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Pourquoi il n’est pas possible ni souhaitable d’éviter la révolution ?

jeudi 1er novembre 2018, par Robert Paris

Pourquoi il n’est pas possible ni souhaitable d’éviter la révolution ?

« A un certain stade de l’évolution des forces productives, on voit surgir des forces de production et des moyens de commerce qui, dans les conditions existantes, ne font que causer des désastres. Ce ne sont plus des forces de production, mais des forces de destruction… C’est pourquoi toute lutte révolutionnaire est dirigée contre une classe qui a dominé jusqu’alors… Il faut une transformation qui touche la masse des hommes, laquelle ne peut s’opérer que dans une révolution. Par conséquent, la révolution est nécessaire non seulement parce qu’il n’est pas d’autre moyen pour renverser la classe dominante, mais encore parce que c’est seulement dans la révolution que la classe qui prendra la tête du renversement réussira à se débarrasser de toute l’ancienne fange et à se rendre capable de donner à la société de nouveaux fondements… Le prolétariat ne peut exister qu’en tant que force historique et mondiale, de même que le communisme, c’est-à-dire le produit de l’action du prolétariat, n’est concevable qu’en tant que réalité historique et mondiale… »

Karl Marx, « L’idéologie allemande »

« A un certain stade » dit Karl Marx, les forces productives deviennent des forces destructrices de la société. Quel est ce stade ? C’est le moment où le système économique et social atteint ses limites et où l’accroissement de richesse des classes possédantes dépasse les capacités d’emploi qu’offre le capitalisme au sein des investissements productifs.

Bien sûr, le grand capital ne s’est jamais entièrement engagé dans la production de richesses, une grande partie des plus-values étant livrés à la spéculation, à la finance. Mais quand il y a de moins en moins de capitaux productifs et de plus en plus de capitaux spéculatifs, ceux-ci produisent alors leur propre rentabilité fictive, provenant d’abord du simple fait que la demande d’investissements spéculatifs assure leurs profits.

On pourrait penser que le capitalisme n’a aucun problème d’accumulation du capital puisqu’il atteint des records dans cette accumulation, les grandes sociétés et les plus riches atteignant des sommes de fortunes jamais atteintes et… c’est le contraire ! Le système est en pleine crise de suraccumulation du capital, non pas que cette crise signifie qu’il a moins de capital mais qu’il est plus incapable que jamais à trouver de nouveaux investissements pour ses nouveaux capitaux qui soient à un degré de rentabilité suffisants.

On pourrait penser que, si le grand capital a trop d’argent et ne trouve pas quoi en faire, il a donc les moyens d’améliorer le sort de la majorité de la population laborieuse sans effort et… c’est le contraire !

Depuis le début des années 2000, le capitalisme mondial n’a cessé de voir décroitre ses investissements productifs privés, qu’il s’agisse de périodes dites de croissance ou de périodes dites de récession. Il ne s’agit donc pas d’un mouvement conjoncturel mais structurel, c’est-à-dire fondamental.

On pourrait penser que l’effondrement de 2007-2008 allait éclaircir l’atmosphère, sauf que l’on s’est justement débrouillés pour empêcher le nuage de crever et la foudre de décharger le nuage, c’est-à-dire que l’on s’est débrouillés pour empêcher le capital de détruire les entreprises boiteuses, en faillite, entraînant le système vers l’abime.

Si le grand capital a agi ainsi aux quatre coins du monde, des USA à la Chine et de la Russie à l’Europe en passant par le Japon, c’est qu’il était évident pour tous les détenteurs du pouvoir capitaliste que, si on laissait les entreprises capitalistes faire faillite, tout le système disparaitrait à jamais, au point qu’on ne se souviendrait même plus en quelques années qu’il avait existé, si les livres d’Histoire n’existaient pas…

A fonds perdus, les Etats et les banques centrales ont racheté les trusts en faillite, les titres pourris, les banques et les assurances en chute, les financiers qui s’effondraient, les ont financé à perte, ont investi à contre-courant dans la production, et, en agissant ainsi ils n’ont pas sauvé le système mais ont seulement retardé sa chute et l’ont définitivement plombé !!!

En 2008, toute l’économie privée était endettée à mort, des particuliers aux trusts et aux banques. Fin 2008, se rajoutaient aux secteurs endettés toutes les institutions publiques, Etats et banques centrales !!!

Le public s’imaginait que tout cela pouvait durer éternellement mais le grand capital, lui, était tout étonné que cela ait déjà duré dix ans !!!

