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Luttes de classes en France en 1938

dimanche 21 juillet 2024, par Robert Paris

La crise sociale de 1938

La nouvelle crise sociale, écrit Daniel Guérin, est un "deuxième round" avec une importante différence :

Les travailleurs étaient maintenant ligotés par une puissante bureaucratie syndicale et la pratique d’un arbitrage en passe de devenir obligatoire [143].

Le choc entre la poussée de la base et la résistance concertée de l’appareil syndical et politique tourne à un affrontement sévère et à une démoralisation rapide des éléments qui ont tenté le débordement sans direction, sans avoir pris réellement conscience de l’enjeu — en un mot de ceux qui se sont heurtés au Front populaire au nom du Front populaire.

La grève Goodrich à Colombes

C’est dans l’usine Goodrich à Colombes — 2.000 ouvriers — que va éclater le premier conflit. La section syndicale, affiliée à la fédération C.G.T. des Produits chimiques, est dirigée par d’anciens unitaires dont certains, comme Bourlet, semblent avoir été liés à des minorités révolutionnaires [144]. La grève a pour origine le mécontentement contre le système Bedeaux, et pour occasion le renvoi d’un ouvrier accusé d’avoir installé un écouteur dans le bureau du directeur. Elle est décidée en assemblée générale — 400 présents — et l’occupation immédiatement et méthodiquement réalisée sous la direction d’un comité de grève élu.

Or, le 23 décembre, vers 5 heures l’usine est investie par six cents gardes mobiles. A 7 heures, le comité de grève décide d’actionner les sirènes. dans les entreprises de Colombes, Argenteuil, Courbevoie, Bezons, les ouvriers débrayent, occupent, envoient des "renforts" devant Goodrich. A 11 heures 30, quand le syndicat des métaux d’Argenteuil-Bezons donne l’ordre de grève, il ne ratifie qu’un état de fait.

Devant l’usine et dans ses alentours, stationnent plus de 30.000 travailleurs. A 13 heures 30, l’ordre est donné de reprendre le travail : la grève de solidarité se poursuivra toute la journée à la seule usine d’aviation SNCASE (anciennement Lioré) [145]. A la sortie du travail, les ouvriers reviennent devant Goodrich. Les forces de l’ordre sont retirées.

Le gouvernement en reculant a, certes, évité le choc, mais il redoute d’avoir créé un précédent. Peut-il laisser se réinstaurer la pratique des "grèves sur le tas" condamnées par les organisations syndicales et le Front populaire ? La victoire du 23 décembre inaugurera-t-elle une nouvelle vague, plus dure ? Sur ce point, patronat, gouvernement et syndicats sont d’accord : il n’en est pas question. La C.G.T. devra user de toute son autorité pour obtenir des ouvriers l’évacuation. L’administrateur de Goodrich propose de neutraliser l’usine jusqu’au 3 janvier. La Fédération donne son accord et, en son nom, Poulmarch déclare :

Nous avons la promesse formelle de M. le Président du Conseil, ainsi que la parole de M. Boyer, administrateur des établissements Goodrich, que la neutralisation de l’usine sera effective. C’est une garantie pour nous. [146]

Mais au comité de grève, cette garantie n’est pas jugée suffisante. Douze des votants se prononcent contre l’évacuation : encore, les seize qui l’acceptent précisent-ils que la neutralisation doit se poursuivre jusqu’à la publication de la sentence arbitrale [147].

La sentence est rendue le 6 janvier. Le licenciement prévu est confirmé, quoique l’ouvrier incriminé soit innocenté. La question des cadences et du système Bedeaux est renvoyée à un arbitrage ultérieur. La Fédération des Produits chimiques se prononce pour l’acceptation de la sentence arbitrale [148]. Mais, au comité de grève, réuni en présence des représentants du syndicat et de la fédération, cinq délégués seulement votent en faveur de l’acceptation. Onze, avec Bourlet, se prononcent pour le refus et par conséquent pour la poursuite de la grève ; enfin, la majorité avec Charpentier, autre responsable, s’abstient en signe de protestation contre l’attitude des représentants syndicaux. La question devra être portée devant deux assemblées générales où Poulmarech et Carasso, de la Fédération se font épauler par Henri Raynaud et le député communiste Waldeck Rochet. Contre eux, la majorité du comité de grève, dont Bourlet est le porte-parole. Carasso attaque violemment les "ultra-révolutionnaires, super-révolutionnaires qui font le jeu du patronat", parce qu’ils sont "payés par la rue Lauriston" [149]. Au référendum, 673 ouvriers se prononcent pour l’acceptation de la sentence et la reprise du travail, 488 contre. Il y a plus de 800 abstentions déclarées [150]. A l’Assemblée générale du 10 janvier, Bourlet et Charpentier, traités de "provocateurs" par Carasso, appellent les quatre cents présents à ne pas quitter la C.G.T. malgré l’attitude de ses dirigeants.

Conflit des services publics

Pendant que se déroulait la grève Goodrich, un événement non moins significatif et plus spectaculaire s’est produit : la grève, déclenchée à l’improviste, des services publics de la Seine, qui prive Paris d’eau, de gaz, d’électricité, de voirie et de transports. Ainsi que le souligne G. Lefranc, il s’agissait "d’un sérieux glissement vers les méthodes d’action directe de catégories sociales demeurées relativement paisibles en mai-juin 1936" [151]. En fait, dans ces catégories précisément, la hausse du coût de la vie avait durement frappé. Chez les fonctionnaires, le mouvement gréviste a été évité de justesse, et la C.E. de leur Cartel a pu féliciter

les militants qui, non sans difficulté, par esprit de discipline et pour ne pas porter atteinte au Rassemblement populaire, se sont efforcés d’éviter dans leurs services que le mécontentement des travailleurs se traduise par une agitation désordonnée et inefficace [152].

