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Les NuitsDebout : un mode d’action très prolétarien ?

mercredi 11 mai 2016, par Alex

Mouvement petit-bourgeois réactionnaire ou, au contraire, mode d’action inédit apte à « vraiment » changer la société ?

Avant de répondre à cette question on peut tout de même reconnaitre une première avancée théorique que les débats du mouvement NuitDebout ont apportée : des prises de position de groupes qui se réclament encore du marxisme, du communisme révolutionnaire, voire mème du trotskisme. Mais des prises de positions qui éclairent la trajectoire vers la nébuleuse réformiste de ces groupes, plus qu’elles ne donnent une idée sur ce que peut être une analyse voire une politique révolutionnaire vis-a-vis de ce type de mouvement.

Commençons par discuter le point de vue de Lutte Ouvrière dans son article Nuit debout : l’ambiguïté d’un mouvement du 13 avril 2016 :

Nuit debout rassemble pour l’instant essentiellement des enseignants, des universitaires, des intermittents du spectacle, des jeunes étudiants et lycéens (...) ces rassemblements véhiculent aussi des idées qui, elles, ne vont pas dans le sens des intérêts des travailleurs. Au-delà de la diversité des sujets de débats, qui vont de la loi travail à l’état d’urgence, en passant par l’écologie ou encore la réécriture de la Constitution, les principes revendiqués par les participants de Nuit debout sont le rejet des partis, des organisations et, sous prétexte de recherche de nouveauté, jusqu’au rejet de toute référence politique.

Or quel est le problème fondamental dont Lutte Ouvrière aimerait que les travailleurs discutent dans des AG ? La crise mondiale du capitalisme, les guerres anti-impérialistes (USA-Chine, USA-Russie) qui se profilent ? Non, de parti :

l’idée d’organisation et de parti est au contraire fondamentale pour les exploités.(...) Si un mouvement comme Nuit debout devenait massif, en restant sur la base de cet apolitisme, il ne pourrait engendrer que des courants réformistes qui apparaîtraient ou seraient présentés comme nouveaux, mais qui ne feraient que recycler le vieux jeu des partis politiques bourgeois.

Il y a certes du vrai dans ce qui précède, mais poser le problème de la position d’un mouvement sur la question du parti est prématuré . Un jeune révolté qui serait, dans ces circonstances, seulement attiré par la construction d’un parti, même révolutionnaire, est tout aussi inquiétant et potentiellement réactionnaire qu’un jeune anti-parti. Les soviets apparus en 1905 ont une importance historique fondamentale : c’est hors des partis que les ouvriers ont construit leurs organes de pouvoir. Et un des rôles d’un vrai parti révolutionnaire est de populariser cette forme d’organisation hors du parti.

Pour faire court, admettons qu’un parti qui peut être pris pour "modèle" serait le parti bolchevik de Lénine et Trotsky qui mena au pouvoir les conseils ouvriers en Octobre 1917.Qu’est-ce qui a amené à la naissance et à l’évolution d’un tel parti ?

Premièrement, c’est l’analyse en termes de classes sociales du Manifeste (Bourgeois contre Prolétaires) qui a planté le décor dans lequel toutes nos analyses existent jusqu’à aujourd’hui. Critiquer l’idéologie des Nuit Debout pourrait consister en premier lieu à expliquer que les mouvements politiques, s’ils prennent de l’ampleur, sont l’expression de luttes de classes.

Caractériser les Nuit Debout comme un mouvement de la petite-bourgeoisie serait clair de la part de LO. Or c’est sous le terme de « ce milieu » que LO parle des participants de ce mouvement. Bref un « petit milieu », des petits cercles. Or, à mon avis, il est vital que les révolutionnaires expliquent aux travailleurs que les paysans, une partie des jeunes, les chauffeurs de taxi, certains « migrants », font tous partie de cette petite bourgeoisie qui est touchée de plein fouet par la crise du capitalisme qui a fait un saut qualitatif en 2007. Et le prolétariat doit avoir une politique vis-a-vis des couches petites bourgeoise, entrainer derrière lui des couches en voie de prolétarisation de cette petite bourgeoisie. Ces bases du marxisme en terme de lutte de classe sont absentes de l’analyse de LO. Ce n’est pas parce qu’il est antiparti que le mouvement Nuit debout peut devenir réactionnaire, c’est avant tout par son caractère petit-bourgeois, dont l’aspect anti-parti est peut-être une des conséquences, mais pas la pire

