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Qui était Nikolaï Boukharine ?

lundi 9 avril 2018, par Robert Paris

Au plan théorique, Boukharine a été malheureux comme révolutionnaire marxiste, ayant inventé quelques inepties dont "le socialisme dans un seul pays" et "koulak enrichissez-vous" !!! Il était cependant encore trop l’héritier du parti révolutionnaire pour l’anticommuniste viscéral Staline.

Boukharine, allié à Staline :

Résumé biographique

Né en 1888, il devint bolchevik en 1906. Boukharine veut retourner en Russie dès que la nouvelle de la Révolution de Février (mars 1917) parvient en Amérique. Le chemin est long et périlleux, par le Japon et la Sibérie, et il ne parvient à Moscou qu’au début du mois de mai. Immédiatement d’accord avec le choix radical de Lénine d’aller vers une seconde révolution donnant le pouvoir aux soviets, il devient un dirigeant national du parti, élu au Comité central par le Congrès d’août 1917, et il est un des chefs du Comité du parti à Moscou. Il participe activement à tous les moments de la révolution d’Octobre, notamment à l’insurrection moscovite qui conforte celle de Petrograd. C’est lui qui dirige la dispersion de l’Assemblée constituante en janvier 1918, et le parti lui confie la direction de son plus grand journal, la Pravda. Boukharine est en 1918 le porte-parole des communistes de gauche (ou ultra-gauchistes : ceux qui veulent, alors, continuer la guerre révolutionnaire malgré la disparition presque complète de toute force armée à leurs côtés). En 1919, avec son ami et futur adversaire scientifique et politique Préobrajensky, il publie le commentaire officiel du nouveau programme du parti bolchevik russe, l’A.B.C. du Communisme. Il se range aux côtés de Trotsky en 1920 dans l’important mais peu connu débat sur la question syndicale, puis présente au Xe Congrès du P.C.R., au nom du Comité Central, le fondamental rapport sur la démocratie ouvrière. En 1922, il informe Lénine des exactions des amis de Staline en Géorgie, ce qui amène la rupture personnelle entre Lénine et Staline. En 1923, Boukharine publie « La Révolution prolétarienne et la culture », presque en même temps que Trotsky son Littérature et Révolution. Il s’ensuit un important débat sur la culture prolétarienne. Mais 1923 est également l’année ou, à propos de l’accumulation primitive socialiste qui met en cause la direction de l’économie russe, il ouvre une discussion fondamentale avec Préobrajensky d’abord, puis Trotsky ensuite. Son analyse le conduit à devenir le Guizot de la « néo-NEP », à devenir le porte-parole des koulaks à l’intérieur du parti bolchevique puis le théoricien du courant ultra-droitier de ce bloc Staline-Boukharine qui nous vaudra la deuxième période d’erreurs du Komintern, en Angleterre comme en Chine. En 1928 Staline défait l’opposition de droite et partant, son chef Boukharine : il le liquide politiquement en 1929, physiquement par le dernier grand Procès de Moscou en 1938, qui clôt la période de l’ « Ejovtchina ».

Les mensonges des procès de Moscou et de leurs prétendus aveux :

Qui était Nikolaï Boukharine ?

Avertissement : Boukharine est un dirigeant et théoricien bolchevik qui a une caractéristique peu commune chez les communistes : il est passé de l’ultra gauche du mouvement (gauche communiste) à son extrême droite (à droite de Staline)... Alors que le procès des anciens dirigeants révolutionnaires, dont celui de Boukharine, est de bout en bout un amoncellement d’accusations contre Trotsky, loin de vouloir réhabiliter Trotsky et les trotskistes, la bureaucratie russe a quand même réhabilité Boukharine qu’elle accusait de trotskisme ! La bourgeoisie mondiale en a partiellement fait autant, alors qu’à l’époque des procès de Moscou, elle ne diffusait massivement que les thèses des accusateurs staliniens ! Marque de distinction ou marque de honte, à chacun de décider. Des milliers de trotskistes assassinés n’ont pas besoin d’être réhabilités ! Leur combat les lave des accusations de leurs ennemis et, la plupart du temps, contrairement à Boukharine, ils n’ont pas eu de procès car ils n’avaient pas accepté de se prêter à cette atroce comédie des aveux. Le stalinisme a d’abord et avant tout été un procès contre la révolution prolétarienne et ce n’est pas la démocratie bourgeoise ni la bureaucratie revenue au bercail capitaliste qui risquait de le dénoncer.

