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La matière, pas si inerte que ça !

vendredi 25 novembre 2016, par Robert Paris

Une imagerie en temps réel pour les vibrations moléculaires source

Quelques remarques des plus grands physiciens sur la dynamique de la matière :

« A nos simples yeux, rien ne change, mais si nous pouvions voir la matière grossie un milliard de fois, nous verrions qu’elle change en permanence : des molécules quittent la surface et d’autres y reviennent. »

Richard Feynman, Leçons de Physique

« La nature se présente à nous comme ces petites mouches des journées chaudes d’été, que nous voyons presque immobiles, soutenues par un battement d’ailes si vif qu’on le discerne à peine, et qui, soudain changent de place presque instantanément, en un vol bref et rapide, pour s’immobiliser un peu plus loin : les états stationnaires s’étalent devant nos yeux, mais pour apercevoir des transitoires, il faut les chercher. »

Georges Lochak, dans sa préface à « La dégradation de l’énergie » de Bernard Brunhes

« Un photon de lumière aiguë vient frôler un atome de matière. Fugace télescopage au fin fond du réel. En surgissent deux électrons, un de chaque signe, vifs et rapides comme l’éclair, enfin presque ; ils ralentissent, courbent leur trajectoire, lancent des photons ; s’ils se rencontrent à nouveau, ils fusionnent l’un dans l’autre puis disparaissent en remettant, comme leur dernier soupir, deux furtifs grains de lumière. »

Etienne Klein dans « Sous l’atome, les particules »

« On assiste ainsi à une cascade de phénomènes de transition à caractère explosif présidant à l’émergence, pour lesquels la science du non linéaire fournit un modèle universel, la bifurcation (...) »

Grégoire Nicolis, dans la revue « Sciences et Avenir » d’août 2005

« Mais les atomes ne sont pas des sphères newtonniennes, ce sont des entités quantiques éthérées auxquelles il manque la plus centrale de toutes les propriétés d’un objet : une position identifiable. »

Robert B. Laughlin, dans « Un univers différent »

« Le lecteur ne doit pas s’imaginer que ce nuage de photons virtuels autour d’un électron n’est qu’un gadget heuristique. Ces photons ont des effets réels, mesurables, bien que faibles en raison de la petitesse du couplage. (...) Toutes les particules quantiques existent sous forme virtuelle, pas seulement les photons. Par exemple, une paire virtuelle électron-positron peut apparaître brièvement, avant de s’annihiler dans les limites permises par les relations d’incertitude. Un photon peut ainsi se convertir soudain en une telle paire au cours de son voyage. Cela implique que deux photons peuvent se diffuser mutuellement via l’interaction de telles paires virtuelles électron-positron, processus impossible en physique classique où les faisceaux lumineux se pénètrent sans se perturber. Le fait que tous les photons, réels aussi bien que virtuels, passent une partie de leur vie sous forme d’une paire électron-positron conduit à un effet intéressant appelé polarisation du vide. Les photons virtuels qui entourent toute particule chargée contiennent des paires virtuelles électron-positron. Si la particule centrale est un électron, par exemple, sa charge électrique aura tendance à attirer les positrons virtuels et à repousser les électrons virtuels. Cette polarisation a un effet d’écran sur la charge centrale, et la charge effectivement perçue au loin est plus faible que la charge réelle de l’électron. (...) Le champ magnétique de l’électron est une autre confirmation importante de l’existence de photons virtuels. Le nuage virtuel modifie légèrement le moment magnétique. »

Paul Davies, dans « Les forces de la nature »

« Dans cette théorie, par conséquent, il n’y a pas de particule qui garde toujours son identité (...) Le mouvement est ainsi analysé en une série de recréations et de destructions, dont le résultat total est le changement continu de la particule dans l’espace. »

David Böhm, dans « Observation et Interprétation »

« Un examen un peu précis révèle que les corps solides de la nature ne sont pas rigides. »

Albert Einstein, dans « La géométrie et l’expérience »

La matière, pas si inerte que ça !

