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D’où viennent les inégalités,la propriété privée et les classes sociales

samedi 16 février 2019, par Robert Paris

Les diverses interprétation sur l’apparition des inégalités parmi les hommes et sur l’apparition de la propriété privée

Parmi les interprétations sur l’apparition des inégalités et de la propriété privée, il faut d’abord distinguer les auteurs qui considèrent qu’il n’y a pas eu apparition, pour la simple raison que pour eux, les inégalités seraient naturelles et l’appropriation privée aussi et donc ils auraient toujours existé !

Certes, il s’agit de périodes pour lesquelles les témoignages directs n’existent pas, pour lesquels il n’y a pas d’écrits, pas de récits, pas de monuments pour nous dire ce qu’était la société. Et, du coup, on peut broder à l’aise dans un sens ou dans l’autre. Cependant, les auteurs qui disent que cela a toujours existé omettent une chose : les hommes en question, les sociétés en question étaient bien trop peu outillées pour pouvoir se permettre de ne pas tout partager. Même en mettant tout en commun, les groupes humains n’étaient pas sûrs de subvenir à leurs besoins immédiats et devaient tout le temps manger tout ce qu’ils avaient trouvé à manger, d’autant qu’ils ne disposaient quasi d’aucun moyen de conserver des aliments, aucun moyen d’en produire (pas de culture, pas d’élevage, pas de domestication des animaux). Dire que, dans ces conditions où la production humaine n’existait pas et seule existait la cueillette et la chasse, il aurait été possible de produire… un surplus permanent possédé par des familles riches est peu crédible.

Nombre d’auteurs ne souhaitent pas « croire » au communisme primitif, étant donné qu’ils sont idéologiquement hostiles au communisme et croire qu’il y ait eu une mise en commun des richesses primitive sous-entendrait, à leurs yeux, que la « nature humaine » serait communiste. C’est ridicule mais ainsi sont leurs préjugés…

En fait, penser que les premiers hommes étaient contraints à la mise en commun ne signifie nullement qu’elle soit une société idyllique, souhaitable, à prôner, etc. Cela prouve seulement qu’il existe une socialisation de la misère auxquels les premières sociétés humaines ont été contraintes et qu’il n’est certainement pas à rechercher ou à souhaiter !

Il y a bien d’autres signes qui indiquent qu’une société connaissait ou pas des séparations sociales, des familles riches et des familles pauvres d’abord, puis des classes sociales et une véritable division du travail.

Par exemple, quand on étudie les restes archéologiques des peuples des mégalithes, on voit passer de la société sans surplus social à celle où une accumulation de richesses devient possible, de l’égalité de pauvreté à la formation de familles riches, de la société sans division du travail à celle des classes sociales.

D’autres études archéologiques ont donné le même type de résultat, que ce soit en Grèce, en Egypte, en Afrique ou ailleurs : partout on est passés de la société sans propriété privée des moyens de production à celle de la propriété privée, de la société sans surplus à celle qui accumule des richesses, de la société sans exploitation ni exploités à l’exploitation de l’homme par l’homme.

Les philosophes, les scientifiques et toutes sortes de penseurs se sont penchés sur les causes de l’inégalité pari les hommes et y ont donné des réponses très diverses et même divergentes.

On peut surtout distinguer les explications moralistes de celles qui sont matérialistes. Les moralistes affirment soit que c’est l’ordre divin et que l’on doit l’accepter tout en demandant aux propriétaires de bien se comporter, soit qu’il y a une responsabilité humaine à corriger les inégalités, par la charité par exemple. Ces deux sortes d’attitudes se rencontrent notamment face à l’esclavage, au servage, à toute forme d’exploitation et d’accumulation de richesses.

Les interprétations matérialistes pointent l’évolution des capacités de l’homme sur la nature, des techniques mais aussi de l’organisation sociale des sociétés humaines, évolution historique qui a modifié les moyens de production et, du coup, les modes d’appropriation.

Aristote dans « Politiques » :

« Il faut s’unir à d’autres comme soi afin de laisser après soi des enfants qui sont semblables à soi, celui qui commande et celui qui est commandé, et ce par nature, en vue de leur mutuelle sauvegarde. Etre capable de prévoir par la pensée c’est être par mesure par nature apte à commander c’est-à-dire être maître par nature, alors qu’être capable d’exécuter physiquement ces tâches, c’est être destiné à être commandé c’est-à-dire être esclave par nature. C’est pourquoi la même chose est avantageuse à un maître et à un esclave. Ainsi est-ce par nature que se distinguent la femme et l’esclave ; car chaque instrument accomplit mieux sa tâche s’il sert à une tâche et non à plusieurs… Aux Barbares, il convient que les Héllènes commandent… C’est dès leur naissance qu’une distinction a été opérée chez certains, les uns devant être commandés, les autres commander….

C’est, certes, un fait que l’égalité des fortunes entre les citoyens est l’une des dispositions avantageuses pour empêcher les dissensions internes, mais, à vrai dire, son utilité n’a rien de remarquable. En effet, les gens distingués s’en indigneront parce qu’ils s’estiment dignes de ne pas être comptés au nombre des égaux, ce qui fait qu’on les verra souvent s’efforcer de semer l’hostilité et la sédition. De plus la perversité des hommes est sans limite, et si tout d’abord deux oboles suffisent, par la suite, lorsque cette pratique est devenue coutume, on a toujours besoin de plus, ainsi à l’infini. Car la nature du désir est d’être infini, et c’est à le combler que des gens passent leur vie…

Voltaire dans « Dictionnaire philosophique » :

« Tous les hommes seraient donc nécessairement égaux s’ils étaient sans besoins. La misère attachée à notre espèce subordonne un homme à un autre homme ; ce n’est pas l’inégalité qui est un malheur réel, c’est la dépendance. Il importe for peu que tel homme s’appelle Sa Hautesse, tel autre Sa Sainteté ; mais il est dur de servir l’un ou l’autre.

