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Comment naissent les nouvelles espèces vivantes ?

jeudi 7 février 2019, par Robert Paris

Petit lexique des termes employés :

spéciation : processus de naissance d’espèces nouvelles

organisme : un être vivant

niveaux hiérarchique du Vivant : gènes, cellules, organismes, dèmes, espèces, clades

sélection organismique : sélection darwinienne classique entre organismes individuels au sein de l’espèce

sélection de haut niveau hiérarchique (macroévolution) : sélection interdémique ou inter-espèces au sein du clade

microévolution : évolution au sein de l’espèce

macroévolution : apparition de nouvelles espèces ou de nouvelles structures hiérarchiques au-dessus de l’espèce

dérive : modification génétique spontanée du vivant

organisation hiérarchique : structuration de la vie des molécules du vivant aux embranchements d’espèces et au-delà, soit organismes, dèmes, espèces, clades…

anagenèse : tendance évolutive manifestée par les lignages

clade : regroupement de lignées biologiques, c’est-à-dire un groupe d’organismes et la totalité de leurs descendants

cladogenèse : diversification au niveau des clades

taxon : entité qui regroupe les organismes vivants possédant en commun certains caractères

Spéciation

Dérive génétique

Clade

Anagenèse

Cladogenèse

René Trégoüet :

« Darwin considère que l’agent sur lequel agit la sélection naturelle est l’individu. Cette sélection naturelle agit très progressivement et, sur les temps géologiques, modifie peu à peu la population jusqu’à faire naître une nouvelle espèce. Ce processus lent et continu est la microévolution qui s’effectue de manière graduée dans le temps. Mais Gould, sans remettre en cause sur le principe la sélection naturelle et l’évolution des espèces, est venu profondément modifier et enrichir ce scénario darwinien en posant l’hypothèse de l’évolution par équilibre ponctué. Selon cette théorie, l’espèce se comporte comme un individu darwinien qui sera soumis à tous les éléments de la sélection naturelle, pourra supplanter d’autres espèces, en donner de nouvelles et disparaître à son tour.

Pour Gould, la sélection naturelle ne peut pas, à elle seule, déterminer toutes les formes prises par les espèces dans le processus de l’évolution. Elle agit en synergie avec deux autre facteurs majeurs : les gènes architectes (dits " gènes homéotiques "), qui canalisent le développement des organismes selon les mêmes grandes lignes dans la plupart des embranchements et la capacité de changement au cours du temps de la fonction adaptative. Gould a magistralement forgé et étayé un concept d’une grande richesse qui veut rendre compte de l’extrême diversité et complexité du vivant : la macroévolution.

Selon ce concept de macroévolution, les espèces forment, à côté des individus, des entités qui obéissent, à leur niveau d’organisation, à des processus propres de sélection, de dérive aléatoire ou de changement directionnel. Cette macroévolution spécifique se traduit par l’apparition, au niveau des espèces, de " propriétés émergentes " qui ne se réduisent pas à celles des organismes qui les constituent.

Ce concept de macroévolution vient d’être confirmé de manière éclatant par l’observation scientifique de l’évolution récente d’une espèce de lézards, Podacis Sicula, dont cinq couples ont été déposés en 1970 sur une petite île de l’Adriatique. Il s’agissait de voir comment cette espèce allait se comporter et s’adapter par rapport à l’espèce de lézards déjà présents sur cette île.

Des observations effectuées récemment ont montré, de manière très étonnante, que l’espèce transplantée comptait à présent plus d’un millier d’individus et qu’elle était devenue majoritairement végétarienne alors qu’elle était insectivore sur son île d’origine. Mais le plus étonnant est que, pour permettre cette mutation rapide vers un régime essentiellement végétarien, ces lézards ont développé, en quelques années, un nouvel organe de digestion leur permettant de dégrader et d’assimiler leurs nouveaux aliments. »

Comment naissent les nouvelles espèces vivantes ?

Cette seule phrase contient une contradiction dialectique puisque espèce suppose fixité et naissance d’une nouvelle espèce suppose rupture de cette fixité ! Les contraires sont bien obligés de coexister et d’interagir puisque l’espèce vivante naît à partir de l’espèce ancienne !!!

La vision non dialectique du changement ne voit qu’un facteur, positif ou négatif, adaptation ou sélection par la mort, et pas l’existence d’une structuration par des contradictions internes du mécanisme du Vivant. Pourtant, au sein de la Vie, il n’existe aucune tendance qui ne soit contredite ou inhibée. La variation est contredite, la sélection est contredite, l’adaptation est contredite, l’évolution même est contredite. Ce qui se passe à un niveau d’organisation est contredit aux autres niveaux de structuration.

