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L’accusation de Trotsky contre les procès de Moscou

samedi 18 avril 2020, par Robert Paris

La réponse de Léon Trotsky, 17 avril 1937

Dans son intervention finale du 28 janvier 1937 [1] Vichinsky a dit : " Trotsky et les trotskystes ont toujours été les agents du capitalisme au sein du mouvement ouvrier ". Vichinsky a dénoncé " le visage réel, le vrai visage du " Trotskysme – ce vieil ennemi des ouvriers et des paysans, ce vieil ennemi du Socialisme, serviteur loyal du capitalisme ". Il a esquissé l’histoire du " Trotskysme " qui passa la plus grande partie de ses quelques trente ans d’existence à se préparer pour sa conversion finale en un détachement enragé du fascisme, en un des services de la police fasciste ".

Tandis que les journalistes étrangers du Guépéou (dans le " Daily Worker ", les " New Masses ", etc.) usaient leur énergie pour tacher d’expliquer, à l’aide d’hypothèses cousues de fil blanc et d’analogies historiques, comment un marxiste révolutionnaire peut se changer en fasciste dans la sixième décade de sa vie, Vichinsky aborde la question d’une manière entièrement différente : Trotsky a toujours été un agent du capitalisme et un ennemi des ouvriers et des paysans ; pendant trente et quelques années il s’est préparé à devenir un agent du fascisme. Vichinsky dit maintenant ce que les journalistes des " New Masses " vont dire, eux aussi, mais plus tard. C’est pourquoi je préfère m’occuper de Vichinsky. Aux assertions catégoriques du Procureur de l’U.R.S.S., j’oppose les faits, également catégoriques, de ma vie.

Vichinsky se trompe quand il parle de mes trente années de préparation au fascisme. Mais ce ne sont ni les faits, ni l’arithmétique, ni la chronologie, et encore moins la logique qui sont les points forts de cette accusation. En réalité, depuis le mois passé il y a quarante ans révolus que je participe sans interruption au mouvement de la classe ouvrière sous la bannière du marxisme.

A dix-huit ans j’organisais l’Union Ouvrière de la Russie du Sud, organisation clandestine qui comprenait plus de 200 ouvriers. J’éditai un journal révolutionnaire polycopié, le " Nache Delo " (Notre Cause). Pendant mon premier exil en Sibérie (1900-1902), je participai à la création de l’Union Sibérienne de Lutte pour l’Emancipation de la Classe Ouvrière. Après ma première évasion è l’étranger, je devins membre de l’organisation social-démocrate " l’Iskra " dirigée par Plekhanov, Lénine et quelques autres. En 1905, j’assumai des fonctions dirigeantes dans le premier Soviet des Députés Ouvriers de Petersburg. J’ai passé quatre ans et demi en prison, j’ai été deux fois exilé, en Sibérie où j’ai passé deux ans et demi environ. Je me suis évadé deux fois de Sibérie. En deux périodes, j’ai passé quelque douze ans en exil sous le tsarisme. En 1915, en Allemagne, je fus condamné à la prison par contumace pour mes activités contre la guerre. Je fus expulsé de France pour le même " crime ", arrêté en Espagne et interné par le gouvernement britannique dans un camp de concentration canadien. C’est de cette manière que je remplissais mes fonctions " d’agent du capitalisme ".

La version des historiens staliniens, suivant laquelle j’aurais été un menchevik jusqu’en 1917, n’est qu’une de leurs falsifications habituelles. Depuis le jour où le bolchevisme et le menchevisme prirent forme politiquement et organisationnellement (1904), je suis resté formellement en dehors des deux partis mais, comme le montrent les trois Révolutions russes, ma ligne politique – malgré des polémiques et des conflits – coïncida dans toutes les questions fondamentales avec la ligne de Lénine.

Le plus important désaccord entre Lénine et moi pendant ces années était mon espoir qu’à travers une unification avec les mencheviks la majorité d’entre eux pourrait être poussée dans la voie de la Révolution. Sur cette question brûlante, Lénine eut entièrement raison. Cependant, il faut dire qu’en 1917 les tendances à " l’unification " étaient très fortes parmi les bolcheviks. Le 1" novembre 1917, à la réunion du Comité du Parti de Petrograd, Lénine déclara à ce propos : " Trotsky a dit depuis longtemps que l’unification est impossible. Trotsky l’a compris et, depuis lors, il n’y a pas eu de meilleur bolchevik que lui ".

Dès la fin de 1904, je défendis l’opinion que la Révolution russe ne pouvait s’achever que par la dictature du prolétariat qui, à son tour, doit conduire à la transformation socialiste de la Société, dans le cadre du développement victorieux de la Révolution mondiale. Une minorité de mes adversaires actuels considéraient cette perspective comme fantastique jusqu’en avril 1917 et lui ont apposé l’étiquette péjorative de " trotskysme " par opposition au programme de la république démocratique bourgeoise. Quant à la majorité écrasante de la bureaucratie présente, elle ne donna son adhésion au pouvoir des soviets qu’après la fin victorieuse de la guerre civile. Pendant mes années d’exil, j’ai participé au mouvement ouvrier d’Autriche, de Suisse, de France, des Etats-Unis. Je pense aux années de mon exil avec gratitude. Elles m’ont donné la possibilité de connaître de plus près la vie de la classe ouvrière mondiale et de transformer mon internationalisme d’un concept abstrait en une force motrice pour le restant de mes jours.

Durant la guerre, en Suisse d’abord, puis en France, j’ai mené une propagande active contre le chauvinisme qui rongeait la Ilº Internationale. Pendant plus de deux ans, j’ai publié à Paris, sous la censure militaire, un quotidien russe dans l’esprit de l’internationalisme révolutionnaire. J’étais en relations étroites dans mon travail avec les éléments internationalistes de France et je pris part avec leurs représentants à la conférence internationale des opposants au chauvinisme à Zimmerwald (1915). J’ai continué à travailler de la même manière pendant les deux mois que je passais aux Etats-Unis.

Après mon arrivée à Petrograd (5 mai 1917), du camp de concentration canadien où j’enseignais les idées de Liebknecht et de Rosa Luxembourg aux marins allemands emprisonnés, j’ai pris une part active à la préparation et à l’organisation de la Révolution d’Octobre, plus particulièrement pendant les quatre mois décisifs où Lénine fut contraint de se cacher en Finlande.

En 1918, dans un article où il cherchait à limiter mon rôle dans la Révolution d’Octobre, Staline était néanmoins forcé d’écrire : " Tout le travail pratique de l’organisation de l’insurrection était mené sous la direction effective du président du Soviet de Petrograd, le camarade Trotsky. Nous pouvons dire avec certitude que le passage rapide de la garnison aux côtés du Soviet et l’exécution audacieuse du travail du Comité Militaire Révolutionnaire, le Parti les doit principalement et avant tout au camarade Trotsky ". (" Pravda ", nº 241, 6 novembre 1918)

Ceci n’empêcha pas Staline d’écrire six ans plus tard : " Le camarade Trotsky, un homme relativement nouveau dans notre Parti à la période d’Octobre, ne joua et ne pouvait jouer un rôle particulier tant dans le Parti que dans la Révolution d’Octobre ". (J. Staline, Trotskysme et Léninisme)

A présent, l’école stalinienne, avec l’aide de ses propres méthodes scientifiques à l’aide desquelles juges et procureurs sont éduqués, considère qu’il est incontestable que je n’ai" pas dirigé la Révolution d’Octobre, mais que j’étais opposé a elle. En tout cas, ces falsifications historiques ne concernent pas mon autobiographie mais la biographie de Staline.