Les travailleurs des services publics de la région parisienne avaient déjà manifesté en octobre [153]. Cette fois, ils frappent un grand coup.

Leur initiative, à la veille des fêtes de Noël, est considérée à droite comme une véritable provocation ; dans les milieux dirigeants du Front populaire, elle suscite division et affolement. Le président du Conseil Camille Chautemps déclare que "le grave désordre social qui a été provoqué et qui moleste injustement toute la population parisienne ne trouve aucune excuse dans un motif corporatif quelconque". Il menace : "le gouvernement saura remplir son devoir et assurer, en dépit de toute résistance, la reprise des services publics et le maintien de l’ordre" [154]. Dans le Populaire, Daniel Mayer juge "inconcevable" le déclenchement à l’improviste du mouvement qui pouvait "ne pas paraître justifié aux yeux de la population" [155]. Cependant, la Fédération de la Seine se déclare solidaire des grévistes. Symptôme plus grave, les journaux ouvriers — à l’exception du Peuple, mais y compris le Populaire et l’Humanité — sont distribués par les camions militaires que le gouvernement utilise pour briser la grève ; un des secrétaires de- l’Union des syndicats, Amblard, intervient par téléphone auprès des dirigeants syndicaux du Livre pour qu’ils laissent s’opérer l’enlèvement des journaux, à l’insu et sans l’aval des syndicats des transports intéressés [156].

Ce sont, semble-t-il, les socialistes, qui au gouvernement insistent pour que soient faites aux grévistes les concessions nécessaires. Dans la nuit du 29, les ministres socialistes Dormoy, Monnet et Paul Faure déclarent que les travailleurs des services publics auront satisfaction et recevront l’indemnité de 1.200 fr qu’ils réclament [157]. L’Humanité rapporte :

Et les représentants des organisations ouvrières décidèrent d’un commun accord, soucieux de l’ordre républicain, et enregistrant l’avantage remporté par une juste cause, que le travail reprendrait dans ces conditions le matin même dès 5 heures [158].

A travers la grève Goodrich comme la grève-éclair des services publics, s’est dessinée une situation nouvelle : dans les semaines suivantes, face à la résistance des appareils syndicaux, la combativité ouvrière allait s’émousser dans des mouvements désordonnés et s’enliser dans une confusion dont le sommet devait être atteint avec la grève des métallos.

La grève des métallos parisiens

La grève de mars-avril dans la métallurgie parisienne est un événement capital dont nous ne pourrons, faute de place, que souligner les traits essentiels.

Sur le plan intérieur, elle éclate dans le contexte d’une radicalisation croissante. C’est la pression des militants, après le congé signifié par Chautemps aux communistes, qui a entraîné la démission des ministres socialistes [159]. Un conseil national de la S.F.I.O. a refusé la participation proposée pourtant à la fois par Blum et par Paul Faure [160]. La Gauche révolutionnaire a conquis la majorité de la Seine, et Marceau Pivert est devenu secrétaire fédéral. Sur le plan de la politique extérieure, c’est la crise européenne qui aboutit, le 11 mars, à l’Anschluss. Dans l’émotion qui suit le coup de force hitlérien, Blum obtient du Conseil national le mandat de tenter un "rassemblement national autour du Front populaire", union sacrée que la droite refuse [161]. Il constitue alors un nouveau gouvernement de Front populaire qui sera renversé par le Sénat sur ses projets financiers, après vingt-six jours. Le gouvernement Daladier qui lui succède le 10 avril, ne comprend ni socialistes ni communistes, mais en revanche des députés du centre droit ; il bénéficie pourtant des voix socialistes et communistes, le 12 avril pour la confiance, le 13 pour les "pleins pouvoirs" en matière économique et financière.

La grève des métallos débute le 24 mars, aux usines Citroën, soit six jours après l’investiture de Blum [162]. Élargie, dès le 25, à quelque 330.000 ouvriers de la région parisienne, elle se prolonge dans l’équivoque et la confusion pendant toute la durée du gouvernement Blum, le Populaire accusant les communistes, et les communistes accusant les trotskystes et la Gauche révolutionnaire d’en être les responsables. Ce n’est qu’après la chute de Blum, dans les premiers jours du gouvernement Daladier, que Renault débraie et que le Syndicat des Métaux coiffe la grève, portant à 150.000 le nombre des grévistes. Moins de cinq jours plus tard, il y met fin en acceptant l’arbitrage du contrôleur général Jacomet.

Là où la grève est déclenchée à la fin mars, c’est à l’initiative des commissions exécutives des sections C.G.T. et avec la participation active des cellules du P.C., sans consultation des travailleurs des usines intéressées qui s’y lancent cependant avec enthousiasme, comme vers un nouveau "Juin 36". Mais les revendications des usines en grève varient considérablement, de simples augmentations de salaires et de revendications portant sur la nouvelle convention collective, des exigences politiques comme l’aide à l’Espagne républicaine.

Là où la grève n’est pas déclenchée, dans les derniers jours de mars, les responsables syndicaux et les cellules du P.C. freinent la poussée ouvrière pour l’"élargir". Les arguments sont politiques il s’agit d’éviter un mouvement qui risque de compliquer la tâche du gouvernement. Dirigeants socialistes et communistes tiennent, à cet égard, le même langage. André Blumel dit aux responsables des amicales socialistes d’entreprise : "Si lundi (28 mars) la grève n’est pas terminée, Blum s’en va, et vous aurez Pétain" [163] ; Doury et Timbaud, dirigeants communistes des Métaux, répondent à la section d’Alsthom-Lecourbe qu’ils tiennent de Vincent Auriol que le gouvernement Blum démissionnerait si la Fédération des Métaux lançait elle-même la grève [164].