Les contradictions dialectiques du Vivant sont multiples : variation contre conservation, interaction contre transmission (interaction des individus avec l’environnement vivant et non vivant contre hérédité due aux génération précédentes), diversification contre contraintes, fixité contre changement, construction du corps contre destruction par apoptose, hasard contre contraintes, inhibition naturelle des gènes dans l’ADN contre inhibition des inhibiteurs par certaines protéines, diversification due aux mutations contre protéines anti non-soi comme les hsp, génétique contre épigénétique, réplication contre perturbation, cladogenèse contre anagenèse, continuité contre discontinuité, apparition contre disparition, vie contre mort, et, finalement, évolution et révolution des espèces.

L’une des dialectiques principale, cause de sauts dans l’évolution, est l’interaction entre niveaux hiérarchiques du Vivant (gène, cellule, organisme, dème, espèce, clade). Les contraintes sont différentes aux différents niveaux et s’appuient mutuellement ou se contredisent, comme le font macroévolution et microévolution.

Le changement d’espèce est l’un des phénomènes naturels les plus étonnants. Comment un mécanisme génétique qui semble au premier abord consacré à conserver les caractéristiques peut-ils servir à transformer radicalement une espèce, au point de produire des changements qualitatifs majeurs, de produire de nouveaux organes, de nouveaux fonctionnements, de nouveaux embranchements, etc.

La première remarque à faire est qu’il existe une macroévolution et une microévolution et de s’interroger : sont-elles fondées sur les mêmes processus ?

Il existe une thèse, qui suit classiquement celle de Darwin, selon laquelle la macroévolution provient de l’accumulation des microévolutions. Stephen Jay Gould est l’un des paléontologues-évolutionnistes qui a le plus contribué à combattre cette thèse gradualiste, continuiste, progressiste.

Cependant, Stephen Jay Gould considère que ce sont les mêmes mécanismes génétiques qui conduisent la macroévolution et la microévolution.

Gould définit ainsi la « macroévolution » dans « La structure de la théorie de l’évolution » :

« J’emploie ici le terme de « macroévolution » dans un sens purement descriptif : autrement dit, il vise les phénomènes évolutifs allant de la naissance des espèces à ceux prenant place au-dessus du niveau de l’espèce par contraste avec les changements évolutifs prenant place « au sein » des populations pour une espèce donnée… Pour certains, le terme de « macroévolution » sous-entendait (et sous-entend encore) la mise en œuvre de mécanismes particuliers, notamment des mécanismes génétiques inhabituels n’existant pas au niveau microévolutif… Dans le présent ouvrage, le terme de « macroévolution » possède le sens de description des phénomènes évolutifs prenant place au niveau au-dessus de l’espèce, et n’a pas de contenu polémique antidarwinien. »

En fait, la discussion fondamentale sur l’apparition d’une nouvelle espèce n’est pas pour ou contre le darwinisme et le mécanisme de changement génétique, mais pour ou contre la continuité ou les sauts de l’évolution, que nous appelons pour notre part « révolution des espèces » pour souligner le changement radical, brutal, fondé sur des contradictions violentes menant à une rupture radicale.

Gould cite de nombreux évolutionnistes saltationnistes qui l’ont précédé : Georges Cuvier (théorie des catastrophes), William Bateson (théorie structuraliste de l’évolution par saltation), Hugo De Vries (théorie de la pangenèse intracellulaire), Richard Goldschmidt (théorie de la mutation systémique et des monstres prometteurs), pour ne citer que les principaux.

Parmi les auteurs évolutionnistes, personne ne nie qu’il y ait une discontinuité entre les espèces, de même que chez les saltationnistes, personne ne nie qu’il y ait une évolution fondée sur la sélection naturelle opérant sur la base de la génétique. Ce débat n’a lieu que face aux antidarwiniens, ce qui n’est pas le cas dans la polémique discutée ici.

Gould écrit :

« Dozhansky a brillamment assigné comme tâche à la théorie de l’évolution : celui d’éclaircir la façon dont apparaissent les espèces nouvelles, objectif qui était désigné dans le titre même de l’ouvrage de Darwin (mais que celui-ci n’avait pas traité en tant que thème majeur dans son livre)… Le problème, tel que formulé par Dozhansky, se présentait donc pour lui de la façon suivante : comment une théorie originellement construite pour décrire le changement continu dans les populations naturelles pouvait-elle aussi expliquer la structure discontinue de la diversité taxinomique de la nature ? Le problème central de l’évolution, affirma donc Dozhansky, était l’apparition de la discontinuité entre les espèces… La diversité représente le fait primordial de la nature (et c’est le premier thème abordé dans le chapitre I du livre de Dozhansky). Elle prend naissance par le biais de la scission des lignées, autrement dit par le biais de la spéciation. Cette dernière engendre la discontinuité dans la nature. Comment un processus continu de changement génétique peut-il donner de telles séparations bien nettes ? Il fallait donc reconsidérer le problème clé de la théorie de l’évolution et saisir qu’il consistait en l’apparition des discontinuités entre espèces. »