Après la Révolution d’Octobre, j’ai assumé des responsabilités étatiques pendant environ neuf ans. J’ai pris une part active à l’édification de l’Etat soviétique, de la diplomatie révolutionnaire, de l’Armée rouge, de l’organisation économique, de l’Internationale communiste. Pendant trois ans j’ai dirigé effectivement la guerre civile. Dans l’exercice de cette lourde tache, j’ai été obligé de recourir à des mesures rigoureuses. J’en prends l’entière responsabilité devant la classe ouvrière mondiale et devant l’histoire. La justification de ces mesures se trouve dans leur nécessité historique et leur caractère progressif, dans leur concordance avec les intérêts fondamentaux de la classe ouvrière. A toutes les mesures de répression dictées par les conditions de la guerre civile, j’ai donné leur désignation réelle et j’en ai rendu compte publiquement devant les masses travailleuses. Je n’avais rien à cacher au peuple, tout comme aujourd’hui je n’ai rien à cacher à la commission.

Quand, dans certains cercles du Parti, non sans la participation occulte de Staline se manifesta une opposition contre mes méthodes de direction de la guerre civile, Lénine, en juillet 1919, de sa propre initiative et d’une façon tout à fait inattendue pour moi, me remit une feuille de papier blanc au bas de laquelle il avait écrit : " Camarades, ayant pris connaissance du caractère rigoureux des ordres du camarade Trotsky, je suis si convaincu, si absolument convaincu de la justesse, de l’opportunité et de la nécessité – pour le bien de notre cause, des ordres qu’il a donnés, que je donne à ses ordres mon entière adhésion ". Il n’y avait pas de date sur ce papier. En cas de nécessité la date devait y être apposée par moi-même. La prudence de Lénine dans tout ce qui concernait ses relations avec les travailleurs est bien connue. Néanmoins, il considérait possible de contresigner par avance un ordre venant de moi, bien que de ces ordres dépendait souvent le sort d’un grand nombre de gens. Lénine ne craignait pas que je puisse abuser de mes pouvoirs. Je dois ajouter que pas une seule fois je n’ai fait usage de la " carte blanche " donnée par lui. Mais ce document est un témoignage de l’exceptionnelle confiance d’un homme que je considère comme le plus parfait modèle de moralité révolutionnaire.

J’ai participé directement à l’élaboration des documents programmatiques et des thèses tactiques de la IIIe Internationale. Les principaux rapports à ces congrès sur la situation internationale ont été faits par Lénine et par moi. Les manifestes programmatiques des quatre premiers congrès ont été écrits par moi. Je laisse aux procureurs de Staline le soin d’expliquer quelle place cette activité peut avoir dans mon acheminement vers le fascisme. En ce qui me concerne, je continue à défendre avec fermeté aujourd’hui les principes que, la main dans la main avec Lénine, j’ai mis en avant comme base de l’Internationale Communiste.

J’ai rompu avec la bureaucratie dirigeante quand, pour des causes historiques qui ne sauraient être analysées ici de façon adéquate, elle se transforma en une caste privilégiée imbue de conservatisme. Les raisons de la rupture sont exposées et établies une fois pour toutes dans des documents officiels, des livres et des articles accessibles à une vérification générale.

J’ai défendu la démocratie des Soviets contre l’absolutisme bureaucratique ; l’élévation du niveau de vie des masses contre les privilèges excessifs des sommets ; l’industrialisation et la collectivisation systématiques dans l’intérêt des travailleurs ; et, finalement, une politique internationale dans l’esprit de l’internationalisme révolutionnaire contre le conservatisme nationaliste. Dans mon dernier livre, " La Révolution trahie ", j’ai essayé d’expliquer théoriquement pourquoi l’Etat soviétique isolé, sur la base d’une économie arriérée, a donné naissance à la monstrueuse pyramide de la bureaucratie qui, presque automatiquement, a été couronnée d’un chef incontrôlé et " infaillible ". Ayant étranglé le Parti et écrasé l’opposition au moyen de l’appareil policier, la clique dirigeante m’a exilé au commencement de 1928 en Asie centrale. Sur mon refus de cesser mon activité politique en exil, elle m’a déporté en Turquie en 1929. Là j’ai commencé à publier le " Bulletin de l’Opposition " sur la base du même programme que j’avais défendu en Russie, et je suis entré en relation avec des compagnons idéologiques, encore très peu nombreux à cette époque, dans toutes les parties du monde.

Le 20 février 1932, la bureaucratie soviétique me priva, ainsi que les membres de ma famille qui étaient à l’étranger, de la nationalité soviétique. Ma fille Zinaïda qui se trouvait provisoirement à l’étranger pour un traitement médical fut ainsi privée de la possibilité de rentrer en U.R.S.S. pour rejoindre son mari et ses enfants. Elle se suicida le 5 janvier 1933.

J’ai présenté une liste de mes livres et brochures les plus importants qui ont été en tout ou en partie écrits pendant la dernière période de mon exil et de ma déportation. D’après les calculs de mes jeunes collaborateurs qui, pour tout mon travail, mont donné et continuent à me donner une aide dévouée et irremplaçable, j’ai écrit 5.000 pages imprimées depuis que je suis à l’étranger, sans compter mes articles et mes lettres qui, ensemble, feraient plusieurs milliers de pages supplémentaires.

Puis-je ajouter que je n’écris pas avec facilité ? Je fais de nombreuses vérifications et corrections. Par conséquent, mon oeuvre littéraire et ma correspondance ont constitué le principal contenu de ma vie pendant les neuf dernières années. La ligne politique de mes livres, de mes articles et de mes lettres, parle d’elle-même. Les citations de mes ouvrages que donne Vichinsky constituent, comme je vais le prouver, une falsification grossière, c’est-à-dire un élément nécessaire de toute la mise en scène judiciaire.

Au cours des années 1923 à 1933, en ce qui concerne l’Etat soviétique, son parti dirigeant et l’Internationale Communiste, mon point de vue peut être exprimé par ces mots lapidaires : Réforme mais non révolution. Cette position était nourrie de l’espoir qu’avec des développements favorables en Europe, l’Opposition de Gauche pourrait régénérer le Parti bolchevik par des moyens pacifiques, effectuer une réforme démocratique de l’Etat soviétique, et remettre l’Internationale Communiste sur la voie du marxisme. C’est seulement la victoire de Hitler, préparée par la politique fatale du Kremlin, et l’incapacité absolue du Komintern de tirer quelques leçons de l’expérience tragique de l’Allemagne, qui nous a convaincus moi et mes compagnons idéologiques que le vieux parti bolchevik et la Ill’ Internationale étaient bien morts en ce qui concerne la cause du socialisme. Ainsi disparaissait l’unique levier légal à l’aide duquel on pouvait espérer effectuer une réforme démocratique pacifique de l’Etat soviétique. Depuis la dernière partie de l’année 1933, je suis de plus en plus convaincu que, pour émanciper les masses travailleuses soviétiques et la base sociale établie par la Révolution d’Octobre de la nouvelle caste parasitaire, une révolution politique est historiquement inévitable. Naturellement, un problème d’une ampleur aussi considérable provoqua une lutte idéologique passionnée sur une échelle internationale.

La dégénérescence politique du Komintern, complètement enchaîné par la bureaucratie soviétique, créa la nécessité de lancer le mot d’ordre de la IVe Internationale et de rédiger les fondements de son programme. Les livres, articles et bulletins qui s’y rapportent sont à la disposition de la Commission et constituent la meilleure preuve qu’il est question non pas d’un " camouflage " mais d’une lutte idéologique passionnée basée sur les traditions des premiers Congrès de l’Internationale Communiste. J’ai été continuellement en correspondance avec des douzaines de vieux amis et des centaines de jeunes amis dans toutes les parties du monde, et je puis dire avec assurance et fierté que c’est précisément de cette jeunesse que sortiront les combattants prolétariens les plus fermes et les plus sûrs de la nouvelle époque qui vient de s’ouvrir.

