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Ça dérape…

vendredi 16 février 2018, par Robert Paris

Edito

Ça dérape…

Des dizaines de milliers d’automobilistes bloqués en pleine nuit sur des nationales et des autoroutes, sans aide, sans solution pour s’en sortir ou pour obtenir un secours, un logement d’urgence, c’est ce qui s’est produit en région parisienne notamment du simple fait d’une… chute de neige un tout petit peu forte et durable, d’un hiver juste un peu rigoureux. Il y a de quoi se poser quelques questions !

Le ministre des transports affirme qu’on ne peut pas, pour trois jours de froid et des intempéries un peu exceptionnelles dans la région parisienne, dépenser des milliards de matériel et les effectifs qui vont avec, pour dégager la neige et libérer les routes et leurs automobilistes ! Alors, si les gouvernants estiment qu’il faut prendre son parti d’être bloqué pendant trois jours chez soi, qu’ils en informent par avance les gens et demandent aux entreprises d’annuler les séances de travail ces trois jours en les payant !!! Au lieu de laisser des milliers d’automobilistes pendant une nuit bloqués, notamment sur la N118, sans aucun secours !!!

A la moindre difficulté climatique, ce qui ressort c’est l’incapacité des dirigeants de la société capitaliste, incapables de se mobiliser pour la population, incapables de prévenir, incapable d’intervenir à temps, incapables d’assumer une situation exceptionnelle, incapable même de mettre en œuvre des moyens d’exception, incapables de se soucier des difficultés que subissent les gens. Aucune audace, aucun courage, même pas capables d’avertir les gens à l’avance, et surtout de les autoriser à ne pas venir travailler, alors que l’épisode neigeux important était prévu d’avance cette fois…

Mais il y a un problème plus général. Les services de la voirie ont subi la purge d’effectifs que connaissent tous les services publics ou sociaux, et l’austérité en termes de moyens. Pendant que l’Etat donne ses milliards aux trusts et aux banques, il n’a pas des centimes pour ses services publics. Résultat, les personnels s’échinent sans succès. Impossible de réparer les routes, impossible de saler, impossible de déneiger, impossible de sortir des ennuis des personnes bloquées. Même la météo est un service public qui a subi une saignée en effectifs, ce qui ne permet pas la même efficacité...

L’Equipement des routes a été cassé lorsque la DDE a été démolie et soi-disant « remplacée » par des services départementaux, avec des effectifs et moyens localisés, réduits, et des moyens financiers très diminués. Parmi les coups portés aux services publics, notons en effet la « décentralisation » ou « départementalisation » qui a détruit les DDE et a atomisé les services publics d’entretien et d’exploitation du domaine routier, détruisant les emplois de fonctionnaires particulièrement ceux affectés à l’entretien et à l’exploitation du domaine public (routes, voies navigables et ports maritimes). Suppression en deux ans de 10 % des personnels d’exploitation des onze directions interdépartementales des routes (DIR). Si la neige et le blocage des routes et des transports a représenté une telle catastrophe, avec des milliers de sinistrés, abandonnés durant toute une nuit, c’est parce que les services publics des transports et de l’entretien des routes sont dans l’austérité en personnel et en moyens, au même titre que l’hôpital public, La Poste, l’Energie ou l’Enseignement.

Au moindre problème supplémentaire, au moindre accident, à chaque épidémie de grippe, à chaque tempête, à chaque grand froid, à chaque crise, c’est la catastrophe ! Parce que l’Etat s’est lui-même ôté les moyens, en hommes et en matériels pour y faire face… Ensuite, il n’y a plus qu’à développer le discours contre les fonctionnaires qui n’auraient pas bougé suffisamment, qui feraient sans cesse grève, qui ne travailleraient pas, qui ne mériteraient pas leurs paies et autres baratins « libéraux » et anti-service public.

