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Une science philosophique doublée d’une philosophie scientifique

jeudi 2 juin 2016, par Robert Paris

« Philosophie et science sont deux termes inséparables : car le propre de la pensée philosophique est de ne pas considérer les choses par leur côté extérieur et superficiel, mais dans leurs caractères essentiels et nécessaires. »

G.W.F Hegel dans « Esthétique »

Une science philosophique doublée d’une philosophie scientifique

Tirer une philosophie des sciences, demander à la science quelle est sa philosophie, voilà une interaction dialectique qui n’est nullement l’adage actuel des classes dirigeantes. C’est même le contraire ! Alors qu’elles prétendent combattre les idéologies communautaristes, les propagandes sectaires, les sectes mystiques, les classes dirigeantes ne cessent de les nourrir intellectuellement en refusant à la fois à la science le statut de philosophie et à la philosophie le secours de la science. Cela provient de l’absence, pour la domination capitaliste sur le monde, de tout caractère resté progressiste, au plan matériel comme intellectuel.

Bien entendu, certains diront que la science n’a pas besoin de philosophie ni la philosophie de sciences, que la science est bien trop compliquée et n’est accessible qu’aux spécialistes et que la philosophie n’a pas à s’en préoccuper, que les questions philosophiques n’ont pas à être tranchées par la science, et autre billevesées. Ils diront que la philosophie n’a pas à soumettre à la science ni la science à se soumettre à la philosophie. C’est un peu comme si on disait que notre corps n’a pas à se soumettre à notre cerveau et inversement…

Qu’on le veuille ou pas, qu’on en ait conscience ou pas, science et philosophie sont inséparables. Car il y a un seul monde !

Albert Einstein écrit dans « Physique et réalité » (1936) : « On a souvent dit, et non sans raison, que les chercheurs en sciences de la nature étaient de piètres philosophes. S’il en est ainsi, le physicien ne ferait-il pas mieux de laisser au philosophe le soin de philosopher ? » Dans « L’évolution des idées en physique », Einstein répond que « Les résultats de la recherche scientifique nécessitent très souvent un changement dans la conception philosophique des problèmes qui s’étendent au delà du domaine restreint de la science. » Il déclarait dans un exposé de 1950 intitulé « La physique et les autres sciences » : « Si l’on entend par philosophie l’effort pour parvenir à une connaissance aussi générale, aussi universelle que possible, il est clair que la philosophie est la mère de toute recherche. Mais il est tout aussi justifié de dire, que les branches particulières de la recherche ont exercé chacune, en retour, une forte influence sur la pensée philosophique des hommes cultivés de chaque époque. »

Il va de soi que seuls les spécialistes peuvent trancher une question pointue d’un domaine donné, mais doit-on se contenter de laisser la parole aux spécialistes pour tirer des leçons générales de leurs recherches ? La science pose des problèmes qui concernent l’univers tout entier, donc l’ensemble de hommes et pas seulement les spécialistes. Einstein discute cette question dans son Avant-propos à l’ouvrage de vulgarisation sur la Relativité de Lincoln Barnett intitulé « Einstein et l’univers » : « Il ne suffit pas qu’une poignée de spécialistes de chaque domaine s’attaque à un problème, le résolve et l’applique. Réduire et limiter le corps de la connaissance à un petit groupe anéantit l’esprit philosophique d’un peuple, et conduit à la plus grave pauvreté spirituelle. » Dans son ouvrage récent intitulé « Les grandes idées de la Physique », le physicien Jean Perdijan, souligne le danger de faire de la science l’apanage des seuls scientifiques : « Faire de la physique, c’est se comporter à l’égard de l’Univers comme si rien n’allait de soi. (...) A notre époque de technologie avancée, on ne s’émerveille même pas quand apparaît sur l’écran une image transmise par satellite, mais on ne cherche pas plus à comprendre : on dit simplement que c’est étudié pour. Voilà pourquoi on peut se demander si le progrès des connaissances, en obligeant à la spécialisation, ne risque pas de conduire à un nouvel obscurantisme généralisé, où le spécialiste ignorerait tout ce qui ne concerne pas sa discipline, alors que le non-spécialiste renoncerait par avance à toute possibilité de réfléchir sur le monde. » Combattant ceux qui opposent la prétendue « solidité » des mathématiques au caractère hasardeux et discutable des philosophies en sciences, le mathématicien René Thom, cité par Alain Boutot, affirme : « On ne voit pas ce que pourrait être une science sinon la philosophie elle-même. » Il rejoint ainsi le point de vue d’Albert Einstein et Leopold Infeld dans « L’évolution des idées en physique » : « Les ouvrages de physique sont remplis de formules mathématiques compliquées. Mais c’est la pensée, ce sont les idées qui sont à l’origine de toute théorie physique. » Il faut également remarquer un courant de pensée chez les physiciens selon lesquels la matière n’existerait pas et serait remplacée par les seules équations mathématiques. C’est une nouvelle version des philosophies dites idéalistes puisqu’elles placent l’idée au dessus de la réalité. Chercher un système de pensée globale sur l’univers, global lui aussi, n’est pas une volonté de fonder un nouvel idéalisme.