Renoncer à l’espoir d’une réforme pacifique de l’État soviétique ne signifie cepen dant pas renoncer à la défense de l’Etat soviétique, comme cela est particulièrement démontré par la collection des extraits de mes articles pendant les dix dernières années (" La défense de l’Union soviétique ") qui a récemment paru à New York. J’ai invariablement et implacablement combattu toute hésitation sur la question de la défense de l’URSS. J’ai rompu plus d’une fois avec des amis sur cette question. Dans mon livre " La Révolution trahie ", ai théoriquement prouvé l’idée que la guerre menace non seulement la bureaucratie soviétique, mais aussi la nouvelle base sociale de l’URSS qui constitue un énorme pas en avant dans le développement de l’humanité. De là découle le devoir absolu pour chaque révolutionnaire de défendre l’U.R.S.S. contre l’impérialisme, malgré la bureaucratie soviétique. Mes écrits de la même période présentent une image sans équivoque de mon attitude envers le fascisme. Dès la première période de mon exil à l’étranger je sonnais le signal d’alarme sur la question de la vague montante du fascisme en Allemagne. Le Komintern m’accusa de " surestimer " le fascisme et d’être " frappé de panique " devant lui. Je lançais le mot d’ordre du front unique de toutes les organisations de la classe ouvrière. A cela le Komintern opposa la théorie idiote du " social-fascisme ". Je lançais le mot d’ordre de l’organisation systématique des milices ouvrières. Le Komintern répondit par des vantardises sur de futures victoires. Je démontrais que l’U.R.S.S. serait gravement menacée en cas de victoire de Hitler. L’écrivain bien connu Ossietzky imprima mes articles dans sa revue et les commenta avec grande sympathie. Tout cela ne servit à rien. La bureaucratie soviétique usurpa l’autorité de la Révolution d’Octobre uniquement pour la convertir en obstacle à la victoire de la révolution dans d’autres pays. Sans la politique de Staline nous n’aurions pas eu la victoire de Hitler. Les procès de Moscou, dans une grande mesure, prirent naissance de la nécessité pour le Kremlin d’obliger le monde à oublier sa politique criminelle en Allemagne. " S’il est démontré que Trotsky est un agent du fascisme, qui alors prendra en considération le programme et la tactique de la IVe Internationale ? " Tels étaient les calculs de Staline.

C’est un fait bien connu que, pendant la guerre, tout internationaliste était déclaré être un agent du gouvernement ennemi. Il en fut ainsi dans le cas de Rosa Luxembourg, de Karl Liebknecht, d’Otto Ruehle et d’autres en Allemagne, de mes amis français (Monatte, Rosmer, Loriot, etc.), d’Eugène Debs et d’autres aux Etats-Unis et finalement de Lénine et de moi-même en Russie. Le gouvernement britannique m’emprisonna dans un camp de concentration en mars 1917, m’accusant, à l’instigation de l’Okhrana tsariste, que, de connivence avec le haut commandement allemand, j’avais tenté de renverser le gouvernement provisoire de Milioukov-Kerensky. Aujourd’hui cette accusation semble un plagiat de celles de Staline et de Vichinsky. En réalité, c’est Staline et Vichinsky qui sont les plagiaires du système du contre-espionnage tsariste et de l’Intelligence Service britannique.

Le 16 avril 1917, alors que j’étais en camp de concentration avec les marins allemands, Lénine écrivait dans la " Pravda " : " Qui peut croire un seul instant au bien fondé de la déclaration... que Trotsky, ancien président du Soviet des Députés ouvriers de Petersbourg en 1905 – révolutionnaire qui a consacré des dizaines d’années au service désintéressé de la révolution – que cet homme ait pu avoir affaire quoi que ce soit avec un plan subventionné par le gouvernement allemand ? C’est de toute évidence une calomnie monstrueuse et sans scrupule contre un révolutionnaire ". (" Pravda ", nº 34)

" Combien actuels sont ces mots maintenant, écrivais-je le 21 octobre 1927 – je répète 1927 ! – " en cette époque de méprisables calomnies contre l’Opposition, qui ne diffèrent en rien d’essentiel des calomnies contre les bolcheviks en 1917. "

Ainsi, il y a dix ans – c’est-à-dire bien avant la création des centres " unifiés " et " parallèles " et avant " le voyage " de Piatakov à Oslo – Staline lançait déjà contre l’Opposition toutes les insinuations et les calomnies que plus tard Vichinsky devait convertir en accusation devant les juges. Cependant, si Lénine en 1917 pensait que mes vingt années de passé révolutionnaire étaient en elles-mêmes une réfutation suffisante de ces insinuations immondes, je prends la liberté de croire que les vingt années qui se sont écoulées depuis – assez importantes en elles-mêmes – me donnent le droit de citer mon autobiographie comme un des plus importants arguments contre les accusations de Moscou.

Note

[1] Au 2e procès de Moscou, celui des dix-sept.

La commission d’enquête internationale Dewey sur les accusations de Staline contre Trotsky aux procès de Moscou

Rien ne permettait sans doute, au début des années trente, d’imaginer que seraient un jour associés pour la postérité les noms de Léon Trotsky et de John Dewey.

Né en 1859, de vingt ans plus âgé que Trotsky, Dewey fut l’un des plus grands philosophes et pédagogues de son temps, et son influence s’étendait bien au-delà des frontières de ce pays, notamment à la Chine, où il avait vécu, et en Union soviétique, où sa pédagogie avait compté nombre de disciples. Professeur à l’Université de Michigan, puis de Chicago, il avait enseigné à l’Université de Columbia à New York de 1905 à 1929, et exercé une influence profonde sur plusieurs générations d’intellectuels. Il prit sa retraite l’année où Trotsky fut expulsé d’Union soviétique.

D’abord disciple de Hegel, Dewey avait fortement subi l’influence de Darwin, et c’est à partir de cette double influence qu’il avait développé sa conception « instrumentaliste » de la pensée en tant qu’activité organique d’adaptation et de survie, mise en action pour suppléer à la défaillance de l’instinct ou de l’habitude, vérifiée par et dans la pratique. Il plaçait au centre de sa conception l’« intelligence créatrice » qui cherchait à transformer les conditions de vie.

Ses conceptions philosophiques avaient déterminé ses conceptions sur l’éducation et ses conceptions politiques, celles d’un « libéral », à l’américaine, c’est-à-dire d’un démocrate authentique avec de fortes tendances socialistes. Très éloigné de Trotsky, mais attaché à la liberté et aux principes de démocratie, il avait été amené, à soixante-dix-sept ans, à devenir, en 1936, l’animateur du comité de défense de Trotsky (A.C.D.L.T.) et à prendre, en 1937, la tête de la commission d’enquête sur le procès de Moscou.

Il devait écrire à son ami Max Eastman, au retour de son voyage a Mexico, que sa rencontre avec Trotsky avait été pour lui « une expérience intellectuelle unique », la « plus intéressante de sa vie2 ». * * * Depuis 1917, Trotsky jouit d’un grand prestige chez les intellectuels américains : il incarne chez eux, comme le note T.R. Poole « la cohabitation romantique du théoricien et de l’homme d’action », « l’esprit étincelant qui pouvait conduire une armée victorieuse3 ». Aussi n’est-il pas étonnant que le comité de défense fondé en octobre 1936 par quatre libéraux, dont Dewey, et deux dirigeants socialistes, ait rencontré un tel écho et suscite les adhésions de journalistes, écrivains, publicistes connus à la signature prestigieuse.

