pour ne pas admettre une supposition simple qui explique tout, la sensibilité, propriété générale de la matière, ou produit de l’organisation, vous renoncez au sens commun, et vous précipitez dans un abîme de mystères, de contradictions et d’absurdités. »

« Le rêve de d’Alembert » :

« Dans la goutte d’eau de Needham, tout s’exécute et se passe en un clin d’œil. Dans le monde, le même phénomène dure un peu davantage ; mais qu’est-ce que notre durée en comparaison de l’éternité des temps ? moins que la goutte que j’ai prise avec la pointe d’une aiguille, en comparaison de l’espace illimité qui m’environne. Suite indéfinie d’animalcules dans l’atome qui fermente, même suite indéfinie d’animalcules dans l’autre atome qu’on appelle la Terre. Qui sait les races d’animaux qui nous ont précédés ? qui sait les races d’animaux qui succéderont aux nôtres ? Tout change, tout passe, il n’y a que le tout qui reste. Le monde commence et finit sans cesse ; il est à chaque instant à son commencement et à sa fin ; il n’en a jamais eu d’autre, et n’en aura jamais d’autre. Dans cet immense océan de matière, pas une molécule qui ressemble à une molécule, pas une molécule qui ressemble à elle-même un instant : Rerum novus nascitur ordo , voilà son inscription éternelle... Qui sait si la fermentation et ses produits sont épuisés ? Qui sait à quel instant de la succession de ces générations animales nous en sommes ? Qui sait si ce bipède déformé, qui n’a que quatre pieds de hauteur, qu’on appelle encore dans le voisinage du pôle un homme, et qui ne tarderait pas à perdre ce nom en se déformant un peu davantage, n’est pas l’image d’une espèce qui passe ? Qui sait s’il n’en est pas ainsi de toutes les espèces d’animaux ? Qui sait si tout ne tend pas à se réduire à un grand sédiment inerte et immobile ? Qui sait quelle sera la durée de cette inertie ? Qui sait quelle race nouvelle peut résulter derechef d’un amas aussi grand de points sensibles et vivants ? Pourquoi pas un seul animal ? Qu’était l’éléphant dans son origine ? Peut-être l’animal énorme tel qu’il nous paraît, peut-être un atome, car tous les deux sont également possibles ; ils ne supposent que le mouvement et les propriétés diverses de la matière... L’éléphant, cette masse énorme, organisée, le produit subit de la fermentation ! Pourquoi non ? Le rapport de ce grand quadrupède à sa matrice première est moindre que celui du vermisseau à la molécule de farine qui l’a produit ; mais le vermisseau n’est qu’un vermisseau... C’est-à-dire que la petitesse qui vous dérobe son organisation lui ôte son merveilleux... Le prodige, c’est la vie, c’est la sensibilité ; et ce prodige n’en est plus un... Lorsque j’ai vu la matière inerte passer à l’état sensible, rien ne doit plus m’étonner... Quelle comparaison d’un petit nombre d’éléments mis en fermentation dans le creux de ma main, et de ce réservoir immense d’éléments divers épars dans les entrailles de la terre, à sa surface, au sein des mers, dans le vague des airs !... Cependant, puisque les mêmes causes subsistent, pourquoi les effets ont-ils cessé ? Pourquoi ne voyons-nous plus le taureau percer la terre de sa corne, appuyer ses pieds contre le sol, et faire effort pour en dégager son corps pesant ?... Laissez passer la race présente des animaux subsistants ; laissez agir le grand sédiment inerte quelques millions de siècles. Peut-être faut-il, pour renouveler les espèces, dix fois plus de temps qu’il n’est accordé à leur durée. Attendez, et ne vous hâtez pas de se prononcer sur le grand travail de nature. Vous avez deux grands phénomènes, le passage de l’état d’inertie à l’état de sensibilité, et les générations spontanées ; qu’ils vous suffisent : tirez-en de justes conséquences, et dans un ordre de choses où il n’y a ni grand ni petit, ni durable, ni passager absolus, garantissez-vous du sophisme de l’éphémère... » Docteur, qu’est-ce que c’est que le sophisme de l’éphémère ? »

« Lettre sur les aveugles » :

« Qu’est-ce que ce monde, monsieur Holmes ? un composé sujet à des révolutions, qui toutes indiquent une tendance continuelle à la destruction ; une succession rapide d’êtres qui s’entre-suivent, se poussent et disparaissent : une symétrie passagère ; un ordre momentané… Quelle suite prodigieuse de générations d’éphémères atteste votre éternité ! »

« Supplément au voyage de Bougainville » :

A - Comment explique-t-il le séjour de certains animaux dans des îles séparées de tout continent par des intervalles de mer effrayants ? Qui est-ce qui a porté là le loup, le renard, le chien, le cerf, le serpent ?

