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Le front populaire en France n’a pas combattu contre la montée fasciste

vendredi 31 mai 2024, par Robert Paris

Le front populaire de 1936 en France est né soi-disant pour barrer la route au fascisme mais, une fois au gouvernement, il n’a rien fait de sérieux contre lui et a fini par lui servir de marche-pied…

L’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933 en Allemagne puis le mouvement fasciste en France en 1934 mettent en branle toute la classe ouvrière et les milieux populaires.

https://www.retronews.fr/politique/bonne-feuille/2018/06/15/les-journees-ouvrieres-de-1934-les-premisses-du-front-populaire

Le fossé entre la prétention et l’engagement du Front populaire de démolir le fascisme en France et la réalité de l’inaction fondamentale de son gouvernement face au fascisme.

L’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933 en Allemagne puis le mouvement fasciste en France en 1934 mettent en branle toute la classe ouvrière et les milieux populaires.

Daniel Guérin conclut sa chronique du Populaire par un avertissement à ses lecteurs français : la peste brune n’est pas une affaire de « boches », mais une idéologie et un système international : « Si nous ne pénétrons pas jusqu’au fond de ses redoutables doctrines, si nous n’apprenons pas à lui répondre, nous subirons le sort des Italiens et des Allemands25. » Quelques rapports de police, comme à Lens (Pas-de-Calais) indiquent que « la classe ouvrière suit avec la plus vive attention et non sans inquiétude la politique du gouvernement Hitler » : « Au cours du meeting tenu le premier mai, quelques orateurs, inquiets de l’anéantissement du socialisme et du syndicalisme en Allemagne, demandèrent à l’orateur confédéré si le même sort ne leur était pas réservé un jour en France ; il leur fut répondu que le régime fasciste ne pourrait s’implanter dans notre pays. » Mais, de manière plus générale, l’ensemble des rapports préfectoraux insistent sur « l’émoi » (février 1933, Doubs), la « préoccupation » (mars 1933, Drôme), « l’attention » (avril 1933, Finistère) que suscite la situation en Allemagne. Aux deux extrémités du pays, dans deux départements aussi rural pour le premier que le second est urbanisé, le rapport du préfet de Dordogne fait écho à celui du commissaire de Feignies (Pas-de-Calais) :

« Ce sont toujours les événements qui se déroulent en Allemagne qui retiennent toute l’attention du public et l’on peut dire que tout ce qui s’y passe est aussitôt commenté par tout le monde… L’incendie du Reichstag est mis sur le compte des nazis qui ont profité de cette catastrophe pour sévir contre les républicains, les socialistes et les communistes. Bien que la population s’attende à tout de la part d’Hitler et de ses troupes d’assaut, les arrestations en masse ont provoqué un mouvement d’indignation à l’égard des dirigeants du Reich »
écrit le premier le 4 avril, alors que le second constate le 31 mai :
« Pendant le mois écoulé, l’attention du public a été plus particulièrement retenue par les événements de politique extérieure et principalement par ceux qui se déroulèrent en Allemagne. Les manifestations tapageuses de ces derniers mois auxquelles la majorité de ce peuple exalté a pris part, n’ont pas manqué de laisser une profonde impression et le récent discours du chancelier Hitler a été très commenté. »
Dans la presse des partis de gauche, particulièrement à l’échelle locale, plus sensible aux aspirations et inquiétudes des militants, plusieurs articles vont dans le même sens. Un éditorial du Travailleur de l’Ain, hebdomadaire socialiste, souligne ainsi que « depuis l’avènement de Hitler, l’hypnose du fascisme se répand dans tous les esprits, surtout en France ». « Les fascismes varient : raciste, brutal, à base socialiste en Allemagne. Corporatif, plus modéré, réactionnaire économiquement, antisocialiste en Italie. Le cachet fasciste porte des initiales différentes. » En France, où « le dégoût de l’hitlérisme a imprégné tous les cœurs », l’impuissance gouvernementale, l’hostilité envers les fonctionnaires, le désarroi des esprits font peser le risque d’une « dictature pacifique ». Le Travailleur alpin, hebdomadaire communiste de la région de Grenoble, publie en décembre 1933 une « Lettre ouverte et anonyme à Paul Faure et Maurice Thorez » signée « d’un de ces nombreux prolos qui ne veulent pas être fascistes ». L’auteur en appelle à l’unité devant la menace d’un fascisme qui vient « soit à faisceaux découverts, soit – et c’est bien pire – enveloppé dans le néo-socialisme ».

