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Grève et révolte à Mayotte

vendredi 16 mars 2018, par Robert Paris

La grève continue à Mayotte, les grévistes dénoncent la trahison des syndicats

Par Anthony Torres - WSWS

La mobilisation des travailleurs de Mayotte a fait échouer la tentative de l’intersyndicale de mettre fin à la grève générale après avoir négocié un accord pourri avec la ministre des Territoires d’outre-mer, Annick Girardin. La question clé est de construire l’unité en lutte des travailleurs d’outre-mer et de métropole, indépendamment des appareils syndicaux et de leurs alliés de pseudo gauche.

Mardi, la ministre des Territoires d’outre-mer a rencontré une délégation des organisateurs du mouvement. Après cinq heures de négociation, la ministre et l’intersyndicale sont tombées d’accord sur « quinze mesures d’urgence » pour mettre fin à la grève générale.

Ces mesures d’urgence sur lesquelles se sont entendus l’intersyndicale et le gouvernement visent à accroître les pouvoirs de l’Etat sur ce département le plus pauvre en France, en renforçant l’appareil policier sur l’île et la lutte contre l’immigration. Ceci ne répond pas aux revendications sociales des grévistes. L’accord vise plutôt à préparer de nouvelles tentatives d’écrasement de la grève générale et les luttes futures, comme cela a été tenté avant la venue de la ministre de l’outre-mer.

Dimanche, la police a profité des appels des syndicats à suspendre temporairement la grève générale et à entamer une période de réflexion pour lancer une attaque-surprise et tenter de briser la grève en vue de l’arrivée de Girardin. Cependant, les gendarmes mobiles ont échoué à écraser des piquets de grève devant le port de Longoni à 4 heures du matin, repoussés par des centaines de grévistes venus aider les travailleurs portuaires

L’intervention des gendarmes mobiles a accru les tensions entre les grévistes et l’Etat. Après avoir accepté de laisser passer les véhicules médicaux et de transports, les piquets ont ensuite refusé de laisser passer quiconque, passant outre les instructions des syndicats.

Craignant la transformation de la grève générale en conflit ouvert entre l’Etat et les travailleurs de l’île, la délégation s’est empressée d’annoncer mardi soir qu’ils demanderaient mercredi à la population de suspendre la mobilisation. Dans un communiqué envoyé par la ministre avant de quitter Mayotte pour assister au conseil des ministres ce mercredi matin à Paris, Annick Girardin affirmait que les barrages devaient être débloqués « au cours de la matinée du 14 mars ».

Cependant l’accord pourri de l’intersyndicale s’est vu rejeté par les grévistes réunis mercredi à Tsingoni, avec des représentants de chaque barrage. L’atmosphère tendue entre la bureaucratie syndicale locale et les grévistes est relayée par Le Parisien, qui rapporte qu’ « Une partie de la population dénonçait depuis le matin la ’trahison’ des organisateurs. Sur les barrages, dans la matinée, la détermination, loin de s’étioler, semblait même se renforcer. ».

Paniqué par la radicalisation des travailleurs sur Mayotte et craignant de perdre le contrôle de la grève générale, l’intersyndicale s’est résolue à poursuivre le mouvement. Mais il serait faux de prendre ce changement de cap pour un signe que les travailleurs peuvent s’en remettre aux appareils syndicaux. Ceux-ci espèrent qu’en la continuant, la grève pourra servir de défouloir aux travailleurs, mais ils ne cherchent surtout pas une lutte politique contre Macron ; comme ils l’ont démontré à plusieurs reprises, ils veulent à tout prix mettre fin au mouvement.

Le discrédit qui pèse sur l’intersyndicale souligne la faillite des appareils syndicaux, à Mayotte et dans toute la France. Face à la casse sociale tous azimuts menée par Macron et à une puissante mobilisation des travailleurs à Mayotte, les syndicats français n’organisent aucune mobilisation pour défendre les travailleurs mahorais. Leurs alliés politiques, tels que le Nouveau parti anticapitaliste, maintiennent le silence sur les luttes à Mayotte et surtout sur le rôle contre-révolutionnaire des appareils syndicaux.

A Tahiti, l’intersyndicale a isolé la grève générale des travailleurs de Mayotte alors que le gouvernement local met en place une réforme repoussant l’âge de départ à la retraite. Comme en métropole, les syndicats de Mayotte servent à imposer la politique d’austérité du gouvernement Macron en tentant de garder le contrôle de la colère des travailleurs.

Les syndicats ont participé aux ordonnances pour la loi Travail, négocient la privatisation de la SNCF et la casse du statut des cheminots afin de dégager par une politique détruisant tous les acquis sociaux obtenus depuis la révolution d’octobre 1917 des centaines de milliards pour financer la militarisation de l’UE et d’exploiter les travailleurs français au profit des multinationales.

Le refus des enseignants de Virginie Occidentale de mettre fin à la grève malgré l’accord négocié des syndicats et les peines qu’ils encourent et le refus de mettre fin à la grève générale à Mayotte souligne le gouffre qu’il existe entre les aspirations des travailleurs et les syndicats. La radicalisation des travailleurs se fait en opposition aux organisations syndicales et à leurs alliés.