B - Il n’explique rien, il atteste le fait.

A - Et vous, comment l’expliquez-vous ?

B - Qui sait l’histoire primitive de notre globe ? combien d’espaces de terre maintenant isolés, étaient autrefois continus ? Le seul phénomène sur lequel on pourrait former quelque conjecture, c’est la direction de la masse des eaux qui les a séparés.

A - Comment cela ?

B - Par la forme générale des arrachements. Quelque jour nous nous amuserons de cette recherche, si cela nous convient. Pour ce moment, voyez-vous cette île qu’on appelle des Lanciers ? A l’inspection du lieu qu’elle occupe sur le globe, il n’est personne qui ne se demande : Qu’est-ce qui a placé là des hommes ? Quelle communication les liait autrefois avec le reste de leur espèce ? Que deviennent-ils en se multipliant sur un espace qui n’a pas plus d’une lieue de diamètre ?

Article « Autorité politique » de l’Encyclopédie :

« Aucun homme n’a reçu de la nature le droit de commander aux autres… L’autorité vient d’une autre origine que de la nature. Qu’on examine bien, et on la fera toujours remonter à l’une de ces deux sources : ou la force et la violence de celui qui s’en est emparé, ou le consentement de ceux qui s’y sont soumis par un contrat fait ou supposé entre eux et celui à qui ils ont déféré l’autorité… Le gouvernement, quoique héréditaire dans une famille et mis entre les mains d’un seul, n’est pas un bien particulier, mais un bien public… Ce n’est pas l’Etat qui appartient au prince, c’est le prince qui appartient à l’Etat ; mais il appartient au prince de gouverner dans l’Etat, parce que l’Etat l’a choisi pour cela… Les conditions de ce pacte sont différentes dans les différents Etats. »

Article « Droit naturel » de l’Encyclopédie :

« Si les animaux étaient d’un ordre à peu près égal au nôtre ; s’il y avait des moyens sûrs de communication entre eux et nous ; s’ils pouvaient nous transmettre évidemment leur sentiments et leurs pensées, et connaître les nôtres avec la même évidence ; en un mot, s’ils pouvaient voter dans une assemblée générale, il faudrait les y appeler ; et la cause du droit naturel ne se plaiderait plus par-devant l’humanité, mais par-devant l’animalité. »

« Principes de politique des souverains » :

« Dans un État, il n´y a qu´un asile pour les malfaiteurs, le palais de César… Plus un souverain recommande l´exercice des lois, plus il est à présumer que les magistrats sont lâches… La liberté d´écrire et de parler impunément, marque ou l´extrême bonté du prince, ou le profond esclavage du peuple ; on ne permet de dire qu´à celui qui ne peut rien. »

« Réfutation d’Helvétius » :

« La nation (française) est aujourd’hui le mépris de l’Europe. Nulle crise salutaire ne lui rendra sa liberté ; c’est par la consomption qu’elle périra. La conquête est le seul remède à ses malheurs ; et c’est le hasard et les circonstances qui décident de l’efficacité d’un tel remède… Sous quelque gouvernement que ce soit, la nature a posé des limites au malheur des peuples. Au-delà de ces limites, c’est ou la mort, ou la fuite, ou la révolte… Les empires mûrissent et se pourrissent à la longue comme les fruits. Dans cet état, l’événement le plus frivole amène la dissolution de l’empire, et la secousse la plus légère la chute du fruit ; mais et la chute et la dissolution avaient été préparées par une longue Suite d’événements. Un moment plus tard, et l’empire se serait dissous et le fruit serait tombé de lui-même…. Bientôt il s’avouera qu’il se commet et qu’il doit se commettre plus de scélératesses de toute espèce, en un jour, dans une des trois grandes capitales de l’Europe qu’il ne s’en commet et qu’il ne s’en peut commettre en un siècle dans toutes les hordes sauvages de la terre. Donc l’état sauvage est préférable à l’état policé. »