Qu’est-ce qui a gêné la classe dirigeante pour relier sciences et philosophie ? C’est d’abord et avant tout la question sociale. Les idéologies qui refusent la science sont indispensable au conservatisme social, et en particulier les religions. Et ce n’est certainement pas au moment où le capitalisme, ayant atteint ses limites, n’envisage que des reculs profonds et violents, qu’il va renoncer à sa béquille religieuse. Il est plus que jamais nécessaire au monde capitaliste de développer des idées mystiques, métaphysiques, fanatiques, rompant avec la réalité matérielle et avec l’Histoire de la matière, de la vie, de l’homme et de la société.

S’il est plus que jamais nécessaire à la classe dirigeante de refuser une pensée scientifique sur le monde, la développer est plus que jamais nécessaire à la classe révolutionnaire, au prolétariat communiste.

« Il serait souhaitable que les idées et les intuitions de nos grands philosophes fussent étudiées avec attention. Les temps où la philosophie et les sciences positives se considéraient comme étrangères l’une à l’autre et se regardaient mutuellement avec méfiance doivent être considérés comme révolus. »

Max Planck dans « Initiations à la physique »

« La philosophie est présente dans la physique. Et la réciproque est vraie. »

Gilles Cohen-Tannoudji, dans « La Matière-Espace-Temps »

« C’est la dialectique qui est aujourd’hui la forme de pensée la plus importante pour la science de la nature, puisqu’elle est la seule à offrir l’élément d’analogie et, par suite, la méthode d’explication pour les processus évolutifs qu’on rencontre dans la nature, pour les liaisons d’ensemble, pour les passages d’un domaine de recherche à un autre. »

Engels dans la Préface à l’ « Anti-Dühring »

« Mais comme jusqu’ici on peut compter les savants qui ont appris à penser dialectiquement, le conflit entre les résultats découverts et le mode de pensée traditionnel explique l’énorme confusion qui règne actuellement dans la théorie des sciences de la nature. »

Engels dans « Socialisme scientifique et socialisme utopique ».

« Généralités concernant la méthode scientifique

On a souvent dit, non sans raison, que les chercheurs en sciences de la nature étaient de piètres philosophes. S’il en était ainsi, le physicien ne ferait-il pas mieux de laisser au philosophe le soin de philosopher ? Cela est sans doute vrai dans les périodes pendant lesquelles les physiciens croient disposer d’un système solide et incontesté de concepts fondamentaux et de lois fondamentales ; mais il en va autrement à une époque où toute l’assise de la physique est remise en question, comme c’est le cas aujourd’hui. A une pareille époque, où l’expérience le contraint à chercher des bases nouvelles et inébranlables, le physicien ne peut tout simplement abandonner à la philosophie l’examen critique des fondements de sa science, car il est le mieux placé pour savoir et sentir où le bât blesse ; dans sa recherche d’une assise nouvelle, il doit s’efforcer, autant qu’il peut, de prendre conscience de la pertinence, voire de la nécessité, des concepts dont il fait usage. »

Einstein dans « Physique et réalité »

« A l’origine, la science est une philosophie. Aujourd’hui, on croirait plutôt qu’elle ressort d’une espèce de technique. Notre monde moderne est tout entier en train de se ramener à des techniques et cela supprime la signification de toutes choses. Les gens sont progressivement tombés dans ce piège et ont expliqué que tout ce qui n’est pas technique serait sans importance. Vous pouvez vous rendre compte de cette évolution historique de l’idéologie dominante. Mais on ne peut pas en déduire que cette thèse soit une vérité absolue.Je pense que toute expérience scientifique sort de questions philosophiques. »

David Böhm dans « The Ghost in the atom » de Davies et Brown

« C’est terrible que la science se soit tant éloignée du reste de la vie intellectuelle, car elle n’avait pas du tout commencé ainsi. (…) C’est triste à dire, mais la machinerie de la science n’est pas conçue pour traiter les concepts, seulement les faits et les technologies. » (…) Howard Mumford Jones écrit : « Notre époque est fière des machines pensantes et se méfie des hommes qui cessaient de penser. » (…) Si tolérer l’ignorance d’importants objets de science est à la mode, c’est pour des motifs non seulement économiques mais aussi politiques. (…) C’est triste à dire, mais la machinerie de la science n’est pas conçue pour traiter les concepts, mais seulement les faits et les technologies. »

Robert Laughlin, dans « Un univers différent »

« Non seulement la philosophie ne peut être qu’en accord avec l’expérience naturelle, mais la naissance et la formation de la science philosophique ont la physique empirique pour présupposition et condition. »

Friedrich Hegel dans « Philosophie de la Nature »

« Le matérialisme moderne (…) n’a que faire d’une philosophie placée au-dessus des autres sciences. »

Friedrich Engels dans « Dialectique de la nature »

« Les enchaînements dialectiques ne doivent en aucune manière (…) être introduits dans les faits par construction mais découverts en partant d’eux »

Friedrich Engels dans « Dialectique de la nature »

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