Comment Dewey, qui est tout de même un vieil homme s’est-il décidé à se lancer dans cette bataille en commençant par prendre la tête de la commission préparatoire qui allait à Coyoacán recueillir le témoignage de l’exilé ? Nous savons que James P. Cannon et George Novack se sont employés à le convaincre et que c’est vraisemblablement Sidney Hook qui a emporté ses dernières hésitations4. Mais c’est probablement l’énorme pression du Parti communiste américain et de ces compagnons de route pour l’empêcher de s’y engager qui a décidé Dewey à mener en personne une bataille dont l’enjeu lui était ainsi souligné de façon aussi éclatante5.

La rencontre de Dewey et de Trotsky est circonstancielle. En se rendant à Mexico, Dewey va certes commencer la défense de Trotsky, mais surtout, bien au-delà de la personne de l’exilé, celle des principes qui sont les siens. Il défend ses propres convictions libérales contre le stalinisme qu’il identifie au fascisme. A la différence de Trotsky, il ne pense pas que le stalinisme soit une monstrueuse déformation du bolchevisme : il le tient au contraire pour son développement naturel. Trotsky, lui, comprend que ce vieil homme, qui est, au fond, son adversaire, lui apporte la protection de sa réputation, de son intégrité et de sa fermeté principielle et il fait avec lui le bout de chemin qui doit lui permettre de porter à Staline et à l’édifice des procès de Moscou un coup dont ils ne se remettront pas.

* * *

Le second procès de Moscou commence en effet peu après l’arrivée de Trotsky au Mexique avec, dans le box des accusés deux de ceux qui l’ont renié avec le plus d’éclat et n’ont sans doute jamais regretté de l’avoir fait, Radek et Piatakov, et aussi un vieil ami - qui lui ne l’a jamais renié et dont nous ignorons le cheminement par lequel il a été amené, brisé, sur le banc des accusés -, l’intrépide N. I. Mouralov.

Une fois encore, le procès voit s’accumuler accusations et auto-accusations cherchant à impliquer Trotsky dans l’organisation du terrorisme, du sabotage, de l’espionnage et de la trahison6. Les accusés sont présentés et se présentent comme les membres d’un « centre de réserve » aux ordres de Trotsky. Ce dernier est accusé d’avoir mené des pourparlers avec les dirigeants nazis, cherché à précipiter la guerre pour prendre le pouvoir : « agent du fascisme », il aurait donc pris part y compris à l’activité d’espionnage, et c’est sur son ordre que N. I. Mouralov aurait organisé un attentat - manqué - contre Molotov7.

Piatakov est l’une des deux vedettes du procès. L’homme, qui a été un révolutionnaire de premier plan - il est nommé dans le testament de Lénine -, a rompu avec Trotsky très tôt, en 1928, et s’est absorbé depuis dans les tâches techniques. Son nom n’a jamais été prononcé à propos du bloc, de la renaissance de telle ou telle opposition, voire d’une fronde occasionnelle. Il explique au tribunal qu’il était informé des relations entre Sedov et I. N. Smirnov depuis 1931, ayant lui-même rencontré Sedov à Berlin grâce à Smirnov8. En 1935, il s’est rendu, selon son interrogatoire, à Berlin pour tenter d’entrer en contact avec Trotsky. Il assure que, muni d’un passeport allemand, il est allé en avion en Norvège, où il l’a rencontré dans une maison de la banlieue d’Oslo. Trotsky lui aurait parlé de ses contacts avec les dirigeants nazis, notamment Rudolf Hess, et de ses perspectives de démembrer l’U.R.S.S. en cas de guerre9.

L’autre accusé vedette, Karl Radek, est très disert et par moments provocant. Ses aveux complaisants mentionnent des noms de personnes qui vont être arrêtées si elles ne le sont déjà. Il assure avoir reçu - mais « malheureusement » pas conservé - trois lettres de Trotsky avec des « directives terroristes10 », confirme la thèse de l’accusation au premier procès, affirme avoir été informé des préparatifs de l’assassinat de Kirov. On murmure à Moscou qu’il a été arrête à cause de ses articles sur l’Espagne et de ce qu’il a dit sur la défense de sa révolution quand Staline se préparait à approuver la non-intervention11.

D’autres avouent avoir saboté les mines, les chemins de fer, l’industrie chimique. Certains s’accusent d’avoir été au service de l’Okhrana, et plusieurs tentent de démontrer leurs propres liens avec des services d’espionnage.

On note quelques incidents. Piatakov résiste à des accusations précises12. Radek a une passe d’armes victorieuse avec le procureur à qui il rappelle, non sans insolence, que l’accusation et tous les aveux reposent sur son témoignage et celui de Piatakov13. Nous ne connaissons pas l’objectif de ce qui semble avoir été un vrai chantage. Si Piatakov est condamné à mort et presque aussitôt passé par les armes, Radek sauve sa tête pour le moment.

Destiné à boucher les « trous » du premier procès, a étayer les lézardes dans l’édifice de l’accusation - ce que Trotsky appelle désormais « l’amalgame stalinien » -, le deuxième procès de Moscou n’avait pas plus de cohérence interne et n’avait pas été mieux préparé. Les lacunes de l’information du G.P.U. le conduisent à faire avouer aux accusés des rencontres matériellement impossibles. Ainsi, Trotsky n’a pas pu rencontrer le journaliste soviétique Vladimir Romm au Bois de Boulogne, au moment où il était à Saint-Palais. Plus grave encore, il apparaît que le voyage de Piatakov est matériellement impossible, et que son vol pour la Norvège ne peut avoir eu lieu. Ce n’est pas trente minutes qu’il y a entre sa maison - où Piatakov dit l’avoir rencontré et l’aéroport d’Oslo, et celui de Kjeller n’a vu aucun atterrissage dans cette période d’enneigement ! Après avoir tenté de replâtrer sa déposition par des « témoignages », il ne reste plus à Staline qu’à faire fusiller Piatakov, comme Trotsky l’avait prévu.

Celui-ci s’impatiente quelque peu du retard de Dewey à se décider, de ses « hésitations a descendre des hauteurs de la philosophie vers les bas-fonds des impostures judiciaires14 ». Lui-même prend l’engagement de se livrer à l’Union soviétique si une commission d’enquête impartiale conclut à sa culpabilité15. Il s’irrite aussi de la lenteur avec laquelle la commission se met en place, de la façon dont sont formulés ses objectifs. Il demeure sceptique devant ce qu’elle appelle « les principes fondamentaux de vérité et de justice », dont elle ajoute que « le sacrifice a toujours conduit et ne peut conduire qu’au chaos moral, social et politique et à la réaction », parle de « conception formelle, morale et politique », reproche à ses camarades américains de se situer sur le même terrain que l’allié libéral16.

Quand se met en place pourtant le mécanisme de la commission d’enquête, Trotsky prescrit à ses camarades du monde entier de subordonner leurs propres efforts à ceux de la commission dont il fait désormais le centre unique de la lutte contre les procès de Moscou17.

La composition de la commission n’est en réalité qu’une demi-victoire. La personnalité du professeur Dewey, sa renommée dans le monde entier, l’estime et le respect dont il jouit en tant qu’homme de science sont un atout considérable. Les amis de Trotsky auraient voulu cependant gagner à la commission d’autres personnalités indiscutables et se sont heurtés à des refus désagréables, notamment celui des historiens Charles A. Beard et Carl Becker, qui leur opposent l’argument selon lequel il serait impossible de « prouver le négatif », c’est-à-dire d’assurer que tel ou tel événement n’a pas eu lieu18. La présence d’hommes de cette dimension, rompus en outre aux techniques de l’examen des documents de l’enquête, aurait constitué un apport précieux. Moralement, en tout cas, la caution de Dewey suffisait à fonder l’autorité de la commission.