« Quelque avantage qu’on imagine à priver les femmes de la propriété de leur corps, pour en faire un effet public, c’est une espèce de tyrannie dont l’idée me révolte, une manière raffinée d’accroître leur servitude qui n’est déjà que trop grande. Qu’elles puissent dire à un capitaine, à un magistrat, à quelque autre citoyen illustre que ce soit : « Oui, vous êtes un grand homme, mais vous n’êtes pas mon fait. La patrie vous doit des honneurs, mais qu’elle ne s’acquitte pas à mes dépens. Je suis libre, dites-vous, et par le sacrifice de mon goût et de mes sens vous m’assujettissez à la fonction la plus vile de la dernière des esclaves. Nous avons des aversions qui nous sont propres et que vous ne connaissez ni ne pouvez connaître. Nous sommes au supplice, nous, dans des instants qui auraient à peine le plus léger désagrément pour vous. Vous disposez de vos organes comme il vous plaît ; les nôtres moins indulgents ne sont pas même toujours d’accord avec notre cœur, ils ont quelquefois leur choix séparé. Ne voulez-vous tenir entre vos bras qu’une femme que vous aimez, ou votre bonheur exige-t-il que vous en soyez aimé ? Vous suffit-il d’être heureux, et seriez-vous assez peu délicat pour négliger le bonheur d’une autre ? Quoi, parce que vous avez massacré les ennemis de l’État, il faut que nous nous déshabillions en votre présence, que votre œil curieux parcoure nos charmes, et que nous nous associions aux victimes, aux taureaux, aux génisses dont le sang teindra les autels des dieux, en action de grâces de votre victoire ! Il ne vous resterait plus qu’à nous défendre d’être passives comme elles. Si vous êtes un héros, ayez-en les sentiments : refusez-vous à une récompense que la patrie n’est pas en droit de vous accorder, et ne nous confondez pas avec le marbre insensible qui se prêtera sans se plaindre au ciseau du statuaire. Qu’on ordonne à l’artiste votre statue, mais qu’on ne m’ordonne pas d’être la mère de vos enfants. Qui vous a dit que mon choix n’était pas fait ? et pourquoi faut-il que le jour de votre triomphe soit marqué des larmes de deux malheureux ? L’enthousiasme de la patrie bouillonnait au fond de votre cœur, vous vous couvrîtes de vos armes et vous allâtes chercher notre ennemi. Attendez que le même enthousiasme me sollicite d’arracher moi-même mes vêtements et de courir au-devant de vos pas, mais ne m’en faites pas une loi. Lorsque vous marchâtes au combat, ce ne fut point à la loi, ce fut à votre cœur magnanime que vous obéîtes ; qu’il me soit permis d’obéir au mien. Ne vous lasserez-vous point de nous ordonner des vertus, comme si nous étions incapables d’en avoir de nous-mêmes ? Ne vous lasserez-vous point de nous faire des devoirs chimériques, où nous ne voyons que trop d’estime ou trop de mépris ? Trop de mépris, lorsque vous en usez avec nous comme la branche de laurier qui se laisse cueillir et plier sans murmure ; trop d’estime, si nous sommes la plus belle couronne que vous puissiez ambitionner. Vous ne contraindrez pas mon hommage, si vous pensez qu’il n’y a d’hommage flatteur que celui qui est libre. Mais je me tais et je rougis de parler au défenseur de mon pays, comme je parlerais à mon ravisseur. »