L’expression « matière inerte », censée exprimer qu’elle n’est pas identique à la « matière vivante », est restée employée, bien après qu’elle se soit révélée plutôt comme un faux ami… Opposer matière et vie n’est surement pas une bonne idée, comme le montre en janvier 2000, le biologiste François Jacob, ouvrant le cycle de l’Université de tous les savoirs en expliquant : « Qu’est-ce que la vie ? Cette question me paraît d’autant plus appropriée qu’elle n’a pas de réponse. (...) En réalité, la vie est un processus, une organisation de la matière. Elle n’existe pas en tant qu’entité indépendante qu’on pourrait caractériser. (...) On peut chercher à établir la ligne de démarcation entre vivant et non vivant. Mais il n’y a pas de « matière vivante ». Il y a de la matière qui compose les êtres vivants et cette matière n’a pas de propriétés particulières que n’aurait pas ce qui compose les corps inertes. »

Considérer la matière comme un objet immobile qui ne s’agite que si on agit dessus, de l’extérieur, est lui aussi inexact. L’inertie, d’ailleurs, ne s’est pas révélée concerner la matière mais l’énergie. Et si l’inertie est conçue comme la passivité, la matière n’est pas si inactive que l’on croyait, ni si immobile, ni si peu dynamique que cela !

Tout d’abord la matière dite inerte est beaucoup plus « vivante » que nous ne l’imaginions : plus auto-organisée, plus dynamique, plus en permanente transformation, plus évolutive, plus discontinue dans ses changements brutaux, etc…

Les gaz donnent un bon exemple de la dynamique extrêmement agitée de la matière, capable cependant de constituer des structures, de la molécule à l’étoile, à la nébuleuse et à la galaxie. Et la matière dite « solide » n’est pas plus solide que ça ! On sait qu’elle est surtout constituée de vides comme les gaz et aussi agitée qu’eux au niveau moléculaire : c’est le mouvement dit brownien. Les structures qui apparaissent stables ne sont que structurellement stables et sautent sans cesse d’un état à un autre et changent sans cesse de composants.

Inerte la matière ? Pas du tout ! C’est la dynamique extraordinairement agitée de la matière qui rend durables les structures matérielles et les situations instables, comme le vélo qui roule…

Commençons par l’exemple du vélo qui ne tombe pas parce qu’il roule puisque cet exemple de stabilité fondée sur la dynamique et fréquemment cité, a été, récemment, remis en question par des physiciens dans l’interprétation de cette stabilité dynamique par l’effet gyroscopique !!!

Voir ici les théories sur la stabilité dynamique du vélo

La stabilité complexe du vélo

Pour approfondir

La stabilité dynamique de la matière

La stabilité structurelle issue du chaos déterministe

Alors inerte ou dynamique la matière dite « inerte » ? Il convient d’abord de remarquer que la science a longtemps présenté la matière comme figée, toujours identique à elle-même, stable, immobile même, ayant tout au plus des évolutions continues, graduelles, dans lesquelles la loi était la conservation. Et on est loin d’avoir complètement rompu avec ces vieilles images de la matière.

