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Plate-forme de l’Opposition bolchévique unifiée (Trotsky-Zinoviev et l’essentiel des anciens dirigeants révolutionnaires bolcheviques)
dimanche 9 juin 2024, par
Plate-forme de l’Opposition bolchévique unifiée (Trotsky-Zinoviev et l’essentiel des anciens dirigeants révolutionnaires bolcheviques)
I. Introduction
Lénine, au dernier Congrès du Parti auquel il assistait, disait dans son discours : « Voilà encore une année de vécue ! L’État est entre nos mains, mais dans le domaine de l’économie politique, tout, durant cette année, n’a pas marché selon notre volonté. Nous ne voulons pas le reconnaître. Non ! Or, comment la machine a-t-elle fonctionné ? La machine roule, non pas dans la direction dans laquelle nous la dirigeons, mais dans la direction où la dirige quelqu’un. Ce quelqu’un, c’est peut-être les illégaux, les irresponsables, les gens venus Dieu sait d’où : les spéculateurs, les capitalistes petits propriétaires. Peut-être les uns et les autres. La machine roule tout à fait autrement, surtout autrement que celui qui est au volant se le représente. »
Ces paroles indiquent comment il faut examiner les questions fondamentales de notre politique. Où va la machine, où va l’État, où va le pouvoir ? Vont-ils là où, nous autres communistes, qui exprimons les intérêts et la volonté de la classe ouvrière et de l’immense majorité de la paysannerie, le voudrions, ou non, ou peut-être pas tout à fait par là ?
Durant les années qui se sont écoulées depuis la mort de Lénine, nous avons essayé plus d’une fois d’attirer l’attention des institutions centrales du Parti et par la suite du parti tout entier, sur le fait qu’en raison d’une fausse politique, les dangers signalés par Lénine se sont multipliés ; la machine ne va pas dans la direction où les intérêts des ouvriers et des paysans exigent qu’elle aille. A la veille du nouveau congrès du Parti nous pensons de notre devoir, malgré toutes les poursuites auxquelles nous sommes exposés, d’indiquer ceci au Parti, avec une force redoublée, car nous sommes convaincus que cet état de choses peut-être corrigé et qu’il peut-être redressé par le parti lui-même.
Quand Lénine disait que la machine allait souvent là où elle était dirigée par des forces hostiles, il voulait en même temps attirer l’attention de nous tous sur deux circonstances les plus importantes. Premièrement, que dans notre structure sociale existent des forces hostiles à notre cause : le koulak, le nepman, le bureaucrate qui utilisent, contre nous et notre État arriéré, les fautes de notre politique et qui s’appuient effectivement sur tout le capitalisme mondial. Deuxièmement : que ces forces hostiles ont une telle importance qu’elles peuvent pousser notre machine d’État et notre machine économique là où il ne faut pas qu’elles aillent et, dans l’avenir, même essayer, sous une forme d’abord déguisée, de s’emparer du volant de cette machine.
Les paroles de Lénine nous obligeaient tous :
Á suivre attentivement la croissance des forces ennemies : le koulak, le nepman, le bureaucrate ;
Á nous rendre compte que, dans la mesure du relèvement général du pays, ces forces vont chercher à s’assembler, à apporter leurs « modifications » à nos plans, à renforcer leur pression sur notre politique, à défendre à travers nos différents appareils leurs propres intérêts ;
Á prendre les mesures nécessaires pour, de toute manière, affaiblir la croissance, le rassemblement et la pression de ces forces ennemies en empêchant qu’elles puissent créer une situation qui, tout en étant cachée, constitue néanmoins en fait une dualité de pouvoir vers laquelle elles aspirent ;
Á faire part de ces processus de classes à la classe ouvrière et à dire l’entière vérité à tous les travailleurs. C’est en cela que consiste actuellement l’axe de la question en ce qui concerne le danger « thermidorien » et la lutte contre lui.
Depuis que Lénine a donné cet avertissement, beaucoup de choses se sont améliorées chez nous, mais beaucoup ont empiré. L’influence de l’appareil d’État grandit et avec lui grandissent les altérations bureaucratiques de l’État ouvrier. La croissance absolue et relative du capitalisme à la campagne et sa croissance absolue à la ville commencent à entraîner l’accroissement chez les éléments bourgeois de notre pays de la conscience de leur force politique. Ces éléments cherchent à démoraliser, souvent non sans succès, même une partie des communistes avec lesquels ils sont continuellement en contact, soit dans le travail, soit au cours de la vie quotidienne. Le mot d’ordre lancé par Staline, lors du XIV° Congrès du Parti : Feu à gauche ! n’a pu que faciliter le rassemblement des éléments de droite dans le Parti et des éléments bourgeois-oustrialovistes dans le pays. La question de savoir qui des deux aura le dessus se résout par une lutte de classe continuelle sur tous les secteurs des fronts économique, politique et culturel - pour un développement socialiste ou pour un développement capitaliste, pour la répartition du revenu national selon l’une ou l’autre voie empruntée, pour la plénitude du pouvoir prolétarien ou pour le partage de ce pouvoir avec la nouvelle bourgeoisie. Dans le pays, où l’écrasante majorité de la population est constituée par la petite et la toute petite paysannerie, et en général, la toute petite propriété, les processus principaux de cette lutte s’accomplissent souterrainement ça et là, de jour en jour, jusqu’à ce que d’une manière soudaine et inattendue, ils fassent irruption à l’extérieur. L’élément capitaliste trouve avant tout son expression dans la différenciation de la campagne et dans la croissance de, la propriété privée. Les gros bonnets de la campagne, comme les éléments bourgeois des villes, s’entrelient plus étroitement avec les différents chaînons de l’appareil économique d’État. Il arrive assez souvent que cet appareil permet à la nouvelle bourgeoisie d’envelopper dans des statistiques nébuleuses sa lutte efficace en faveur de l’augmentation de sa part du revenu national.