La dernière lettre d’un ancien révolutionnaire complètement détruit par le stalinisme

Une biographie

Nicolaï Ivanovitch Boukharine (1888-1938)

Brillant étudiant, il rejoint le Parti en 1906.

Débat pendant la guerre avec Lénine de différentes questions, notamment le droit des nations à disposer d’elles-mêmes, la nature de l’Etat et l’impérialisme.

Membre du CC en 1917. Participe à la révolution d’Octobre à Moscou.

Théoricien du "communisme de gauche". S’oppose notamment aux accords de Brest-Litovsk scellant l’armistice avec l’Allemagne.

Il évolue ensuite rapidement vers la droite et se fait le champion du "réalisme" économique pendant la période de la NEP.

Allié à Staline à partir de 1923, dirige le Comintern après la rupture de Zinoviev et Staline. Il symbolise alors la fraction de droite de la bureaucratie.

A la tête de la dernière opposition ouverte à Staline en 1928-1929, il est marginalisé. Après un relatif retour en grâce, il est arrêté puis fusillé lors du 3e procès de Moscou.

Ecrits de Bouhkharine

Œuvre de Boukharine

Encore sur les écrits de Boukharine

« L’Économie politique du rentier — critique de l’économie marginaliste » (1914)

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Lire aussi

« Le conciliationnisme théorique » (1915)

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« L’Économie mondiale et l’impérialisme » (1917)

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« La lutte des classes et la Révolution en Russie » (1917)

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« Le Programme des communistes (Bolchéviks) » (1918)

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« Revue Kommunist » contre la paix de Brest-Litovsk et pour les thèses communistes de gauche (1918)

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« L’ABC du communisme » (1919)

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« Tibor Szamuely » (1919)

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« La dictature du prolétariat en Russie et la révolution mondiale » (1919)

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« Économique de la période de transition » (1920)

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« La Théorie du matérialisme historique » (1921)

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« L’Impérialisme et l’accumulation du capital — critique de Rosa Luxembourg »

Le texte de Rosa Luxemburg

« Une nouvelle révélation sur l’économie soviétiste » (une charge contre Trotsky), (1924)

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« Lénine en tant que marxiste » (1924)

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« Le Socialisme dans un seul pays » (1925-1926)

Lire ici en 1925

Lire ici en 1926

Réponse de Trotsky à Boukharine

Le socialisme dans un seul pays, une arnaque

Lettre de Trotsky à N. K. Kroupskaia en 1927 contre la direction Staline-Boukharine

Trotsky contre Boukharine en 1928

« Discours de Boukharine dirigeant l’Internationale communiste » (1928)

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Léon Trotsky et EA Préobrajensky contre Staline-Boukharine dans la politique chinoise

Sur le programme de Boukharine pour l’Internationale communiste en 1928

« Le pape contre l’Union soviétique » (1930)

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« Théorie et pratique du point de vue du matérialisme dialectique » (1931)

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« Les Problèmes fondamentaux de la culture contemporaine. » (1936)

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« Lénine marxiste » (1925)

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« Le testament politique de Lénine » (1929)

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« Six lettres de Boukharine » (1936-1937)

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« Lettre à la génération future des dirigeants du parti » (1937)

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« Lettre à Staline » (1937)

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Compte-rendu officiel du procès de Boukharine et des droitiers

Compte-rendu du journal stalinien l’Humanité

Une autre première page de L’Humanité stalinienne

Boukharine au procès de Moscou

Boukharine, au procès de Moscou où il accusa Trotsky de tous les crimes, il déclara cependant :

« Il faut être Trotsky pour ne pas abandonner ! »