La nature a longtemps été prise pour un ensemble d’objets fixes pouvant être mis en mouvement, modifiés ou cassés par une force externe. Cette image statique, stable, sans dynamique interne est morte. Dans tous les domaines, elle fait place à une image dynamique. Au lieu de "choses" fixes, on fait appel à des structures issue de l’agitation sous-jacente. La structure n’est qu’un mode selon lequel l’ensemble est globalement stable bien qu’en continuel changement. Les molécules du nuage changent, bougent, échangent de l’énergie, et cela même quand l’apparence extérieure du nuage reste inchangée. La stabilité de température n’est pas fondée sur l’absence d’agitation mais sur une agitation moyenne. Les éléments composants changent eux-même sans cesse, comme c’est le cas des cellules d’un être vivants, ou encore de ses molécules formant ses composants biochimiques. Il n’y a pas si longtemps, on voyait encore la matière comme une construction basée sur des objets fixes. Avec des atomes, on fabriquait des molécules. Avec des électrons et des noyaux, on fabriquait des atomes. Avec des neutrons et des protons, on fabriquait des noyaux atomiques. Les particules élémentaires semblaient des objets fixes, capables seulement de se déplacer, de s’attirer, de se repousser, de se rapprocher ou de se choquer. L’électron était un individu auquel arrivait des rencontres comme à n’importe quel individu, rencontres au travers desquelles il restait lui-même. On se demandait seulement si l’électron était élémentaire ou composite. Les caractéristiques de l’électron (masse, charge, vitesse, énergie, etc... ) semblaient être la preuve de la conservation d’un même objet au cours du temps.

Aujourd’hui, il en va tout autrement. L’électron n’est plus du tout vu comme un objet individuel, existant de manière stable à une seule échelle, mais comme un phénomène, une propriété qui se déplace, qui saut d’une particule à une autre au sein d’un nuage de points. C’est l’agitation du vide qui permet l’existence de l’électron comme des autres particules, agitation qui se manifeste par des apparitions et des disparitions de couples particule/antiparticule.

Les physiciens Georges Lochak, Simon Diner et Daniel Fargue dans « L’objet quantique ».

« Si un électron entre et sort d’une boite (une zone par exemple) (...), on ne peut pas dire que c’est le même électron qui entre et qui sort. (...) La masse est longtemps apparue comme une propriété fondamentale. N’est-il pas surprenant de la voir maintenant apparaître comme une propriété purement dynamique, liée aux propriétés du vide et à la façon dont elles affectent les particules qui s’y trouvent ? (...) Cette nouvelle conception de la masse est une révolution importante. Ce qui apparaissait comme une propriété intrinsèque et immuable se voit relégué au rang d’effet dynamique dépendant des interactions et, avant tout, de la structure du vide. »

Le noyau de l’atome lui-même n’existe que du fait d’une incroyable agitation formée non seulement par le vide mais par des myriades de particules éphémères et par des multiples échanges entre protons et neutrons et non par une fixité des neutrons et des protons.

Voici ce qu’écrit James Trefil de l’Université George Mason de Virginie : « Bien qu’on se représente habituellement le noyau comme un ensemble statique de protons et de neutrons, il est en réalité un lieu essentiellement dynamique. Des particules de toutes sortes s’y déplacent en tous sens et à toute allure, se percutant les une les autres, subissant créations et destructions selon que leur énergies sont converties en masse ou leurs masses en énergie. (...) Depuis les années cinquante, plus de deux cents de ces particules ont été découvertes à l’intérieur du noyau. »

Ainsi, on a cru que le passage d’un élément chimique à un autre était une simple croyance magique en la transmutation des éléments, avant d’apprendre que les « éléments » n’étaient pas élémentaires et que les atomes pouvaient effectivement passer d’un à un autre par la radioactivité et le faisaient effectivement en permanence dans les étoiles…

Le réductionnisme a eu beau présenter la matière de l’atome comme une adjonction d’éléments fixes de base, les particules, la découverte de la radioactivité a démontré, notamment, que cette adjonction d’éléments signifiait une perte de masse, ce qui signifiait que la composée de ces éléments avait moins de masse (et était du coup plus stable) que le total de ses « éléments » !