La première tâche consiste à se rendre à Coyoacán pour recueillir le témoignage de Trotsky et le soumettre à un contre-interrogatoire. Dans cette perspective, on constitue une « commission préliminaire », a partir du noyau de la commission proprement dite : à côté de Dewey, la secrétaire Suzanne La Follette, journaliste libérale et un autre journaliste, spécialiste du mouvement ouvrier, Ben Stolberg. L’anarchiste italien et prestigieux combattant des Droits de l’homme, Carlo Tresca, initialement prévu, ne se joint pas au voyage, faute d’avoir la certitude que les autorités des Etats-Unis le laisseront s’il en sort, revenir dans ce pays dont il n’est pas citoyen. En revanche, au dernier moment, la commission s’adjoint un autre journaliste, qui connaît bien le Mexique pour y avoir vécu pendant la guerre : Carleton Beals avait été de ces réfugiés nord-américains fuyant la conscription, ces slackers, qui avaient été, au début des années vingt, parmi les pionniers du Parti communiste dans ce pays. Au Mexique, Otto Rühle, ancien député social-démocrate allemand, puis dirigeant du K.P.D. et du gauchiste K.A.P.D., devait se joindre aux travaux.

La commission s’était entourée aussi d’un grand nombre de collaborateurs, son avocat John F. Finerty, qui avait plaidé autrefois pour Sacco et Vanzetti, et des intellectuels américains, Herbert Solow, journaliste d’un immense talent, John McDonald et sa femme, le peintre Dorothy Eisner, le romancier James T. Farrell, le secrétaire sténographe Albert Glotzer, de Chicago et des collaborateurs du comité de défense, George Novack et Pearl Kluger. Venait également des Etats-Unis l’avocat de Trotsky, lui aussi de Chicago, Albert Goldman. C’est le 2 avril 1937 que Dewey et un petit groupe de collaborateurs montèrent à bord du train « Sunshine Special » qui les emmenait à Mexico où l’équipe technique les avait précédés. Ils arrivèrent le 6 avril19.

Dewey ne rencontre pas Trotsky à son arrivée. Il pense qu’un contact personnel, avant le début des audiences, serait de « mauvaise politique ». Il rencontre, en revanche, la presse, passionnée par sa présence et a de longues séances de travail avec Goldman qui lui assure que Trotsky est tout à fait d’accord pour se conformer à la conception de conduite des audiences qui est celle de la commission. Les deux hommes ne se trouveront en tête à tête qu’à la fin des audiences, chez l’Américaine de Mexico, Mrs Robert Latham George, belle-mère de Charles R. Walker, membre du comité de défense et responsable des relations avec la presse20.

Les séances se déroulent dans la maison où habitait Trotsky, avenue de Londres, du 10 au 17 avril, au total, treize sessions de six jours et demi. Devant un public très réduit - quelques dizaines de journalistes et quelques invités -, la commission procède à l’interrogatoire - l’audition, si l’on préfère - de Trotsky. Celui-ci est assisté par son avocat Albert Goldman dont le rôle est important, car il lui pose aussi des questions. Il a, à côté de lui, à sa table, Natalia Ivanovna et aussi Jan Frankel et Jean van Heijenoort, ses secrétaires chargés des documents à produire et à citer, le Tchécoslovaque étant également appelé à témoigner. L’ensemble de ce qui est dit est pris en note par Albert Glotzer. C’est lui dont le témoignage, cité par Alan Wald, donne l’atmosphère de ces audiences historiques :

« Je suis arrivé à Mexico sortant du triste mars-avril de Chicago pour passer à l’air ensoleillé du Mexique qui semblait se mettre au service des audiences. Nous avions une sorte de joie à être là, tous les présents comprenant véritablement l’importance historique de ses audiences. Ceux d’entre nous qui avaient des conceptions politiques étaient transportés de joie à cause de l’occasion qu’elles donnaient à Trotsky d’abattre la crédibilité des accusations de Moscou. Ceux d’entre nous qui s’étaient engagés dans cette campagne avant le Mexique savaient que L.D.T., comme saint Georges, allait détruire le dragon du stalinisme et son initiateur. C’est pourquoi nous pensions vivre un grand événement21. »

A l’ouverture de la première session, le samedi 10 avril, John Dewey fait une brève et remarquable intervention. Après avoir rappelé que la commission, comme des millions de travailleurs, croit que personne ne peut être condamné sans qu’il lui soit permis de se défendre, il rend hommage au gouvernement mexicain dont « la large interprétation de la signification de la démocratie politique » a rendu possible cette enquête. Il conclut par une brève et impressionnante justification : « J’ai consacré ma vie au travail de l’éducation que j’ai conçue comme le moyen de diffuser les lumières dans l’intérêt de la société. Si j’ai finalement accepté le poste responsable que j’occupe aujourd’hui, c’est parce que j’ai compris qu’en agissant autrement je n’aurais pas été fidèle à l’œuvre de ma vie23… » Le travail commence alors, essentiellement un contre-interrogatoire de Trotsky par les deux avocats, le sien et celui de la commission. Le tribunal écoute avec une attention passionnée, à la treizième session, la déclaration finale de l’exilé, prononcée en anglais. Les questions portent sur les accusations de Moscou, les faits et gestes, les idées politiques, l’histoire de l’U.R.S.S. et les conceptions de l’Opposition, le courrier de Trotsky et ses visiteurs. En même temps, la commission recueille la documentation présentée par Trotsky pour étayer ses réponses, témoignages réunis dans le monde entier, souvent transmis par Sedov, documents divers comprenant nombre de reproductions et de traductions des archives personnelles de l’exilé. Documentation impressionnante non seulement pour la réfutation des accusations portées à Moscou mais pour l’histoire de l’Union soviétique, et par exemple la prétendue hostilité entre Lénine et Trotsky. Les témoignages cités par Alan Wald dans sa remarquable étude font cependant apparaître que les participants furent surtout impressionnés par Trotsky lui-même, son éloquence dans une langue qu’il ne connaissait pourtant pas parfaitement, sa conviction, sa capacité de convaincre et de séduire, sa combativité et sa disponibilité. Le 15 avril, Dewey raconte : « C’est hier qui a été jusqu’à maintenant la journée la plus intéressante. " Vérité, justice, humanité " et tout le reste des raisons de venir ici reculent à l’arrière-plan devant le simple intérêt écrasant pour cet homme et pour ce qu’il a à dire24. » De son côté, James T. Farrell écrit à une de ses correspondantes :

« Trotsky a démoli de fond en comble les macabres fables des procès de Moscou pour tout être humain susceptible de raisonner et qui n’a pas besoin que son opinion soit forgée pour lui par des gens qui sont à des milliers de kilomètres, de l’autre côté de l’océan. Il a présenté des documents qui provoquent plus qu’un doute raisonnable. Il a construit logiquement son affaire, et bien qu’il ait répondu aux questions pendant presque six heures par jour depuis samedi, son témoignage se tient comme un monument logique des plus extraordinaires25. »

Un incident sérieux se produit pendant les audiences avec le commissaire américain Carleton Beals. Après avoir posé une question surprenante parce que passablement indiscrète sur la localisation des archives de Trotsky - question. dont la réponse n’avait d’intérêt que pour d’éventuels voleurs -, le journaliste, invoquant sa propre expérience mexicaine, affirme que Borodine, envoyé spécial de l’Internationale communiste au Mexique en 1919 avait reçu de Trotsky personnellement une mission de subversion contre le gouvernement mexicain d’alors26. Trotsky réagit tout de suite : une telle affirmation n’a de sens que si l’on cherche à compromettre son asile au Mexique en « révélant » que, lors de sa demande de visa, il a dissimulé une activité subversive menée dans le passé27. La commission est unanime à condamner le comportement de Beals qui démissionne alors et adressera à la presse communiste et sympathisante des articles de petite polémique contre Trotsky et ceux qu’il appelle « ses compères » de la commission28.