Ils pourraient se réformer et profiter de ce répit pour trouver des solutions, direz-vous ?

Cela nécessiterait que les causes de la crise puissent trouver leur solution au sein du capitalisme et donc qu’elles ne proviennent pas des racines même du système capitaliste.

Or, justement, le fondement de la crise que connaît le système mondial depuis le début des années 2000 provient des fondements même du capitalisme. Comme le disait Marx : « A un certain stade de l’évolution des forces productives, on voit surgir des forces de production et des moyens de commerce qui, dans les conditions existantes, ne font que causer des désastres. Ce ne sont plus des forces de production, mais des forces de destruction… »

En effet, le grand capital, s’il ne veut plus, ou de moins en moins, s’investir dans la production de richesses réelles, ne veut pas non plus subsister sans recevoir le revenu de son argent, sa plus-value. Même s’il est impossible d’extraire de la plus-value sans fonder cet accroissement de richesse sur autre chose que l’exploitation de l’homme, sur le temps de travail impayé, le grand capital exige, même quand il ne s’investit pas dans la production, de recevoir le revenu de son capital !!!

Du coup, non seulement la quantité de capitaux spéculatifs ou investis dans des dettes, celles des entreprises, des banques, des particuliers ou des Etats, augmente sans cesse et les revenus spéculatifs augmentent en proportion, plus la demande en investissements spéculatifs s’accroît, des dettes accroissant encore le taux des emprunts et donc les profits des prêteurs privés.

Loin de se réformer le grand capital accroît son caractère prédateur sur le monde capitaliste et diminue de plus en plus son caractère producteur de richesses qui avait pourtant fait son succès dans toutes les périodes entre deux crises économiques.

On pourrait penser que l’interventionnisme de l’Etat aura des conséquences, en imposant des conditions au capital aidé mais cela n’est pas possible. A ce stade d’aides financières publiques, la seule « solution » serait l’étatisation des entreprises, or les Etats sont au service du capital privé et donc se gardent de toute atteinte à la propriété privée du capital !

C’est la recherche du profit maximum qui a entraîné le capitalisme dans cette impasse. Plus la spéculation croît, plus le profit maximum devient exclusivement spéculatif et non productif et plus le profit spéculatif s’accroît au détriment du profit dans le domaine de la production quelle que soit le dégré d’exploitation des travailleurs.

Les politiques antisociales et d’austérité, de remise en cause des droits sociaux, des salaires et des conditions de travail qui accompagnent partout dans le monde la situation actuelle ne sont même pas là pour donner plus de marge à l’investissement productif car elles ne peuvent suffire à rendre plus rentable d’investir dans le production que de spéculer sur les dettes publiques et privées.

Quant à nationaliser les productions dont le grand capital se détourne, les Etats en sont incapables, étant d’abord et avant tout les défenseurs de la propriété privée de la production capitaliste.

En conséquence, la situation d’effondrement juste retardée n’a pas d’issue. Les interventions étatiques et des banques centrales n’ont fait qu’accroître l’échelle du problème et que rendre impossible toute intervention du type de celle de 2008 pour sauver système en ruinant les fonds publics. En arrêtant momentanément leurs interventions, les banques centrales essaient de se préparer au tsunami qui vient, mais elles sont loin d’être capables de faire face.

Les mesures qu’elles prennent ont juste pour but de tenir quelques jours : mainmise des banques sur les comptes et épargnes privées, mainmise des trusts sur les salaires par le biais de la collecte d’impôts, etc…

Les seuls, qui ne se sont pas préparés au tsunami économique et social qui ne pourra pas être éternellement retardé, sont les travailleurs.

Ce n’est nullement étonnant. La lutte révolutionnaire ne peut pas anticiper sur la situation économique et sociale. Des décennies de luttes réformistes, dirigées par des appareils politiques et syndicaux qui s’accommodent avec le capitalisme, qui affirment que la seule perspective serait de le réformer, ne sont pas la seule cause de cette situation.

La conscience révolutionnaire des travailleurs ne peut pas anticiper sur la situation. Les travailleurs, considérés comme des mineurs sans droits dans tout le fonctionnement social de la société, même s’ils ont théoriquement leur voix au chapitre avec le droit de vote des citoyens, n’ont aucune forme d’organisation, ni aucune forme d’expression, leur permettant de construire leurs opinions, de les faire connaître, de les discuter et encore moins de les rendre publiques, de leur donner un poids politique. Avec la mainmise des appareils syndicaux, les luttes ouvrières elles-mêmes ne sont pas une occasion pour les travailleurs de s’exprimer, de discuter, de s’organiser, développer leurs perspectives sociales propres.