Nous nous trouvons donc à raisonner au niveau du changement d’espèce et pas seulement au sein de l’espèce. C’est toute la conception de ce qu’est « un individu » qui change aux différents niveaux, comme l’expose Gould :

« Si on attribue ainsi, de façon absolue, la responsabilité du mécanisme darwinien à l’action des individus, alors il semble bien qu’en découle assez automatiquement la vision d’ensemble de Darwin que tous les phénomènes, à toutes les échelles de l’évolution, doivent résulter de proche en proche du mécanisme de sélection entre les individus, ces derniers étant définis, à la manière ordinaire, comme des organismes caractérisés par un corps organisé…

Qu’est-ce qu’un individu ? Les organismes dotés d’un corps organisé dans le sens ordinaire sont-ils les seules entités dans la nature qui méritent d’être désignées de ce nom, surtout quand on s’aperçoit que le fait de posséder un corps bien distinct ne définit pas toujours sans ambiguïté l’individu en tant que siège du mécanisme envisagé par Darwin (sans parler des difficultés rencontrées lorsqu’on essaye de caractériser les entités situées aux niveaux en dessus et en dessous des organismes dotés d’un corps organisé dans la hiérarchie généalogique de la nature) ? (…)

Et que penser des organismes vivant en « société », dont le corps organisé bien distinct présente une certaine variation génétique de l’un à l’autre et qui, considérés tous ensemble, ne peuvent être envisagés comme une collection de ramets identiques, mais qui coopèrent, à l’instar des organes au sein d’un organisme, comme s’ils étaient les éléments différenciés d’un « tout » plus vaste, ainsi qu’on le voit dans le cas d’une ruche ou d’une fourmilière dotées d’une seule reine ? Wilson et Sober (1989) ont, dans de tels cas, instamment appelé à retourner au concept ancien de « superorganisme ».

Puisque tant d’incertitudes entourent la définition de l’ « individu » au niveau supposé indiscutable envisagé par Darwin lui-même, il ne faut pas s’étonner que les tentatives de restreindre ce concept aux corps organisés aient engendré plus de problèmes qu’elles n’ont fourni de réponses claires. Peut-être faut-il adopter une approche différente et plus générale. Peut-être faut-il essayer de spécifier une série de caractéristiques minimales dont l’ensemble est requis pour pouvoir désigner une entité organique du nom d’unité individuelle ou, en bref, d’ « individu » ; puis se demander si des objets quelconques figurant à des niveaux en dessus ou en dessous de celui des organismes au sens traditionnel possèdent ces caractéristiques et, par conséquent, ont les qualités requises pour être inclus dans une conception plus large de l’individu. De cette façon on pourrait peut-être arriver à une définition utile, indépendante des particularités propres aux différents niveaux et donc suffisamment générale pour fournir une compréhension plus profonde et plus claire de ce concept fondamental du darwinisme…

Ma question est la suivante : les espèces sont-elles des individus ou des classes ? (…) Un individu peut subir un certain degré de changement, ou même changer dans une mesure importante, au cours de sa vie, mais pas au point qu’il soit impossible de le reconnaître ou qu’il soit nécessaire de le redéfinir en tant que chose différente ; et, en particulier, si l’on considère une succession d’individus dans le temps, il ne doit pas subir d’altération au point que ses derniers stades en arrivent, davantage que ses premiers stades, à ressembler à l’individu suivant dans la séquence…

Lorsque nous essayons de définir des individus à d’autres niveaux de la hiérarchie organique, et particulièrement aux niveaux élevés, nous rencontrons des problèmes, dont plusieurs font classiquement l’objet de discussions interminables dans la littérature. Par exemple, l’objection traditionnelle adressée à la sélection interdémique consiste à soutenir que de trop nombreux dèmes ne répondent pas au critère de « stabilité suffisante », car ils le persistent peut-être pas assez longtemps pour jouer un rôle dans l’évolution et leurs frontières peuvent éventuellement être trop « poreuses » - les organismes pénétrant ou sortant des dèmes – étant donné l’absence d’isolement reproductif entre les parties composantes, c’est-à-dire entre les organismes membres des différents dèmes…

Les partisans de la « sélection entre groupes » classiques (c’est-à-dire interdémique) admettent l’existence de ces problèmes, bien sûr, et tous les modèles recevables dans ce domaine ont expressément été construits pour faire droit à de telles objections en spécifiant des conditions permettant aux dèmes de satisfaire aux critères énumérés ci-dessus…