« J’invite tous les physiciens et tous les chimistes à rechercher ce que c’est que la substance animale, sensible et vivante.
Je vois clairement dans le développement de l’œuf et quelques autres opérations de la nature, la matière inerte en apparence, mais organisée, passer par des agents purement physiques, de l’état d’inertie à l’état de sensibilité et de vie, mais la liaison nécessaire de ce passage m’échappe.
Il faut que les notions de matière, d’organisation, de mouvement, de chaleur, de chair, de sensibilité et de vie soient encore bien incomplètes.
Il faut en convenir, l’organisation ou la coordination de parties inertes ne mène point du tout à la sensibilité, et la sensibilité générale des molécules de la matière n’est qu’une supposition, qui tire toute sa force des difficultés dont elle débarrasse, ce qui ne suffit pas en bonne philosophie. Et puis revenons à notre auteur.
Est-il bien vrai que la douleur et le plaisir physiques, peut-être les seuls principes des actions de l’animal, soient aussi les seuls principes des actions de l’homme ?
Sans doute, il faut être organisé comme nous et sentir pour agir ; mais il me semble que ce sont là les conditions essentielles et primitives, les données sine qua non, mais que les motifs immédiats et prochains de nos aversions et de nos désirs sont autre chose.
Sans alcali et sans sable, il n’y a point de verre ; mais ces éléments sont-ils la cause de la transparence ?
Sans terrains incultes et sans bras on ne défriche point ; mais sont-ce là les motifs de l’agriculteur quand il défriche ?
Prendre des conditions pour des causes, c’est s’exposer à des paralogismes puérils et à des conséquences insignifiantes.
Si je disais : Il faut être pour sentir, il faut sentir pour être animal ou homme, il faut être animal ou homme pour être avare, ambitieux et jaloux ; donc la jalousie, l’ambition, l’avarice ont pour principes l’organisation, la sensibilité, l’existence… pourriez-vous vous empêcher de rire ? Et pourquoi ? C’est que je prendrais la condition de toute action animale en général pour le motif de l’action de l’individu d’une espèce d’animal qu’on appelle homme.
Tout ce que je fais, assurément je le fais pour sentir agréablement, ou de peur de sentir douloureusement ; mais le mot sentir n’a-t-il qu’une seule acception ?
N’y a-t-il que du plaisir physique à posséder une belle femme ? N’y a-t-il que de la peine physique à la perdre ou par la mort ou par l’inconstance ?
La distinction du physique et du moral n’est-elle pas aussi solide que celle d’animal qui sent et d’animal qui raisonne ?
Ce qui appartient à l’être qui sent et ce qui appartient à l’être qui réfléchit ne se trouvent-ils pas tantôt réunis, tantôt séparés dans presque toutes les actions qui font le bonheur ou le malheur de notre vie, bonheur et malheur qui supposent la sensation physique comme condition, c’est-à-dire qu’il ne faut pas être un chou ? »

« Entretien avec d’Alembert » :

« La sensibilité est une qualité générale et essentielle de la matière, qui est la substance unique ; une échelle des êtres conduit sans saut de la pierre à l’homme, qui n’est pas une exception dans la nature. »

« Le rêve de d’Alembert » :

« Les organes produisent les besoins et réciproquement les besoins produisent les organes… Supposez une longue suite de générations manchotes, supposez des efforts continus, et vous verrez les deux côtés de cette pincette s’étendre, s’étendre de plus en plus, se croiser sur le dos, revenir par devant, peut-être se digiter à leurs extrémités, et refaire des bras et des mains. La conformation originelle s’altère ou se perfectionne par la nécessité et les fonctions habituelles… Et qu’est-ce qu’il y a d’étonnant à cela ?... Tous les êtres circulent les uns dans les autres, par conséquent toutes les espèces… tout est en un flux perpétuel… Tout animal est plus ou moins homme ; tout minéral est plus ou moins plante ; toute plante est plus ou moins animal… Toute chose est plus ou moins une chose quelconque, plus ou moins terre, plus ou moins eau, plus ou moins air, plus ou moins feu, plus ou moins d’un règne ou d’une autre… Ne convenez-vous pas que tout tient en nature et qu’il est impossible qu’il y ait un vide dans la chaîne… Et les espèces ? les espèces ne sont que des tendances à un terme commun qui leur est propre… Et la vie ?... La vie, une suite d’actions et de réactions… Vivant, j’agis et je réagis en masse. Mort, j’agis et je réagis en molécules… »

« Supplément au voyage de Bougainville » :