On connaît le bilan de ce travail de la commission préliminaire à Coyoacán : la démonstration irréfutable que les affirmations de Vychinsky et du tribunal de Moscou ne peuvent être retenues sur plusieurs points décisifs pour la cohérence même de l’accusation.

Trotsky démontre d’abord sans réplique que Sédov ne pouvait être présent à Copenhague à la date où Holzman prétendait qu’il l’avait conduit chez Trotsky ; il démontre du coup que Holzman ne s’est pas rendu à Copenhague et qu’il n’a donc pu y rencontrer Trotsky et recevoir de lui des directives terroristes. La démolition de l’hôtel Bristol - dans lequel Holzman prétendait avoir rencontré Sedov -, et sa disparition depuis 1917 n’ajoutent qu’un élément de grotesque à une accusation en miettes.

De la même façon, appuyé non seulement sur des témoignages mais sur des documents officiels émanant des autorités françaises, Trotsky démontre l’impossibilité de la rencontre qu’il aurait eue, selon les aveux de Moscou, avec le journaliste soviétique Romm au Bois de Boulogne à Paris où il peut prouver qu’il n’a pu se rendre. En même temps que la rencontre avec Romm disparaissent donc les fameuses « instructions terroristes » qu’il lui aurait remises pour qu’il les transmette à Radek…

Enfin il réduit également à néant la possibilité même du voyage aérien de Piatakov de Berlin à Oslo en décembre 1935, en montrant que les aveux de ce dernier ont été fabriqués de toutes pièces et n’ont pas, même replâtrés, résisté aux premières questions et critiques. Avec ce voyage aérien s’effondrent aussi les affirmations sur les prétendues confidences de Trotsky au sujet de ses relations avec Rudolf Hess, l’organisation par les nazis de ce voyage de Piatakov, dont les staliniens avalent fait le pilier de l’accusation au deuxième procès.

Les audiences à Coyoacán de la commission préliminaire d’enquête sur les procès de Moscou, la destruction, l’une après l’autre, des accusations lancées dans les procès de Moscou contre Trotsky, font en outre la démonstration que Charles Beard et Carl Becker assuraient tenir pour « impossible » : celle du « négatif ». Elles mettent en effet de façon irréfutable en évidence que ni Trotsky, ni son fils, ni les vieux-bolcheviks accusés et jugés n’ont été, ni directement ni indirectement, les auteurs d’assassinats, d’actes de terrorisme, d’espionnage, de sabotage et de haute trahison, et que les prétendus témoignages et aveux sur ce point sont faux, résultent de fabrications, de falsifications délibérées, ont été extorqués par la violence ou sous la menace. C’est là un résultat considérable qu’il semble bien que l’opinion publique occidentale a été longue à accepter. Thomas Ray Poole a bien montré comment la presse des Etats-Unis a occulté les résultats de la commission et les a présentés avec ironie jusqu’à la publication, en août 1937, du livre L’Affaire Trotsky, un gros volume de 600 pages qui va confondre ses détracteurs.

Ce travail en lui-même est une confrontation d’idées passionnante. Ainsi ces réflexions de Trotsky en réponse à Ben Stolberg, une sorte de bilan de la révolution, loin des « bergeries » sur la société sans classes :

« L’humanité n’a pas réussi jusqu’à présent à rationaliser son histoire. C’est un fait. Nous, êtres humains n’avons pas réussi à rationaliser nos corps et nos esprits. Il est vrai que la psychanalyse essaie de nous enseigner à harmoniser notre corps et notre mental, mais sans grand succès jusqu’à présent. Mais la question n’est pas de savoir si nous pouvons atteindre la perfection absolue de la société. Pour moi, la question est de savoir si nous pouvons faire de grands pas en avant. Non rationaliser le caractère de notre histoire, parce qu’après chaque grand pas en avant l’humanité fait un petit détour et même un grand pas en arrière. Je le regrette beaucoup, je n’en suis pas responsable (Rires). Après la révolution, après la révolution mondiale, il est bien possible que l’humanité soit fatiguée. Pour certains, pour une partie d’entre eux, une nouvelle religion peut apparaître, et ainsi de suite. Mais je suis certain, en général, que ce serait un très grand pas en avant, comme la Révolution française. Bien sûr, elle a fini par les Bourbons, mais tout le monde analyse cette victoire par l’enseignement des leçons de la Révolution française. »

Sur cette question de fond, l’inévitabilité de la dégénérescence, il ne se dérobe pas. Dewey lui demande s’il y a quelque raison de penser que la dégénérescence de la dictature du prolétariat en « dictature du secrétariat » n’est pas inévitable. Il répond :

« C’est une excellente formule. Je dois répondre que, même la dictature du prolétariat, aujourd’hui en Russie, c’est un progrès très important en comparaison avec la dictature du tsar. C’est la première chose. […] Deuxièmement, c’est précisément parce que la dictature du secrétariat est provoquée par l’arriération du pays et son isolement, la réponse est que les pays les plus civilisés et pas isolés auront une dictature démocratique plus saine et plus démocratique et pour moins de temps29. »

A plusieurs reprises, il revient sur la question du « parti unique » et du monopole du P.C. en U.R.S.S. pour assurer qu’il s’est agi seulement à l’origine d’une « mesure de guerre » et que le régime qu’il souhaite instaurer par la révolution politique autoriserait plusieurs partis, n’excluant nullement, en fonction des circonstances et d’une grande stabilité du régime, un parti pro-capitaliste.

Le travail de la commission préliminaire était la partie la plus spectaculaire de la commission d’enquête. Il n’en fut néanmoins qu’une partie et il y eut d’autre sessions et audiences.

C’est sous son égide, avec la collaboration du comité français, que se déroula du 2 mai au 22 juin 1937, à Paris, l’activité dune « commission rogatoire » présidée par le socialiste italien Modigliani. Elle entendit et recueillit le témoignage capital de Lev Sedov, ceux du couple Pfemfert, de Bauer, tous liés à Sedov en 1932, époque où Moscou l’accusait d’être allé à Copenhague. Elle entendit également celui de Victor Serge, ancien déporté, recueillit celui de Davtian, dit « Tarov », évadé d’U.R.S.S. en 193530.

Quelques jours plus tard, est organisée à New York une nouvelle sous-commission constituée par Suzanne LaFollette, Stolberg, Altred Rosmer, l’ancien député du K.P.D. Wendelin Thomas et Carlo Tresca. Elle entend le témoignage de personnes vivant aux Etats-Unis et ayant visité Trotsky à différentes reprises au cours de son exil : parmi elles, A.J. Muste, Max Shachtman, Herbert Solow, Harold R. Isaacs et bien d’autres31.

C’est alors que commence le travail herculéen de l’infatigable secrétaire du comité de défense et de la commission d’enquête, Suzanne LaFollette. Après un voyage éclair en Europe pour compléter la documentation de la commission, elle fait à peu près seule malgré les protestations de Pearl Kluger et Solow, ainsi exclus de fait de cette phase finale - le travail de préparation, classification, vérification comparaison avec les accusations et déductions, avec un soin admirable et un résultat inattaquable. Ce travail s’étend sur les mois de juillet et août 1937.

Les sessions de la commission plénière peuvent alors commencer, en septembre. Elle a, cette fois, sa composition définitive. En dehors des membres de la commission préliminaire - Dewey, Stolberg et Suzanne LaFollette - elle réunit Tresca, Wendelin Thomas et Rosmer, déjà cités, les libéraux E.A. Ross et John Chamberlain, et, après le refus pour raisons personnelles du général Villareal, l’unique membre mexicain, Francisco Zamora. Depuis le mois d’avril, Trotsky et ses collaborateurs à Coyoacán, Sedov à Paris, ont continué leurs recherches de documents et de témoignages nouveaux, apporté leurs commentaires, dans une correspondance nourrie avec leurs amis de New York et avec Suzanne LaFollette.