A chaque niveau de la hiérarchie biologique, les individus différant les uns des autres au sein d’une population en cours d’évolution (organismes d’un dème, dèmes au sein d’une espèce, espèces au sein d’un clade) doivent interagir avec l’environnement d’une façon telle que certains d’entre eux obtiennent un plus grand succès reproductif que les autres en raison de la possession et de l’expression de certains traits héritables, tandis que les individus les moins aptes ne les possèdent pas ou ne les expriment que sous une forme moins efficace. Cette explication du mécanisme de la sélection naturelle met en évidence une caractéristique fondamentale : c’est que celle-ci est un processus actif. Dès lors, cela signifie que nous sommes tenus de vérifier un scénario causal, expliquant comment le fait de posséder tels traits héritables plutôt que tels autres conduit à un plus grand succès reproductif.

Ces considérations nous conduisent inévitablement à la question cruciale de savoir s’il faut définir la sélection d’après cette interaction causale entre les individus et l’environnement ou bien d’après le résultat de la transmission héréditaire aux générations suivantes... C’est l’interaction avec l’environnement qui définit ce mode d’opération et ses agents sont nécessairement des individus (définis d’après les critères de l’individualité à la fois au sens commun et au sens évolutionniste)…

L’ « objectif » de la sélection naturelle ne peut pas être défini par la réplication fidèle ; il faut, en réalité, le définir par la « plurification » relativement plus grande de certains individus par rapport aux autres (ce qui signifie que certains individus « font plus » que les autres en matière de représentation relative au sein de la génération suivante, c’est-à-dire qu’ils augmentent la leur). L’individu qui se plurifie en accroissant le pourcentage de sa contribution à la constitution héréditaire de la génération suivante (quelle que soit la forme des unités et des entités transmises) est gagnant au jeu de l’évolution. Et l’on peut qualifier ce jeu de darwinien, si la plurification résulte d’une interaction causale entre les caractéristiques de l’individu gagnant et son environnement.

Par rapport aux critères de l’individualité au sens commun discutés plus haut, les critères de l’individualité au sens spécifiquement évolutionniste nous apprennent que les organismes ne sont pas les seuls individus capables de se comporter en tant qu’unités de sélection darwinienne. En particulier, et en continuant de prendre l’espèce comme exemple type des individus de plus haut niveau, tous les critères de l’individualité au sens évolutionniste s’appliquent aux espèces en tant qu’unités de base de la macroévolution. Les espèces engendrent des rejetons lorsqu’elles se scindent en donnant de nouvelles branches (dans le jargon des évolutionnistes, ces rejetons sont même appelés des « espèces filles »)…

On a parfois dit des communautés biotiques ou des écosystèmes qu’ils pouvaient probablement être regardés comme des unités de sélection. Dans ce cas, on pourrait sérieusement envisager le problème, car les communautés présentent effectivement une certaine cohésion fonctionnelle durable, sont plus ou moins bien délimitées, et peuvent éventuellement se scinder pour donner des communautés « filles » yant suffisamment de ressemblance avec leur parent. Mais je peux difficilement imaginer la série des conditions qui permettraient à de telles unités écologiques de satisfaire à un nombre suffisant de critères de l’individualité pour les considérer comme les agents d’une sélection darwinienne…

Mais s’il est vrai que l’on peut réfuter rationnellement l’emploi incorrect des notions d’individus et d’unités de sélection dans de tels cas particulier, il n’en reste pas moins que la gamme des individus biologiques légitimement envisageables reste riche. En fait, tous ces divers individus forment une hiérarchie, car ils sont tous reliés les uns aux autres par cette fascinante caractéristique, l’emboîtement en série au sein du système généalogique de l’évolution. Il s’agit des gènes, des lignées cellulaires, des organismes, des dèmes, des espèces et des clades : tous ces individus de différents niveaux peuvent se comporter comme des unités de sélection darwinienne ; et dans une gamme suffisamment vaste de conditions appropriées, tous peuveznt effectivement intervenir de façon cruciale dans l’évolution de l’ensemble des êtres vivants sur la Terre. Je doute que l’on puisse encore défendre très longtemps (ou alors seulement au nom du nombrilisme et du confort de l’habitude, ancrés sur ces circonstances fortuites que représentent la taille et la durée du corps humain) la conviction darwinienne capitale selon laquelle les organismes représentent le niveau fondamental de l’individualité, tandis que tous les autres niveaux n’existent pas, ou bien n’ont aucun rôle évolutif, ou bien sont entièrement subordonnés au niveau organismique, ou bien encore n’interviennent que dans des circonstances rares et très particulières…

Les arguments classiques contestant la sélection de haut niveau consistent à admettre que ce phénomène est certainement possible en théorie, mais à nier que qu’il ait une quelconque efficacité dans la pratique, en raison de sa rareté et de son faible impact par comparaison à la sélection naturelle ordinaire sur les organismes.