https://books.openedition.org/pur/103880?lang=fr

L’aggravation de la lutte de classes et surtout l’entrée en scène des bandes armées de la réaction n’ont pas moins profondément révolutionné les organisations ouvrières. Le parti socialiste, qui jouait paisiblement le rôle de la cinquième roue du carrosse dans la III° République, s’est vu contraint de répudier à moitié ses traditions cartellistes et même de rompre avec son aile droite (néos). Dans le même temps, les communistes accomplissaient l’évolution inverse, mais sur une échelle infiniment plus vaste. Pendant des années ces messieurs avaient rêvé de barricades, de conquête de la rue, etc. (ce rêve, il est vrai ; avait surtout un caractère littéraire). Après le 6 février, comprenant que l’affaire était sérieuse, les partisans des barricades se jetèrent à droite. Le réflexe spontané de ces phraseurs apeurés coïncidait d’une façon frappante avec la nouvelle orientation de la diplomatie soviétique.

Devant le danger que représente l’Allemagne hitlérienne, le Kremlin se tourna vers la France. Statu quo dans les rapports internationaux ! Statu quo dans le régime intérieur de la France ! Espoirs de révolution socialiste ? Chimères ! Les milieux dirigeants du Kremlin ne parlent qu’avec mépris du communisme français. Il faut donc garder ce qui existe pour ne pas risquer d’avoir pire. La démocratie parlementaire en France ne se concevant pas sans les radicaux, faisons en sorte que les socialistes les soutiennent ; ordonnons aux communistes de ne pas gêner le bloc Blum-Herriot ; s’il est possible, faisons-les entrer eux-mêmes dans ce bloc. Ni secousses, ni menaces ! Telle est l’orientation du Kremlin.

Quand Staline répudie la révolution mondiale, les partis bourgeois français ne veulent pas le croire. Ils ont bien tort ! En politique, une confiance aveugle n’est évidemment pas une vertu supérieure. Mais une méfiance aveugle ne vaut guère mieux. Il faut savoir confronter les paroles avec les actes et discerner la tendance générale de l’évolution pour plusieurs années. La politique de Staline, qui est déterminée par les intérêts de la bureaucratie soviétique privilégiée, est devenue foncièrement conservatrice. La bourgeoisie française a tout lieu de faire confiance à Staline. Le prolétariat français a les mêmes raisons de se méfier.

Au congrès d’unité de Toulouse [2] , le "communiste" Racamond a donné de la politique du Front populaire une formule digne de passer à la postérité : "Comment vaincre la timidité du parti radical ?" Comment vaincre la peur qu’a la bourgeoisie du prolétariat ? Très simplement : les farouches révolutionnaires doivent jeter le couteau qu’ils serraient entre leurs dents, se pommader les cheveux et arborer le sourire de la plus charmante des odalisques ; Vaillant-Couturier dernière manière en sera le prototype. Sous la pression des "communistes" pommadés, que de toutes leurs forces poussaient à droite les socialistes en train d’évoluer vers la gauche, Blum a dû changer une fois de plus de cap. Il le fit, heureusement, dans le sens habituel. Ainsi se constitua le Front populaire : compagnie d’assurance de banqueroutiers radicaux aux frais du capital des organisations ouvrières.

Le radicalisme est inséparable de la franc-maçonnerie. C’est tout dire. Lors des débats qui eurent lieu à la Chambre des députés sur les Ligues, M. Xavier-Vallat rappela que Trotsky avait, à une époque, "interdit" aux communistes d’adhérer aux loges maçonniques. M. Jammy Schmidt, qui est, paraît-il, une autorité en la matière, s’empressa d’expliquer cette interdiction par l’incompatibilité du bolchevisme despotique avec l’"esprit de liberté". Nous ne voyons pas la nécessité de polémiquer sur ce thème avec le député radical. Mais aujourd’hui encore nous estimons que le représentant ouvrier qui va chercher son inspiration ou sa consolation dans la fade religion maçonnique de la collaboration des classes ne mérite pas la moindre confiance. Ce n’est pas par hasard si le Cartel s’est accompagné d’une large participation des socialistes aux loges maçonniques. Mais le temps est venu pour les communistes repentis d’en faire autant. Au demeurant, ces nouveaux initiés n’en seront que plus à l’aise, en tablier, pour servir les vieux patrons du Cartel.