Dans tout le fonctionnement économique, politique et social, jamais les travailleurs ne décident, jamais ils ne dirigent, jamais ils ne peuvent mesurer les capacités de leur classe d’offrir des solutions à l’ensemble de la société. Le fait de choisir par les élections parmi les représentants de la bourgeoisie ne peut absolument pas pallier à cette absence sur le terrain politique de toute intervention ouvrière.

Du coup, il faudra un véritable soulèvement politique et social pour que les travailleurs renouent avec une participation directe de la classe ouvrières sur toutes les décisions la concernant et concernant aussi l’ensemble de la société.

Ce qui marque la révolution sociale, c’est le fait qu’un choc économique, politique et social sort les exploités et les opprimés de leur passivité sociale, politique, organisationnelle, les contraignant à agir par eux-mêmes, à s’organiser par eux-mêmes, à décider par eux-mêmes. On a connu ce type de situation dans toutes les grandes révolutions sociales de l’Histoire.

Dans les révolutions sociales, d’un seul coup, les exploités et les opprimés passent d’une situation où ils n’étaient que des machines à travail, des bêtes de somme, à des situations où ils deviennent collectivement un véritable contre-pouvoir que les classes possédantes craignent mortellement au point de se jeter dans les bras de dictatures violentes, de bandes fascistes, de guerres locales, régionales et mondiales.

En temps normal, les prolétaires sont les derniers à croire que leurs exploiteurs ne vont plus diriger demain la société, étant les premiers à subir tous les jours cette direction capitalistes et à savoir qu’ils ne sont jamais parvenu à en secouer le joug. Les petits-bourgeois ou la jeunesse ont parfois plus d’illusions sur leurs capacités à influencer le cours des choses, mais, en fait, ils ne l’influencent pas plus et même la seule véritable force qui soit menaçante pour la classe capitaliste et son pouvoir d’Etat, c’est celle des travailleurs, y compris si ceux-ci n’en prendront conscience qu’après l’avoir mise en action.

La crise historique du capitalisme n’a rien changé à cet état de fait ancien. Alors que la presse bourgeoise regorge d’articles pour se préparer à un effondrement économique, la presse ouvrière, curieusement, n’y fait aucune allusion, se cantonnant à des revendications, à des récriminations, à des accusations contre les gouvernants ou les patrons, sans rien expliquer de la situation toute nouvelle du monde capitaliste, accrochée à un fil au bord du gouffre. Aucune organisation réformiste, quelle soit associative, politique ou syndicale, aucune organisation qui pratique l’opportunisme par rapport aux précédentes, y compris toutes les gauches de la gauche, toutes les extrêmes gauches officielles, ne prépare les prolétaires à cette situation, n’en informe, ne permet aux travailleurs de se préparer à jouer leur rôle historique consistant à renverser la classe possédante de son pouvoir économique, politique et social, y compris en renversant le pouvoir d’Etat et aussi en s’attaquant au sacro-saint droit du capital sur toute l’économie.

Certains de ces opposants « de gauche » ou « radicaux » font semblant de dénoncer virulemment le capitalisme et pourtant ils se gardent de donner aux travailleurs les moyens de comprendre dans quel état se trouve l’ancien système d’exploitation dont le fonctionnement s’est désormais et définitivement retourné, transformé de la plus grande machine productive de l’Histoire en le plus gigantesque outil de destruction de celle-ci…

Tout ce qui a été construit par la société durant des décennies est en voie de destruction : la santé publique, la recherche publique, l’enseignement public, tous les services publics, de transport comme d’énergie, et cela à un moment où le grand capital n’agit plus que comme prédateur, comme force nécrophile qui se nourrit d’abord des chutes des sociétés, des faillites, des dettes, des effondrements économiques ou monétaires…

C’est ce retournement de la situation qui va inévitablement provoquer, à un moment où à un autre, le retournement de l’attitude des travailleurs, de classe passive en classe active, d’attribut du système d’exploitation en son destructeur. Les classes possédantes le savent et elles font tout pour faire en sorte qu’aucune conscience de classe n’émerge pour l’instant de la situation. Elles favorisent tous les dérivatifs possibles, toutes les haines interraciales, interreligieuses, interethniques, intercorporatives, intersexuelles et autres. Et, dans un premier temps, elles vont y parvenir, profitant pour cela de leur mainmise sur le pouvoir politique, sur le pouvoir administratif, sur le pouvoir médiatique, sur toutes les couches petites bourgeoises, sur l’ensemble de l’opinion publique, y compris celle des travailleurs.