L’appareil commercial de l’État, de la coopération et des particuliers absorbe une immense partie du revenu national : plus d’un dixième de la production brute. D’autre part, le capital privé, dans le roulement du capital de circulation industrielle, occupe ces dernières années sensiblement plus d’un cinquième du roulement dont le chiffre total atteint plus de 5 milliards de recettes par an. Jusqu’à maintenant, la masse des consommateurs reçoit plus de 50 %. des produits de première nécessité des mains du commerce privé. C’est ici que le commerce privé trouve sa source de profits et d’accumulation. La différence (ciseaux) entre les prix de la production agricole et ceux de la production industrielle, la différence entre les prix de gros et de détail, ce que l’on appelle la « rupture » des prix, selon les diverses branches de l’économie rurale, selon les secteurs, selon les saisons, selon la différence entre les prix intérieurs et les prix mondiaux (contrebande), tout cela représente pour le capital privé une source continuelle d’enrichissements.
Le capital privé recueille un intérêt usuraire sur les hypothèques et s’enrichit sur les emprunts d’État. Le rôle de la propriété privée est aussi très important dans l’industrie. Si, ces derniers temps, il a une tendance à diminuer d’une façon relative, dans sa totalité il grandit. L’industrie capitaliste privée, soumise au contrôle de l’État, a une production brute de 400 millions par an. La petite industrie à domicile et l’artisanat ont une production annuelle de 1 800 millions. La production non étatique, prise dans son ensemble, représente plus de 20 % de toute la production industrielle marchande et près de 40 % des marchandises vendues sur l’ensemble du marché. La grande masse de cette industrie est liée d’une façon ou d’une autre au capital privé. Les formes multiples, aussi bien apparentes que cachées, de l’exploitation des masses artisanales par le capital commercial et par le capital de l’industrie à domicile, sont la source, extrêmement importante et toujours grandissante, de l’accumulation de la nouvelle bourgeoisie.
Les impôts, les salaires, les prix, le crédit sont, dans notre régime, les leviers essentiels pour la répartition du revenu national, le renforcement de certaines classes et l’affaiblissement des autres.
L’impôt agricole à la campagne, en règle générale, se répartit progressivement à rebours : lourdement sur les pauvres, légèrement sur les paysans riches et les paysans économiquement forts. D’après des calculs approximatifs, 34 % de l’économie rurale pauvre de l’URSS (même en dehors des régions où la différenciation est déjà très accentuée, comme en Ukraine, dans le Caucase du Nord, en Sibérie) possèdent 18 % du revenu net conventionnel ; cette même proportion de 18 % de revenus est possédée par le groupe des paysans riches qui embrasse 7,5 % de l’économie rurale, alors que chacun de ces groupes paie à peu près la même quantité, soit environ 20 % du total des impôts. Il est clair que l’impôt pèse beaucoup plus lourdement sur chaque économie rurale pauvre que sur chaque économie koulak, ou que sur chaque économie de paysans aisés. Contrairement aux craintes des dirigeants du XlV° Congrès, notre politique en matière d’impôts est loin de « déshabiller » le koulak et elle ne met nulle entrave à la concentration entre ses mains de réserves en argent et en nature de plus en plus fortes.
Le rôle des impôts indirects, dans notre budget, grandit de façon menaçante aux dépens des impôts directs. De ce fait même, le poids des impôts se déplace automatiquement des couches supérieures sur les couches inférieures. Les impôts sur les ouvriers ont été, en 1925-1926, deux fois plus élevés que dans l’année précédente, alors que les impôts sur le reste de là population des villes ont diminué de 6 % ( Courrier financier, 1927, n° 2, page 52) : l’impôt sur l’alcool est un fardeau de plus en plus insupportable, surtout dans les régions industrielles.
L’augmentation du revenu par tête en 1926, par rapport à 1925 est, d’après certains calculs approximatifs, pour les paysans de 19 % pour les ouvriers de 26 % pour les commerçants et industriels de 46 %. Si on divisait les « paysans » en trois groupes principaux, on découvrirait de façon indiscutable que chez le koulak le revenu s’est beaucoup plus accru que chez l’ouvrier Les revenus des commerçants et des industriels, qui sont calculés d’après les données des impôts sont, sans aucun doute, sous-estimés (en dessous de la réalité). Cependant, ces chiffres embellis témoignent clairement de l’accroissement des antagonismes de classes.
L’écart des prix entre les produits agricoles et industriels est devenu encore plus grand depuis un an et demi. Pour ses produits, le paysan ne recevait pas plus de 125 % des prix d’avant-guerre ; et pour les produits manufacturés, il ne payait pas moins de 220 % des prix d’avant-guerre. Le surplus que paye la paysannerie se répartit principalement sur les couches inférieures et il s’est élevé, pour l’année écoulée, à plus d’un milliard de roubles. Ceci entraîne non seulement l’aggravation des contradictions entre l’économie rurale et l’industrie, mais accentue fortement la différenciation de la campagne.
L’écart entre les prix de gros et de détail occasionne des pertes à l’État et aux consommateurs ; il y a un tiers qui gagne, c’est le particulier, c’est-à-dire le capitaliste.
Le salaire réel, en 1927, est dans le meilleur cas, au même niveau que dans l’automne 1925. Mais ce qui est indiscutable c’est que, pendant ces deux années, notre pays s’est enrichi, le revenu général s’est accru, les gros bonnets de la campagne, les koulaks, ont augmenté leurs réserves avec une rapidité énorme. L’accumulation du capitalisme privé, du commerçant, du spéculateur grandit extraordinairement. Il est clair que la part de la classe ouvrière dans le revenu général du pays diminue en même temps que la part des autres classes grandit. C’est le fait le plus important pour l’appréciation de la situation.
On peut affirmer que fournir des indications publiques sur les contradictions du développement et de l’accroissement des forces hostiles, c’est de la panique et du pessimisme ; le font ceux qui, au fond d’eux-mêmes, trouvent que notre classe ouvrière et notre parti ne pourront pas surmonter les difficultés et les dangers. Nous ne partageons pas ce point de vue. Il faut voir clairement les dangers. Nous les indiquons avec précision pour lutter plus sûrement contre eux et pour les vaincre.