Au procureur Vychinski qui lui dit : « Vous avez parlé de combats ouverts ? », il répond : « Nous n’avons pas parlé de combats ouverts dans le sens d’une insurrection armée. »

Il nie avoir constitué une organisation : « Le bloc droitiers et des trotskystes, ce n’était pas une organisation cristallisée. »

« En ce qui concerne l’espionnage, je ne sais absolument rien. »

De temps en temps, il mouche le procureur :

« Excusez-moi, c’est moi qui parle et non vous. »

« Vous me dites que vous ne parlez pas au philosophe mais au coupable, mais ne peut-on être les deux ?

A Vychinski qui lui demande : « Je vous demande une fois de plus, me basant sur la déposition faite contre vous : voulez-vous avouer devant le tribunal soviétique quel service d’espionnage vous avait recruté, le service allemand, japonais ou anglais ? », sa réponse est « Aucun ! »

Lors de sa capitulation forcée au procès, il reconnaît cependant tout ce qu’on veut lui faire dire… qu’il n’a cherché qu’à détruire la révolution pour… suivre son âme damnée… Trotsky !!!

En réalité, Boukharine n’a quasiment jamais été sur la même longueur d’onde que Trotsky. Même quand il s’est démarqué de Lénine, devenant « communiste de gauche » en 1918, il combattait déjà Trotsky. Il n’a cessé de le combattre dès la maladie et la mort de Lénine. Il a fait partie des dirigeants qui ont refusé qu’on communique au parti bolchevik le testament de Lénine malgré les demandes de sa veuve. Il n’a cessé de soutenir Staline contre Trotsky comme contre les autres dirigeants bolcheviks. Mais, même dans la période précédent le stalinisme où Boukharine a souvent changé d’avis complètement, passé d’un extrême à l’autre, il s’est trouvé que Boukharine s’est le plus souvent opposé à Trotsky : sur Brest-Litovsk, sur le communisme de gauche, sur la guerre civile, sur l’industrialisation, sur la planification, sur le régime du parti… Staline n’a été que le dernier des dirigeants dont Boukharine ait adopté les thèses. On verra plus tard, Bordiga considérer que tous les dirigeants bolcheviks, de tendances droitières ou de gauche, étaient similaires, prises dans le même piège de l’URSS, mais c’est faux. Plutôt, c’est un point de vue complètement passif, d’observateur non engagé dans la lutte. Et c’est d’autant plus remarquable que Bordiga n’avait pas craint de soutenir Trotsky lors de la première offensive de Zinoviev-Kamenev-Staline contre lui !

Quant à Bordiga, il a voulu « réhabiliter » politiquement Boukharine pour mieux combattre Trotsky

Readings in english - Nikolaĭ Ivanovich Bukharin

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Bukharin’s Archive

The Case of Bukharin (Moscow Trials)

Portfolio

Messages

  • Lire les lettres de Boukharine de 1936-1937 : un condamné en attente de sa condamnation à mort

    cliquer ici

  • A propos de ses élucubrations sur le « socialisme dans un seul pays », aux côtés de Staline, il faut rappeler que Boukharine avait lui-même combattu les théories de socialisme national en 1917 :

    " Les révolutions sont les locomotives de l’histoire. Même dans la Russie arriérée, le prolétariat seul peut être le machiniste irremplaçable de cette locomotive. Mais le prolétariat ne peut déjà plus rester dans les limites des rapports de propriété de la société bourgeoise. Il marche vers le pouvoir et le socialisme. Cependant, cette tâche qui est " mise à l’ordre du jour " en Russie aussi ne peut être réalisée " à l’intérieur des frontières nationales ". Ici, la classe ouvrière se heurte à un mur infranchissable où on ne peut ouvrir une brèche que par le bélier de la révolution ouvrière internationale " (BOUKHARINE, La lutte des classes et la révolution en Russie, 1917, p. 3 et 4 de l’édition russe).