Deuxièmement, LO jette aux oubliettes notre « identité nationale » en ce qui concerne la construction d’un parti communiste en France en affirmant :

Or, si on comprend l’écœurement suscité par les partis qui se sont succédés au pouvoir ou ceux qui rêvent d’y accéder pour gouverner dans le sens des intérêts capitalistes, l’idée d’organisation et de parti est au contraire fondamentale pour les exploités. La bourgeoisie a tous les partis à son service, les travailleurs aucun. Rejeter l’idée de parti en elle-même revient à s’opposer à ce que les exploités se donnent leur propre parti pour défendre leurs intérêts politiques.

Lénine et Trotsky misaient sur des militants comme Pierre Monatte et Alfred Rosmer de la CGT pour construire un parti bolchevik en France. Or qu’est-ce qui caractérisait ce qu’il y avait de mieux dans le syndicalisme révolutionnaire (qui a atteint ses limites en 1914) ? C’est justement le rejet du parti SFIO qui était pourri par l’électoralisme, l’opportunisme. Des gens comme Monatte et Rosmer pensaient s’en protéger en s’organisant dans les syndicats et les bourses du travail, c’était certes une erreur, mais Lénine et Trotsky comptaient sur ces « anti-partis » pour construire un « vrai parti » révolutionnaire. A tous ceux qui se posent la question des formes d’organisation, dans ou hors de partis, la construction de la CGT avant 1914 est un épisode à faire connaitre et méditer.

C’est une critique du mouvement Nuit debout à partir d’un point de vue de classe qui est nécessaire, non une réprimande d’instituteur comme le fait LO.

Il y a tout de même un apport théorique dans cet article de LO.

LO donne un argument « matérialiste » à ses militants, prouvant le caractère « objectivement » non prolétarien du mouvement Nuit debout :

En fait, le mouvement Nuit debout ne s’adresse pas essentiellement aux travailleurs, qui ne peuvent pas y participer en restant le jour sur leur lieu de travail et en passant la nuit sur quelque place pour débattre de sujets les plus divers. C’est à partir de leur entreprise, de leur quartier, que les travailleurs peuvent se mobiliser, s’organiser, faire grève et commencer à modifier le rapport de force en leur faveur, contre le patronat et le gouvernement.

(Après ce schéma tactique parfait décrit par LO, le comique Pierre Desproges aurait rajouté : voire Figure 1)

Bref LO est le parti des « honnêtes gens », qui ne trainent pas dehors a des heures indues. Encore une fois ce n’est pas une analyse de classe qui est présentée mais une question technique, celle des horaires de travail.

La encore c’est gommer l’histoire du mouvement ouvrier. En 2005 la colère de la jeunesse des banlieues n’a pas éclaté « dans les entreprises » (comme si l’on avait le droit de s’organiser et de discuter dans les boites hors période de gréve exceptionnelle !) mais ... lors de « nuits debout » de « sans-parti » qui affrontaient la police. Le mouvement Nuit debout est l’occasion de reparler et réhabiliter cette révolte. Mais LO voyait des « casseurs » dans ces jeunes en révoltes qui certes se sont attaques parfois aux voitures des « honnêtes gens ».

Alors rêvons a des références fondamentales qui devraient faire consensus. LO oublie tout simplement que se réunir loin du lieu de travail y compris la nuit sans faire grève est un mode de réunion que les opprimes, des paysans des jacqueries aux ouvriers utilisent depuis la nuit des temps ! Ce n’est pas sur ce plan que l’on peut critiquer Nuit debout. LO se veut le gardien du vrai drapeau du vrai parti, invitons ces militants qui pensent que des travailleurs« honnêtes » ne peuvent se réunir la nuit a relire un classique de la littérature prolétarienne (en vente chaque année à la fête de LO, en vente mais plus en lecture !), La Mère de Maxime Gorki, dont voici le chapitre 27. Les prémisses de la construction du parti bolchevik ont consiste en d’innombrables Nuits debout autant que de grèves :

*******

Les jours s’envolaient les uns après les autres avec une rapidité qui empêchait la mère de penser au Premier Mai. La nuit seulement, lorsqu’elle se reposait, fatiguée des tracas bruyants et troublants de la journée, son cœur se serrait, et elle se disait :

— Si seulement c’était déjà passé !