Le Front populaire, nous dit-on non sans indignation, n’est nullement un cartel, mais un mouvement de masse. Les définitions pompeuses ne manquent pas, certes, mais elles ne changent rien aux choses. Le but du Cartel a toujours été de freiner le mouvement de masse en l’orientant vers la collaboration de classe. Le Front populaire a exactement le même but. La différence entre eux-et elle est de taille-, c’est que le Cartel traditionnel a vu le jour au cours des époques de stabilité et de calme du régime parlementaire. Aujourd’hui que les masses sont impatientes et prêtes à exploser, il est nécessaire de disposer d’un frein plus solide, avec la participation des "communistes". Les meetings communs, les cortèges à grand spectacle, les serments, le mariage du drapeau de la Commune avec le drapeau de Versailles, le tintamarre, la démagogie, tout cela n’a qu’un but : contenir et démoraliser le mouvement de masse.

Pour se justifier devant les droites, Sarraut a déclaré à la Chambre que ses inoffensives concessions au Front populaire ne constituent rien de plus que la soupape de sûreté du régime. Cette franchise aurait pu paraître imprudente. Mais l’extrême-gauche la couvrit d’applaudissements. Sarraut n’avait donc aucune raison de se gêner. De toute façon, il a réussi à donner, peut-être sans le vouloir, une définition du Front populaire : une soupape de sûreté contre le mouvement de masse. En général, M. Sarraut a la main heureuse pour les aphorismes !

La politique extérieure est la continuation de la politique intérieure. Ayant complètement abandonné le point de vue du prolétariat, Blum, Cachin et Cie adoptent-sous le masque de la "sécurité collective" et du "droit international"-le point de vue de l’impérialisme national. Ils nous préparent la même politique d’abdication qu’ils ont suivie de 1914 à 1918 en y ajoutant seulement : "pour la défense de l’U.R.S.S.". Quand, de 1918 à 1923, la diplomatie soviétique s’est fréquemment vue obligée de louvoyer et de passer des accords, il ne vint jamais à l’esprit d’une seule section de l’Internationale communiste qu’elle pourrait faire bloc avec sa bourgeoisie ! A elle seule, cette chose n’est-elle pas une preuve suffisante de la sincérité de Staline quand il répudie la révolution mondiale ?

Pour les mêmes motifs qui poussent les chefs actuels de l’Internationale communiste à se coller aux mamelles de la "démocratie" dans la période de son agonie, ils découvrent le radieux visage de la Société des Nations alors que la parcourt déjà le hoquet de la mort. Ainsi s’est crée une plate-forme de politique extérieure commune entre les radicaux et l’Union soviétique. Le programme intérieur du Front populaire est un assemblage de lieux communs qui permettent une interprétation aussi libre que le Covenant de Genève. Le sens général du programme est celui-ci : pas de changement. Or, les masses veulent du changement et c’est en cela que réside le fond de la crise politique.

En désarmant politiquement le prolétariat, les Blum, Paul Faure, Cachin, Thorez tiennent surtout à ce qu’il ne s arme pas physiquement. La propagande de ces messieurs ne se différencie pas des sermons religieux sur la supériorité des principes moraux. Engels qui enseignait que la possession du pouvoir d’Etat est une question de bandes armées, Marx qui regardait l’insurrection comme un art, apparaissent aux députés, aux sénateurs et maires actuels du Front populaire comme des sauvages du Moyen-Age. Le Populaire passe pour la centième fois un dessin représentant un ouvrier désarmé avec cette légende : "Vous comprendrez que nos poings nus sont plus solides que toutes vos matraques." Quel splendide mépris pour la technique militaire ! A cet égard, le Négus lui-même a des vues plus avancées. Pour ces gens, les coups d’Etat en Italie, en Allemagne, en Autriche n’existent pas. Cesseront-ils de vanter les "poings nus", quand La Rocque leur passera les menottes ? Par moment, on en arrive presque à regretter de ne pouvoir faire subir cette expérience à messieurs les chefs, sans que les masses aient à en souffrir.