    En 1919, Boukharine, écrivant sur " la dictature du prolétariat en Russie et la révolution mondiale " dans l’organe théorique de l’Internationale communiste, disait :

    " Etant donné l’existence de l’économie mondiale et les relations entre ses diverses parties, étant donné l’interdépendance des divers groupes bourgeois organisés en Etats, il va de soi [4] que la lutte dans un pays isolé ne peut s’achever sans qu’une victoire décisive ait été remportée par l’un ou l’autre camp dans plusieurs pays civilisés. "

    A cette date, cela " allait même de soi ". Plus loin :

    " La littérature marxiste ou quasi marxiste d’avant-guerre a posé plusieurs fois la question de savoir si la victoire du socialisme était possible dans un seul pays. Les écrivains, dans leur majorité, ont répondu négativement ; il n’est pas possible d’en conclure qu’il soit impossible ou inadmissible de commencer la révolution et de s’emparer du pouvoir dans un pays isolé. "

    Précisément ! Et dans ce même article encore :

    " La période de progression des forces productives ne peut venir qu’avec la victoire du prolétariat dans plusieurs pays importants... D’où l’on conclut : il est nécessaire de développer, par tous les moyens, la révolution mondiale et de former un bloc économique solide entre les pays industriels et la Russie soviétique " (N. BOUKHARINE, La dictature du prolétariat en Russie et la révolution mondiale, dans L’Internationale communiste, n° 5 de septembre 1919, p. 614 de l’édition russe).

    L’affirmation de Boukharine selon laquelle la progression des forces productives, c’est-à-dire la véritable progression socialiste, n’interviendra chez nous qu’après la victoire du prolétariat dans les pays avancés d’Europe, constitue précisément la phrase qui est à la base de tous les actes d’accusation lancés contre le " trotskysme " (entre autres lors du VIIe plénum du Comité exécutif de l’Internationale communiste). Mais ce qui est curieux, c’est que Boukharine – qui doit son salut à sa courte mémoire – intervienne comme accusateur. A côté de cet aspect comique, il en est un autre qui est tragique : c’est Lénine qui est mis en question, car il a exprimé cette même pensée élémentaire des dizaines de fois.

    Enfin, en 1921, six ans après le prétendu revirement de Lénine en 1915, quatre ans après Octobre, le Comité central, avec Lénine à sa tête, approuva le programme des Jeunesses communistes élaboré par une Commission placée sous la direction de Boukharine. Le § 4 de ce programme déclare :

    " En U.R.S.S., le pouvoir d’Etat se trouve déjà entre les mains de la classe ouvrière. A travers trois années de luttes héroïques contre le capital mondial, le pouvoir soviétique s’est maintenu et développé. Bien que la Russie possède d’immenses richesses naturelles, elle est néanmoins, sur le plan industriel, un pays arriéré où prédomine une population petite-bourgeoise. Elle ne peut arriver au socialisme que par la révolution prolétarienne mondiale : nous sommes entrés dans l’époque de ce développement. "

    A lui seul, ce paragraphe du programme des Jeunesses communistes (un programme et non pas un article occasionnel !) souligne ce qu’a de ridicule et d’indigne la tentative des auteurs du projet visant à démontrer que le parti a " toujours considéré comme possible la construction du socialisme dans un seul pays", et plus précisément en Russie. S’il en fut " toujours " ainsi, pourquoi Boukharine formula-t-il de cette façon ce paragraphe du programme des Jeunesses communistes ? Où Staline avait-il alors les yeux ? Comment Lénine et tout le Comité central ont-ils pu approuver une telle hérésie ? Comment se fait-il que personne dans le parti n’ait remarqué " ce détail " et n’ait soulevé de question à ce sujet ? Tout ceci ne ressemble-t-il pas trop à une mauvaise plaisanterie où sont moqués le Parti, son histoire et l’Internationale communiste ? N’est-il pas temps d’y mettre fin ? N’est-il pas temps de dire aux révisionnistes : vous ne pouvez plus vous permettre de vous camoufler derrière Lénine et la tradition théorique du parti !