Pour que la grève générale à Mayotte ait un débouché, elle doit se développer en une lutte politique contre le gouvernement. Les alliés des travailleurs de Mayotte dans cette lutte sont leurs frères et sœurs de classe en France, mobilisés dans la lutte contre l’agenda répressif de Macron et de l’Union européenne. La lutte dans son ensemble doit être retirées des mains de l’intersyndicale et de leurs alliés de la pseudo gauche qui restent silencieux sur les évènements dans l’outre-mer laissant le soin aux syndicats et au gouvernement d’instaurer l’austérité et de préparer la guerre.

Une profonde opposition couve parmi les travailleurs en France et à travers l’Europe et l’Asie. La grève générale de Mayotte marque un des premiers affrontements dans une lutte révolutionnaire qui mobilisera la classe ouvrière internationale. Les travailleurs à Mayotte apprennent à travers leurs luttes qu’ils ne peuvent se fier ni aux promesses de l’Etat, ni aux chefs syndicaux qui négocient avec lui, et qui visent dans l’analyse finale à résoudre la crise à Mayotte par l’austérité, une politique anti-immigrés et l’escalade militaire dans l’Océan indien.

Cela souligne la nécessité de se tourner vers la création de comités ouvriers indépendants des appareils syndicaux...

Messages

  • Les grèves ont repris sur l’île de Mayotte, dans l’océan Indien, et le retour à l’école a été retardé lundi après que la police militaire française a échoué dimanche à écraser des piquets de grève devant le port de Longoni à 4 heures du matin. La police a profité des appels des syndicats pour suspendre temporairement la grève générale pour une période de réflexion afin de lancer une attaque-surprise et tenter de briser la grève. Cela a échoué et la colère contre la répression étatique s’étend à travers cette île appauvrie.

  • L’alliance syndicale de l’île a été obligée d’admettre que la visite de Girardin « n’est clairement pas souhaitée ». Elle a ajouté que les grévistes ne seraient satisfaits que par la visite d’un responsable dont le gouvernement se sentirait obligé de tenir les promesses, comme le Président ou le Premier ministre.

    Alors qu’elles sont presque totalement occultées par les médias français, les grèves se propagent rapidement depuis les attentats du 20 février dans les écoles surpeuplées de l’île, dans un contexte de colère grandissante contre l’échec du passage de Mayotte au statut de département d’outre-mer faisant entièrement partie de la France en 2011, qui n’a pas amélioré les conditions sociales.

  • L’échec de la police à écraser la grève par une attaque sournoise, exploitant la démobilisation de la lutte par les syndicats, a aggravé le conflit. Des centaines de grévistes sont venus pour repousser l’attaque de la police contre les travailleurs portuaires, et les piquets refusent maintenant de laisser passer quiconque, après avoir d’abord obéi aux ordres syndicaux pour permettre aux véhicules médicaux et de transport de franchir les lignes de piquetage. Des arbres ont été abattus pour bloquer les routes principales, et les dirigeants syndicaux ont averti Le Monde que les travailleurs d’une station d’essence voisine stockaient également des explosifs.

  • La voie à suivre pour les travailleurs est d’enlever la lutte de Mayotte des mains des syndicats et de leurs alliés politiques, de mettre en place leurs propres organisations de lutte indépendantes des syndicats et de mobiliser une opposition politique plus large parmi les travailleurs en Europe, où les grèves sont de plus en plus nombreuses.

    Le rôle des bureaucraties syndicales à Mayotte n’est pas fondamentalement différent de celui des confédérations nationales. Ils lancent des plaidoyers en faillite à Macron pour éviter un affrontement d’envergure. Saïd Hachim de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) a prévenu : « Si jamais ça part en vrille ici, c’est tout le territoire qui va s’embraser, la situation sera incontrôlable ».

    Il est remarquable qu’ils ont cherché à encadrer leurs revendications en termes de loi et de l’ordre, permettant à l’État et aux médias français de cyniquement dépeindre le déploiement de la police sur l’île pour écraser la grève comme une tentative de répondre aux demandes des grévistes.

    Le « tableau des revendications » des syndicats adressé au gouvernement fait de « l’insécurité » le principal sujet de la grève, déclarant : « L’insécurité à Mayotte est un phénomène grandissant qui n’a plus besoin d’être prouvé […] Son ampleur, déjà incommensurable, semble n’avoir d’égal que sa barbarie ».

    Cette rhétorique a été relayée hier par les médias officiels français, qui poussent de manière agressive à une augmentation de la présence policière sur l’île, ce qui ne ferait que faciliter une répression. Le Monde a déclaré : « C’est d’abord l’insécurité qui est au début du mouvement », en avertissant que « la délinquance et la violence ont atteint des niveaux dramatiques ».

    C’est une fraude politique. Les grévistes n’exigent pas le droit d’être agressés par encore plus de policiers, mais des solutions aux énormes problèmes sociaux à Mayotte. La violence scolaire et l’insécurité ne sont que l’expression de problèmes sociaux fondamentaux – chômage, pauvreté, absence d’avenir et danger de guerre – qui frappent non seulement Mayotte, mais toute la région, ainsi que la France elle-même.

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