L’argument classique de R. A. Fisher consiste à dire : comment la sélection entre espèces pourrait-elle avoir la moindre influence notable sur l’évolution ? La vitesse et l’ampleur avec lesquelles se réalise un processus de sélection dépendent du nombre des naissances et des morts et de la durée s’étendant entre le moment des premières et celui des secondes, ceci afin qu’existe une population suffisante d’items pouvant subir un processus de tri différentiel. Mais les espèces durent des milliers ou des millions d’années, et les espèces au sein des clades forment des « populations » aux effectifs de quelques dizaines ou, au plus, de quelques centaines de membres, alors que de nombreuses populations formées par les organismes comprennent des millions, voire des milliards d’individus. Comment la sélection entre espèces pourrait-elle avoir la moindre influence (par comparaison avec la sélection organismique ordinaire), lorsqu’en moyenne, des milliards de naissances et de morts d’organismes se produisent pour chaque apparition ou extinction d’espèce, et, lorsque les effectifs de populations d’organismes sont de plusieurs ordres de grandeur supérieurs à ceux des populations formées par les espèces apparentées au sein d’un clade ? (…)

Puisque la plus grande partie des débats à notre époque au sujet de la sélection aux plus hauts niveaux a visé la sélection interdémique (aussi appelée « sélection entre groupes »), les quatre arguments classiques ont été formulés principalement à l’usage du niveau situé juste au-dessus de celui auquel on s’adresse habituellement, c’est-à-dire le niveau des organismes (mais je prédis que l’on mettra bientôt l’accent sur des niveaux plus élevés, particulièrement sur celui de la sélection entre espèces, à mesure que la théorie de la macroévolution va se développer)…

L’argument sur la faiblesse de l’impact de la sélection entre espèces en raison de la longueur du cycle de remplacement et de la faible dimension des populations demeure donc la seule objection classique ayant la capacité de mettre en doute la sélection entre espèces. Et, à première vue, l’argument de Fisher paraît être à la fois puissant et décisif. L’observation de base est indiscutable : il se produit généralement des milliards de naissances d’organismes, lorsqu’il ne se réalise l’apparition que d’une seule espèce nouvelle ; et les populations d’organismes au sein des espèces dépassent presque toujours énormément les populations d’espèces au sein des clades. En dépit de sa logique irréprochable, comment la sélection entre espèces pourrait-elle exercer la moindre influence notable si la sélection classique entre les organismes est toujours capable d’agir avec une bien plus grande force ? (…)

La sélection organismique l’emporte nécessairement sur la sélection entre espèces lorsque les deux processus sont en jeu de concert en visant la même « cible » adaptative : en effet, dans ce cas, si les deux niveaux de sélection opérent dans la même direction, alors la sélection entre espèces ne peut ajouter que le plus petit des suppléments aux effets considérablement plus importants de la sélection organismique ; et si les deux niveaux opèrent dans des directions opposées, la sélection organismique surpasse nécessairement la sélection entre espèces et annule ses effets….

La sélection organismique peut surpasser la sélection entre espèces, en théorie, lorsque les deux processus opèrent à leur maximum d’efficacité, mais si le changement associé à la spéciation constitue le « seul jeu ayant cours », il est clair que le processus faible peut l’emporter sur le processus qui est potentiellement plus fort mais qui reste, dans le cas considéré, à l’état dormant. Les bombes atomiques font certainement paraître dérisoires les armes à feu classiques lors d’un conflit guerrier, mais si l’on décide de ne pas employer les armes nucléaires, alors les balles peuvent être redoutablement efficaces. La façon dont se présente dans la réalité l’équilibre ponctué constitue donc l’ « arme » appuyée sur les faits, qui permet de renverser la puissante objection théorique de Fisher à l’encontre de l’efficacité de la sélection entre espèces.

Cet argument fournit le second exemple illustrant l’importance de l’équilibre ponctué pour légitimer l’indépendance de la théorie de la macroévolution, dès lors que la pure extrapolation à partir de la dynamique microévolutive ne peut pas rendre compte de cette dernière. Nous avons vu précédemment que l’équilibre ponctué soutient fortement la notion d’espèce en tant qu’individus évolutionnistes capable d’agir comme unité de sélection. Nous voyons donc à présent que l’équilibre ponctué permet aussi de reconnaître à la sélection entre espèces une efficacité possible, alors même que de solides raisons théoriques poussaient à conclure à son impuissance.