« Hier, en soupant, tu nous as entretenus de magistrats et de prêtres ; je ne sais quels sont ces personnages que tu appelles « magistrats » et « prêtres », et dont l’autorité règle votre conduite ; mais, dis-moi, sont-ils maîtres du bien et du mal ? Peuvent-ils faire que ce qui est juste soit injuste et que ce qui est injuste soit juste ? Dépend-il d’eux d’attacher le bien à des actions nuisibles, et le mal à des actions innocentes ou utiles ? Tu ne saurais le penser… Et d’un moment à l’autre, tu serais obligé de changer d’idées et de conduite. Un jour, l’on te dirait, de la part de l’un de tes trois maîtres (magistrat, prêtre et dieu) : « tue » ; et tu serais obligé, en conscience, de tuer ; un autre jour : « vole » ; et tu serais tenu de voler ; ou « ne mange pas de ce fruit » ; et tu n’oserais en manger ; « je te défends ce légume ou cet animal » ; et tu te garderais d’y toucher… Veux-tu savoir, en tous temps et en tous lieux, ce qui est bon et mauvais ? Attache-toi à la nature des choses et des actions ; à tes rapports avec ton semblable ; à l’influence de ta conduite sur ton utilité particulière et le bien général. »

« Sur les femmes » :

« Quand on écrit des femmes, il faut tremper sa plume dans l’arc-en-ciel et jeter sur sa ligne la poussière des ailes du papillon ; comme le petit chien du pèlerin, à chaque fois qu’on secoue la patte, il faut qu’il en tombe des perles… Dans presque toutes les contrées, la cruauté des lois civiles s’est réunie contre les femmes à la cruauté de la nature. Elles ont été traitées comme des enfants imbéciles. Nulle sorte de vexations que, chez les peuples policés, l’homme ne puisse exercer impunément contre la femme. La seule représaille qui dépende d’elle est suivie du trouble domestique, et punie d’un mépris plus ou moins marqué, selon que la nation a plus ou moins de mœurs. Nulle sorte de vexations que le sauvage n’exerce contre sa femme. La femme, malheureuse dans les villes, est plus malheureuse encore au fond des forêts… Quand les femmes ont du génie, je leur en crois l’empreinte plus originale qu’en nous. »

« Le neveu de Rameau » :

« Il n’y a plus de patrie : je ne vois d’un pôle à l’autre que des tyrans et des esclaves. »

« LUI.
Le pis c’est la posture contrainte où nous tient le besoin. L’homme nécessiteux ne marche pas comme un autre, il saute, il rampe, il se tortille, il se traîne, il passe sa vie à prendre et à exécuter des positions.
MOI.
Qu’est-ce que des positions ?
LUI.
Allez le demander à Noverre. Le monde en offre bien plus que son art n’en peut imiter.
MOI.
Et vous voilà aussi, pour me servir de votre expression, ou de celle de Montaigne, perché sur l’épicycle de Mercure et considérant les différentes pantomimes de l’espèce humaine.
LUI.
Non, non, vous dis-je, je suis trop lourd pour m’élever si haut. J’abandonne aux outres le séjour des brouillards, je vais terre à terre. Je regarde autour de moi, et je prends mes positions, ou je m’amuse des positions que je vois prendre aux autres ; je suis excellent pantomime comme vous en allez juger.