L’atome s’est ainsi révélé non comme le rattachement d’éléments mais comme leur organisation collective (propriété émergente) et celle-ci a montré son caractère dynamique, par exemple dans le fait que le noyau de l’atome est formé de nucléons qui échangent leurs propriétés, les protons devenant des neutrons et inversement. Et c’est cette dynamique sans cesse agitée qui permet la stabilité du noyau de l’atome malgré les énormes forces de répulsion entre protons…

La matière inerte subit des sauts qualitatifs. On connaît bien les transitions de phase entre états de la matière (solide, liquide, gaz mais aussi plasma ou état granulaire, état superfluide, état ferromagnétique, etc…). Même si la température croît progressivement (par petits bonds), la matière, elle, change brutalement d’état, passant du solide au liquide et au gaz. Ce n’est pas la composition de la « chose » qui détermine l’état mais la structure des interactions. C’est la même molécule d’eau qui participe du liquide, du solide ou du gaz et, pourtant, dans ce passage les lois changent fondamentalement. Pour observer à l’œil nu des changements de structure, on peut suivre par exemple la transformation d’un flocon de neige que les spécialistes appellent une « métamorphose ». Même s’il n’existe pas deux flocons identiques, il y a des types structurels et des sauts de structure et non une évolution lente. Des transitions, la matière en connaît de multiples : transitions d’état électromagnétique d’un matériau, le ferromagnétisme par exemple, transitions d’état de la particule, transitions liées à un choc, etc… A grande échelle, on constate également des transitions d’état. La naissance d’une étoile doit ainsi être considérée comme une transition. Ce qui la caractérise est non seulement le saut mais le changement qualitatif, structurel. Un nuage de gaz et de poussières peut s’agglomérer, mais, lorsque le noyau atteint 12 millions de degrés, des réactions nucléaires en chaîne ont lieu. Les lois au sein d’une étoile ne ressemblent en rien à celles dans le nuage qui lui a donné naissance. Une étoile est née. C’est un nouvel ordre. Les lois de conservation de l’étole ne sont plus les mêmes que celles du nuage. D’autres transitions suivent, à d’autres niveaux seuils de la température, de la taille et de la composition de l’étoile, qui mènent l’étoile vers d’autres réactions nucléaires et d’autres chocs, la supernova finissant par faire exploser l’étoile et constituer des noyaux lourds des derniers éléments chimiques de la classification de Mendeleïev.

L’expression « révolution », que nous emploierons pour caractériser les « transitions » ayant lieu sur des temps brefs, n’est pas choisie au hasard. Elle marque le choc de l’événement, sa rapidité relative, la discontinuité fondamentale du phénomène, le caractère extrême et novateur de la situation et de ses produits. Elle souligne l’existence de changements au cours desquels il n’y a pas entre deux états structurellement différents d’états intermédiaires, pas de « chaînons », comme en cherchaient les paléontologues entre deux espèces considérées comme deux étapes au sein d’une même ligne d’évolution. Le physicien-chimiste Ilya Prigogine et la philosophe Isabelle Stengers en donnent de multiples exemples physiques dans « La nouvelle alliance » où ils expliquent que « La nature bifurquante est celle où de petites différences, des fluctuations insignifiantes, peuvent, si elles se produisent dans des circonstances opportunes, envahir tout le système, engendrer un régime de fonctionnement nouveau. » Il ne s’agit pas d’une accumulation, d’une addition, mais du passage d’un schéma des interactions à une nouvelle structuration de celles-ci.