Vu sous l’angle du régime bourgeois, le Front populaire est un épisode de la rivalité entre le radicalisme et le fascisme pour gagner l’attention et les faveurs du grand capital. En fraternisant d’une façon théâtrale avec les socialistes et les communistes, les radicaux veulent montrer au patron que le régime n’est pas aussi malade que les droites le prétendent ; que le danger de révolution est exagéré ; que Vaillant-Couturier lui-même a troqué son couteau contre un collier ; que par les "révolutionnaires" apprivoisés on peut dissiper les masses ouvrières et, par conséquent, sauver le système parlementaire de la faillite.

Tous les radicaux ne croient pas à cette manoeuvre ; les plus sérieux et les plus influents, Herriot en tête, préfèrent adopter une attitude d’attente. Mais en fin de compte eux-mêmes ne peuvent pas proposer autre chose. La crise du parlementarisme est avant tout une crise de confiance de l’électeur à l’égard du radicalisme.

Tant qu’on n’aura pas découvert le moyen de rajeunir le capitalisme il n’existera pas de recette pour sauver le parti radical. Celui-ci n’a le choix qu’entre différents genres de mort politique. Un succès relatif aux prochaines élections n’empêcherait pas et même ne retarderait pas bien longtemps son effondrement.

Les chefs du parti socialiste, les politiciens les plus insouciants de France, ne s’embarrassent pas de la sociologie du front populaire : personne ne peut rien tirer d’intéressant des interminables monologues de Léon Blum. Quant aux communistes, qui sont extrêmement fiers d’avoir pris l’initiative de la collaboration avec la bourgeoisie, ils présentent le Front populaire comme l’alliance du prolétariat avec les classes moyennes. Quelle parodie du marxisme ! Non, le parti radical n’est pas le parti de la petite bourgeoisie Il n’est pas davantage un "bloc de la moyenne et de la petite bourgeoisie", selon la définition absurde de la Pravda. Non seulement la moyenne bourgeoisie exploite la petite bourgeoisie sur le plan économique comme sur le plan politique, mais elle est elle-même une agence du capital financier. Désigner, sous le terme neutre de "bloc", des rapports politiques hiérarchiques fondés sur l’exploitation, c’est se moquer de la réalité. Un cavalier n’est pas un bloc homme-cheval. Si le parti Herriot-Daladier a des racines dans les masses petites-bourgeoises et, dans une certaine mesure, jusque dans les milieux ouvriers, c’est uniquement pour les duper dans l’intérêt du régime capitaliste. Les radicaux sont le parti démocratique de l’impérialisme français. Toute autre définition est un leurre.

La crise du système capitaliste désarme les radicaux en leur enlevant les moyens traditionnels qui leur permettaient d’endormir la petite bourgeoisie. Les classes moyennes commencent à sentir, sinon à comprendre, qu’on ne sauvera pas la situation par de misérables réformes et qu’une refonte hardie du régime actuel est devenue nécessaire. Mais radicalisme et hardiesse vont ensemble comme l’eau et le feu. Le fascisme se nourrit avant tout de la méfiance croissante de la petite bourgeoisie à l’égard du radicalisme. On peut dire sans exagérer que le sort de la politique de la France ne tardera pas à se décider dans une large mesure selon la manière dont sera liquidé le radicalisme et selon que ce sera le fascisme ou le parti du prolétariat qui prendra sa succession, c’est-à-dire qui héritera de son influence sur les masses petites-bourgeoises.

Un principe élémentaire de la stratégie marxiste est que l’alliance du prolétariat avec les petites gens des villes et des campagnes doit se réaliser uniquement dans la lutte irréductible contre la représentation parlementaire traditionnelle de la petite-bourgeoisie. Pour gagner le paysan à l’ouvrier, il faut le détacher du politicien radical qui l’asservit au capital financier. Contrairement à cela, le Front populaire, complot de la bureaucratie ouvrière avec les pires exploiteurs politiques des classes moyennes, est tout simplement capable de tuer la foi des masses dans les méthodes révolutionnaires et de les jeter dans les bras de la contre-révolution fasciste.