    Lors du VIIe plénum du Comité exécutif de l’Internationale communiste, dans la discussion de la résolution condamnant le " trotskysme ", Boukharine – dont le salut tient à sa mémoire courte – déclarait :

    " La théorie de la révolution permanente du camarade Trotsky (et le camarade Trotsky professe encore maintenant cette théorie) dit aussi qu’étant donné notre situation économique arriérée, nous périrons inévitablement sans la révolution mondiale " (Compte rendu sténographique, p. 115, édition russe).

    Léon Trotsky, « L’Internationale communiste après Lénine » (c’est-à-dire sous Staline !!!)

  • Lettre à Staline :

    Si jamais ma vie était épargnée, j’aimerais (mais il faudrait que j’en parle avec ma femme) être exilé en Amérique pour X années. Arguments pour : je ferais campagne sur les procès, je mènerais une lutte à mort contre Trotsky, je ramènerais à nous de larges couches de l’intelligentsia, je serais pratiquement l’anti-Trotsky et je mènerais toute l’affaire avec un formidable enthousiasme. Vous pourriez envoyer avec moi un tchekiste expérimenté, et, comme garantie supplémentaire, vous pourriez garder en URSS ma femme en otage pour six mois, le temps que je démontre, dans les faits, comment je casse la gueule à Trotsky et C°, etc

  • « Au procès de 1938, Staline accusa Boukharine, comme en passant, d’avoir préparé en 1918 un attentat contre la vie de Lénine. Le naïf et ardent Boukharine vénérait Lénine, l’aimait de l’amour d’un enfant pour sa mère et, quand il polémiquait avec lui, gardait toujours l’attitude déférente d’un disciple. Boukharine, « malléable comme cire », pour reprendre l’expression de Lénine, n’avait pas et ne pouvait avoir eu d’ambitieuses visées personnelles. Si, avant l’ère stalinienne, quelqu’un avait prédit qu’un jour viendrait où Boukharine serait accusé d’un attentat contre la vie de Lénine, chacun de nous, et Lénine plus que quiconque, aurait éclaté de rire et aurait conseillé d’envoyer un tel prophète dans un asile d’aliénés. Pourquoi alors Staline a-t-il recours à une accusation aussi évidemment absurde ? La supposition la plus vraisemblable est que c’était là sa réponse aux soupçons de Boukharine, imprudemment exprimés, en référence à Staline lui-même. D’une manière générale, toutes les accusations sont taillées sur ce modèle. Les éléments essentiels des complots policiers de Staline ne sont pas les produits de la pure fantaisie ; ils sont empruntés à la réalité - le plus souvent à des actes ou à des desseins du « cuisinier » lui-même. Le même « réflexe stalinien » de défensive-offensive, révélé si clairement dans le cas de la mort de Gorki, se montre également dans toute sa force dans le cas de la mort de Lénine. Dans le premier cas, Iagoda paya de sa vie ; dans le second - Boukharine.
    J’imagine que les choses se passèrent à peu près de la sorte. Lénine demanda du poison à la fin de février 1923. Au début de mars, il était encore paralysé. Le diagnostic médical était à ce moment prudemment défavorable. Se sentant plus sûr de lui-même, Staline commença à agir comme si Lénine était déjà mort. Mais le malade le trompa ; son organisme puissant, soutenu par sa volonté inflexible, l’emporta. Vers l’hiver, l’état de Lénine commença à s’améliorer lentement, lui permit de se mouvoir plus librement, d’écouter des lectures et de lire lui-même, l’usage de la parole revenait. Les observations des médecins devinrent progressivement plus encourageantes. Le rétablissement de Lénine n’aurait pu, naturellement, empêcher la réaction bureaucratique de supplanter la Révolution, Kroupskaïa avait de bonnes raisons pour dire, en 1926, « si Volodya était vivant, il serait maintenant en prison ». »