La matière, un produit de la révolution ? Examinons les nombreuses objections sérieuses qui peuvent être élevées contre une telle affirmation. Quelle est la nécessité de décrire la matière comme « révolutionnaire », peut-on se demander. Reconnaissons d’emblée que les apparences sont contre notre thèse. Les objets inertes et immobiles qui nous entourent ne semblent pas manifester la moindre propriété révolutionnaire ! Ils paraissent stables et leurs propriétés semblent inchangées. Si on les agite, ils finissent par retrouver une position d’immobilité et leur nature ne semble pas changée. Les objets sont dits « solides » parce qu’il faut de l’énergie pour les casser, les faire fondre ou les déplacer. Ils semblent compacts puisque notre doigt ne peut pas les pénétrer et qu’il faut encore de l’énergie pour les percer. Cette solidité, cette compacité, cette stabilité sont des illusions qui n’ont de sens qu’à notre échelle. On ne voit pas la matière s’agiter parce que le mouvement interne des objets est imperceptible à notre échelle. C’est ainsi que personne ne voit l’agitation moléculaire au sein de la matière, appelée mouvement brownien, et pourtant elle est indispensable à la formation d’une température et d’une pression dans un gaz et à la fusion d’un matériau solide ou la constitution d’un cristal. Si les structures et états de la matière n’étaient pas fondés sur une agitation et sur des contradictions, le changement serait aussi impossible que le mouvement. Pourtant, ces contradictions ne sont pas apparentes au sein d’un matériau stable. Si on se contente de ce qui est visible à l’oeil nu, on se sent fondé à déclarer : voilà des révolutions qui seraient bien peu bruyantes et visibles ! Où constate-t-on un ordre renversé et un nouvel ordre se constituer, issu du désordre, d’une agitation révolutionnaire ? A celui qui se fonde seulement sur ce que nous voyons à notre échelle, la matière semble d’avantage mériter le qualificatif d’ « inerte » ou encore de « solide » que celui, très étonnant, de révolutionnaire. La pierre, l’eau et le gaz ont un petit air tranquille et pourtant l’ordre global des atomes et des molécules, les états de la matière sont fondés sur un mouvement et des échanges incessants. Malgré les apparences, l’ancienne image de la matière, stable, sans histoire, indestructible et impénétrable, est définitivement dépassée par le développement des connaissances scientifiques. L’une des plus marquantes est certainement celle de la matière à petite échelle (la physique quantique) mais il faut également relever, à grande échelle, l’étude des transitions de phase, les études du chaos déterministe ou encore les nouvelles conceptions de la transformation ponctuée des espèces. Nous ne voyons pas de matière se créer sous nos yeux ou être détruite, et il nous semble que la matière est inchangée autour de nous. La théière, posée à côté, reste la même, si on n’y touche pas. On ne remarque pas qu’elle échange des particules avec son environnement matériel, que ses particules apparaissent et disparaissent en s’échangeant avec le vide quantique.

Les structures de la matière, que ce soit un atome d’hydrogène, un électron, un proton ne sont pas toujours identiques à elles-mêmes. On a longtemps cru que la matière était formée de particules immuables. On pensait également que l’existence de constantes caractéristiques des particules (énergie, masse, charge électromagnétique, etc) signifiait qu’elles n’avaient pas d’histoire et restaient inchangées malgré les interactions. Les particules actuellement présentes semblaient avoir toujours existé. L’atome semblait synonyme d’insécable et incassable. On concevait ces particules comme des objets solides, consistants, compacts, formés de matériau homogène que l’on pouvait assembler en molécules comme dans un puzzle ou un jeu de Lego. Le chimiste Lavoisier croyait qu’en termes de matière, « rien ne se perd, rien ne se crée. » Toute cette image a bien changé avec la Relativité, la physique quantique et bien d’autres avancées. La Relativité nous a montré qu’une masse qui se déplace à grande vitesse voit sa masse augmenter. La Relativité a montré que l’énergie avait une gravitation, donc une masse. La masse n’est donc pas le simple caractère d’un objet fixe. On a prouvé que si on décomposait une matière composée en ses éléments on ne perdait pas de particule mais on perdait pourtant de la masse. Cela signifie que l’énergie a une masse correspondant à la formule fameuse d’Einstein : E = m c². Pour conserver l’idée de conservation, on a remplacé la notion de constance de la masse par celle de constance de la somme masse plus énergie. Mais cette conservation, elle-même, a été remise en cause. Aujourd’hui, on sait qu’au sein du vide, de la matière peut apparaître et disparaître, de l’énergie également peut être crée et détruite. Il suffit que cela se produise dans un temps assez court et que ces apparitions donnent naissance à des disparitions égales et opposées. Mais, surtout, ce qu’il faut comprendre de la fameuse formule d’Einstein est très différent de la constance : c’est la contradiction dialectique et le saut qualitatif. L’énergie se transforme en masse et la masse en énergie. La particule (et l’antiparticule) se transforme en rayonnement et le rayonnement en particules (et antiparticules). L’énergie totale ne se conserve qu’en changeant radicalement de forme. Au départ une contradiction (particule et antiparticule) à l’arrivée une nouvelle contradiction (le rayonnement équivalent d’un couple particule et antiparticule virtuels) : changement exprimé par la relation d’Einstein.