En réalité, l’élargissement rapide du mouvement après l’initiative du P.C. chez Citroën révèle l’existence d’une opposition sérieuse à la politique attentiste. Fait sans précédent, Jouhaux se fait siffler au meeting de Buffalo et l’Humanité, sous la plume de Gitton, s’en indigne [165]. Or, à partir de cette date, le ton se durcit. Gitton appelle le gouvernement à sévir contre les "provocateurs trotskystes" [166]. Le ton de l’Humanité, nettement "terroriste", ne peut pas ne pas évoquer la mise au pas des prétendus "incontrôlables" en Espagne. Le 28, un tract de la C.G.T. de Renault dénonce la "bête trotskyste" qui pousse à la grève [167], et Francis Desphelippon, responsable national des amicales socialistes, invite, dans le Populaire, les amicalistes à se faire briseurs de grève [168]. La Fédération de la Seine le dénonce par tract [169].

Le 7 avril, sous la signature de Marceau Vigny, militant du P.C. et secrétaire de la section C.G.T. Renault, l’Humanité affirme : "Les ouvriers sentent nettement la volonté du patronat d’imposer la grève chez Renault. Des milliers et des milliers de tracts signés de la IV° Internationale appelant les ouvriers à l’action sont distribués chaque jour aux portes de l’usine". Et de conclure que la section "fera le maximum pour lutter contre la démagogie fasciste" et que ses délégués ont demandé au gouvernement "de prendre les mesures nécessaires" [170]. Le soir se déroule la manifestation de soutien du gouvernement Blum contre le Sénat organisée par la Fédération de la Seine [171].

Au congrès de l’U.D. de la région parisienne, Eugène Hénaff admet que "certaines inquiétudes et une certaine impatience [...] commencent à s’exprimer dans les entreprises" [172]. Le délégué du Livre, Charbit, un ami de Monatte, est le seul à poser, au milieu des huées des congressistes, le problème du caractère et des objectifs de la grève des métallos. Le Temps écrit :

Il est nécessaire de rappeler - quitte à étonner les profanes - que les partisans officiels d’une agitation sociale telle que celle de la métallurgie sont non pas les communistes, mais leurs adversaires influencés par les trotskystes ou les éléments extrémistes des amicales socialistes [173].

Un thème s’impose dans les clameurs des adversaires de l’extension de la grève, celui de la nécessaire union contre le fascisme, de la défense nationale mise en péril par les "menées trotskystes". Quand Charbit parle de l’union des prolétaires contre la bourgeoisie, on l’interrompt en criant : "A Berlin !" [174]. L’Humanité invoque l’autorité de la Pravda pour affirmer :

Les provocateurs trotskystes jouent un rôle particulièrement vil dans les menées réactionnaires ; c’est par leur truchement que les éléments fascistes de la bourgeoisie s’efforcent d’aggraver la situation dans le pays et de semer la discorde entre partis du Front populaire [175].

Le P.S.F. fait écho en assurant de son côté : "La IV° Internationale et les socialistes extrémistes ont déclenché le mouvement [...]. C’est la paralysie de la défense nationale que l’on cherche" [176]. Ainsi prévaut, du sommet du Front populaire à sa droite, le thème de l’union sacrée que l’éditorial du Temps aura beau jeu de retourner, le 13, contre le P.C. [177], quand Marceau Vigny, à la tête de la section Renault, aura fait débrayer l’usine après avoir lutté plusieurs semaines contre la "bête trotskyste"...

Le P.C. a-t-il cherché, en déclenchant les grèves Citroën, à exercer sur le gouvernement Blum une certaine pression ? C’est possible. Mais il ne ménage pas ultérieurement ses efforts pour en empêcher l’extension. Sa sonde, maintenant comme en 36, a-t-elle atteint la "nappe de souffrance et d’espoir" et provoqué une explosion qui lui échappe ? C’est probable. Pourquoi généralise-t-il la lutte des métallos parisiens à partir du 11 avril ? Parce qu’il se sent réellement débordé, et que, le gouvernement Blum tombé, il n’a plus de raison de demeurer le "dos au mur" ? Ou ne coiffe-t-il la grève que parce que c’est l’unique moyen d’en venir à bout ? Ne termine-t-il la grève, ainsi que l’affirment les minorités révolutionnaires, que parce qu’il l’a d’abord usée, et que le moment est venu pour lui de montrer son autorité, après que Daladier lui eut donné des garanties sur la politique de "fermeté" qu’il entend mener vis-à-vis de Hitler, fermeté dont la présence de Paul Reynaud au gouvernement semble la caution ?

Le fait est que la conclusion de la grève est aussi déconcertante que l’avait été sa conduite. Pour les travailleurs de l’aviation, 0 fr.75 de l’heure et la semaine de 45 heures ; pour les autres, augmentations de 0,25 à 0,35 selon les catégories constituent un maigre "bilan" et ne justifient guère les cris de victoire de l’Humanité [178]. Dans nombre d’usines, les opposants se voient refuser la parole lors de la "discussion" sur la reprise. Ils existent pourtant : 3 à la commission exécutive de la section syndicale d’Hispano-Suiza, 5 à celle de l’usine Citroën de Clichy, 600 ouvriers dans le référendum organisé chez Gnome-Rhône (Kellermann) [179]. Mieux, ces opposants ont parfois la majorité : les C.E. des sections C.G.T. de Lavalette-Saint-Ouen, le 15 avril, à l’unanimité, d’Alsthom-Lecourbe le 22, par 22 voix contre 2 et 1 abstention, votent des résolutions sévères pour les dirigeants syndicaux à qui elles demandent des comptes, avec des accents qui prouvent que la propagande des minoritaires a été et demeure entendue dans ces entreprises [180]. Au congrès des Métaux de juillet où Galopin fera entendre la voix de la tendance "Lutte de classes", 12 sections, avec 57 mandats — un mandat représentant 50 syndiqués — se prononceront contre le rapport d’activité [181].
La crise des organisations ouvrières

Ces chiffres ne représentent en réalité, et pour un secteur limité, qu’une fraction du courant qui se détourne maintenant des directions officielles. En fait, une fois de plus, les travailleurs "votent avec leurs pieds". Comme au lendemain de la grève Goodrich, mais sur une autre échelle, des syndiqués déchirent leurs cartes. Chez les métallos, en quelques mois l’organisation syndicale perd 80.000 syndiqués [182].