Puis il se mit à sourire, à contrefaire l’homme admirateur, l’homme suppliant, l’homme complaisant ; il a le pied droit en avant, le gauche en arrière, le dos courbé, la tête relevée, le regard comme attaché sur d’autres yeux, la bouche béante, les bras portés vers quelque objet ; il attend un ordre, il le reçoit, il part comme un trait, il revient, il est exécuté, il en rend compte ; il est attentif à tout ; il ramasse ce qui tombe, il place un oreiller ou un tabouret sous des pieds ; il tient une soucoupe ; il approche une chaise ; il ouvre une porte ; il ferme une fenêtre, il tire des rideaux ; il observe le maître et la maîtresse ; il est immobile, les bras pendants, les jambes parallèles ; il écoute, il cherche à lire sur les visages et il ajoute : Voilà ma pantomime, à peu près la même que celle des flatteurs, des courtisans, des valets et des gueux.
Les folies de cet homme, les contes de l’abbé Galiani, les extravagances de Rabelais, m’ont quelquefois fait rêver profondément. Ce sont trois magasins où je me suis pourvu de masques ridicules que je place sur le visage des plus graves personnages, et je vois Pantalon dans un prélat, un satyre dans un président, un pourceau dans un cénobite, une autruche dans un ministre, une oie dans son premier commis.
MOI.
Mais à votre compte, dis-je à mon homme, il y a bien des gueux dans ce monde-ci, et je ne connais personne qui ne sache quelques pas de votre danse.
LUI.
Vous avez raison. Il n’y a dans tout un royaume qu’un homme qui marche, c’est le souverain ; tout le reste prend des positions.
MOI.
Le souverain ? Encore y a-t-il quelque chose à dire. Et croyez-vous qu’il ne se trouve pas de temps en temps à côté de lui un petit pied, un petit chignon, un petit nez qui lui fasse faire un peu de pantomime ? Quiconque a besoin d’un autre est indigent et prend une position. Le roi prend une position devant sa maîtresse, et devant Dieu il fait son pas de pantomime. Le ministre fait le pas de courtisan, de flatteur, de valet et de gueux devant son roi. La foule des ambitieux danse vos positions, en cent manières plus viles les unes que les autres, devant le ministre. L’abbé de condition, en rabat et en manteau long au moins une fois la semaine, devant le dépositaire de la feuille des bénéfices. Ma foi, ce que vous appelez la pantomime des gueux est le grand branle de la terre ; chacun a sa petite Hus et son Bertin.
LUI.
Cela me console.

Mais tandis que je parlais, il contrefaisait à mourir de rire les positions des personnages que je nommais. Par exemple, pour le petit abbé, il tenait son chapeau sous le bras et son bréviaire de la main gauche ; de la droite il relevait la queue de son manteau, il s’avançait la tête un peu penchée sur l’épaule, les yeux baissés, imitant si parfaitement l’hypocrite, que je crus voir l’auteur des Réfutations devant l’évêque d’Orléans. Aux flatteurs, aux ambitieux, il était ventre à terre ; c’était Bouret au contrôle général.
MOI.
Cela est supérieurement exécuté ; mais il y a pourtant un être dispensé de la pantomime. C’est le philosophe qui n’a rien et qui ne demande rien.
LUI.
Et où est cet animal-là ? S’il n’a rien, il souffre ; s’il ne sollicite rien, il n’obtiendra rien… et il souffrira toujours. »

Le paradoxe du comédien » :