C’est finalement le 21 septembre que celle-ci présente devant la commission plénière des conclusions qui vont être adoptées après une riche discussion. Ce sont elles qui servent de base au rapport final dont la rédaction définitive est confiée à Dewey, à Suzanne LaFollette et à Ben Stolberg.

Le sillon creusé par la commission Dewey a déjà donné des fruits. A l’été 1937, un groupe de jeunes intellectuels venus de la mouvance communiste mais qui ont été influencés par le comité de défense et le travail de la commission d’enquête - Philip Rahv, Dwight Macdonald et autres - reprennent la revue Partisan Review dont ils veulent faire une revue marxiste indépendante du P.C.32.

Par ailleurs, l’atmosphère politique commence à changer aux Etats-Unis après la parution de L’Affaire Trotsky d’une part, et surtout après la publication dans la presse libérale de deux importants articles particulièrement convaincants rendant compte de ce livre : celui d’Edmund Wilson, le grand romancier, dans Nation33, et surtout celui de l’ancien dirigeant communiste Bertram D. Wolfe, dans The New Republic34. L’effet du second fut d’autant plus considérable que Bertram D. Wolfe avait cru en 1936 aux aveux des accusés du premier procès. Maintenant, en dépit de ses désaccords avec Trotsky, il reconnaissait, sur la base de la lecture du compte rendu des sessions de Coyoacán, qu’il s’était lourdement trompé et que c’était Trotsky qui avait eu raison.

En dépit de la mauvaise volonté évidente d’une grande partie de la presse mondiale, la route était désormais ouverte pour que les conclusions de la commission rencontrent un large écho.

Le verdict « non coupable » - si l’on peut employer ce mot en la circonstance - est finalement rendu le 12 décembre, annoncé publiquement dans un meeting organisé à New York par le comité de défense. Les conclusions expliquent avec minutie toutes les impossibilités relevées dans les affirmations et accusations de Moscou et qualifient les procès eux-mêmes d’impostures.

Les « procès de Moscou » ne sont pas pour autant terminés. Des séances à huis clos - où l’on peut penser que les accusés n’avouent pas - vont faire disparaître les chefs les plus capables de l’Armée rouge autour de Toukhatchevsky et Iakir, les communistes géorgiens autour de Mdivani, de vieux militants comme l’ancien secrétaire de l’exécutif des soviets, le Géorgien A.S. Enoukidzé.

Il y aura un troisième procès public, en mars 1938. Cette fois ce sont les « droitiers » Boukharine et Rykov qui comparaîtront, avec l’ancien chef du G.P.U. Iagoda et certains de ses collaborateurs, avec aussi plusieurs médecins du Kremlin et l’ombre de celui qui a été l’ami de Trotsky, Kh. G. Rakovsky. L’échec est peut-être plus patent encore. Pendant toute une demi-journée, l’accusé Krestinsky renie ses aveux35. Boukharine ridiculise à plusieurs reprises le procureur et refuse d’avouer avoir voulu tuer Lénine et fait de l’espionnage36. Derrière les aveux des hommes du G.P.U. sur « l’assassinat de Kirov » apparaissent l’ombre de Staline et l’explication du meurtre de Kirov37.

Bien entendu, Trotsky continue sa polémique contre le stalinisme, démonte une fois de plus les accusations, les invraisemblances des aveux, et son travail de démolition ne saurait être minimisé, mais on peut néanmoins penser que les travaux de la commission Dewey ont, en définitive, porté déjà un coup décisif à ce type d’amalgame et de procès. Le troisième procès de Moscou sera le dernier de ce type avant la guerre.

Expérience faite, Staline préfère assassiner dans le secret des prisons les hommes dont il veut se débarrasser tout en faisant publier dans sa presse mondiale que ces hommes ont « avoué ». Ceux qui affirment croire aux aveux sont des gens qui veulent croire ou font semblant, mais la parade publique ne peut plus désormais gagner des convictions. C’est l’un des acquis indiscutables du travail de la commission.

Sans doute les effets s’en font-ils sentir aujourd’hui encore même dans l’esprit de femmes et d’hommes qui ignorent jusqu’au nom de Dewey. Elle est sensible dans les réhabilitations qui ont commencé en U.R.S.S. en février 1988 avec celles de Boukharine, Rykov, Rakovsky et des autres victimes du troisième procès, Iagoda excepté.

* * *

Ainsi, la rencontre, à l’occasion des procès de Moscou, entre le révolutionnaire et le philosophe a-t-elle eu une portée historique. Et elle a eu une suite dans le domaine de l’histoire des idées.

Au cours des mois suivants, les deux hommes, qui se sont déjà jaugés mutuellement dans le cours de l’action commune s’affrontent en effet dans un bras de fer suffisamment discret pour ne pas compromettre les résultats de leur travail.

A la fin de la dernière session de la commission préliminaire, Trotsky avait remercié Dewey, non sans rappeler ses propres convictions :

« L’expérience de ma vie, qui n’a manqué ni de succès ni d’échecs, n’a pas détruit ma foi dans l’avenir clair et radieux de l’humanité : bien au contraire, elle lui a donné une trempe indestructible. Cette foi dans la raison, dans la vérité, dans la solidarité humaine, que j’emmenai avec moi à l’âge de dix-huit ans dans les quartiers ouvriers d’une ville russe de province, Nikolaiev, je l’ai conservée pleinement et complètement. Elle est devenue plus mûre, mais non moins ardente. Le simple fait que votre commission ait pu être formée, le fait qu’à sa tête se trouve un homme dont l’autorité morale est inébranlable […], ce fait m’apparaît comme renforçant, de façon toute nouvelle et véritablement magnifique, l’optimisme révolutionnaire qui constitue l’élément fondamental de ma vie38. »

Cette réponse de Trotsky à Staline était aussi un coup de chapeau à Dewey et celui-ci se contenta de dire : « Tout ce que je pourrais ajouter serait plat39. »

Mais il ne pouvait pas ne pas y avoir de suite à la rencontre entre le révolutionnaire et le philosophe. Dans son discours au meeting de l’hôtel Mecca, à New York, le 12 décembre 1937, en présentant le verdict de la commission qu’il présidait, John Dewey ne put s’abstenir d’exprimer son opinion selon laquelle le stalinisme était en quelque sorte un développement naturel du bolchevisme. Trotsky n’apprécia pas du tout. Le 26 janvier 1938, il écrivit à Jan Frankel, installé à New York :

« Contrairement à l’opinion de certains camarades, je dois dire qu’il n’était pas très loyal, de la part du Vieux, de clamer ses propres opinions politiques au nom de la commission. C’était doublement déloyal parce que je lui avais confié la lecture de mon câble qui, malheureusement, s’abstenait de toute affirmation politique. Ce que Dewey a dit ne représentait pas la décision de la commission et était contraire à l’opinion de certains de ses membres : Rosmer, Zamora, dans une large mesure, Rühle et, je crois, Tresca aussi. Tous les membres n’étaient pas des libéraux. Tous ne croient pas que le déclin et la dégénérescence de la bureaucratie soviétique disqualifient le communisme et que le déclin de la démocratie prouve la vitalité du libéralisme. [...] Je vais expliquer cela dans un article écrit contre Dewey40. »

Trotsky sentait juste. Le 19 décembre 1937, dans une interview au Washington Post avec Agnès E. Meyer - dont il semble qu’il n’ait pas eu connaissance -, Dewey assurait qu’il tirait des débats de Coyoacán des conclusions auxquelles on ne peut imaginer que Trotsky pouvait souscrire :

« La grande leçon qu’il faut tirer de ces extraordinaires révélations, c’est l’effondrement complet du marxisme révolutionnaire. Et je ne pense pas qu’un communiste confirmé puisse aboutir quelque part à partir de la conclusion que, puisqu’il ne peut plus croire en Staline, il doit maintenant reporter ses espoirs sur Trotsky41. »

Invitant à réfléchir « sur les moyens de la réflexion sur le changement social et les méthodes véritablement démocratiques pour aller vers le changement social », Dewey assurait que Trotsky avait répondu de façon « évasive » à sa question de savoir s’il existait « des éléments rationnels permettant de croire qu’une révolution prolétarienne dans un autre pays serait plus couronnée de succès que celle de Russie42 ».