En résumé, trois quart des arguments classiques niant la possibilité de la sélection aux niveaux plus élevés que celui des organismes ne s’appliquent pas au cas des espèces ; et le quatrième perd de sa pertinence dès lors que l’équilibre ponctué domine dans la réalité observable. Je ne vois rien qui empêche la sélection entre espèces de revêtir une importance capitale dans l’histoire de la vie. (…) »

Le mécanisme de sélection darwinienne qui est donc étudié est celui de la sélection entre espèces et pas seulement de la sélection entre individus au sein d’une même espèce.

Gould écrit ainsi :

« J’ai considéré la sélection entre espèces comme le plus intéressant et le plus révolutionnaire des phénomènes de la macroévolution, particulièrement susceptible de constituer le noyau même de la théorie macroévolutive…

La plus intéressante de toutes les différences entre sélection entre individus et sélection entre espèces ne réside peut-être pas dans les processus eux-mêmes mais dans la nature de leur interaction avec les autres modes fondamentaux du changement évolutif : les changements directionnels et la dérive.

Si la sélection entre individus nous paraît avoir une impressionnante puissance, cela provient du fait que la génétique mendélienne est en accord avec l’une des conditions préalables fondamentale pour que puissent fonctionner les systèmes darwiniens : la variation servant de matériau brut à la sélection naturelle doit être « au hasard » (ce qui, en pratique, signifie qu’elle « n’est pas orientée en direction des besoins adaptatifs », et ne veut pas dire que « toutes les directions de variation sont également probables »), de sorte que la sélection, et non l’infléchissement intrinsèque de la variation, peut réellement constituer le facteur « créatif » du changement évolutif.

Cette condition fondamentale est vérifiée au niveau des individus, non parce que les mutations (et les autres mécanismes de variation génétique) sont véritablement aléatoires dans un sens mathématique, mais parce qu’elles correspondent à un processus très différent de celui de la sélection naturelle ; elles opèrent aussi sur un substrat (la structure de l’ADN) tellement différent du corps des organismes des individus (formé de tissus et d’organes constituant une structure intégrée) que l’on ne peut imaginer pour quelle raison des directions préférentielles de mutation pourraient correspondre de quelque façon aux besoin de l’organisme individuel.

Mais la situation n’est pas comparable en ce qui concerne la sélection entre espèces : il n’y a pas de raison a priori pour que la variation (entre les espèces d’un clade) offerte à la sélection entre espèces doive être elle aussi aléatoire par rapport à l’orientation d’une tendance évolutive.

Les espèces ne répriment pas les processus de changements directionnels présentés par les éléments les composant (les organismes), alors que les organismes généralement répriment effectivement la variation directionnelle survenant au niveau en dessous d’eux (parce que « l’intérêt » à proliférer que peuvent avoir les gènes ou les lignées cellulaires vont généralement à l’encontre des besoins adaptatifs des organismes).

En outre, les traits adaptatifs des organismes confèrent souvent des avantages aux espèces également, comme lorsque ces dernières vivent plus longtemps parce que les organismes bien agencés qui les composent l’emportent dans la compétition entre organismes individuels. Par conséquent, on ne peut pas défendre le postulat a priori d’une orientation aléatoire de la variation constituant le matériau brut sur lequel opère la sélection entre espèces.

Cette situation crée un problème, puisqu’elle met en question l’analogue des processus darwiniens au niveau de l’espèce, car l’efficacité maximale de la sélection entre espèces demande réellement que la variabilité ne soit pas orientée, au nom du raisonnement classique avancé à l’origine pour le niveau des organismes individuels.

Le caractère aléatoire de la variation au niveau de l’espèce par rapport à l’orientation des tendances évolutives doit donc ici être vérifié dans la pratique, et ne représente pas une thèse découlant de façon prédictible de la nature des matériaux et des processus.

Cette vérification dans la pratique doit donc constituer un travail prioritaire pour quiconque désire établir avec quelle fréquence relative et avec quelle efficacité joue la sélection entre espèces dans l’explication des tendances évolutives…
La sélection inter-espèces, l’analogue de la sélection naturelle au niveau des espèces, mais nullement le seul facteur irréductible aux niveaux inférieurs qui intervienne dans le changement macroévolutif, diffère de la sélection naturelle classique opérant au niveau des organismes individuels à la fois par son rôle et par son importance dans l’évolution.

Ce qui caractérise principalement la sélection entre espèces, comme je l’ai souligné dans tout ce chapitre en insistant sur le fait que les niveaux de la hiérarchie ne sont pas des images fractales les uns des autres, c’est un rôle bien particulier dans l’évolution.