« LE PREMIER

Et pourquoi l’acteur différerait-il du poète, du peintre, de l’orateur, du musicien ? Ce n’est pas dans la fureur du premier jet que les traits caractéristiques se présentent, c’est dans des moments tranquilles et froids, dans des moments tout à fait inattendus. On ne sait d’où ces traits viennent ; ils tiennent de l’inspiration. C’est lorsque, suspendus entre la nature et leur ébauche, ces génies portent alternativement un œil attentif sur l’une et l’autre ; les beautés d’inspiration, les traits fortuits qu’ils répandent dans leurs ouvrages, et dont l’apparition subite les étonne eux-mêmes, sont d’un effet et d’un succès bien autrement assurés que ce qu’ils ont jeté de boutade. C’est au sang-froid à tempérer le délire de l’enthousiasme.
Ce n’est pas l’homme violent qui est hors de lui-même qui dispose de nous ; c’est un avantage réservé à l’homme qui se possède. Les grands poètes dramatiques surtout sont spectateurs assidus de ce qui se passe autour d’eux dans le monde physique et dans le monde moral.
LE SECOND
Qui n’est qu’un.
LE PREMIER
Ils saisissent tout ce qui les frappe ; ils en font des recueils. C’est de ces recueils formés en eux, à leur insu, que tant de phénomènes rares passent dans leurs ouvrages. Les hommes chauds, violents, sensibles, sont en scène ; ils donnent le spectacle, mais ils n’en jouissent pas. C’est d’après eux que l’homme de génie fait sa copie. Les grands poètes, les grands acteurs, et peut-être en général tous les grands imitateurs de la nature, quels qu’ils soient, doués d’une belle imagination, d’un grand jugement, d’un tact fin, d’un goût très-sûr, sont les êtres les moins sensibles. Ils sont également propres à trop de choses ; ils sont trop occupés à regarder, à reconnaître et à imiter, pour être vivement affectés au dedans d’eux-mêmes. Je les vois sans cesse le portefeuille sur les genoux et le crayon à la main.
Nous sentons, nous ; eux, ils observent, étudient et peignent. Le dirai-je ? Pourquoi non ? La sensibilité n’est guère la qualité d’un grand génie. Il aimera la justice ; mais il exercera cette vertu sans en recueillir la douceur. Ce n’est pas son cœur, c’est sa tête qui fait tout. À la moindre circonstance inopinée, l’homme sensible la perd ; il ne sera ni un grand roi, ni un grand ministre, ni un grand capitaine, ni un grand avocat, ni un grand médecin. Remplissez la salle du spectacle de ces pleureurs-là, mais ne m’en placez aucun sur la scène. Voyez les femmes ; elles nous surpassent certainement, et de fort loin, en sensibilité : quelle comparaison d’elles à nous dans les instants de la passion ! Mais autant nous le leur cédons quand elles agissent, autant elles restent au-dessous de nous quand elles imitent. La sensibilité n’est jamais sans faiblesse d’organisation. La larme qui s’échappe de l’homme vraiment homme nous touche plus que tous les pleurs d’une femme. Dans la grande comédie, la comédie du monde, celle à laquelle j’en reviens toujours, toutes les âmes chaudes occupent le théâtre ; tous les hommes de génie sont au parterre. Les premiers s’appellent des fous ; les seconds, qui s’occupent à copier leurs folies, s’appellent des sages. C’est l’œil du sage qui saisit le ridicule de tant de personnages divers, qui le peint, et qui vous fait rire et de ces fâcheux originaux dont vous avez été la victime, et de vous-même. C’est lui qui vous observait, et qui traçait la copie comique et du fâcheux et de votre supplice.
Ces vérités seraient démontrées que les grands comédiens n’en conviendraient pas ; c’est leur secret. Les acteurs médiocres ou novices sont faits pour les rejeter, et l’on pourrait dire de quelques autres qu’ils croient sentir, comme on a dit du superstitieux, qu’il croit croire ; et que sans la foi pour celui-ci, et sans la sensibilité pour celui-là, il n’y a point de salut.
Mais quoi ? dira-t-on, ces accents si plaintifs, si douloureux, que cette mère arrache du fond de ses entrailles, et dont les miennes sont si violemment secouées, ce n’est pas le sentiment actuel qui les produit, ce n’est pas le désespoir qui les inspire ? Nullement ; et la preuve, c’est qu’ils sont mesurés ; qu’ils font partie d’un système de déclamation : que plus bas ou plus aigus de la vingtième partie d’un quart de ton, ils sont faux ; qu’ils sont soumis à une loi d’unité ; qu’ils sont, comme dans l’harmonie, préparés et sauvés : qu’ils ne satisfont à toutes les conditions requises que par une longue étude ; qu’ils concourent à la solution d’un problème proposé ; que pour être poussés juste, ils ont été répétés cent fois, et que malgré ces fréquentes répétitions, on les manque encore ; c’est qu’avant de dire :

Zaïre, vous pleurez !

ou,

Vous y serez, ma fille,

l’acteur s’est longtemps écouté lui-même ; c’est qu’il s’écoute au moment où il vous trouble, et que tout son talent consiste non pas à sentir, comme vous le supposez, mais à rendre si scrupuleusement les signes extérieurs du sentiment, que vous vous y trompiez. Les cris de sa douleur sont notés dans son oreille. Les gestes de son désespoir sont de mémoire, et ont été préparés devant une glace. Il sait le moment précis où il tirera son mouchoir et où les larmes couleront ; attendez-les à ce mot, à cette syllabe, ni plus tôt ni plus tard. Ce tremblement de la voix, ces mots suspendus, ces sons étouffés ou traînés, ce frémissement des membres, ce vacillement des genoux, ces évanouissements, ces fureurs, pure imitation, leçon recordée d’avance, grimace pathétique, singerie sublime dont l’acteur garde le souvenir longtemps après l’avoir étudiée, dont il avait la conscience présente au moment où il l’exécutait, qui lui laisse, heureusement pour le poète, pour le spectateur et pour lui, toute la liberté de son esprit, et qui ne lui ôte, ainsi que les autres exercices, que la force du corps. Le socque ou le cothurne déposé, sa voix est éteinte, il éprouve une extrême fatigue, il va changer de linge ou se coucher ; mais il ne lui reste ni trouble, ni douleur, ni mélancolie, ni affaissement d’âme. C’est vous qui remportez toutes ces impressions. L’acteur est las, et vous tristes ; c’est qu’il s’est démené sans rien sentir, et que vous avez senti sans vous démener. S’il en était autrement, la condition du comédien serait la plus malheureuse des conditions ; mais il n’est pas le personnage, il le joue et le joue si bien que vous le prenez pour tel : l’illusion n’est que pour vous ; il sait bien, lui, qu’il ne l’est pas. »