Aussi invraisemblable que cela paraisse, quelques cyniques essayent de justifier la politique du Front populaire en se référant à Lénine, qui, paraît-il, a démontré qu’on ne pouvait pas se passer de "compromis" et notamment d’accords avec d’autres partis. Pour les chefs de l’Internationale communiste d’aujourd’hui, outrager Lénine est devenu une règle ; ils piétinent la doctrine du fondateur du parti bolchevique et vont ensuite s’incliner a Moscou devant son mausolée.

Lénine a commencé sa tâche dans la Russie tsariste, où non seulement les ouvriers, les paysans, les intellectuels, mais de larges milieux bourgeois combattaient l’ancien régime. Si, d’une façon générale, la politique du Front populaire avait pu avoir sa justification, il semblerait que ce fût avant tout dans un pays qui n’avait pas encore fait sa révolution bourgeoise. Messieurs les falsificateurs feraient bien d’indiquer dans quelle phase, à quel moment et dans quelles circonstances le parti bolchevique a réalisé en Russie un semblant de Front populaire ? Qu’ils fassent travailler leurs méninges et fouillent dans les documents historiques !

Les bolcheviks ont passé des accords d’ordre pratique avec les organisations révolutionnaires petites-bourgeoises pour le transport clandestin en commun des écrits révolutionnaires, parfois pour l’organisation en commun d’une manifestation dans la rue ou pour riposter aux bandes de pogromistes. Lors des élections à la Douma, ils ont eu recours, dans certaines circonstances et au deuxième degré [3] , à des blocs électoraux avec les menchéviks ou avec les socialistes révolutionnaires. C’est tout. Ni "programmes" communs ni organismes permanents, ni renoncement à critiquer les alliés du moment. Ce genre d’accords et de compromis épisodiques, strictement limités à des buts précis-Lénine n’avait en vue que ceux-là-n’avait rien de commun avec le Front populaire, qui représente un conglomérat d’organisations hétérogènes, une alliance durable de classes différentes liées pour toute une période-et quelle période !-par une politique et un programme communs-une politique de parade, de déclamation et de poudre aux yeux. A la première épreuve sérieuse, le Front populaire se brisera et toutes ses parties constitutives en sortiront avec de profondes lézardes.

La politique du Front populaire est une politique de trahison.

La règle du bolchevisme en ce qui concerne les blocs était la suivante : Marcher séparément, vaincre ensemble ! La règle des chefs de l’Internationale communiste aujourd’hui est devenue : Marcher ensemble pour être battus séparément. Que ces messieurs se cramponnent à Staline et à Dimitrov, mais qu’ils s’arrangent pour laisser Lénine en paix.

Il est impossible de ne pas s’indigner quand un lit les déclarations de chefs vantards qui prétendent que le Front populaire a "sauvé" la France du fascisme ; en réalité, cela veut tout simplement dire que nos héros affolés se sont épargnés par leurs encouragements mutuels une frayeur plus grande encore. Pour combien de temps ? Entre le premier soulèvement de Hitler et son arrivée au pouvoir, il s’est écoulé dix années, marquées par des alternances de flux et de reflux. A l’époque, les Blum et les Cachin allemands ont maintes fois proclame leur "victoire" sur le national-socialisme. Nous ne les avons pas crus et nous n’avons pas eu tort. Néanmoins, cette expérience n’a rien appris aux cousins français de Wels et de Thaelmann. Certes, en Allemagne, les communistes n’ont pas participé au Front populaire qui groupait la social-démocratie, la bourgeoisie de gauche et le Centre catholique ("alliance du prolétariat avec les classes moyennes" !). En ce temps-là, l’Internationale communiste repoussait même les accords de combat entre organisations ouvrières contre le fascisme. Les résultats, on les connaît. Notre sympathie la plus chaleureuse pour Thaelmann, en tant que prisonnier des bourreaux, ne peut pas nous empêcher de dire que sa politique, c’est-à-dire la politique de Staline, a plus fait pour la victoire de Hitler que la politique de Hitler lui même. Ayant tourné casaque, l’Internationale communiste applique aujourd’hui en France la politique suffisamment connue de la social-démocratie allemande. Est-il vraiment si difficile d’en prévoir les résultats ?

Les prochaines élections parlementaires, quelle que soit leur issue, n’apporteront pas, par elles-mêmes, de changements sérieux dans la situation : en définitive, les électeurs sont priés de choisir entre un arbitre genre Laval et un arbitre genre Herriot-Daladier. Mais comme Herriot a tranquillement collaboré avec Laval et que Daladier les a soutenus tous les deux la différence qui les sépare, si on la mesure à l’échelle des problèmes historiques qui sont posés, est insignifiante.