À l’aurore, la sirène de la fabrique rugissait. Pavel et André prenaient leur thé à la hâte, mangeaient un morceau en donnant à la mère une foule de petites commissions. Et toute la journée, elle tournait comme un écureuil en cage ; elle faisait le dîner, préparait de la colle et une sorte de gelée violette pour l’impression des proclamations ; il venait des gens qui lui remettaient des billets destinés à Pavel et disparaissaient après lui avoir communiqué leur exaltation.

Chaque nuit les feuilles qui engageaient les ouvriers à fêter le Premier Mai étaient collées sur les palissades et même aux portes de la gendarmerie ; tous les matins, on en trouvait à la fabrique. Et les policiers parcouraient le faubourg de bonne heure et arrachaient en jurant les affiches violettes ; vers midi, elles réapparaissaient et s’envolaient sous les pieds des passants. Des agents de la police secrète furent envoyés de la ville ; postés au coin des rues, ils fouillaient du regard les ouvriers qui s’en allaient dîner, joyeux et animés, ou qui revenaient à la fabrique. Tout le monde était enchanté de voir que la police était impuissante ; les gens d’âge mûr eux-mêmes se disaient en souriant :

— Voyez-vous ça !

Et partout de petits groupes se formaient pour discuter les proclamations.

La vie bouillonnait ; ce printemps-là, elle était plus intéressante pour tout le monde ; elle apportait quelque chose de nouveau ; aux uns, un prétexte de plus pour s’irriter contre les séditieux et les accabler d’invectives ; aux autres, un faible espoir, une vague inquiétude ; à d’autres encore, et c’était la minorité, la joie aiguë de savoir qu’ils étaient la force qui réveillait le monde.

Pavel et André ne dormaient presque plus ; ils rentraient, pâles, enroués, las, un moment avant l’appel de la sirène. La mère savait qu’ils organisaient des réunions dans la forêt, dans le marais ; elle n’ignorait pas que des détachements de police montée faisaient des rondes dans le faubourg, que les agents de la Secrète rôdaient partout, fouillaient les ouvriers qui s’en allaient seuls, dispersaient les groupes et, parfois même, arrêtaient l’un ou l’autre. Elle comprenait que, chaque nuit, son fils et André pouvaient être emmenés. Par moments, il lui semblait que cela aurait mieux valu pour eux.

Un silence surprenant se faisait sur le meurtre d’Isaïe. Pendant deux jours, la police locale avait interrogé une dizaine de personnes ; puis, elle s’était désintéressée de l’affaire.

Un jour, Maria Korsounova, parlant avec la mère, exprimait l’opinion de la police, avec laquelle elle vivait en paix comme avec tout le monde ; elle dit :

— Comment pourrait-on retrouver le coupable ? Ce matin-là, cent personnes peut-être ont vu Isaïe, et sur ce nombre il y en a quatre-vingt-dix, sinon plus, qui l’auraient volontiers assommé… Il a assez ennuyé son prochain pendant ces sept ans…

…Le Petit-Russien changeait visiblement. Ses joues s’étaient creusées ; les paupières appesanties s’abaissaient sur ses yeux bombés et les fermaient à demi. Il souriait plus rarement ; une fine ride descendait de ses narines jusqu’aux commissures des lèvres. Il ne parlait plus autant de choses ordinaires ; en revanche, il s’enflammait souvent, en proie à un enthousiasme qui gagnait tous ses auditeurs ; il célébrait l’avenir, la fête lumineuse et merveilleuse du triomphe de la liberté et de la raison…

Quand la mort d’Isaïe parut oubliée, André dit un jour d’un ton dédaigneux et en souriant tristement :

— Pas plus qu’ils n’aiment le peuple, nos ennemis n’aiment ceux dont ils se servent comme de chiens pour nous traquer !… Ce n’est pas leur fidèle Judas qu’ils regrettent… mais leurs pièces d’argent… oui… pas autre chose !…

Et il ajouta, après un instant de silence :

— Plus je pense à cet homme, plus j’ai pitié de lui ! Je ne voulais pas qu’on le tuât, non, je ne le voulais pas !