A l’époque de la Nep, un certain accroissement des forces qui nous sont hostiles - koulaks, nepmans, bureaucrates - est inévitable. Ces forces ne peuvent être supprimées par des mesures administratives ou par une simple pression économique. En instaurant la Nep et en la réalisant, nous avons nous-mêmes fait une certaine place aux rapports capitalistes dans notre pays. Et, pendant un laps de temps encore assez long, nous devrons reconnaître que leur existence est inévitable. Lénine n’a fait que rappeler une vérité banale et nécessaire aux ouvriers quand il a dit : « Tant que nous vivrons dans un pays à majorité petite paysanne, il existera toujours en Russie, pour le capitalisme, une base beaucoup plus solide que pour le communisme ; il est nécessaire de s’en souvenir... nous n’avons pas extirpé les racines du capitalisme et le fondement et la base de l’ennemi intérieur ne sont pas ébranlés. » (T. XVII, page 427). Ce fait social le plus important, indiqué par Lénine, ne peut pas, comme il le dit, être simplement rayé d’un trait de plume, mais on peut surmonter les difficultés et les vaincre par une politique juste, systématique et méthodique de la part de la classe ouvrière, s’appuyant sur la paysannerie pauvre et en s’alliant avec la paysannerie moyenne. Cette politique consiste principalement dans le renforcement de toutes les positions sociales du prolétariat, dans le relèvement aussi rapide que possible des positions de commandement du socialisme, en liaison la plus étroite avec la préparation et le développement de la révolution prolétarienne mondiale.
Une politique léniniste juste comprend aussi l’utilisation de la manœuvre dans la lutte contre les forces du capitalisme. Lénine a usé maintes fois du moyen des concessions particulières afin de contourner l’ennemi, des reculs temporaires dans le but d’avancer avec plus de sûreté par la suite. La stratégie de la manœuvre est encore actuellement nécessaire. Il ne faut pas louvoyer, mais manœuvrer l’ennemi quand on ne peut pas le renverser par une attaque directe. Lénine est resté invariablement dans la ligne de la révolution prolétarienne. De son temps, le parti connaissait toujours les causes de la manœuvre, le sens de celle-ci, les limites au-delà desquelles on ne pouvait plus reculer et les positions d’où on recommencera l’offensive prolétarienne. La retraite du temps de Lénine s’appelait la retraite, une concession une concession. Grâce à cela, l’armée prolétarienne conservait toujours dans la manœuvre sa formation compacte, son esprit combatif, et la compréhension du but à atteindre.
Pendant cette dernière période, la direction du parti s’est écartée de la ligne tracée par Lénine. Le groupe Staline mène le parti à l’aveuglette, cachant les forces de l’ennemi, donnant à tout une apparence toute superficielle de succès. Il ne donne aucune perspective au prolétariat, ou, ce qui est pire, il lui donne une perspective fausse. Il avance en zigzags, s’adaptant aux éléments hostiles, affaiblissant et embrouillant les forces de l’armée prolétarienne. Il favorise la croissance et la passivité, la méfiance à l’égard de la direction, la défiance dans les forces de la révolution. Se référant à la stratégie manoeuvrière de Lénine, il cache ses oscillations sans principes et inattendues pour le Parti, oscillations qui décomposent ce dernier et n’ont d’autre résultat que de faire gagner du temps à l’ennemi et de lui permettre de prendre de l’avance.
Les échantillons les plus « classiques » des manœuvres de Staline, Boukharine et Rykov, sur l’arène internationale, sont la politique chinoise et la politique envers le Comité anglo-russe, et, à l’intérieur du pays, leur politique envers le koulak. Dans toutes ces questions le parti et la classe ouvrière n’ont su la vérité ou une partie de celle-ci que lorsque se sont abattues sur leurs têtes les lourdes conséquences d’une ligne fausse à sa base.
Deux ans après que le groupe Staline ait effectivement déterminé la politique des institutions centrales du Parti, on petit considérer comme complètement prouvé que la politique de ce groupe a été impuissante à éviter : 1° la croissance démesurée des forces qui veulent orienter le développement de notre pays dans la voie capitaliste ; 2° l’affaiblissement de la situation de la classe ouvrière et de la paysannerie pauvre en face de la force grandissante du koulak, du nepman et du bureaucrate ; 3° l’affaiblissement de la situation générale de l’État ouvrier dans sa lutte contre le capitalisme mondial, l’aggravation de la situation internationale de l’URSS
La faute directe du groupe de Staline, c’est qu’au lieu de dire au Parti, à la classe ouvrière et à la paysannerie, toute la vérité sur la situation, il a caché cette vérité en présentant, sous une forme étriquée, la croissance des forces ennemies en fermant la bouche à ceux qui réclamaient et découvraient la vérité.
La concentration du feu à gauche alors que toute la situation est caractérisée par des dangers de droite, l’étouffement grossièrement mécanique de toute critique exprimant les craintes légitimes du prolétariat quant à la destinée de la révolution prolétarienne, l’acquiescement à toute déviation de droite, l’affaiblissement de l’influence prolétarienne et du vieux noyau bolchevik dans le parti : tout ceci affaiblit et désarme la classe ouvrière ait moment où l’activité du prolétariat, la vigilance et la cohésion du Parti, ainsi que la fidélité aux véritables commandements de Lénine, sont les plus nécessaires.
On déforme Lénine, on le corrige, on l’interprète, on le complète selon les besoins de la cause pour couvrir les fautes successives. Depuis la mort de Lénine, on a créé toute une série de nouvelles théories, simplement pour justifier, théoriquement, l’éloignement du groupe Staline de la voie de la révolution prolétarienne. Les mencheviks et la presse capitaliste voient et acclament, dans la politique et les nouvelles théories de Staline-Boukharine-Martinov, une marche en avant selon la théorie d’Oustrialov « plus en avant que Lénine », la sagesse d’hommes d’État, le « réalisme », le renoncement aux « utopies » du bolchevisme révolutionnaire. Dans l’éloignement de la direction du parti de toute une série de disciples de Lénine, ils voient les premiers pas vers le passage à une nouvelle voie et s’en félicitent ouvertement.
Pendant ce temps, le processus élémentaire de la Nep, non freinée et non dirigée par une ferme politique de classe, prépare de nouveaux glissements dangereux.