Dans les partis, la crise, qui ne revêt pas les mêmes formes n’en est pas moins réelle. Et d’abord dans la S.F.I.O. La Fédération de la Seine, pendant la grève, a diffusé un tract désavouant le Populaire. Le 18 mars, elle adresse aux autres fédérations un texte intitulé : "Alerte ! Le Parti est en danger !" Le 11 avril, la Commission des conflits suspend pour trois ans Marceau Pivert, pour deux ans les autres membres du Bureau fédéral. Le 12, le Conseil fédéral de la Seine décide de maintenir dans ses fonctions le bureau suspendu. Le 13, la C.A.P. dissout la fédération de la Seine et constitue une nouvelle fédération. Les militants pivertistes occupent leurs locaux. Désormais, et malgré les réticences de beaucoup, c’est, la scission qui est mise à l’ordre du jour par les initiatives de la direction S.F.I.O. contre la Seine. Plusieurs milliers d’auditeurs se pressent aux meetings organisés par la Fédération de Pivert et Daniel Guérin lance l’idée qu’il faudra peut- être construire un "parti révolutionnaire" [183].

L’évolution de la crise socialiste est suivie avec passion dans les minorités trotskystes. La Lutte ouvrière, organe du P.O.I. élève le débat en écrivant :

Le sabotage criminel par les staliniens de la grève de la métallurgie parisienne, l’offensive social-patriote à l’intérieur de la S.F.I.O. passent au premier rang des préoccupations de l’avant-garde ouvrière que secoue une profonde crise. La crise de la S.F.I.O. est publique, et gagne de jour en jour en ampleur, secouant toutes les fédérations. Mais elle s’accompagne d’une crise, moins connue, du P.C. Des militants syndicaux, des délégués d’entreprise, secrétaires de cellules d’usine, les hommes de Juin 36, quittent par centaines le P.C. à Paris et en province [184].

Un symptôme évident de cette crise est la lettre adressée à Maurice Thorez par le député de Clichy, Honel, publiée par l’Humanité le 13 mai 1938, Honel déclare se faire l’écho des travailleurs de l’usine Citroën à Clichy avec lesquels il s’est fréquemment entretenu dans les semaines précédentes. Tout en maintenant qu’il a constaté "parmi les travailleurs une confiance absolue" dans le P.C. et en dénonçant les "agents provocateurs de fascisme, les trotskystes qui s’efforcent de nuire par tous les moyens au Front populaire", il parle du "regard interrogateur" tourné vers les dirigeants du P.C., "d’une inquiétude grandissante, d’une angoisse même". Les ouvriers, dit-il, souhaitent, de la part du Front populaire, plus de vigueur, « et ce souci de vigueur s’exprime chez certains par le désir d’aller au-delà de la formation du Front populaire par la constitution d’un "front ouvrier" ou d’un "front révolutionnaire". "Toutes ces remarques assure-t-il, traduisent incontestablement l’état d’esprit d’une notable partie de la classe ouvrière" [185]. Elles paraissent, en tout cas, suffisamment intéressantes pour que Maurice Thorez consacre à la lettre d’Honel une longue réponse.

Or les mêmes préoccupations assaillant d’autres cadres du Parti communiste dans son bastion de la métallurgie parisienne, l’usine Renault. En juillet, deux militants, membres du P.C. depuis 1934, tous deux membres de la C.E. de la section syndicale Renault, délégués .de l’atelier 126, sont exclus du P.C., accusés d’"être trotskystes et agents de Renault". On sait qu’ils ne sont que les plus connus d’un groupe de militants qui ont posé des questions sur la politique du P.C. au lendemain de l’affaire de Clichy et lors de la grève de la métallurgie. Quatorze d’entre eux ont écrit à Maurice Thorez. L’exclusion est la réponse [186].

Ce n’est pas une coïncidence si, à ce moment, les menaces se font plus précises contre les militants révolutionnaires dans les organisations syndicales. Ainsi, au congrès des Métaux tenu les 2-3 juillet, après l’intervention de Gustave Galopin l’interprète du "délégué fraternel" de l’U.G.T. espagnole affirme : "Nous avons eu aussi des Galopin en Espagne, mais notre prolétariat les a réduits au silence ; les ouvriers français feront de même avec leur Galopin." Le même jour, à une conférence régionale du Bâtiment, c’est Arrachard qui déclare : "En Espagne aussi, il y avait également des irréductibles dans les rangs. Il a fallu s’en débarrasser, à l’arrière comme à l’avant, et en France aussi nous avons affaire aux mêmes éléments. Il faudra donc aussi nettoyer notre arrière" [187]. Propos auxquels il faut accorder quelque poids si l’on se souvient qu’ils sont tenus une année après la disparition en Espagne d’Andrès Nin, Kurt Landau, Camillo Bermeri, Erwin Wolff, militants trotskystes, anarchistes, ou membres du P.O.U.M. et le mois même de l’enlèvement, en plein Paris, de Rudolf Klement, militant du secrétariat de la IV° Internationale [188].
La défaite

C’est dans les mêmes conditions que se déroulent les luttes ouvrières de l’été et de l’automne 1938 : grève des techniciens de Marseille, grève des dockers de Marseille, grève du bâtiment en septembre. On note que les grèves de novembre ont toutes un caractère de violence contre lequel se dressent les appareils syndicaux. Chez Renault, le 23 novembre, les grévistes ont occupé l’usine et se préparent à soutenir le siège. Le maire S.F.I.O. Morizet et le député communiste Costes s’efforcent de les faire évacuer : la police profite des atermoiements des grévistes pour attaquer et évacuer l’usine de force après trois heures de dures bagarres : 285 ouvriers seront condamnés pour "violences" [189].