— Assez là-dessus, André ! dit Pavel avec fermeté.

La mère ajouta à voix basse :

— On a heurté du pied un tronc pourri, et il est tombé en poussière !

— C’est vrai, mais ce n’est pas consolant ! répondit tristement le Petit-Russien.

Il répétait souvent ces paroles, qui prenaient dans sa bouche un sens amer et caustique…

…Il vint enfin ce jour si impatiemment attendu… le Premier Mai…

Comme toujours, la sirène se mit à rugir avec autorité. La mère, qui n’avait pu fermer l’œil de toute la huit, sauta à bas de son lit ; elle alluma le samovar préparé la veille, et allait frapper à la porte des deux amis, comme d’habitude ; mais elle réfléchit, laissa retomber le bras et s’assit près de la fenêtre, appuyant sa joue sur sa main, comme si elle eût mal aux dents.

Au ciel d’un bleu très pâle, des bandes de petits nuages roses et blancs voguaient avec rapidité ; on eût dit un vol de gros oiseaux qui s’enfuyaient à tire d’aile, effrayés par le rugissement de la vapeur. La mère avait la tête lourde ; ses yeux gonflés par l’insomnie étaient secs. Dans sa poitrine régnait un calme étrange ; les battements de son cœur étaient égaux ; elle pensait à des choses coutumières…

— J’ai allumé le samovar trop tôt ; l’eau va s’évaporer. Qu’ils dorment un peu plus longtemps que d’habitude, aujourd’hui !… Ils sont épuisés tous les deux…

Un rayon de soleil matinal, traversa gaiement la vitre ; la mère y porta la main ; et lorsqu’il se posa sur ses doigts, elle le caressa doucement de l’autre main, avec un sourire pensif. Puis elle se leva, ôta le tuyau du samovar, fit sa toilette sans bruit, et se mit à prier avec de grands signes de croix et en remuant les lèvres. Son visage se rasséréna.

Le second sifflement de la sirène fut moins violent, moins assuré ; le son épais et moite tremblait un peu. Il sembla à la mère que le mugissement se prolongeait plus que de coutume.

La voix du Petit-Russien retentit dans la chambre.

— Tu entends, Pavel ? On nous appelle !…

L’un d’eux traîna ses pieds nus sur le sol ; un bâillement suivit.

— Le samovar est prêt ! cria la mère.

— Nous nous levons ! répondit joyeusement Pavel.

— Le soleil brille déjà ! reprit le Petit-Russien, et les nuages s’en vont… Ils sont de trop aujourd’hui, les nuages !…

Il pénétra dans la cuisine, tout ébouriffé, le visage encore gros de sommeil, et dit gaiement à Pélaguée :

— Bonjour, petite mère ! Comment avez-vous dormi ?

La mère s’approcha de lui et répondit à voix basse :

— Mon André, reste à côté de lui, je t’en supplie !

— Bien entendu ! chuchota le Petit-Russien. Nous resterons ensemble, nous serons partout côte à côte… sache-le bien !

— Que complotez-vous, hé ! là-bas ? demanda Pavel.

— Rien, mon fils !

— La mère me dit de me laver plus proprement, parce que les filles vont nous regarder ! expliqua André, puis il sortit pour faire sa toilette.

— « Lève-toi, lève-toi, peuple ouvrier ! » fredonna Pavel.

Le jour devenait de plus en plus clair ; les nuages s’élevaient sous la poussée du vent. La mère mit la table. Elle hochait la tête en pensant que tout était bien étrange : les deux amis plaisantaient, mais que leur arriverait-il vers midi ? On n’en savait rien. Elle-même se sentait calme, presque joyeuse.