    Source

  • Le Testament de Lénine donne de Boukharine une caractéristique en quelque sorte contradictoire. D’une part, il parle de lui comme d’un " théoricien " des plus précieux et des plus en vue du parti, d’autre part, il indique qu’il " est fort douteux que ses conceptions théoriques puissent être prises pour des conceptions marxistes, car il y a en lui quelque chose de scolastique (il ne comprit jamais à fond la dialectique) ". Comment un non-dialecticien, un scolastique peut-il être le théoricien d’un parti marxiste ? Je ne m’arrêterai pas sur le fait que le Testament, écrit dans un but déterminé pour le parti, est imprégné du désir " d’équilibrer ", fût-ce dans une certaine mesure, les traits caractéristiques de chaque militant dirigeant du parti : Lénine ponce soigneusement l’éloge trop marqué comme il adoucit le jugement trop dur. Néanmoins, ces atténuations concernent la forme du Testament et non le fond, et n’expliquent pas comment peuvent être " précieux " les travaux marxistes d’un écrivain qui ne s’est pas assimilé la dialectique ? Toutefois, la caractéristique que donne Lénine, malgré sa contradiction apparente, destinée à dorer quelque peu la pilule, n’est pas vraiment contradictoire, et elle est foncièrement juste.

    La dialectique ne supprime pas la logique formelle, comme le synthèse ne supprime pas l’analyse, mais au contraire s’appuie sur elle. La manière de penser de Boukharine est formellement logique, et d’un bout à l’autre abstraitement analytique. Ses meilleures pages se rapportent au domaine de l’analyse formellement logique. Là où la pensée de Boukharine se meut sur les lignes déjà tracées par le burin de Lénine et de Marx, elle peut donner de précieux résultats partiels, en vérité presque toujours imprégnés d’un arrière-goût de scolastique. Mais là où Boukharine pénètre de lui-même dans une sphère nouvelle, là où il est obligé de combiner des éléments empruntés aux différents domaines – économique et politique, sociologique et idéologique – il manifeste un arbitraire complètement irresponsable et impondérable, multipliant les généralisations à vue de nez, et jonglant avec les notions comme avec des balles. Si l’on se donnait la peine de rassembler et de classer chronologiquement toutes les " théories " que Boukharine a servies à l’Internationale depuis 1919, et surtout depuis 1923, on en tirerait un tableau rappelant la nuit de Walpurgis, où les chétives mânes du marxisme trembleraient sous tous les vents de la scolastique.

    Le VIe Congrès de l’Internationale a porté les contradictions de l’appareil dirigeant au paroxysme, et, par conséquent, à l’absurde. En apparence, la direction semblait appartenir à Boukharine : il fit le rapport moral, indiqua la ligne stratégique, proposa et fit voter le programme – ce qui n’est pas mince, inaugura le Congrès et le clôtura en établissant son bilan. Sa prééminence paraissait absolue. Pourtant tout le monde sait que l’influence réelle de Boukharine sur le Congrès fut voisine de zéro. Les interminables caquetages de Boukharine ressemblaient aux bulles que dégage un individu qui se noie. Pendant ce temps, sans que fût respecté l’esprit des rapports, voire à l’encontre de cet esprit, le regroupement s’opérait parmi les délégués et leur organisation fractionnelle s’affermissait. Cette duplicité phénoménale révéla quel rôle secondaire, accessoire, décoratif en somme, joue " l’idéologie " sous le régime bureaucratique de l’appareil. Or s’il n’y a plus lieu maintenant de parler de la direction de Boukharine, puisque le clou du VIe Congrès fut sa liquidation, il reste Staline. Mais là, d’un paradoxe nous tombons dans un autre : celui qu’on appelle aujourd’hui, avec quelque raison, le dirigeant de l’Internationale, ne se montra pas au Congrès et dans ses discours ultérieurs se débarrassa des questions du programme et de la stratégie de l’Internationale en quelques phrases qui ne veulent rien dire. De nouveau, il n’y a là rien de fortuit.

    Léon Trotsky dans "L’Internationale communiste après Lénine"

  • Comment Boukharine a condamné Trotsky en 1924, démarrant ainsi une série d’alignements sur la bureaucratie :

    https://www.marxists.org/francais/boukharine/works/1924/11/comment.pdf

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