25 millions de petites économies rurales sont la source principale des tendances capitalistes. La couche supérieure des koulaks qui naît de cette masse, réalise le processus de l’accumulation primitive du capitalisme qui mine profondément les positions du socialisme. Le sort ultérieur de ce processus dépend en dernier lieu des rapports entre la croissance des économies étatiques et des économies privées. Le retard de l’industrie augmente le rythme clé la différenciation de la paysannerie et multiplie les dangers politiques qui en découlent. « Les koulaks, écrivait Lénine, ont plus d’une fois, dans l’histoire des autres pays, restauré le pouvoir des féodaux, des tzars, des curés et des capitalistes. Il en fut ainsi dans toutes les révolutions européennes passées, lorsque les koulaks, en raison de la faiblesse des ouvriers, réussissaient à faire régresser la république vers la monarchie, le pouvoir des travailleurs vers la domination des exploiteurs, des riches, des parasites ! On peut très facilement réconcilier le koulak avec les féodaux, les tzars et les curés, même s’ils s’étaient querellés antérieurement, mais avec la classe ouvrière, jamais. » (Lénine, Camarades ouvriers, marchons à la lutte finale, édition de l’Institut Lénine, pages 1 et 2). Celui qui n’a pas compris cela, celui qui pense que l’on peut « intégrer » le koulak dans notre socialisme n’est capable que d’une seule chose : « c’est de faire échouer la Révolution ».
Dans le pays existent deux positions essentielles, s’excluant réciproquement : l’une - position prolétarienne construisant le socialisme, l’autre - position de la bourgeoisie qui tend à entraîner le développement vers une voie capitaliste.
Le camp de la bourgeoisie, et des couches de la petite bourgeoisie qui sont à sa remorque, met tous ses espoirs dans l’initiative privée et l’intérêt individuel. Ce camp mise sur le pays « économiquement fort » afin que la coopération, l’industrie et le commerce extérieur servent ses propres intérêts. Ce camp considère que l’industrie socialiste ne doit pas compter sur le budget d’État. Le rythme du développement de l’industrie ne doit pas contrecarrer les intérêts de l’accumulation capitaliste agraire. La lutte pour l’augmentation du rendement de la production signifie, pour la petite bourgeoisie qui se renforce quotidiennement, une pression sur les muscles et les nerfs des ouvriers. La lutte pour la baisse des prix signifie, pour elle, la diminution de l’accumulation de l’industrie socialiste dans l’intérêt du capital commercial ; la lutte avec le bureaucratisme signifie, pour le petit-bourgeois, la dispersion de l’industrie, l’affaiblissement des débuts collectifs de l’industrie, la mise au dernier plan de l’industrie lourde, c’est-à-dire l’adaptation aux paysans économiquement forts, avec la perspective prochaine de la liquidation du monopole du commerce extérieur. C’est le chemin des oustrialovistes. Cela s’appelle : le capitalisme à échéances. Cette tendance dans le pays influence même certains cercles du parti.
La voie prolétarienne est exprimée dans les paroles suivantes de Lénine : « La victoire du socialisme sur le capitalisme, l’affermissement du socialisme, peut être seulement considérée comme assurée quand le pouvoir gouvernemental prolétarien, ayant définitivement réprimé toute résistance des exploiteurs, et assuré son plein équilibre et son autorité, aura réorganisé toute l’industrie sur la base d’une grosse production collective et sur un nouveau fondement technique (électrification dans toutes les branches principales de l’économie). Cette réorganisation peut seule donner la possibilité de fournir aux campagnes arriérées et dispersées, une aide radicale technique et sociale créant ainsi une base matérielle pour un accroissement considérable de la productivité du travail agricole et du travail général à la campagne, contraignant ainsi les petits cultivateurs, par la force de l’exemple et leur propre intérêt, à passer de la petite production à la grande culture collective mécanique. » (Résolution du II° Congrès de l’IC). C’est sous cet angle que doit être édifiée toute la politique du Parti (impôts, industries, économies rurales, commerce extérieur et intérieur, etc.). Telle est la position essentielle de l’Opposition. C’est le chemin vers le socialisme.
Entre ces deux positions, se trouve, toujours plus près de la première, la ligne de Staline, composée de courts zigzags à gauche et de larges zigzags à droite. Le chemin de Lénine signifie le développement socialiste des forces productives dans la lutte continuelle contre les éléments capitalistes. La voie d’Oustrialov signifie le développement sur des bases capitalistes, par le moyen de l’annulation progressive des conquêtes d’Octobre. Le chemin de Staline conduit en réalité à freiner le développement des forces productives, à diminuer le poids spécifique des éléments du socialisme et par là même à préparer la victoire de la voie d’Oustrialov. Le cours de Staline est d’autant plus dangereux et d’autant plus néfaste qu’il cache les déviations réelles sous des mots simples et des expressions courantes. L’accomplissement du processus de reconstruction a posé d’une façon aiguë les tâches essentielles du développement économique et, par là même, sapé la position de Staline, qui ne convient pas aux grandes questions ; que ce soit la question chinoise ou la reconstruction du capital de base de l’URSS.
Malgré la tension de la situation, qui est rendue extrêmement aiguë par les fautes grossières de la direction actuelle, cet état de choses est tout à fait réparable. Mais il faut, pour cela, changer radicalement la ligne de la direction du parti, dans le sens de la ligne tracée par Lénine.
II. La situation de la classe ouvrière et les syndicats
La Révolution d’Octobre a, pour la première fois dans l’histoire, transformé le prolétariat en classe dirigeante d’un immense pays. La nationalisation des moyens de production signifiait un premier pas décisif vers la reconstruction socialiste de tout le système social bâti sur l’exploitation de l’homme par l’homme. L’introduction de la loi sur les huit heures a été un pas en avant dans la voie de la transformation complète des conditions vitales et culturelles d’existence de la classe ouvrière. Malgré la pauvreté du pays, le Code du Travail a établi pour les ouvriers - et parmi eux pour les couches les plus arriérées qui, dans le passé, étaient absolument sans défense - des garanties juridiques qui n’avaient été et ne seront jamais accordées par l’État capitaliste le plus riche. Les syndicats professionnels ont été élevés jusqu’au niveau de l’arme la plus importante entre les mains de la classe dirigeante ; ils ont reçu la possibilité, d’une part, d’englober de larges masses qui, dans d’autres conditions sociales, leur auraient échappé et, d’autre part, d’influencer directement et sans intermédiaire, toute la marche de la politique de l’État ouvrier.