La grève du 30 novembre n’est que le point final. Le Peuple, journal socialiste belge, commente ainsi la décision de la C.G.T. :

Devant l’ampleur croissante du mouvement gréviste, la C.G.T. a pris la décision de canaliser, discipliner et enrayer le mouvement en proclamant pour mercredi prochain une grève générale de protestation de 24 heures. Après quoi le travail sera repris dans l’ordre [190].

C’est, en effet, toutes tendances réunies que le communiqué de la C.G.T. a tenu à préciser :

Quels que soient les circonstances ou les événements, le travail devra reprendre le jeudi I° décembre au matin […]. La C.G.T. déclare que la grève se fera sans occupation d’usine, de chantier ou de bureau. Le mercredi 30 novembre, il ne sera organisé aucune manifestation et aucune réunion [191].

On sait quelle répression s’abattit sur cette grève "dans l’ordre". Nous laisserons à d’autres le soin de déterminer dans quelle mesure les préoccupations de politique extérieure l’avaient emporté chez les dirigeants sur le souci de défense ouvrière, dans quelle mesure il s’agissait plus de culbuter un gouvernement "munichois" que d’organiser une riposte ouvrière à l’offensive déclenchée au gouvernement sous la pression de Paul Reynaud, partisan de la "fermeté" à l’extérieur et de la mise au pas de la classe ouvrière.

Du point de vue qui nous intéresse, nous nous contenterons de noter qu’Alfred Costes, au procès des grévistes de Renault, de même que le comité de défense de Boulogne, feront tomber la responsabilité des bagarres de novembre sur "une poignée d’agitateurs se prétendant membres d’une IV° Internationale" [192]. A la conférence nationale du P.C. de janvier 1939, les rapports d’Henri Janin et ce Marcel Gitton donnaient une place de choix à la lutte contre la "provocation trotskyste" et à la dénonciation des "tendances malsaines" dans le parti [193].

Le véritable problème, à cette date, est ailleurs. Il est dans ce que Trotsky appelait "l’indifférence, prélude de la catastrophe". Le bulletin intérieur du P.S.O.P. écrit, en avril 1939 :

De toute part, les masses découragées quittent les organisations politiques de la classe ouvrière, Parti socialiste et Parti communiste. Seuls résistent encore les rares éléments qui continuent au travers des échecs à escompter qu’un redressement est possible, les imbéciles et les permanents [194].

Mais ceux qui partent ne rejoignent aucune organisation minoritaire : leur désillusion les détourne de toute action politique.
Révolution manquée : faillite des révolutionnaires ?

Une dernière question se pose, insoluble dans le cadre de cet article, mais qu’il serait malhonnête d’esquiver. Pourquoi les minorités révolutionnaires dont les bases, quoique minces, étaient réelles en 1936, dont les analyses se révélèrent souvent correctes au cours de cette période, n’ont-elles pu, en définitive profiter de l’élan ouvrier ?

Pour le groupe de la Révolution prolétarienne, la question est rapidement résolue. Il s’est laissé gagner, en juin, à la fois par l’illusion de la première victoire facile et par la réaction des sommets contre la tendance au débordement. Sa sensibilité à tout ce qui touche à l’"indépendance" du syndicalisme lui dicte des réactions rapides et parfois efficaces contre ce que les milieux syndicaux non-communistes appellent à l’époque la "colonisation", la mainmise du P.C. sur l’appareil syndical — et contre les tentatives de mise en condition de la classe ouvrière sous couleur d’arbitrage obligatoire. Si cette tendance demeure "syndicaliste", il lui est difficile de se réclamer du syndicalisme révolutionnaire à partir du moment au moins où, sous couleur d’efficacité, elle s’engage, notamment dans la préparation du congrès de Nantes de la C.G.T., dans un "bloc" avec la droite qu’incarne la tendance Syndicats de Belin [195].

Pas plus que les militants du groupe Monatte, ceux qui, autour de Que faire ? se sont quelque temps intitulés "communistes révolutionnaires" ne sont allés jusqu’au bout de la voie qu’ils s’étaient tracée. Ces militants qui en 1934 n’avaient pas suffisamment d’ironie pour accabler les trotskystes, qui, en 35-36, criblaient de leurs sarcasmes les membres de la Gauche révolutionnaire, les uns et les autres coupables d’entretenir désillusions sur la S.F.I.O., la rejoignent eux-mêmes en 1938. Conclusion surprenante de l’action des anciens tenants de la thèse de la "rénovation du Parti communiste". Le bilan du groupe mériterait sans doute une étude particulière : inspirés au fond par des "communistes de droite", plus proches de Boukharine que de Trotsky, les amis de Ferrat ont été conduits par les seules circonstances à rompre sur sa gauche avec le Parti communiste. Ils trouvent "sommaire" le courant gauchiste de base qui semble se diriger vers eux au cours de l’été 1936, et dont ils refusent, en définitive, de prendre la tête. C’est que la situation internationale, la nécessité d’une lutte efficace contre Hitler leur posent des problèmes dont ils ne trouvent pas la solution dans les textes qui leur servent de références ; ils répudient ce qu’ils considèrent comme un "antimilitarisme primaire", et surtout le "pacifisme", vigoureux dans bien des groupes hostiles à l’union sacrée, notamment autour de Marceau Pivert. Ainsi, exclu du P.C. pour avoir refusé l’union sacrée en 36, Ferrat se retrouvera-t-il au Parti socialiste près de Zyromski en qui la Gauche révolutionnaire avait précisément dénoncé le chantre de l’union sacrée nouvelle manière "antifasciste" [196]. A cette date, il y a longtemps que l’opposition de Que faire ? ne représente plus rien par rapport au Parti communiste.