Les propriétés considérées autrefois comme fixes, comme fondamentales et attachées à chaque morceau de matière sont complètement dépassées aujourd’hui ou complètement secondes : la compacité, la rugosité, la forme, la surface, la masse, la gravité, la composition, la cohésion, l’adhésion, l’élasticité, la rigidité, etc.

Dans la matière inerte, les particules elles-mêmes sont l’objet de mouvements continuels : mouvement brownien des molécules, échange de grains de liaison entre particules (photons, gluons par exemple), changement d’états permanent de toutes les particules. L’électron, lui-même, qui est sujet en permanence à des absorptions ou à des émissions spontanées de photons, ne peut être conçu comme un objet indépendant en équilibre stable. Loin de chercher l’immuable et l’insécable, la physique est amenée à reconnaître que l’existence même d’un seul élément naturel qui serait stable et immuable n’est plus concevable. En effet, ses échanges avec le reste de l’univers seraient impossibles ou le feraient exploser. Même le vide est en instabilité permanente avec des fluctuations d’énergie et émergence puis disparition de couples particule/antiparticule.

N’est-ce pas une exagération que d’appeler « révolutions de la matière » les phénomènes de base de la physique des particules, de la dynamique des fluides ou de la physique des solides ? Faisons la liste des phénomènes de base de la matière : choc de l’effet photoélectrique, choc de l’effet Compton, choc de l’émission spontanée de la particule, choc de la fission (spontanée ou provoquée) ou de la fusion nucléaire, choc de la transformation proton/neutron, choc de l’émission de l’atome, choc moléculaire etc…. Prenons l’avis d’un très grand physicien, Max Planck, inventeur de la physique quantique, selon lequel cette physique des particules à très courte échelle (donc agissant dans un temps très petit) a trait à des « phénomènes n’ayant pas lieu d’une manière continue mais brusquement et, pour ainsi dire, explosivement. » Explosives, telles sont les transformations d’état de la matière. Elles nécessitent un brutal apport d’énergie ou bien en produisent une quantité considérable dans un temps court. Elles produisent des corpuscules qui ne sont pas dans un état ou dans un autre état, situations successives, dans une logique linéaire, et décelables de façon distinctes mais dans une situation que les physiciens ont été bien gênés au début d’appeler une « superposition d’états ». C’est comme si vous étiez à la fois un homme, une grenouille et une balle de ping-pong. Il y a de quoi devenir chèvre et les physiciens avaient de quoi être bien embarrassés. Ces superpositions d’états proviennent de sauts entre divers états ayant lieu dans un intervalle de temps tellement court qu’elles sont perçues, par le phénomène matière/lumière beaucoup plus lent, comme instantanées. La superposition d’état semble avoir une origine relativement simple finalement qui tient non seulement à la rapidité, indécelable à notre échelle, des sauts entre ces divers états mais, dans des durées aussi courtes, à l’absence d’une linéarité unidirectionnelle et d’une continuité du temps.

La conception historique de la matière vivante comme inerte signifie qu’il n’y a rien d’immuable, que toute structure est née avec en son sein des contradictions et qu’elle mourra, qu’il y a des lois mais aussi du bricolage (faire du neuf avec du vieux). Il y a des événements : seuil à partir duquel de nouvelles lois apparaissent.