La tâche du Parti consiste à assurer l’application de ces grandioses conquêtes historiques en leur donnant leur plein contenu. Le succès dans cette voie dépend, d’une part, des conditions objectives nationales et internationales ; d’autre part, de la justesse de la ligne et du savoir-faire de la direction.
Les éléments décisifs pour la marche de notre pays dans la voie socialiste et non capitaliste sont liés étroitement aux améliorations dans le domaine de l’existence de la classe ouvrière. Ces améliorations doivent trouver leur expression dans le domaine matériel : le nombre des ouvriers occupés dans les industries, le niveau du salaire réel, le caractère du budget ouvrier, les conditions locatives des travailleurs, l’assistance médicale, etc. ; dans le domaine politique le Parti, les syndicats, les Soviets, les jeunesses ; enfin, dans le domaine culturel : l’école, la littérature, le journal, le théâtre. La tendance à repousser à l’arrière-plan les intérêts vitaux des ouvriers et, sous le nom méprisant d’« esprit d’atelier », à les opposer aux aspirations historiques de leur classe représente une tendance théoriquement fausse et politiquement dangereuse.
L’accaparement par l’État prolétarien de la plus-value n’est évidemment pas de l’exploitation. Mais nous avons : 1° l’État ouvrier avec des déformations bureaucratiques, l’appareil privilégié de direction démesurément grossi absorbant une très grande part de la plus-value ; 2° la bourgeoisie grandissante qui, par le commerce et par suite de l’écart des prix, accapare une partie de la plus-value provenant de l’industrie d’État.
En général, pendant la période de reconstruction, les effectifs des ouvriers et les conditions de leur existence grandissaient non seulement d’une façon absolue, mais même relativement à la croissance des autres classes, alors que, dans la dernière période, c’est le contraire qui s’est produit : la croissance des effectifs ouvriers, l’amélioration de leur sort marquent un temps d’arrêt, tandis que, pendant cette même période, les forces ennemies continuent à grandir d’une façon accélérée, ce qui non seulement fait empirer inévitablement la situation des ouvriers à l’usine, mais diminue le poids du prolétariat dans la société soviétique.
Les mencheviks, les agents de la bourgeoisie dans les milieux ouvriers montrent perfidement les difficultés matérielles de nos ouvriers, essayant d’opposer le prolétariat à l’État soviétique et d’amener les ouvriers à accepter leurs théories petites-bourgeoises et de « marche arrière vers le capitalisme ». Les fonctionnaires, contents d’eux-mêmes, qui aperçoivent le « menchévisme » dans la façon dont l’Opposition pose crûment la question des conditions matérielles des ouvriers, apportent de cette façon le meilleur appui au menchévisme, en poussant les ouvriers sous la bannière jaune de celui-ci.
Pour vaincre les difficultés, il faut les connaître. Il faut vérifier consciencieusement et d’une façon juste nos succès et nos échecs en examinant la véritable situation des masses travailleuses.
La situation des ouvriers
L’époque de reconstruction fut l’époque d’une augmentation assez rapide du salaire jusqu’à l’automne 1925. Une sensible diminution du salaire réel a commencé en 1926 et a été surmontée seulement au début de 1927. Le salaire d’un mois, pendant le premier semestre de l’année économique 1926-1927, représentait en moyenne, dans la grande industrie, en roubles conventionnels de la région de Moscou, 30 roubles 67 kopecks et 30 roubles 33 kopecks pendant l’automne 1925. Pendant le troisième trimestre de l’année économique, selon des prévisions approximatives, le salaire atteignait 31 roubles 62 kopecks. On voit de cette façon que pendant cette année, le salaire réel marqua un temps d’arrêt à peu près au niveau du salaire de l’automne 1925.
Il est certain, d’une part, que le salaire et le niveau matériel moyens de certaines catégories d’ouvriers, dans certains districts, avant tout dans les capitales comme Moscou et Leningrad, sont d’une manière indiscutable au-dessus du niveau moyen indiqué plus haut ; mais, d’autre part, le niveau matériel moyen d’autres larges couches d’ouvriers est sensiblement au-dessous même de ces chiffres modestes.
Toutes les données indiquent que l’augmentation du salaire ne suit pas l’augmentation du rendement. L’intensification du travail grandit, les mauvaises conditions de travail restent toujours les mêmes.
L’augmentation du salaire est de plus en plus subordonnée à l’intensification du rendement. Cette tendance qui ne peut s’accorder avec le cours socialiste a été confirmée par le CC dans sa fameuse résolution sur la rationalisation (Pravda, 25 mars 1927). Cette résolution a été adoptée par le IV° Congrès des Soviets. Cette politique signifie que l’augmentation des richesses publiques, grâce au développement de la technique (le rendement des entreprises), n’entraîne en aucune façon une augmentation des salaires.
La faible croissance des effectifs ouvriers diminue dans les ménages ouvriers le nombre de ceux qui travaillent. En roubles réels, le budget des dépenses d’une famille ouvrière, depuis 1924-1925, s’est rétréci. L’augmentation du prix des loyers oblige les ouvriers à sous-louer une partie de leur logis. Les sans-travail, directement ou indirectement, pèsent sur le budget ouvrier. La consommation grandissante des boissons alcooliques pèse également sur le budget ouvrier. En somme, tout ceci entraîne une diminution du niveau de vie des ouvriers.
La rationalisation industrielle entraîne inévitablement l’aggravation du sort de la classe ouvrière, lorsqu’elle n’est pas accompagnée par un développement de l’industrie des transports, etc., qui permette d’utiliser les ouvriers licenciés. Pratiquement, la rationalisation se traduit souvent par l’« expulsion » de certains groupes d’ouvriers et par l’aggravation du sort matériel des autres. Ceci entraîne inévitablement une méfiance des ouvriers à l’égard de la rationalisation.
Lorsqu’une pression sur les conditions de travail est exercée, ce sont toujours les groupes les plus faibles des travailleurs : manœuvres, ouvriers saisonniers, femmes et jeunes, qui en pâtissent.