La Gauche révolutionnaire demeure comme courant et comme organisation jusqu’à la guerre. A partir d’août 38, avec la création du Parti socialiste ouvrier et paysan, elle constitue même le "foyer de regroupement révolutionnaire" que les trotskystes cherchaient ou voulaient créer depuis 1934. Avec l’entrée individuelle, à partir de 1938, des militants des organisations trotskystes, avec l’adhésion individuelle de quelques dizaines d’anciens militants du P.C., elle sera, pendant quelques mois la possibilité vivante de voir naître ce "parti révolutionnaire" qui avait fait défaut aux révolutionnaires. On peut pourtant penser que la scission venait trop tard [197]. Certes, la conférence de fondation du P.S.O.P., en se refusant à suivre Marceau Pivert dans la voie de l’adhésion au Front populaire moribond, montre qu’elle n’a pas les mêmes illusions que son chef de file [198]. Mais à la fin de 1938 il n’y a plus, dans la classe ouvrière, l’élan qui aurait pu répondre en 1936 aux appels à l’"action directe" que lancent maintenant, après deux ans de cruelles désillusions et de bureaucratisation effective du mouvement syndical, les militants du nouveau parti. Avec l’affaissement de la combativité ouvrière, les facteurs de désagrégation interne prennent rapidement le dessus : à la déclaration de guerre, le P.S.O.P. est — littéralement — décomposé [199]. Ses "chances" s’étaient peut-être appelées "mai 36" ou "mars 37". Sa longue hésitation à naître l’avait privé de ses forces vives.

Reste à expliquer l’échec des trotskystes, non seulement leur incapacité à prendre la direction d’une fraction importante de la classe ouvrière, mais même à constituer une sérieuse force d’intervention dans les luttes ouvrières. Nous négligerons les reproches de ceux qui incriminent le "sectarisme" de Trotsky : aucun de ces critiques n’a de bilan plus positif à présenter. Nous retiendrons plus volontiers leurs divisions : à partir d’août 36, la scission est à nouveau consommée et le P.O.I. avec La Lutte ouvrière s’oppose au P.C.I. qui publie la Commune. Ni l’un ni l’autre ne parviendront à gagner dans la période 36-38 la moitié du nombre de jeunes que le groupe uni avait gagnés en 34-35 et qu’ils n’ont pas su garder. La préhistoire du trotskysme explique aussi leur faiblesse, sa lutte contre le courant, leur composition sociale, le fait qu’ils soient formés en 1936 de tout jeunes gens, à l’écart des usines et du mouvement ouvrier réel, sans base dans les syndicats et dans les entreprises, même s’ils réussissent, au prix de durs efforts, à s’assurer des "liaisons". La presse trotskyste, avec ses petits hebdomadaires, permet pourtant aujourd’hui de retrouver la trace du courant spontané de la classe et de son conflit avec les appareils et le Front populaire. On peut, bien sûr, relever de monumentales erreurs d’appréciation comme l’appel de la Commune à constituer des soviets au lendemain du 30 novembre 1938 [200], une sous-estimation générale du travail dans les syndicats à l’exception de l’action des militants du P.O.I. dans la Fédération des Techniciens [201]. Ce sont là, en définitive, causes secondaires. L’échec des trotskystes s’explique déjà par leur état lamentable à la suite de la scission de 1935, leur disparition presque totale à la veille des grands combats de classe de 1936, et par l’isolement dans lequel les laissent, de 36 à 38, l’évolution et les choix des oppositions socialistes et communiste. Il s’explique surtout par le mouvement général de la période : la confiance dans le Front populaire a coïncidé avec l’élan des masses, la désillusion avec l’apathie. "Hors du coup" en 1936, ils n’ont pu mordre sur ceux qui se détournaient du Front populaire parce que les défaites les accablaient. Leur apparition dans les usines coïncide la période du découragement et du repli sur eux-mêmes des travailleurs, arrêt de mort des minorités qui comptaient sur un débordement [202].

C’est seulement sur le plan syndical que l’on assiste à un regroupement partiel des efforts des militants révolutionnaires. En janvier 1937, à l’initiative de Gustave Galopin et d’autres anciens du P.C., se crée le "Cercle syndicaliste Lutte de classes", autour d’un noyau de métallurgistes. Le manifeste du cercle, "contre le réformisme et le nouveau réformisme dans le mouvement syndical, le chauvinisme et la nouvelle union sacrée", revendique "en application du principe de la démocratie syndicale, la liberté d’expression des minorités dans les assemblées syndicales régulières, le droit de représentation des minorités syndicales dans les organismes dirigeants du mouvement syndical de la base au sommet" [203]. Il s’allie à la minorité révolutionnaire de l’enseignement, la tendance École émancipée [204], et s’appuie, dans de nombreuses entreprises, sur les militants de la jeune Fédération des Techniciens C.G.T., la seule à maintenir, entre 1936 et 1939, une orientation "lutte de classes".

Le Cercle Lutte de Classes est un véritable front unique des minorités révolutionnaires sur le plan syndical : les militants du P.O.I. et du P.C.I., ceux du groupe « Que faire ?" [205], peu nombreux, il est vrai, les militants de la Gauche révolutionnaire, y côtoient les anciens de la Fédération unitaire de l’Enseignement, les "anarcho-syndicalistes" du bâtiment et de la métallurgie, les militants révolutionnaires appartenant à de petits groupes ou sans affiliation et, surtout chez les métallos, les anciens du P.C. demeurés fidèles à l’ancienne ligne révolutionnaire et décidés, comme Gustave Galopin, à préserver leur "indépendance" pour mieux unir dans le travail syndical les minorités divisées. Les divergences ne sont pas esquivées : les discussions sont vives sur des problèmes comme l’"indépendance du syndicalisme", le "front unique avec des organisations politiques", ou la formation de "comités d’usine hors de la C.G.T." [206]. L’influence du cercle grandit cependant. A partir de janvier 1938, il publie un bi-mensuel, le Réveil syndicaliste, se démultiplie sous la forme de cercles locaux, régionaux, d’industrie, d’entreprise, dans la plupart des centres ouvriers, dans toutes les grandes entreprises de la région parisienne. Ses militants sont présents et actifs dans la grève de la métallurgie parisienne d’avril 1938, dans tous les congrès de la Fédération des Métaux. Les "cercles" seront dénoncés comme un "camouflage" des "trotskystes", "calomniant et injuriant les militants ouvriers", à la conférence nationale du P.C. de janvier 1939 [207].