Une famille nombreuse a cultivé un bon terroir ; deux petites familles voisines ont des champs ingrats et rebelles : il faut que les deux familles pauvres servent la famille opulente, ou qu’elles l’égorgent, cela va sans difficulté. Une des deux familles indigentes va offrir ses bras à la riche pour avoir du pain ; l’autre va l’attaquer et est battue. La famille servante est l’origine des domestiques et des manœuvres ; la famille battue est l’origine des esclaves.

Il est impossible, dans notre malheureux globe, que les hommes vivant en société ne soient pas divisés en deux classes, l’une de riches qui commandent, l’autre de pauvres qui servent ; et ces deux se subdivisent en mille, et ces mille ont encore des nuances différentes.

Tous les pauvres ne sont pas absolument malheureux. La plupart sont nés dans cet état, et le travail continuel les empêche de trop sentir leur situation ; mais, quand ils la sentent, alors on voit des guerres… Toutes ces guerres finissent tôt ou tard par l’asservissement du peuple, parce que les puissants ont l’argent, et que l’argent est maître de tout dans un Etat…

Tout homme naît avec un penchant assez violent pour la domination, la richesse et les plaisirs…

Voyez bien qu’avec ces dispositions il est impossible que les hommes soient égaux… »

Rousseau dans « Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes » :

« Il est aisé de voir que c’est dans les changements successifs de la constitution humaine qu’il faut chercher la première origine des différences qui distinguent les hommes, lesquels d’un commun aveu sont naturellement aussi égaux entr’eux que l’étaient les animaux de chaque espèce, avant que diverses causes physiques eussent introduit dans quelques-unes les variétés que nous y remarquons… Telle fut parmi les hommes la première source de l’inégalité, qu’il est plus aisé de démontrer ainsi en général, que d’en assigner avec précision les véritables causes…

Je conçois dans l’Espèce humaine deux sortes d’inégalité ; l’une que j’appelle naturelle ou Physique, parce qu’elle est établie par la Nature, et qui consiste dans la différence des âges, de la santé, des forces du corps, et des qualités de l’esprit ou de l’âme ; l’autre qu’on peut appeler inégalité morale, ou politique, parce qu’elle dépend d’une sorte de convention, et qu’elle est établie, ou du moins autorisée par le consentement des hommes. Celle-ci consiste dans les différents privilèges, dont quelques-uns jouissent, au préjudice des autres, comme d’être plus riches, plus honorés, plus puissants qu’eux, ou même de s’en faire obéir…

Le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire : ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres ; que de misères et d’horreurs n’eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : Gardez-vous d’écouter cet imposteur ; vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous et que la terre n’est à personne…

Si c’était ici le lieu d’entrer dans les détails, j’expliquerais facilement comment l’inégalité de crédit et d’autorité devient inévitable entre les particuliers, sitôt que réunis en une même Société, ils sont forcés de se comparer entre eux, et de tenir compte des différences qu’ils trouvent dans l’usage continuel qu’ils ont à faire les uns des autres. »

Hegel dans « Philosophie du Droit » :

« La rationalité de la propriété ne se trouve pas dans la satisfaction des besoins, mais dans ce fait que la simple subjectivité de la personnalité s’y dépasse… Dans la propriété, la volonté est personnelle… Puisque je réalise ma volonté par la propriété, la propriété doit être déterminée comme mienne… Une famille qui ne peut vendre ou mettre en gages un bien n’est pas maitresse de la valeur. Puisque cette forme de la propriété n’est pas adéquate à son concept, de telles limitations sont pour la plupart en voie de disparition…. La vie, comme totalité des buts, a un droit contre le droit abstrait de la propriété. Quand on veut prolonger sa vie par le vol d’un morceau de pain, certes la propriété d’un homme est lésée, mais il serait injuste de considérer cet acte comme un vol ordinaire… Si l’on s’en tient à l’idée que l’homme est libre en et pour soi, on condamne par là l’esclavage. »

Karl Marx L’accumulation primitive - Genèse du capitaliste industriel

Friedrich Engels, « L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat »

Friedrich Engels, L’égalité dans « l’AntiDûhring »

Paul Lafargue, « La propriété, origine et évolution »

Paul Lafargue, « Origine de la propriété en Grèce »

Rosa Luxemburg, « La société communiste primitive »

Diderot, extrait de Diderot dans « Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes » de Rousseau

Claude-Adrien Helvétius, « L’éducation nécessairement différente des différents hommes est peut-être la cause de cette inégalité des esprits »

Jean-Jacques Rousseau, « Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes »

Émile de Laveleye, « Les Formes primitives de la propriété »

Paul Leroy-Beaulieu, « Essai sur la répartition des richesses »

Adam Smith, « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations »

Jean-Jacques Rousseau, « Du contrat social »

Proudhon, « Théorie de la propriété »

Émile Durkheim, « De la division du travail social »

Clément Dumesnil, « L’égalité et l’inégalité des hommes »

Adolphe Franck, « Le Communisme jugé par l’histoire »

Léon Walras, « L’Économie politique et la justice »

Alexis de Tocqueville, « De la démocratie en Amérique »

Un monde plus que jamais divisé en classes sociales, en exploiteurs et exploités

Karl Marx et l’idée de la redistribution des richesses

Le marxisme signifie-t-il que le socialisme, c’est l’égalité ?

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