En 1926, dans presque toutes les branches de l’industrie, une diminution du salaire de l’ouvrière s’est produite par rapport à celui de l’ouvrier. Dans maintes branches d’industrie, le salaire des manœuvres femmes représentait, en mars 1926, 51,8 %, 61,7 %, 83 % du salaire de l’homme. Les mesures nécessaires de protection du travail féminin, dans les branches industrielles, comme l’exploitation de la tourbe, les travaux de déchargement et de chargement, etc., ne sont pas prises.
Le salaire des jeunes, par rapport aux salaires des ouvriers adultes, diminue continuellement : en 1923, il formait 47,19 % ; en 1924, 45 % ; en 1925, 43,4 % ; en 1926, 40,5 % du salaire de l’adulte (Revue de la situation économique des jeunes en 1924-1925, 1925-1926). En mars 1926, 49,5 % des jeunes gagnaient moins de 20 roubles par mois (Bureau central de statistiques). Le nombre des jeunes sans travail augmente tous les jours.
Les ouvriers agricoles
Sur le chiffre global de 3 millions et demi de la main-d’œuvre agricole, les ouvriers et ouvrières agricoles sont au nombre de 1 600 000. Seulement 20 % de ceux-ci font partie d’organisations syndicales. L’enregistrement des contrats de travail, presque tous esclavagistes, est à peine commencé. Le salaire des ouvriers agricoles est, habituellement et même dans les entreprises étatiques, au-dessous du minimum fixé par l’État Le salaire actuel réel ne dépasse pas, en moyenne, 63 % du salaire d’avant-guerre. La journée de travail est rarement au-dessous de 10 heures ; en général la journée de travail des ouvriers agricoles n’est pas délimitée. Le salaire est payé irrégulièrement et avec beaucoup de retard. La situation des plus difficiles dans laquelle se trouvent les ouvriers agricoles ne provient pas uniquement des difficultés de la construction socialiste dans un pays agricole arriéré, mais provient aussi, certainement, d’un cours erroné qui, en pratique, dans la vie et dans la triste réalité, se préoccupe surtout des couches favorisées de la campagne au lieu de s’occuper des couches défavorisées. Il est nécessaire de défendre systématiquement, partout, les intérêts des ouvriers agricoles contre les koulaks et contre les soi-disant paysans économiquement forts.
La question du logement
La surface d’habitation pour les ouvriers est habituellement au-dessous de la moyenne de celle du reste de la population des villes. Les ouvriers des plus grandes villes industrielles sont la partie de la population la moins favorisée dans la question du logement. La répartition de la surface d’habitation, selon les groupes sociaux, dans les villes où un travail statistique a eu lieu, se traduit par les chiffres suivants : ouvriers, 5 à 6 mètres carrés ; employés, 6 à 9 ; artisans, 7,6 ; professions libérales, 10,9 ; éléments qui ne travaillent pas, 7,1. Ceci démontre que les ouvriers occupent la dernière place. La surface d’habitation des ouvriers diminue d’année en année. En même temps, les couches non prolétariennes voient leur surface d’habitation augmenter. La situation générale, par rapport à la construction des locaux d’habitation, menace le développement futur de l’industrie. Néanmoins, on reconnaît, selon le plan quinquennal de construction de la Commission du plan d’État, que d’ici 5 ans, la situation locative sera encore plus mauvaise qu’actuellement : la surface d’habitation moyenne vers la fin de 1926, qui était de 11,3 mètres carrés, tombera, selon la Commission, vers la fin de 1931, à 10,6.
Le chômage
Le développement lent de l’industrialisation se fait sentir surtout d’une façon aiguë dans la question du chômage, qui a pénétré même parmi les cadres les plus importants du prolétariat industriel.
Le nombre officiel des chômeurs enregistrés pour le 1° avril 1927 est de 1 656 000, le nombre réel des chômeurs atteint en réalité le chiffre de 2 millions. Le nombre des chômeurs grandit incontestablement plus vite que le nombre des ouvriers absorbés par l’industrie. Le nombre des chômeurs augmente rapidement parmi les ouvriers industriels.
Selon les prévisions du Plan quinquennal d’État, l’industrie augmentera pendant cette période sa main-d’œuvre de 400 000 ouvriers. Étant donné l’afflux de la main d’œuvre de la campagne, cela signifie que le nombre des chômeurs, vers la fin de 1931, s’accroîtra pour atteindre au moins le chiffre de 3 millions. Les conséquences de cet état de choses sont le développement de la mendicité, de la prostitution et des sans-abri.
Les chômeurs se plaignent à juste titre de la façon dont ils sont servis par les Caisses d’assurances. La moyenne des secours alloués est de 11,9 roubles (à peu près 5 roubles d’avant-guerre). Les secours alloués par les syndicats à leurs membres ne dépassent pas 6,5 à 7 roubles. Seulement 20 % des syndiqués chômeurs bénéficient des secours alloués par les syndicats.
Le Code du Travail a été soumis à une telle multitude d’explications que celles-ci dépassent de plusieurs fois le nombre des paragraphes qui existaient primitivement et dont un nombre assez important est supprimé. C’est la défense juridique des ouvriers saisonniers qui a empiré.
La campagne menée pour les Contrats collectifs se caractérise surtout presque partout par une diminution des garanties juridiques, une pression accrue sur le rendement et la fixation des prix. C’est ainsi que le droit accordé aux organes économiques de recourir à l’arbitrage obligatoire a même détruit dans son essence le contrat collectif, accord entre deux parties contractantes, qui devient une simple disposition administrative (Troud, 4 juillet 1927).
Les sommes, allouées à l’industrie pour la protection du travail, sont tout à fait insuffisantes. Selon les données du Commissariat du Travail de la RSFSR, pendant l’année économique 1925-1926, sur 1 000 ouvriers travaillant dans de grosses entreprises, il se produisait en moyenne 97,6 accidents de travail entraînant une incapacité de travail. Un ouvrier sur 10, au cours de l’année, est sujet à un accident de travail.
Les dernières années sont marquées par une augmentation des conflits. La solution des conflits, en réalité, n’a pas un caractère de conciliation, mais au contraire plutôt de contrainte.