Si la conscience de classe est au plus bas, si la conscience de classe communiste semble plus loin d’émerger que jamais, les classes possédantes savent que cela ne suffira pas à éviter l’apparition de situations révolutionnaires. C’est à chaque fois dans des moments où la conscience de classe était au plus bas, souvent en pleines guerres fratricides où les prolétaires se tuaient les armes à la main au lieu de s’en prendre à leurs exploiteurs, que la situation s’est retournée et est passée de la situation la plus contre-révolutionnaire, guerrière, dictatoriale, fasciste, en la plus révolutionnaire par un procédé dialectique et radical qui étonne tous ceux qui ignorent que ce sont les contradictions dialectiques et non les évolutions graduelles qui déterminent les grands changements historiques.

Certains affirment que la classe ouvrière ne pourra plus changer la société parce que, depuis notamment la chute du mur de Berlin et du stalinisme, personne parmi les travailleurs ne croiraient plus en leur capacité à diriger la société, ce que l’on a appelé en la dictature du prolétariat. C’est oublier, sciemment ou non, que la conscience révolutionnaire des travailleurs est le produit des situations révolutionnaires. Avant la Commune de 1871 à Paris comme avant les soviets russes, finlandais, hongrois, italiens, allemands de 1917-1923, ou avant les comités d’ouvriers et de paysans d’Espagne de 1936, pour ne citer que ceux-là, les travailleurs n’avaient nullement conscience d’être une classe d’avenir capable de gouverner et d’offrir une alternative à la société capitaliste. Il en va de même aujourd’hui : c’est la situation révolutionnaire, celle où la classe capitaliste a perdu ses perspectives, qui amène la classe exploitée à la conscience de sa force et de son rôle.

Voilà pourquoi l’avenir reste au prolétariat et à la révolution sociale.

Et toutes les tentatives, celles des réformistes comme celles des contre-révolutionnaires fascistes de toutes sortes, d’éradiquer la révolution sociale ne mènent qu’à des bains de sang catastrophiques. Eviter la révolution, éviter que les travailleurs renversent la bourgeoisie, ce n’est pas éviter les affrontements, les morts et la misère. On vient de le voir dans les « printemps arabes », où les exploités n’ont pas été jusqu’au bout, jusqu’à contester le pouvoir des classes possédantes, leur mainmise sur l’armée et sur les entreprises notamment. Si la lutte des travailleurs se développe demain, face à l’effondrement économique capitaliste, mais ne va pas jusqu’au bout, jusqu’à la révolution sociale, toutes les horreurs que le monde capitaliste sera capable de déverser tomberont sur nos têtes.

C’est pourquoi il ne faut nullement préparer la réforme du capitalisme, revendiquer son amélioration, souhaiter son caractère « durable », mais, au contraire, faciliter sa chute et préparer la société d’avenir, celle débarrassée de la propriété privée sur toute la société d’une infime minorité de moins de un pourcent de grands capitalistes.

Le socialisme en Russie ou l’échec de l’"homme nouveau" ?

Messages

  • Les menaces sur l’effondrement du capitalisme se précisent.

    L’économie choisie décline malgré l’intervention de l’Etat. Les investissements étrangers chutent.

    Les banques allemandes et italiennes révèlent des trous abyssaux et ne répondent plus favorablement aux stress tests. Les plus menacées sont : Deutsche Bank, Lloyds Banking Group, Barclays et Royal Bank of Scotland (RBS).

    L’insolvabilité des Etats et des banques centrales continue de s’accroître.

    Aucune mesure structurelle n’a été entreprise pour le réformer depuis la crise de 2007-2008. Il est moins que jamais possible d’en prendre sans tout faire s’effondrer.

    Les zones de la planète les plus faibles en sont déjà aux horreurs violentes et aux dictatures sanguinaires.

    A chaque mauvais signal, les bourses chutent, obligeant les Etats et les banques centrale sà intervenir, accroissant les dettes et les spéculations.

    Les pays qu’on disait "émergents" chutent déjà...

    Brésil, Turquie, Argentine sont gravement fragilisés et basculent dans la misère et la dictature violente.

    Le FMI déclare prudemment : « Les vulnérabilités continuent de s’accumuler et le nouveau système financier n’a jamais été mis à l’épreuve. Des mesures supplémentaires sont nécessaires pour renforcer sa résistance. »

    Une manière douce de dire que le système n’est pas capable de résister à une crise !!!

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