On pourrait se dire que c’est accidentel et qu’il ne faut pas en tirer des conclusions générales. Et la grippe qui bloque les hôpitaux, c’est accidentel ? Et la tempête qui coupe le courant pendant des jours entiers sinon des semaines, c’est accidentel ? Et la panne qui coupe les transports ? Le service public qui est sans cesse coupé, menacé, dégradé… Ceux qui veulent contacter un service public par téléphone se cassent le nez. Ceux qui veulent aller aux urgences se cassent le nez. Ceux qui doivent recevoir un courrier urgent se cassent le nez. Les moyens et les effectifs ne sont plus là pour assurer la régularité, la sécurité, la rapidité, l’efficacité déjà en temps normal. C’est dire que tout est possible dès qu’il y a une situation un peu exceptionnelle.

Il suffit de la modernisation d’un aiguillage pour interrompre la circulation des trains SNCF dans une grande gare et, du coup, bloquer toute une région, prenant au piège des dizaines ou centaines de milliers de passagers. Il suffit d’un départ en vacances un peu massif pour entraîner à la SNCF des situations catastrophiques avec des trains et des gares débordés, des milliers de passagers retardés, bloqués, voire sans train du tout, envoyés d’une gare à une autre, sans recours, sans couchage, sans nourriture, sans aide, sans rien, sans même un mot d’excuse des responsables.

Les gouvernants successifs ont eu comme leitmotiv la diminution du nombre de fonctionnaires et on mené campagne dans le public pour défendre cela comme un progrès, comme une modernisation, comme un allègement de la pression étatique et des impôts. Mais, lorsque les effectifs du service public sont diminués ainsi massivement et continûment, on finit par augmenter la charge de travail des personnels aux limites du possible, au point qu’il suffit d’un incident, d’un accident, d’un malade, d’un absent, d’un congé pour atteindre la côte d’alerte.

Cette situation est atteinte pour les effectifs des personnels de maintenance des voies et des matériels ferroviaires et on a la catastrophe de Brétigny ! C’est le cas également pour les effectifs des hôpitaux, des EPHAD, des établissements psychiatriques et on là aussi des catastrophes pour les personnels et les patients ! On retrouve ces situations extrêmes pour les pilotes d’avion, les chauffeurs de car et bien d’autres auxquels on impose le maximum de rotations, de la même manière qu’on supprime les congés des personnels de Santé publique en multipliant ainsi les risques, la fatigue, le stress et les suicides !

La tension extrême, c’est aussi ce que subissent les locataires des cités populaires, livrées à la misère, au chômage, à la précarité avec toutes leurs conséquences sur la délinquance, la violence, les dangers de toutes sortes.

La situation exceptionnelle qui s’est produite pour les automobilistes de la N118 n’est pas le produit de la fainéantise, de l’inaction, de l’incompétence, de la négligence, du manque de prévoyance de la météo, de fautes des agents des services de l’équipement ou même des forces de sécurité. Non ! C’est le produit d’années et d’années de réductions, de diminutions, d’austérité, de suppressions de services, de non remplacement d’agents, de perte de compétences, et en particulier de diminution des effectifs et des moyens financiers alloués par les départements et l’Etat aux services de l’Equipement des routes.

Du coup, une simple chute de neige en hiver (quoi d’étonnant ?), mais aussi une simple épidémie de grippe, une simple éclisse qui casse dans un aiguillage, une infirmière qui manque dans un service et c’est la catastrophe parce que c’est avalanche de ruptures qui est enclenchée dans un système hors équilibre, prêt à rompre de toutes parts…

Dans les vies individuelles comme collectives, si on tire trop sur la corde, à la fin elle casse… juste pour une petite traction de trop…

Travailler à flux tendu au quotidien, cela signifie risquer la catastrophe pour toute surcharge accidentelle de travail, qu’il s’agisse de flux tendu en médicaments, flux tendu en effectifs, flux tendu en matériels de toutes sortes, flux tendu en sécurité, en maintenance, etc. Obliger les personnels à travailler dans l’urgence au quotidien, en courant, sans pouvoir souffler, en ne faisant que les tâches les plus impossibles à retarder, cela signifie que, lorsqu’il y a une véritable urgence, un gros pépin, ou un accident, on se retrouve direct dans la catastrophe ! C’est vrai aussi bien dans les EPHAD, dans les transports, dans les services sociaux, dans tous les services publics, à l’hôpital public, etc.