« Pensées sur l’interprétation de la nature » :

« Quand on considère le règne animal,, et que l’on s’aperçoit que, parmi les quadrupèdes, il n’y en a pas un qui n’ait les fonctions et les parties, surtout intérieures, entièrement semblables à un autre quadrupède, animal, prototype de tous les animaux, dont la nature n’a fait qu’allonger, raccourcir, transformer, multiplier, oblitérer certains organes ? Imaginez les doigts de la main réunis, et la matière des ongles si abondante que, venant à s’étendre et à se gonfler, elle enveloppe et couvre le tout : au lieu de la main d’un homme, vous aurez le pied d’un cheval. Quand on voit les métamorphoses successives de l’enveloppe du prototype, quel qu’il ait été, approcher un règne d’un autre règne par des degrés insensibles, et peupler les confins où il n’y a aucune division réelle), et peupler, dis-je, les confins des deux règnes (s’il est permis de se servir du terme de confins où il n’y a aucune division réelle), et peupler, dis-je, les confins des deux règnes, d’êtres incertains, ambigus, dépouillés en grande partie des formes, des qualités, des fonctions de l’autre, qui ne se sentirait porté à croire qu’il n’y a jamais eu qu’un premier être, prototype de tous les êtres ? »

« Trois pensées sur le génie de l’expérimentation » :

« La grande habitude de faire des expériences donne aux manouvriers d’opérations les plus grossiers un pressentiment qui a le caractère de l’inspiration. Il ne tiendrait qu’à eux de s’y tromper, comme Socrate, et de l’appeler un « démon familier ». Socrate avait une si prodigieuse habitude de considérer les hommes et de peser les circonstances, que, dans les occasions les plus délicates, il s’exécutait secrètement en lui une combinaison prompte et juste, suivie d’un pronostic dont l’évènement ne s’écartait guère. Il jugeait des hommes comme les gens de goût jugent des ouvrages de l’esprit, par sentiment. »

« De la poésie dramatique » :

« Le génie est de tous les temps, mais les hommes qui le portent en eux demeurent engourdis, à moins que des événements extraordinaires n’échauffent la masse et ne les fasse paraître. »

« La vie et la mort (au père Hoop) » :

« Dites-moi, avez-vous pensé sérieusement à ce que c’est que vivre ? Concevez-vous bien qu’un être puisse jamais passer de l’état de non vivant à l’état de vivant ! Un corps s’accroît ou diminue, se meut ou se repose ; mais s’il ne vit pas par lui-même, croyez-vous qu’un changement, quel qu’il soit, puisse lui donner la vie ? Il n’en est pas vivre comme de se mouvoir, c’est autre chose. Un corps en mouvement frappe un corps en repos, et celui-ci se meut ; mais arrêtez, accélérez un corps non vivant, ajoutez-y, retranchez-en, organisez-le, c’est-à-dire disposez-en les parties comme vous l’imaginerez : si elles sont mortes, elles ne vivront non plus dans une position que dans une autre. Supposer qu’en mettant à côté d’une particule morte une, deux ou trois particules mortes, on en formera un système de corps vivant, c’est avancer, ce me semble, une absurdité très forte, ou je ne m’y connais pas. Quoi ! la particule « a » placée à gauche de la particule « b » n’avait point la conscience de son existence, ne sentait point, était inerte et morte ; et voilà que, celle qui était à gauche mise à droite, et celle qui était à droite mise à gauche, le tout vit, se connaît, se sent !... La seule différence que je connaisse entre la mort et la vie, c’est qu’à présent vous vivez en masse, et que dissous, épars en molécules, dans vingt ans d’ici vous vivrez en détail. »

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