La sélection entre espèces n’édifie pas (elle n’en est pas capable) les phénotypes adaptatifs complexes des organismes ; mais en disant cela on ne fait que pointer un aspect général de l’organisation hiérarchique, et cela ne veut pas dire que la sélection entre espèces n’aurait gère d’importance dans l’évolution, malgré les affirmations inverses de Dawkins (1982) et Daniel Dennett (1995).

L’intérêt primordial de la sélection entre espèces pour les évolutionnistes réside dans sa capacité à promouvoir les tendances évolutives au sein des clades, et à réguler les fluctuations de la diversité en espèces au cours du temps au sein des clades et d’un clade à l’autre.

L’influence de la sélection entre espèces sur les tendances évolutives peut aussi avoir d’autant plus d’importance que ce processus n’édifie pas seulement les tendances concernant directement les caractères du niveau de l’espèce, mais qu’il établit aussi des tendances corrélatives concernant n’importe quel caractère des organismes qui aide à définir les caractères spécifiques considérés ou qui, simplement, les « accompagne » passivement en raison des liens d’homologie au sein de la structure phylogénétique des arbres évolutifs (phénomène qui est très répandu, comme Raup et Gould, 1974, l’ont montré en théorie et en pratique)…

En ce qui concerne la capacité de la sélection entre espèces à manifester son importance dans l’évolution (par comparaison fondamentale avec la sélection naturelle darwinienne classiquement envisagée au niveau traditionnel des organismes), certains de ses traits vont dans le sens d’un faible impact, d’autres dans celui d’une forte influence. Parmi les facteurs qui affaiblissent l’impact de la sélection entre espèces, on peut mentionner :

1°) La dimension généralement faible du nombre d’espèces au sein des clades, et la durée d’existence généralement longue des individus-espèces, ces deux facteurs limitant la quantité de variation habituellement offerte aux processus de sélection.

2°) Contrairement à l’organisme, l’individu-espèce ne réprime pas activement la sélection opérant à des niveaux inférieurs en son sein. Puisque les individus des niveaux inférieurs, en raison de leurs cycles de remplacement rapides, offrent une quantité de variation beaucoup plus grande aux processus de sélection de niveau inférieur (par unité de temps donnée), ceux-ci, n’étant pas réprimés, sont susceptibles de l’emporter sur les processus de sélection entre espèces.

3°) En tant qu’analogue de la reproduction asexuelle au niveau des organismes individuels, la sélection entre espèces subit la même importante limitation que cette dernière : les traits favorables apparus chez un individu donné ne peuvent pas être transférés latéralement aux autres individus (afin d’être combinés et intégrés), mais peuvent seulement être transmis verticalement aux descendants directs.

4°) La sélection entre espèces est freinée par des contraintes structurales propres, qui ne se rencontrent qu’à ce niveau supérieur : il s’agit notamment de la corrélation apparemment irrévocable entre les taux d’apparition et ceux d’extinction, liant ainsi par une interaction négative les deux phénomènes eux-mêmes qui, s’ils étaient liés positivement (autrement dit si des taux élevés de spéciation étaient corrélés à de faibles taux d’extinction) pourraient accélérer très puissamment n’importe quelle tendance déterminée par la sélection entre espèces.

Mais ces facteurs négatifs et ces limitations pesant sur la sélection entre espèces sont généralement contrebalancés par plusieurs caractéristiques qui lui confèrent la possibilité d’exercer une importante influence dans l’évolution :

1°) On peut estimer, en théorie, que la sélection entre espèces n’est guère en mesure de jouer un grand rôle, étant donné les possibilités de transformation évolutive réalisables par des processus continus de sélection au niveau des individus de niveau inférieur (les organismes dans ce cas) figurant au sein des espèces. Mais, en réalité, ce type de changement, qui est une transformation par anagenèse, se produit rarement dans la nature, dans la mesure où la grande majorité des espèces connaissaient la stase tout au long de leur durée d’existence dans les temps géologiques. Dès lors que l’anagenèse est habituellement peu courante ou inopérante et que la sélection organismique effective est concentrée dans les moments d’apparition des nouvelles espèces – en portant alors sur les caractéristiques les distinguant les unes des autres (ses moments d’intervention effective étant ainsi délimité par le cycle de remplacement des espèces elles-mêmes) -, la sélection entre espèces peut réellement représenter un processus prédominant dans l’évolution.

2°) Le nombre des espèces dans les clades peut être faible, mais chaque épisode de spéciation engendre obligatoirement des différences par rapport aux traits parentaux (au moins suffisamment pour déterminer l’isolement reproductif), tandis que les naissances d’organismes ne sont pas obligées d’ajouter de nouvelles variations au sein de la population. La quantité de changement par épisode de spéciation peut être grande, pouvant même donner l’équivalent de la macroévolution. Dans ce dernier cas, cependant, l’efficacité de la sélection entre espèces pourrait être alors diminuée quelque peu, de la manière que la macromutation, déterminant un total changement de forme en une seule étape, retire à la sélection son rôle créatif d’édification graduelle de l’adaptation.