Or, les gouvernants, les patrons, les directions, l’encadrement, tout ce beau monde qui se blanchit au moindre problème, ne fait que cela toute la journée : imaginer de nouveaux moyens de tirer sur une corde déjà tendue à fond !!! Ils sont sans cesse en train de rechercher des postes à supprimer, des activités à regrouper, des moyens de réduire les effectifs, d’accroitre la charge de travail.

On pourrait penser que ces responsables sauront s’arrêter avant la catastrophe, auront conscience du danger, ne prendront pas le risque maximum. Mais nous constatons qu’ils vont plus loin, qu’ils dépassent le stade du médicament à risque, le stade de la centrale nucléaire à risque, le stade du service hospitalier à risque, le stade de la maintenance dont l’insuffisance est à risque.

Ce n’est pas seulement parce qu’ils se moquent des intérêts de la population car ils pourraient craindre au moins les retombées de ces risques pour eux-mêmes, s’ils doivent rendre des comptes pour leurs actions irresponsables et dangereuses.

S’ils détruisent ainsi la sécurité des services publics, c’est parce qu’ils ont absolument besoin de le faire, tant il leur est indispensable de mobiliser tous les moyens financiers publics au service des banques et des trusts, pour pallier aux absences des capitaux privés dans la production, pour sauver les bourses et établissements financiers, pour subventionner les trusts du Médicament, du Bâtiment, de l’Armement, du Pétrole, du Nucléaire, de l’Automobile, etc.

Le dernier effondrement boursier, dans lequel tous les bénéfices boursiers d’une année ont été tout simplement effacés, réduits à néant, des milliards s’envolant en fumée, a démontré que leurs déclarations selon lesquelles on serait en pleine embellie économique, dans la reprise, sont des bobards, de l’autosimulation. Cet effet placebo ne convainc pas les spéculateurs, les boursicoteurs qui n’y voient que des discours pour justifier la fin des aides étatiques et institutionnelles. Eh bien, la dernière chute rappelle que, depuis la chute de 2007, la politique de tous les Etats et banque centrale consistant à sauver les financiers à coups de milliers de milliards de fonds publics, cette politique commencée en 2008 est désormais irréversible. Soutenir l’économie à coups de fonds publics a permis de retarder de dix ans l’effondrement mais cela impose… de continuer sans fin, tant que c’est possible, que les banques centrales ne chutent pas elles-mêmes ! On pourrait se dire : la dernière chute boursière a coûté cher mais le système mondial a tenu bon, ouf ! Mais ce n’est nullement ainsi que les choses se présentent. Un seul exemple. Lundi dernier, la une du journal bourgeois « Les Echos » affirmait : « Bourses : la nouvelle ère des turbulences ! » Et ce n’est pas nous qui sommes alarmistes ou catastrophistes : ce sont les gouvernants qui ont fait passer une loi permettant aux banques de saisir tous les contenus des comptes privés et des épargnes à la prochaine chute des banques !!!

En tout cas, le résultat le plus sûr, c’est qu’il n’y a plus d’argent public pour les services publics depuis que le grand capital ne peut plus survivre sans sa béquille étatique, que tous les fonds publics sont entièrement mobilisés à « sauver le système » !

Pas étonnant, dans ces conditions, que les scandales se multiplient, avec des dysfonctionnements multiples des services publics et un gouvernement qui se charge de leur faire porter le chapeau des problèmes comme si c’étaient les agents eux-mêmes qui cassaient le service public !