Ils restèrent longtemps à table, pour passer le temps. Comme toujours, Pavel remuait lentement sa cuiller dans son verre de thé ; il salait son pain avec soin, l’entamure, son morceau préféré. Le Petit-Russien agitait ses pieds sous la table ; jamais il ne parvenait à les placer commodément du premier coup ; il regarda le soleil traverser les verres, courir sur les murs et au plafond, et dit :

— Quand j’étais un gamin d’une dizaine d’années, l’envie me vint un jour d’attraper un rayon de soleil avec mon verre. Je me coupai la main et je fus battu ; ensuite je sortis dans la cour et, comme le soleil se reflétait dans une flaque d’eau, je me mis à le piétiner. On me battit encore, parce que j’étais tout éclaboussé par la boue… Je criai au soleil : — Ça ne me fait pas mal, diable roux, je n’ai pas mal ! Et je lui tirai la langue… Cela me consolait…

— Pourquoi te semblait-il roux ? demanda Pavel en riant.

— En face nous demeurait un forgeron ; il avait une figure rubiconde et une barbe rousse. C’était un fameux gaillard, toujours jovial, et je trouvais que le soleil lui ressemblait.

La mère perdit patience et dit :

— Vous feriez mieux de parler de ce que vous allez faire !…

— Tout est organisé ! répliqua Pavel.

— Et quand on repasse les choses déjà arrangées, on ne fait que les embrouiller ! expliqua le Petit-Russien avec douceur. Au cas où l’on nous arrêterait, petite mère, Nicolas Ivanovitch viendra vous dire ce qu’il faudra faire ; il vous aidera en tout…

— Bien ! dit la mère en soupirant.

— J’aimerais aller dans la rue ! fit Pavel d’un air pensif.

— Non, reste plutôt à la maison en attendant ! conseilla André. À quoi bon attirer l’attention de la police ? Elle te connaît bien assez !

Fédia Mazine accourut tout rayonnant ; il avait des plaques rouges sur la figure. Plein d’émotion, de joie juvénile, il rendit l’attente moins pénible à supporter.

— On commence ! annonça-t-il. Le peuple bouge… Dans la rue, les visages sont durs… comme des haches. Vessoftchikov, Vassili Goussev et Samoïlov sont depuis le matin au portail de la fabrique ; ils parlent aux ouvriers… Il y en a déjà une quantité qui sont rentrés chez eux… Allons, c’est le moment ! Il est déjà dix heures.

— J’y vais ! dit Pavel d’un ton résolu.

— Vous verrez : après le dîner, toute la fabrique chômera ! assura Fédia, et il s’enfuit.

— Il brûle comme un cierge au vent ! dit doucement la mère. Elle se leva et passa dans la cuisine pour s’habiller.

— Où allez-vous, petite mère ?

— Avec vous ! dit-elle.

André jeta un coup d’œil à Pavel en tirant sa moustache. D’un geste vif, Pavel arrangea ses cheveux, il rejoignit sa mère dans la cuisine.

— Je ne te parlerai pas, maman… et toi, tu ne me diras rien non plus ! C’est entendu, mère chérie !

— C’est entendu !… Que Dieu vous garde ! chuchota-t-elle.

Messages

  • Un exemple de prolétaire révolutionnaire contraint de donner des insomnies à son père et de passer des Nuits blanches, seules heures de liberté pour son instruction de militant, est décrit par Hersh Mendel (Varsovie, 1890 - Tel-Aviv, 1969) dans ses « Mémoires d’un Révolutionnaire Juif » :

    De retour dans notre sous-sol de la rue Smocza, je me plongeais dans la lecture. Notre appartement se composait d’une pièce où logeait toute la famille et d’une cuisine où l’on m’avait installé un petit lit.

    Il est arrivé plus d’une fois que mon père ouvre la porte et me trouve absorbé dans la lecture. Il s’immobilisait sur le seuil et se mettait à grommeler. Je comprenais mal ce qu’il murmurait entre ses dents, mais son inquiétude et son désespoir perçaient à travers les rares mots intelligibles quil prononçait. Son instinct l’avertissait que mes lectures, loin de constituer un passe-temps inoffensif, me feraient courir un jour de graves dangers. Et dans les bribes de phrases que je comprenais revenaient fréquemment des phrases telles que : « Tu vas te faire arrêter ... Ils te laisseront tomber »

    Il refermait ensuite la porte et je l’entendais s’agiter dans son, incapable de retrouver le sommeil. Le lendemain j’avais les yeux gonflis et rougis par l’insomnie ; dans la rue, je butais contre les réverbères.

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