Le régime intérieur dans les entreprises s’aggrave. L’administration cherche de plus en plus à introduire dans les entreprises son pouvoir illimité. L’embauchage et le débauchage, en fait, ne dépendent que de l’administration. Il n’est pas rare de voir entre les contremaîtres et les ouvriers s’instaurer des rapports tout à fait identiques à ceux d’avant-guerre.
Les conférences de production tendent à disparaître. La majeure partie des propositions pratiques des ouvriers concernant la production ne reçoit aucune suite. Une partie des ouvriers est actuellement dressée contre ces conférences de production, car les améliorations qui en résultent entraînent la diminution du personnel. Tout ceci contribue à une faible participation des ouvriers aux conférences de production.
Il faut faire ressortir dans le domaine des questions culturelles et d’existence les questions relatives à l’école. Il devient de plus en plus difficile aux ouvriers de donner à leurs enfants non seulement des connaissances professionnelles, mais même de leur fournir une instruction élémentaire. Dans presque tous les districts ouvriers, l’insuffisance des écoles se fait sentir d’une façon aiguë. Ce système qui consiste à prendre chez les parents des sommes destinées à divers besoins de l’école supprime pratiquement l’enseignement gratuit. Le manque d’écoles et de jardins d’enfants laisse une grande partie des enfants ouvriers à la merci de la rue.
Les organisations syndicales. Les ouvriers.
Certaines divergences d’intérêts dans les questions des conditions de travail des entreprises (telles qu’elles furent reconnues dans une résolution du XI° Congrès) ont grandi énormément pendant les dernières années.
Pendant les dernières années, la politique du parti et des dirigeants syndicaux a amené les syndicats à une situation telle que, même de l’aveu du XIV° Congrès du parti, « les syndicats n’ont pas pu accomplir tout le travail qui leur était fixé, démontrant ainsi leur étroitesse d’esprit, reléguant au second plan leurs tâches primordiales essentielles de défense des intérêts économiques des masses qu’ils englobent et de relèvement de leur niveau matériel et moral ». La situation après le XIV° Congrès ne s’est pas améliorée, bien au contraire. La bureaucratisation des syndicats a fait un pas en avant.
Le nombre des ouvriers travaillant à l’usine ou des militants sans parti est insignifiant dans les organes dirigeants d’une dizaine de syndicats industriels (12 à 13 %). L’immense majorité des délégués, dans les congrès syndicaux, est faite d’éléments, qui ne travaillent plus à l’usine (Pravda, 23 juillet 1927). Jamais la classe ouvrière et les syndicats n’ont été aussi éloignés de la direction de l’industrie socialiste qu’en ce moment. L’activité propre des organisations syndicales, expression des larges masses ouvrières, est remplacée par l’accord entre le secrétaire de la cellule, le directeur de l’usine et le président du Comité d’usine. Les Comités d’usines inspirent une certaine méfiance aux ouvriers. La participation de ceux-ci aux réunions est très faible.
Le mécontentement que l’ouvrier ne peut exprimer au syndicat, l’oblige à se taire. « Il nous est défendu d’être trop actifs. Si tu veux manger du pain, parle le moins possible. » Ces déclarations sont générales. (Documents du Comité régional de Moscou. Les résultats des larges conférences ouvrières. Revue d’informations, p. 30 et autres). On enregistre actuellement des tendances parmi les ouvriers à améliorer leur sort en dehors des organisations syndicales. Cela déjà nous démontre qu’il faut changer radicalement le régime actuel des syndicats.
Propositions concrètes les plus importantes
Dans le domaine de la situation matérielle des ouvriers
Couper court à toute tentative d’allonger la journée de travail (défense des huit heures). Ne tolérer les heures supplémentaires que dans les cas de nécessité absolue. Ne pas tolérer les abus dans l’embauche de la main-d’œuvre auxiliaire et dans le déclassement des ouvriers titulaires dans les catégories dites auxiliaires. Interdire toutes les prolongations de la journée de travail dans les industries insalubres, autorisées actuellement uniquement grâce à la révision des anciennes lois.
Une des premières tâches, c’est d’augmenter les salaires, tout au moins en rapport avec le rendement industriel actuel. Il faut s’efforcer que l’augmentation systématique du salaire réel marche de pair avec l’augmentation du rendement de l’industrie. Il est nécessaire d’effectuer un plus grand rapprochement entre les divers groupes des salaires ouvriers, en relevant continuellement les bas salaires, sans pouf cela baisser les salaires des groupes mieux payés.
Il est nécessaire d’arrêter les altérations bureaucratiques dans le domaine de la rationalisalion. La rationalisation doit être intimement liée à un développement conséquent de l’industrie, à une répartition, selon un plan, de la main-d’œuvre et à la lutte contre le gaspillage des forces productives de la classe ouvrière, eu particulier contre la dissémination des cadres des ouvriers qualifiés.
Pour adoucir les conséquences du chômage, il faut : a) calculer les secours alloués aux ouvriers en fonction du salaire moyen de la région en question ; b) ne pas tolérer la diminution des versements (par l’industrie) pour les assurances sociales et mener une lutte pour empêcher que ces sommes ne soient pas payées en fait aux intéressés ; c) supprimer les dépenses des caisses d’assurances ouvrières au profit des caisses d’assurances publiques ; d) mener Une lutte énergique, contre les économies faites sur le dos des assurés ; e) supprimer toutes les décisions qui ont permis, pour divers motifs, d’enlever les secours et de rayer des listes d’inscription des Bourses du Travail de véritables chômeurs ; f) tendre les efforts pour augmenter les secours alloués aux chômeurs, en premier lieu à ceux de l’industrie.
Il est nécessaire d’étudier mûrement des travaux de longue durée pour lesquels on pourrait utiliser les chômeurs, pour le plus grand bien du développement économique et culturel de notre pays.
Il est nécessaire d’améliorer continuellement les conditions locatives des ouvriers. Dans ce domaine, il faut résolument appliquer une stricte ligne de classe. Il ne faut pas tolérer que les éléments non prolétariens améliorent leurs conditions locatives aux dépens des ouvriers. Il ne faut pas permettre l’expulsion de leur logement des ouvriers licenciés des entreprises.