3°) Au niveau de l’espèce, non seulement chaque naissance d’un nouvel individu s’accompagne d’une variation originale, qui peut éventuellement être importante, mais cette variation se manifeste dans un contexte adaptatif (tandis que les mutations, à l’origine de la variation au niveau organismique, sont généralement nuisibles pour l’organisme).

Bien entendu, l’aspect adaptatif de la production d’un nouvel individu-espèce ne peut, théoriquement, se manifester qu’au niveau auquel il a été engendré causalement (l’adaptation étant plutôt généralement associée au niveau organismique et non au niveau de l’espèce lui-même). Mais la variation nouvelle sera souvent adaptative au niveau de l’espèce pour deux raisons : premièrement, parce que ce sont des processus du niveau de l’espèce plutôt que du niveau organismique qui sous-tendent souvent la genèse de la variation au niveau de l’espèce ; deuxièmement, parce que la variation engendrée au niveau organismique agit souvent, de façon générale, en synergie avec les « intérêts » de l’espèce, tandis que les variations dues aux mutations sont rarement en synergie avec les « intérêts » des organismes.

4°) La synergie très répandue entre les intérêts des organismes et ceux des espèces est à l’origine d’une puissante accélération de la macroévolution (Gould et Lloyd, 1999). La spéciation directionnelle (souvent fondée sur l’adaptation organismique) renforce souvent la sélection entre espèces opérant dans la même direction, en accélérant le rythme de spéciation, ou, peut-être plus fréquemment, en accroissant la longévité des espèces qui naissent en étant orientées dans le même sens que la poussée directionnelle.

D’un autre côté, lorsque la sélection organismique va à l’encontre des intérêts de l’espèce, la sélection négative entre espèces peut être le seul facteur efficace de haut niveau capable de ralentir ou de stopper la tendance (c’est probablement un phénomène courant dans la phylogenèse, auquel on donnait le malheureux et regrettable nom, dans les manuels du temps où j’étais étudiant, de « surspécialisation », terme qui est maintenant rarement usité).

Comme point final et en guise d’idée directrice pour bien saisir le rôle essentiel de l’individu-espèce dans la macroévolution, on doit se rappeler quels caractères extrêmement inhabituels présentent l’individu que l’on prend conventionnellement (et généralement sans y réfléchir) comme le paradigme causal dans l’ensemble de l’évolution : l’organisme.

Si l’on considère que le changement évolutif s’opère selon trois modalités, le changement directionnel, la sélection et la dérive, alors on peut dire que l’organisme permet à la sélection de régner de façon quasi exclusive, en « débarrassant » le champ d’opération du changement évolutif des deux autres modalités.

Les changements directionnels ne paraissent pas importants au niveau organismique, parce qu’ils sont engendrés depuis les niveaux inférieurs, et les organismes, comme il a été souligné à satiété dans ce chapitre, œuvrent efficacement à la suppression des processus de sélection opérant aux niveaux en-dessous d’eux.

Simultanément, la dérive n’a qu’un impact limité au niveau organismique, parce que la dimension des populations tend à être trop grande dans la plupart des circonstances, et parce que le haut degré d’intégration fonctionnelle au sein des organismes donne une importance sélective à presque tous les organes et éléments, de sorte que la neutralité ne peut que rarement se manifester par la plupart des aspects des organismes et que les occasions de dérive phénotypique sont ainsi réduites…

Mais lorsqu’on se tourne vers le niveau de l’espèce, on trouve qu’il existe un intéressant partenariat entre ces trois facteurs causals, le changement directionnel, la sélection et la dérive.

La sélection opérant au niveau de l’espèce ne « débarrasse » pas le champ du changement évolutif de l’intervention des autres facteurs. Les changements directionnels provenant des niveaux inférieurs exercent une grande influence sous la forme du phénomène de la spéciation directionnelle. La dérive est capable d’un impact important sous les deux formes par lesquelles elle peut se manifester : la dérive spécifique, s’appliquant à la transformation de collections (les clades) ; et la dérive des fondateurs, s’appliquant à la prolifération ou à la réduction différentielle des sous-clades, en raison des conditions fortuitement favorables ou restrictives rencontrées lors de la colonisation de régions données.

Cette absence d’ « élimination » des autres modalités du changement ne signifie pas que la sélection au niveau de l’espèce n’a que peu ou pas d’importance dans l’évolution. Cela signifie plutôt que d’autres « règles du jeu » sont mises en œuvre pour la sélection dans le monde réel et distinct de la macroévolution… »

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