Au congrès de Nantes de la C.G.T., c’est Gilbert Serret, ancien secrétaire général de la Fédération unitaire de l’Enseignement, militant de l’École émancipée, délégué de la IXe région, qui fera entendre la voix du "Cercle syndicaliste Lutte de classes" et de l’opposition révolutionnaire. Aucun témoin, quoi qu’il en ait pensé à l’époque, n’a oublié aujourd’hui l’intervention de ce petit homme à la voix de stentor dominant un invraisemblable chahut organisé pour proclamer que les travailleurs ne voulaient plus être les "Sénégalais de Staline, le Dieu-Soleil", et dresser cet impitoyable bilan :

Le Front populaire, formidable escroquerie sociale, n’a non seulement en fait rien su réaliser de ce qu’il avait promis, mais encore il est parvenu à. faire accepter à la classe laborieuse ce qu’elle n’aurait jamais accepté d’un gouvernement réactionnaire [208].

Il était doublement significatif que ce fût cette voix-là qui s’élevât au nom des révolutionnaires, pour la dernière fois, dans les assises nationales de l’organisation syndicale. D’abord parce que Gilbert Serret représentait l’unique noyau syndical — issu de la C.G.T.U. --- qui avait pu, des années durant, et au prix d’une lutte acharnée, se maintenir aussi bien contre les amis de Jouhaux que ceux de Frachon. Ensuite, parce que Serret et ses camarades, raidis dans leur lutte défensive, ne s’étaient jamais décidés à faire le "grand saut" [209] qui aurait consisté à se consacrer à la création de l’organisation politique sans laquelle les efforts des révolutionnaires sur le plan syndical étaient voués à l’échec : en définitive, pendant les années du Front populaire, ils n’avaient pas avancé d’un pas. La guerre menaçait désormais, qui allait les précipiter tous, pèle-mêle, dans la défaite, réformistes et révolutionnaires, orthodoxes et oppositionnels, staliniens et trotskystes, syndicalistes et libertaires...

Notes

[143] D. Guérin, op. cit. p. 191.

[144] Les compte-rendus particulièrement détaillés parus dans la Lutte ouvrière et dans la Commune suggèrent des liaisons entre ces journaux et des membres du comité de grève. Bourlet s’excuse par écrit de ne pouvoir participer à une réunion sur la grève organisée par le P.O.l. avec David Rousset comme orateur. Deux membres du comité de grève sont présents et participent à la discussion. (La Lutte ouvrière, 6 janvier 1938).

[145] Nous indiquerons au passage les divergences entre les informations de l’Humanité et celles de la Lutte ouvrière (6 janvier 1938), la Commune (14 janvier 1938) et le Réveil syndicaliste (15 janvier I938).

[146] L’Humanité, 25 décembre 1938.

[147] L’Humanité du 26 décembre se contente d’écrire que "l’ensemble des ouvriers accepte la proposition" d’évacuation faite par Finck, délégué du syndicat des Produits chimiques. Dans l’Humanité du 27 décembre, Varloteau, secrétaire de l’U.S.O.R.P. admet que si les ouvriers ont décidé d’évacuer, "ce ne fut pas de gaieté de cœur".

[148] L’Humanité, 6 janvier 1938.

[149] L’Humanité est d’une remarquable discrétion sur les oppositions qui se sont manifestées. Le 8 janvier, elle note, rendant compte de l’assemblée : "Charpentier explique son vote et celui des camarades qui se sont abstenus : l’opinion des organisations syndicales et de la C.G.T. sur la sentence et ensuite leur désir de ne pas généraliser le mouvement" (sans préciser que Charpentier et ses camarades sont contre l’acceptation de la -sentence- et pour la généralisation du mouvement, mais qu’ils jugent impossible de poursuivre du fait de la position adoptée par la C.G.T., car les ouvriers de Goodrich seraient alors isolés...) Le 9, elle écrit simplement : "Bourlet, délégué ouvrier, intervient contre la reprise du travail. Charpentier, délégué ouvrier, s’abstient."

[150] L’Humanité n’indique pas le chiffre même probable des abstentions qui est indiqué par la Commune.

[151] Lefranc, op. cit., p. 264.

[152] L’Humanité, 29 septembre 1937.

[153] L’Humanité, 7 octobre 1937.

[154] L’Humanité, 30 décembre 1937.

[155] Le Populaire, 29 décembre 1937.

[156] Le Réveil syndicaliste, 15 janvier 1938, dans l’éditorial, sous titre : "Les briseurs de grèves", accuse Lucien Sampaix, rédacteur à l’Humanité, d’avoir traité, de "provocateur" le délégué des clicheurs qui protestait contre l’enlèvement des journaux.

[157] L’Humanité, 3 janvier 1938.

[158] L’Humanité, 31 décembre 1937.

[159] Lefranc, op. cit., p. 267.

[160] D. Guérin, op. cit., p. 196. La Bataille socialiste de Zyromski avait voté contre la participation, avec les amis de Pivert.

[161] La Bataille socialiste s’étant ralliée, le conseil national donna le mandat à Blum par 6575 voix contre 1684. L’appel de Blum aux groupe parlementaires de la droite est reproduit dans Lefranc, op. cit., annexe 2, p. 470-476.