La plupart des gens raisonnent ainsi : les gouvernants et les patrons ne peuvent pas consciemment nous entraîner à des catastrophes, c’est sûrement la faute du lampiste, par incompétence, inconscience ou fainéantise. Eh bien, non ! C’est bel et bien consciemment que les classes possédantes nous mènent à la catastrophe. Les exploités ne sont que les victimes de ces politiques qui paraissent absurdes mais ont leur logique : sauver à tout prix le système d’exploitation même si celui-ci n’est plus capable de fonctionner, même si les capitalistes eux-mêmes se détournent d’y investir…

Messages

  • Curieux que tout le monde ait discuté durant des jours des automobilistes bloqués sur la N118 et de l’inaction de l’Etat alors que, justement, tout le problème est qu’il n’existe plus de N118 mais seulement des départementales parce que l’Etat s’est désengagé de l’équipement des routes sans donner les moyens financiers et matériels, ni en effectifs, pour s’en occuper !

  • Des dizaines de milliers d’automobilistes bloqués en pleine nuit sur des nationales et des autoroutes, sans aide, sans solution pour s’en sortir ou pour obtenir un secours, un logement d’urgence, c’est ce qui s’est produit en région parisienne...

    Et cela a recommencé dans l’Hérault...

    L’entretien des routes n’est plus le souci de l’Etat. Il l’a reversée aux départements par souci d’économie. Et maintenant il supprime les départements toujours par souci d’économie !!

    En fait, sous prétexte d’économies, tous les services publics sont menacés...

  • Tout l’argent de l’Etat au service du capital financier, rien pour le service public, une preuve très nette de cela, c’est la dégradation des routes !!

  • ça dérape aussi dans le métro parisien...

    Mardi soir, la ligne 1 du métro parisien a été totalement paralysée en raison d’un problème technique. Le trafic n’a repris que mercredi matin. Les passagers restés coincés dans les rames de cette ligne automatique ont été évacués près de deux heures après le début de la panne.

  • Il y a un an, l’Inspection générale des Finances et de l’Administration rédigeait un rapport de 246 pages qui décrit l’état des routes communales et départementales comme « très mauvais », l’état de 170.000 ponts comme « préoccupant » et « 30% des ouvrages sont signalés en mauvais état » dit le rapport.

    Un pont de Gênes en France, cela ne les gène pas… Le rapport, on n’en a pas trop parlé depuis.

  • Deux pannes successives du métro ! C’est la même dégradation que celle constatée à la SNCF, sur les routes, dans les hôpitaux ou à La Poste…

  • ça dérape même dans les lycées et collèges : 1800 suppressions de postes qui ne sont ni justifiés par une diminution d’élèves, ni par quelques petits postes dans le primaire mais par la nécessité de casser... le moral des travailleurs !!!

  • Dans les aéroports, ça dérape aussi...

    L’aéroport d’Orly, en région parisienne, a subi « une coupure électrique du réseau RTE » samedi 22 septembre à 7 h 45. Ce qui a créé la pagaille

  • Et ça dérape aussi dans l’Enseignement public...

    Mobilisés ce jeudi 27 septembre, les acteurs du lycée professionnel protestent contre la baisse drastique des heures d’enseignement des matières générales sans aucune compensation. Une décision qui pourrait condamner les élèves de ces établissements à rejoindre prématurément le monde du travail.

    "La destinée de nos élèves ? Devenir des ouvriers dociles et mal formés" demandent les enseignants ?

  • Concrètement, et au global, les élèves de bacs professionnels perdront ainsi 4 heures de cours par semaine.

  • On n’arrête pas le progrès : le bus remplace le train, le supermarché et la pharmacie remplacent la gare, le supermarché remplace le pharmacien, le pharmacien qui vaccine remplace l’infirmière, l’infirmière remplace le médecin, etc…

    Oui, ça dérape....

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