On a montré également, avec la confirmation de l’existence du boson de Higgs, que la propriété de la masse n’est nullement attachée durablement à une particule réelle fixe, toujours la même ! Et même qu’au contraire la masse saute, par ce boson, d’une particule virtuelle à une autre, l’apparence constance des propriétés de la particule de matière ne provenant que de ces sauts et de cette dynamique extraordinairement agitée…

Les formes fixes de la matière, ces structures que sont les particules, les noyaux, les atomes ou les molécules ne sont nullement figées. Elles sautent de manière extraordinairement rapide d’un état à un autre et ne restent jamais au repos.

La matière dite « inerte » n’a rien de figé ni de fixe ! Elle se meut spontanément et se transforme également spontanément, de manière extrêmement dynamique, fondant des structures aussi diverses que multiples, dont la vie n’est qu’un exemple…

Inerte, la matière ?

Pas révolutionnaire, la matière ?

Un monde matériel sans cesse en transition

La matière, émergence de structure au sein du vide

La matière issue d’une « brique élémentaire » de type atome qui sert de base à un jeu de construction, ou structure qui émerge sans cesse de l’agitation, ou les deux à la fois ?

Quelques idées fausses sur la matière

Même les pierres ont une histoire

La matière n’est jamais figée, ni stable, ni inerte et jamais identique à elle-même

Ordre et désordre de la matière, deux réalités complètement et dialectiquement imbriquées

L’auto-organisation ou l’ordre spontanément issu du désordre

La dynamique non-linéaire de la matière, créatrice de nouveauté

Que savons-nous des systèmes dynamiques ?

Le rôle de la violence dans la dynamique de la matière

Les mouvements ultra-rapides de la matière, de l’atome et de la molécule, les interactions physiques et réactions chimiques en femtosecondes (quinze niveaux en dessous de la seconde)

Des moyens nouveaux d’étudier les mouvements extrêmement rapides de la matière

Qu’est-ce qu’une femtoseconde

Filmer des atomes dans une réaction chimique

Les réactions ultra-rapides entre les atomes

La dynamique ultra-rapide de l’aimantation

Les mouvements rapides chez les plantes

Suivre les électrons dans la molécule

L’étude de mouvements moléculaires ultra-rapides

Mouvements rapides d’atomes dans la molécule

Dynamique ultra-rapide électron-noyaux

La dynamique électronique ultra-rapide

La dynamique moléculaire femtoseconde
Filmer les mouvements des atomes lors d’une réaction chimique