[162] L’Humanité, 25 mars 1938.

[163] D. Guérin, "Nous, les pestiférés", Juin 36, 1° mai 1938.

[164] Le Réveil syndicaliste, 25 avril 1938.

[165] L’Humanité, 27 mars 1938.

[166] L’Humanité, 29 mars 1938.

[167] Cité par D. Guérin, op. cit., p. 193.

[168] Le Populaire, 28 mars 1938.

[169] L’Humanité, 6 avril 1938.

[170] L’Humanité, 7 avril 1938.

[171] Récit dans le livre de D. Guérin, op. cit., p. 199. Texte de l’appel ibidem, annexe III, p. 307-308.

[172] La Lutte ouvrière, 14 avril 1938.

[173] Le Temps, 10 avril 1938.

[174] La Lutte ouvrière, 14 avril 1938.

[175] L’Humanité, 9 avril 1938.

[176] Placard dans le Petit Journal, 12 avril 1938.

[177] Éditorial intitulé "L’agitation sociale".

[178] Notamment l’article de Doury, dirigeant du syndicat des métallurgistes, dans l’Humanité, 15 avril 1938.

[179] Le Réveil syndicaliste, 25 avril 1938.

[180] Le Réveil syndicaliste, 9 mai 1938, publie le texte de ces résolutions.

[181] Le Réveil syndicaliste, 18 juillet 1938, publie un compte rendu du congrès et les interventions de Galopin et des autres délégués minoritaires.

[182] A. Prost, La C.G.T. à l’époque du Front populaire, p. 45.

[183] D. Guérin, op. cit. p. 207-212.

[184] La Lutte ouvrière, 12 mai 1938.

[185] "Lettre de Maurice Honel, député de Clichy-Levallois à Maurice Thorez", l’Humanité, 13 mai 1938.

[186] La Lutte ouvrière, 8 juillet 1938, sous le titre "Petit Guépéou chez Renault : trois ouvriers communistes victimes de la répression staliniste", cite l’Étincelle, journal de la section du P.C. de Renault et des déclarations de Renault. La Lutte ouvrière du 5 août annonce que les ouvriers des ateliers 86 et 87 ont réélu deux des exclus comme délégués, contre des candidats soutenus. par le P.C.

[187] Le Réveil syndicaliste, 18 juillet 1938. C’est à peu près vers cette date que furent découvertes les "listes noires" mises en circulation par le Parti communiste et donnant des signalements de type policier de militants révolutionnaires.

[188] P. Broué et E. Témime, la Révolution et la guerre d’Espagne, p. 275-278.

[189] La Commune, n° 256, décembre 1938, publie un récit des bagarre chez Renault. Le rôle de Morizet et Costes prêchant l’évacuation dans le calme au moment où la police lance l’assaut est confirmé — quoique différemment interprété par Pierre Mars, "La France contre les décrets lois" (La Propagande populaire, mensuel, n° 26, déc. 38, édité 44, rue le Peletier, p. 7).

[190] Le Peuple, 28 novembre 1938.

[191] L’Humanité, 26 novembre 1938.

[192] L’Humanité, 5 mars 1939.

[193] Rapport de Janin dans l’Humanité du 23 janvier 1939, et rapport de Gitton dans l’Humanité du 24 janvier 1939.

[194] Bulletin intérieur du P.S.O.P., n° 3, début 1939, p. 7.

[195] Voir notamment les. articles de M. Chambelland dans la Révolution prolétarienne à la veille et après le congrès de Nantes de la C.G.T.

[196] Nous remercions ici A. Ferrat qui a bien voulu nous recevoir le 6 mai 1965 et répondre à nos questions. Nous gardons, bien entendu, l’entière responsabilités de nos interprétations.

[197] On peut noter que les dirigeants de la Gauche révolutionnaire même en 1938, ne voulaient pas cette scission qui leur fut imposé par la direction de la S.F.I.O. Cf. l’éditorial intitulé "Rupture" de Lucien Hérard, Juin 36 du 17 juin 1938 : "Nous avons tout fait pour que le Congrès de Royan ne nous contraignit pas au départ..."

[198] Juin 36, 22 juillet 1938. La conférence nationale repousse la proposition Pivert par 100 mandats contre 83 et 11 abstentions.

[199] D. Guérin, op. cit. p. 294-295.

[200] La Commune, n° 256, décembre 1938.

[201] Bardin et Tissot animaient la tendance "lutte de classes" de cette fédération.

[202] Voir à ce sujet les remarques de Trotsky (Crux) à C.L.R. James en avril 1939. (Archives de Trotsky, Harvard, Houghton Library, T 4560.)

[203] Tract reproduit entre autres dans la Commune du 5 février 1937. Autour de Galopin, on pouvait relever, parmi les signataires du manifeste, les noms de Colette Audry et Michel Collinet, de l’enseignement, Jean Bernier, le métallo Bott, vétéran du Comité pour la III° Internationale, et le métallo Guyard, qui avait été en septembre-octobre 36, l’un des animateurs du comité de grève de Sautter-Harlé.

[204] Compte rendu de la conférence des minorités syndicalistes révolutionnaires de, la C.G.T., le 5 juin 1938, sous la présidence de Louis Bouët dans la Lutte ouvrière, 23 juin 1938. On note la présence de Treint.

[205] Ils s’en iront assez vite, mécontents des initiatives de l’aile "pacifiste", laissant cependant des militants comme Guilloré.

[206] Voir notamment le compte rendu de la conférence nationale de cercles du 25 décembre 1938 dans le Réveil syndicaliste, 2 janvier 1939, et plus en détail, dans la Lutte ouvrière, 13 janvier 1939.

[207] Rapport de Janin dans l’Humanité, 23 janvier 1939.

[208] La Lutte ouvrière, 25 novembre 1938.

[209] Trotsky le leur reprochera sur tous les tons, en public et en privé.

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