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Les manifestants anti-loi el Khomri sont ils antipatriotiques ? La réponse du révolutionnaire irlandais James Connolly (1903)

lundi 20 juin 2016, par Alex

Face au mouvement social de ce printemps 2016 et suite aux attentats de 2015, à l’assassinat récent de deux policiers, le nationalisme, le culte de l’armée et de la police française deviennent un des thèmes favoris du gouvernement.

La CGT qui est en pointe du mouvement contre la loi el-Khomri se voit accuser de salir l’image de la France à l’occasion de l’Euro 2016. La CGT n’a pourtant pas changé : les sommets de sa bureaucratie ont été patriotes, anti-ouvriers en 1914 (Union sacrée), 1936 (Front populaire), 1940 (le n°2 de la CGT René Belin ministre de Pétain) , 1945 (Bataille de la production) et mai 1968 et se sont en 2008, aux côtés de la CFDT, portés à nouveau volontaire pour endiguer toute révolution. Du côté des révolutionnaires l’organisation Lutte Ouvrière ose, au sein du « Camp des travailleurs » (dont fait partie la CGT), se faire la voix non des travailleurs mais des bureaucrates de la CGT au travers d’une apologie de la politique de la CGT :

Mais, même compte tenu de cet aspect contradictoire, la politique adoptée par la direction de la CGT depuis le mois de mars constitue une critique de fait de sa politique antérieure. La CGT est en train de faire la démonstration de sa capacité de mobilisation. Cela laisse entrevoir comment une attitude juste de la CGT dès l’accession au pouvoir de la gauche, des prises de position combatives contre la politique du gouvernement et, plus généralement, un langage et un comportement de lutte de classe auraient pu hâter la prise de conscience des travailleurs. La conscience avant tout que, pour s’opposer à l’offensive patronale, non seulement ils ne peuvent pas compter sur le gouvernement, mais que celui-ci est précisément un des instruments de cette offensive patronale.

Certes c’est une tragédie qui se transforme en comédie lorsqu’on passe du poème « Il nous faut un Guépéou » du poète stalinien Aragon à ce souhait de LO :« Il nous faudrait une ’bonne’ CGT comme on la voit en ce mois de juin 2016 » comme si la CGT avait et même pouvait changer de nature sous-entendu grâce à une bonne politique que lui « imposeraient » les révolutionnaires en s’appuyant sur la « pression des masses ». Comme si le moindre coup d’accélérateur de la CGT n’avait pas pour but de rendre encore plus violent et démoralisant le coup de frein qu’elle prépare à l’avance (les dates sont faciles à anticiper, le calendrier des journées d’actions de la CGT étant calqué sur celui du parlement, négation complète du concept d’« action directe » de la CGT d’avant 1914). Comme si ce que les media bourgeois appellent de manière trompeuse « coups d’accélérateurs », « radicalisation » de la CGT n’étaient pas des « coups de frein » du point de vue révolutionnaire (actions pseudo radicales, blocages de toutes sortes sans s’adresser aux autres classes sociales, absences de comités de grève etc).

Ce serait un événement-tournant si la CGT était redevenue capable, comme avant 1914 d’appuyer un mouvement, non pour l’envoyer vers la défaite, mais « dans le bon sens ». Cependant même si ce n’est pas le cas les attaques contre la CGT proviennent du camp de la bourgeoisie et sont donc comme toujours une attaque contre le prolétariat en lutte, il faut donc y répondre et ne pas se contenter des réponses réactionnaires des staliniens du style : nous sommes « de bon français ». Un premier aspect de ces attaques contre les travailleurs est d’ailleurs subtil : elles prennent pour cible non pas directement les travailleurs, ce qui pourrait contribuer à élever leur conscience de classe , mais la CGT, dans le but de contribuer à en faire aux yeux des travailleurs leur représentant authentique, ainsi que celui des traditions révolutionnaires, dont le slogan « Les prolétaires n’ont pas de patrie » est un des principes.

La question du patriotisme est un autre aspect important de ces attaques. Après la critique de la religion, la critique de la patrie fait partie des principes élémentaires de ceux qui se réclament de Marx, Lénine. Cette question du patriotisme n’est pas nouvelle. Le 100 ème anniversaire du soulèvement irlandais de 1916 est l’occasion de (re)découvrir l’irlandais James Connolly (1868-1916) , un marxiste authentique.

Irlandais, James Connolly a été confronté au patriotisme sous deux aspects : 1) le patriotisme anglais au service d’un impérialisme, donc le patriotisme d’une nation qui en opprime d’autres, comme l’est notre patriotisme français. Mais 2) en tant que militant de la classe ouvrière il combattait aussi le patriotisme irlandais, celui de sa nation, opprimée par l’Angleterre. Comment concilier la lutte contre l’oppression nationale sans devenir un nationaliste, en restant sur le terrain de la lutte de classe des prolétaires conte la bourgeoisie ? James Connolly y apporté des réponses tout au long de sa vie, qui s’est achevée il y a tout juste 100 ans lors du soulèvement de Pâques 1916 à Dublin.

Voici l’un de ses nombreux textes sur le sujet, traduit de la version anglaise Unpatriotic ?.

Antipatriotique ? (James Connolly, 1903)

Dans tous les pays de la terre où le socialisme s’est enraciné ses défenseurs font face à l’objection que leurs doctrines sont « antipatriotique », que le socialisme est une idée étrangère. Que ce soit en Irlande, en Allemagne, en France, en Amérique, en Angleterre, en Russie, en Italie ou dans tout autre pays, nous trouvons les ennemis du socialisme rabâcher sur ce seul thème, le caractère antipatriotique du mouvement Socialiste. Il convient, par conséquent, que nous examinions et analysions cette théorie afin de comprendre sur quoi elle est fondée, et comment il se fait que dans des pays si éloignés le mouvement Socialiste fait face à une opposition quasiment identique, que ce soit dans l’Irlande conservatrice ou dans l’Amérique cosmopolite.