Isaac Deutscher, qui y a vu une réponse aux critiques des anarchistes sur Cronstadt, n’a pas compris que « Leur Morale et la nôtre », paru pour la première fois dans The New International du S.W.P. américain, était en réalité « l’article contre Dewey » annoncé43. Pour Trotsky, la fin, l’abolition de l’exploitation de l’homme par l’homme justifiait les moyens qui permettaient de s’en rapprocher : il opposait cette morale de classe à la morale kantienne qu’il considérait comme l’expression de la morale de la petite bourgeoisie.

A la demande de The New International, John Dewey répondit à Trotsky dans « Les Moyens et la Fin ». Montrant que Trotsky utilisait le mot « fin » dans deux acceptions différentes, le philosophe s’en prenait surtout à la conception de son interlocuteur de la lutte de classes comme « loi des lois de l’histoire » au lieu de la tenir comme « un moyen sur la base de l’interdépendance des moyens et des fins ». Le vieil homme attaquait sans aucun ménagement le bolchevisme et Trotsky avec lui :

« La croyance selon laquelle une loi de l’histoire détermine la façon particulière dont la lutte doit être menée semble certainement tendre vers une doctrine fanatique et hypermystique de l’utilisation de certains moyens pour la faire aboutir44. »

S’attachant à la dégénérescence de la révolution russe, le philosophe allait jusqu’à assurer qu’elle s’expliquait mieux si l’on remarquait que « les moyens en furent déduits d’une prétendue loi scientifique au lieu d’être l’objet d’une recherche et d’un choix en fonction de leur relation à la libération de l’humanité45 ».

On comprend la définition donnée par John Dewey, des années plus tard, de Trotsky à qui, bien que de vingt ans plus âgé, il devait survivre dix-neuf ans :

« C’était un personnage tragique. Une telle intelligence naturelle, si brillante, enfermée dans des absolus46 ! »

On ne trouvera pas sous la plume de Trotsky de jugement aussi tranché sur la pensée du grand philosophe américain. Trotsky savait trop, en effet, quelle importance avait eue, pour lui et pour sa cause, à un moment précis de l’histoire, la position prise par ce vieux libéral, dont il s’était fait admirer, mais qu’il n’avait pas convaincu.

Références

1 Les ouvrages essentiels sont le compte rendu de la session de Coyoacán de la commission d’enquête, The Case of Leon Trotsky, New York, 1937 et son rapport, Not Guilty, New York, 1938.

2 Dewey à Eastman, cité par Alan Wald, « La commission Dewey quarante ans après », traduction française, cahiers Léon Trolsky, n° 3, juillet-septembre 1979, p. 43.

3 T.R. Poole, « Counter-Trials », Leon Trotsky on Soviet Purge Trials, thèse Université du Massachusetts 1974, t. I, p. 218.

4 Ibidem, pp. 302-303.

5 Sidney Hook, cité par Wald, op. cit., p. 47.

6 Le procès du « Centre antisoviétique » terroriste, Moscou, 1937.

7 Ibidem, « aveux » de Mouralov, pp. 230-235.

8 Ibidem, pp. 22-24, 27, 30, 38, 39, etc.

9 Ibidem, « aveux » de Piatakov, pp. 64-69.

10 Ibidem, « aveux » de Radek, p. 113.

11 L’article de Radek dans Izvestia, 5 août 1936, intitulé « Les fauteurs de guerre préparent l’intervention contre la révolution espagnole » est de fait une critique de la politique stalinienne.

12 Ibidem, « aveux » de Piatakov, pp. 70-71.

13 Ibidem, « aveux » de Radek, p. 565.

14 Trotsky à S. La Follette, 15 mars 1937, A.H., 8741 ; Œuvres, 3, p. 88.

15 Discours pour le meeting de New York, 9 février 1937, A.H., T. 4090.

16 Trotsky à Solow (24 février 1937), A.H., 10477, fait une critique détaillée du projet de constitution de la commission d’enquête (A.H., 15848) de ce point de vue : traduction française, Œuvres, 12, pp. 374-373. Voir également Trotsky à Novack, 9 mars 1937, A.H., 9428, et la lettre aux trotskystes américains, 17 mars 1937, A.H., 7306 d’où est extraite la phrase ci-dessus.

17 Trotsky à Nelz, 1er février 1937, A.H., 8513, Œuvres, 12, pp. 333-334.

18 P. Broué, « L’Histoire et la vie (Charles Beard et l’enquête sur les procès de Moscou) », Cahiers Léon Trotsky, n° 19, septembre 1984, pp. 68-77.

19 Wald, op. cit., pp. 47-52.

20 Ibidem, p. 53.

21 The Case of Leon Trotsky, p. 12.

23 Ibidem, p. 5.

24 Wald, op. cit. p. 55.

25 Cité ibidem.

26 The Case ... , p. 412.

27 Ibidem, pp. 415-416.

28 Ibidem, pp. 417-418. Beals écrit dans Saturday Evening Post, 12 juin 1937 un article qui paraîtra au Mexique dans la revue de la C.T.M. et de V. Lombardo Toledano, Futuro.

29 The Case ..., pp. 436-437.

30 G. Roche, « Défense et contre-enquête en France » Cahiers Léon Trotsky, n° 3, juillet-septembre 1979, pp. 61-98.

31 Poole, op. cit., II, p. 506.

32 G. Roche, « Partisan Review, revue partisane », Cahiers Léon Trotsky, n° 19, septembre 1984, pp. 17-40.

33 Edmund Wilson, « Staline, Trotsky et Willi Schlamm », Nation, 11 décembre 1937.

34 B.D. Wolfe, « Défense de Trotsky », The New Republic, 24 novembre 1937.

35 Le Procès du « Bloc des droitiers et des trotskystes » antisoviétiques, 2 vol., Moscou, 1938. Les dénégations de Krestinsky se trouvent pp.56-58.

36 On trouve tout au long de son interrogatoire ces tentatives de Boukharine, notamment, pp. 402, 409, 415, 451, 484, etc.

37 Ibidem, dans la déposition de Boulanov, pp. 594-595 et surtout celle d’Iagoda, pp. 609-611.

38 Ibidem. pp. 584-585.

39 James T. Farrell « Dewey au Mexique », trad. fr. Cahiers Léon Trolsky, n° 19, septembre 1984, pp. 78-100, ici p.93.

40 Trotsky à Frankel, 26 janvier 1938, A.H., 8157 ; Œuvres, 16, pp. 116-117.

41 Cité par Farrell, op. cit., p. 95.

42 Ibidem.

43 Deutscher, op. cit., III, p.583. En revanche George Novack, « Liberal Morality », Their Morals and Ours, New York, 1973, pp. 74-93, a parfaitement saisi la polémique cachée.

44 J. Dewey, « Means and end », The New Intemational, juin 1938, p. 177.

45 Ibidem.

46 Cité par Farrell, op. cit., p. 97.

Pierre Broué

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