Les sources de particules ultra-brèves

Dynamique moléculaire ultra-rapide

Portfolio

Messages

  • « Un état immobile de la matière s’avère ainsi être une des idées les plus creuses et les plus saugrenues, une pure “ imagination délirante ”. Pour en arriver là, il faut se représenter l’équilibre mécanique relatif dans lequel un corps peut se trouver sur la terre comme un repos absolu, et le reporter ensuite sur l’ensemble de l’univers. Il est vrai que cela devient plus facile si l’on réduit le mouvement universel à la seule énergie mécanique. Et puis, la limitation du mouvement à la seule énergie mécanique présente encore l’avantage que l’on peut se représenter une énergie comme au repos, enchaînée, donc momentanément inactive. Si, en effet, la transmission d’un mouvement, ce qui est très souvent le cas, est un processus un peu compliqué où interviennent divers intermédiaires, on peut différer la transmission réelle jusqu’à un moment quelconque en escamotant le dernier anneau de la chaîne. Ainsi, par exemple, si l’on charge un fusil et qu’on se réserve le moment où, en tirant sur la gâchette, on provoquera la décharge, c’est-à-dire la transmission du mouvement libéré par la combustion de la poudre. On peut donc se représenter que pendant l’état immobile identique à lui-même, la matière a été chargée d’énergie, et c’est ce que M. Dühring semble entendre, si toutefois il entend par là quelque chose, par l’unité de la matière et de l’énergie mécanique. Conception absurde, puisqu’elle reporte comme absolu sur l’univers un état qui, par nature, est relatif et qui ne peut donc jamais s’appliquer au même moment qu’à une partie de la matière seulement. Même si nous faisons abstraction de cela, la difficulté reste toujours de savoir, premièrement, comment le monde en est venu à être chargé, puisqu’aujourd’hui les fusils ne se chargent pas tout seuls, et deuxièmement, à qui appartient le doigt qui a alors pressé sur la gâchette. Nous avons beau dire et beau faire : sous la conduite de M. Dühring, nous en revenons toujours au ... doigt de Dieu… Dans la mécanique ordinaire, le pont du statique au dynamique est... l’impulsion de l’extérieur. Lorsqu’une pierre d’un quintal est élevée à dix mètres de hauteur et suspendue en position libre de telle sorte qu’elle reste là dans un état identique à lui-même, dans un état de repos, il faut faire appel à un public de nourrissons pour pouvoir prétendre que la position actuelle de ce corps ne représente pas de travail mécanique ou que la distance entre cette position et la position antérieure ne se mesure pas eh travail mécanique. Le premier passant venu fera comprendre sans peine à M. Dühring que la pierre n’est pas allée toute seule s’accrocher là-haut à la corde, et le premier manuel de mécanique venu pourra lui dire que, s’il laisse retomber la pierre, elle produira en tombant autant de travail mécanique qu’il en fallait pour l’élever de dix mètres. Même le fait, simple entre tous, que la pierre est suspendue là-haut représente du travail mécanique, car si elle reste suspendue un temps suffisamment long, la corde se rompt dès que, par suite de décomposition chimique, elle n’est plus assez forte pour porter la pierre. Or, tous les processus mécaniques peuvent se réduire, pour parler comme M. Dühring, à des formes fondamentales simples comme celle-ci, et l’ingénieur est encore à naître qui sera incapable de trouver le pont du statique au dynamique, tant qu’il dispose d’une impulsion suffisante. Certes, c’est une noix bien dure et une pilule bien amère pour notre métaphysicien, que le mouvement doive trouver sa mesure dans son contraire, le repos. C’est là une contradiction criante et, selon M. Dühring, toute contradiction est contre-raison. C’est pourtant un fait que la pierre suspendue représente une quantité de mouvement mécanique déterminée, mesurable exactement par le poids de la pierre et son éloignement du sol, et utilisable à volonté, - par exemple par chute libre, par glissement sur le plan incliné, par mouvement d’un treuil, - et il en va de même du fusil chargé. Pour la conception dialectique, la possibilité d’exprimer le mouvement en son contraire, le repos, ne présente absolument aucune difficulté. Pour elle, toute cette opposition, comme nous l’avons vu, n’est que relative ; point de repos absolu, d’équilibre inconditionnel. Le mouvement singulier tend vers l’équilibre, le mouvement d’ensemble supprime à nouveau l’équilibre. Aussi, le repos et l’équilibre, là où ils se rencontrent, sont-ils le résultat d’un mouvement limité et il va sans dire que ce mouvement peut se mesurer par son résultat, s’exprimer en lui et, en partant de lui se rétablir sous l’une ou l’autre forme. Mais M. Dühring ne saurait se contenter d’une représentation aussi simple de la chose. En bon métaphysicien, il commence par ouvrir entre le mouvement et l’équilibre un abîme béant, qui n’existe pas dans la réalité, et il s’étonne ensuite de ne pas trouver de pont pour franchir cet abîme qu’il a fabriqué de toutes pièces. Il pourrait tout aussi bien enfourcher son dada métaphysique et partir à la poursuite de la “ Chose en soi ” de Kant ; car c’est elle et rien d’autre qui, en fin de compte, se cache derrière cet introuvable pont. »

    Friedrich Engels, « L’Anti-Dühring »

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