Il est inutile d’aller très loin dans notre analyse. C’est un axiome accepté par tous les socialistes que c’est la classe qui domine l’industrie qui domine aussi politiquement, et dominera également tous les milieux sociaux et les champs de la pensée.

Jusqu’à ce que l’époque de la révolution arrive les intérêts de la classe qui détient les principaux moyens de production va colorer et modeler l’ensemble de la pensée et des institutions de la société en général ; faisant apparaitre tout ce qui sert ses intérêts comme « patriotique », « de souche » et complètement « irlandais » ou « américain » ou autre en fonction de la nationalité de la classe possédante. Et de la même manière sera estampillé comme « étranger », « antipatriotique », « non irlandais » ou « anti-américain » tout ce qui a la saveur d’un danger pour cette classe possédante. En d’autres termes, la classe possédante s’arroge toujours et partout à elle-même un droit exclusif d’être considérée comme la Nation, et en se fondant sur ce droit d’insister pour que les lois du pays soient dans ses mains pour encadrer et administrer ses propres intérêts qui, nous en sommes cordialement informés, sont les plus hauts intérêts de la Nation.

Ceci est une caractéristique des classes possédantes partout, même là où elles ne sont pas une classe dirigeante. L’agitation de la « Land League » en Irlande, et dans une moindre mesure, la présente « Land agitation », illustrent ce trait. L’agitation de la Land League est centrée autour de la lutte des fermiers pour de meilleures conditions pour leurs avoirs. C’était avant tout une lutte entre locataire et propriétaire.

L’ouvrier agricole n’était aucunement impliqué, en effet il obtient toujours du propriétaire de meilleures clauses que le fermier ; la population urbaine n’avait aucun de ses intérêt directement en jeu, les travailleurs de la ville ne sont pas pris en compte dans les Lois sur la Terre ; tous les marchands, les classes industrielles et professionnelles savaient qu’ils seraient laissés en dehors de l’accord entre les propriétaires et les locataires, si un accord était obtenu ; malgré cela , les fermiers, organisés politiquement et industriellement, et surtout dotés une conscience de classe, c’est-à-dire conscients de l’identité de leurs intérêts de classe, ont réussi à imprimer le caractère de leur mouvement sur toute la vie de l’Irlande.

Le grief de chaque agriculteur est devenu un grief national Irlandais, tout fermier refusant de payer le loyer a été idéalisé comme un patriote luttant non pas pour sa propre bourse, mais pour son pays ; chaque agriculteur expulsé a été acclamé comme un martyr pour son pays ; si un homme a repris une ferme suite à une expulsion, il ne fut pas seulement un voleur de terre ou une tâche sur sa classe, il était un traître à l’« Irlande », et toute personne qui lui parlait, ou contribuait à le nourrir, vêtir ou lui procurer un abri était lui aussi un ennemi de l’Irlande, un traître à son pays natal, un Judas ou Diarmuid Mac Murchadha. Ainsi, les fermiers ont prit le contrôle de la pensée du pays et identifié la lutte de leur propre classe pour ses droits à l’idée de patriotisme irlandais.

Cependant, nous ne soulignons pas ce fait dans le but de le dénoncer. Au contraire, nous considérons que les fermiers ont agi à bon escient dans leurs propres intérêts. Mais nous le signalons afin de souligner notre affirmation selon laquelle un acte particulier ou une doctrine politique sont patriotiques ou antipatriotiques dans la proportion exacte dans laquelle ils servent les intérêts de la classe qui, pour le moment détient le pouvoir politique. Les « Fermiers d’Irlande » ont dénoncé comme antipatriotique tout ce qui ne contribuait pas à servir leurs intérêts de classe, - y compris même la demande de l’ouvrier pour un cottage ; que la classe ouvrière d’Irlande suivre leur exemple, vérifie la sincérité du patriotisme de chaque personne par son dévouement aux intérêts de la Classe Ouvrière. Aux yeux du fermier aucune agitation de drapeau vert ne pourrait faire d’un voleur de terre un patriote : que les travailleurs utilisent le même critère et dénoncent comme ennemi de l’Irlande tous ceux qui croient en la soumission du travail au capital - qu’ils estampillent comme traîtres à ce pays tous ceux qui vivent en dépeçant les travailleurs irlandais.

Pour la classe ouvrière mondiale, la leçon est également claire. Dans tous les pays le Socialisme est étranger, antipatriotique, et il en sera ainsi jusqu’à ce que la Classe Ouvrière embrasse pour son salut et fasse du Socialisme la force politique dominante.

Alors les intérêts de la Classe Ouvrière auront le vent en poupe et le patriotisme de tous hommes sera jaugé par ses services et son dévouement à ces intérêts, donc le socialisme sera patriotique et « de souche » partout, et les défenseurs de la propriété capitaliste seront les antipatriotiques.

Par leur agressivité et l’intolérance des classes possédantes élèvent les principes de leur suprématie capitaliste à la dignité de garants des intérêts de la nation ; dans la mesure où la classe ouvrière infusera dans son organisation politique la même agressivité et la même intolérance, elle obtiendra le succès qu’elle mérite, et fera du Socialiste le seul citoyen bon et loyal.

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