Il faut, par des moyens énergiques, améliorer la coopérative d’habitation. Il faut la mettre à la portée des couches inférieures des ouvriers. Il ne faut pas tolérer que les couches supérieures des employés accaparent les logements destinés aux ouvriers. Il faut repousser les prévisions du plan d’État dans les questions de logement comme perspectives contredisant grossièrement la politique socialiste. Obliger les entreprises à augmenter les dépenses pour la construction de logements ouvriers. Augmenter dans le budget les sommes allouées à ce chapitre afin d’arriver, d’ici cinq ans, à un changement radical dans ce domaine, en améliorant les conditions de logement des ouvriers.
Les contrats collectifs doivent être réellement discutés et acceptés dans les assemblées ouvrières. Proposer au prochain congrès du Parti d’annuler toutes les décisions accordant aux organes économiques le droit de recourir à l’arbitrage obligatoire. Le Code du Travail doit être compris non comme le maximum, mais bien comme le minimum fixant les conditions de travail. Les contrats collectifs doivent servir en eux-mêmes de garanties contre le licenciement possible d’une partie du personnel (les licenciements probables doivent être mentionnées séparément). La norme du rendement individuel doit être fixée, non selon le rendement du meilleur ouvrier, mais selon les capacités moyennes, et pour le laps de temps fixé par les accords concernant les prix. Reconnaître comme inadmissible tout contrat collectif qui, en comparaison avec les précédents, aggrave la situation des ouvriers.
Mettre sous le contrôle plus étroit des organisations syndicales et des ouvriers, l’activité des Bourses du Travail : mettre fin aux changements continuels dans la fixation des prix et du rendement individuel.
Augmenter les sommes allouées pour la protection du travail et l’amélioration des conditions de travail. Augmentation des peines juridiques pour infraction aux lois concernant la protection du travail. Pour les ouvrières « à travail égal, salaire égal ». Élever la qualification du travail féminin.
Il est inadmissible d’instaurer l’apprentissage non rétribué. Il faut mettre fin à la diminution continuelle du salaire des jeunes. Prendre les mesures qui s’imposent pour l’amélioration des conditions de travail de la jeunesse laborieuse.
Le régime d’économies ne doit pas se traduire dans la vie par une aggravation des intérêts vitaux des ouvriers. Il est nécessaire de rendre aux ouvriers les « bagatelles » supprimées (crèches, billets de trams, vacances plus longues, etc.).
Les syndicats doivent s’occuper un peu plus des ouvriers saisonniers.
Augmenter les secours médicaux à l’usine (dispensaires, hôpitaux, etc.).
Dans les districts ouvriers, augmenter le nombre des écoles pour les enfants des travailleurs.
Renforcer, par divers mesures étatiques, la situation de la coopération ouvrière.
Dans le domaine du travail syndical.
La valeur du travail accompli par les syndicats dépend avant tout du degré de leur défense des intérêts économiques et culturels de la classe ouvrière dans le cadre des possibilités économiques données.
Les organisations du Parti, quand elles examinent les mesures à prendre concernant les intérêts économiques vitaux et les intérêts culturels des masses ouvrières, doivent prêter l’oreille aux opinions émises sur ces questions par les fractions communistes des organisations syndicales.
Les syndicats doivent procéder à la désignation aux postes syndicaux, par des élections réelles, publiquement faites, dont ils doivent rendre compte et prendre la responsabilité à tous les degrés de l’organisation.
Tous les organes dirigeants de l’industrie doivent être formés en accord réel avec les organisations syndicales correspondantes.
Dans les congrès des syndicats industriels (même de toute l’Union), dans tous les organes éligibles, même à la CE de la CGT, la majorité doit être réservée aux ouvriers qui travaillent à l’usine.
Il faut que les éléments ouvriers sans-parti participent plus largement à ces organes, de telle façon qu’ils en constituent au moins un tiers.
Il faut régulièrement renvoyer à l’usine une certaine partie des membres de l’appareil syndical.
Il faut, dans le travail syndical, employer un peu plus les camarades non rétribués, utiliser les bonnes volontés, en attirant au travail syndical les ouvriers des usines.
Il est inadmissible de déplacer d’un poste syndical élu des camarades pour des désaccords intérieurs au Parti.
Il faut assurer la pleine indépendance des Comités d’usines et des Comités locaux vis-à-vis des administrations. L’embauchage et le débauchage ainsi que les changements de travail pour une durée de plus de 15 jours ne doivent être faits qu’en accord avec le Comité d’usine, Il faut lutter contre les abus dans ce domaine en utilisant le droit qu’à le Comité d’usine de protester contre une décision de l’administration auprès de l’organisation syndicale correspondant aux commissions des conflits.
Il faut garantir certains droits des correspondants ouvriers et punir sans pitié ceux qui les poursuivent pour des divulgations. Dans le code pénal, il faut introduire un paragraphe punissant comme crime contre l’État n’importe quelle brimade contre les ouvriers pour cause de critique, de proposition personnelle ou de vote.
Il faut pratiquement élargir le champ d’action des commissions de contrôle des conférences de production, en leur donnant la possibilité de contrôler l’exécution des décisions et la sauvegarde et la défense des intérêts de la classe ouvrière.
Il faut laisser intactes les décisions, inspirées par Lénine au XI° Congrès du parti concernant le droit de grève dans les industries d’État. En ce qui concerne le droit de grève dans les industries concédées, il faut le mettre sui, le même plan que s’il s’agissait d’un particulier.
Il faut vérifier et rajuster tout le système de la statistique du travail qui, dans son état actuel, donne un faux tableau de la situation économique .et de la vie de la classe ouvrière, empêchant ainsi même tout le travail dans le domaine de la défense des intérêts des ouvriers.
La situation difficile de la classe ouvrière au X° anniversaire de la Révolution d’Octobre s’explique évidemment aussi, en dernier lieu, par la pauvreté du pays, fruit des interventions militaires, du blocus, et par la lutte du milieu capitaliste qui entoure le premier État prolétarien. On ne peut pas changer la situation d’un coup de baguette magique. Mais on peut et on doit changer la situation en suivant une ligne juste. La tâche des bolcheviks ne consiste pas à se vanter et à embellir les résultats acquis (il en existe évidemment), mais à poser carrément la question de ce qui n’est pas encore fait, de ce qu’il faut faire, de ce qu’on petit faire en avant une ligne.