Faire croire que Herriot-Daladier sont capables de déclarer la guerre aux "deux cents familles" qui gouvernent la France, c’est duper impudemment le peuple. Les deux cents familles ne sont pas suspendues entre ciel et terre, elles constituent le couronnement organique du système du capital financier. Pour avoir raison des deux cents familles, il faut renverser le régime économique et politique au maintien duquel Herriot et Daladier ne sont pas moins intéressés que Tardieu et La Rocque. Il ne s’agit pas de la lutte de la "nation" contre quelques féodaux, comme la présente L’Humanité mais de la lutte du prolétariat contre la bourgeoisie, de la lutte des classes qui ne peut être tranchée que par la révolution. Le complot anti-ouvrier des chefs du Front populaire est devenu le principal obstacle dans cette voie.

On ne peut pas dire d’avance combien de temps encore des ministères semi-parlementaires, semi-bonapartistes continueront à se succéder en France et par quelles phases précises le pays passera au cours de la prochaine période. Cela dépendra de la conjoncture économique nationale et mondiale, de l’atmosphère internationale, de la situation en U.R.S.S., du degré de stabilité du fascisme italien et allemand, de la marche des événements en Espagne, enfin-et ce n’est pas le facteur le moins important-de la clairvoyance et de l’activité des éléments avancés du prolétariat français. Les convulsions du franc peuvent hâter le dénouement. Une coopération plus étroite de la France avec l’Angleterre est de nature à le retarder. De toute façon, l’agonie de la "démocratie" peut durer beaucoup plus longtemps en France que la période préfasciste Brüning-Papen-Schleicher n’a duré en Allemagne ; mais elle ne cessera pas pour cela d’être une agonie. La démocratie sera balayée. La question est uniquement de savoir qui la balayera.

La lutte contre les deux cents familles, contre le fascisme et la guerre-pour la paix, le pain, la liberté et autres belles choses-est, ou bien un leurre, ou bien une lutte pour renverser le capitalisme. Le problème de la conquête révolutionnaire du pouvoir se pose devant les travailleurs français non pas comme un objectif lointain, mais comme la tâche de la période qui s’ouvre. Or, les chefs socialistes et communistes non seulement se refusent à procéder à la mobilisation révolutionnaire du prolétariat, mais ils s’y opposent de toutes leurs forces. En même temps qu’ils fraternisent avec la bourgeoisie, ils traquent et expulsent les bolcheviks [4] . Telle est la violence de leur haine de la révolution et de la peur qu’elle leur inspire ! Dans cette situation, le plus mauvais rôle est joué par les pseudo-révolutionnaires du type Marceau Pivert qui promettent de renverser la bourgeoisie, mais avec la permission de Léon Blum !

Léon Trotsky

https://www.matierevolution.org/spip.php?article8315

Le meilleur témoin de cette trahison est, malgré lui, le ministre « socialiste » Jules Moch, bras droit de Léon Blum, cité ici dans son ouvrage « Le front populaire, grande espérance… » :

Avertissement : les remarques entre parenthèses dans le texte de Jules Moch sont celles de Matière et Révolution, pas de ce leader réformiste et bourgeois.

« Dès le soir du 6 février 1934, alors que la bataille fait encore rage au centre de Paris, les deux fédérations de la Seine et de la Seine-et-Oise du Parti socialiste font porter un pli aux fédérations communistes correspondantes. « Lees formations, y lit-on, tiennent la rue et leur audace croît chaque jour. Les libertés de la classe ouvrière sont menacées. L’heure n’est plus aux divisions… La démission de Daladier, le 7 février 1934, est saluée avec enthousiasme par les émeutiers d’extrême-droite et par les partis de droite… Le 7 et 8 février, les communistes ne se préoccupent que de la manifestation qu’ils organisent seuls le 9 février. (les communistes ne proposent encore pas du tout aux socialistes de manifester avec eux et les socialistes se gardent d’y participer) Elle sera brutale et sanglante. (les socialistes accusent encore les communistes de leurs violences antifascistes) Ainsi que l’écrit Léon Blum « ils lancent dans les faubourgs du Nord et de l’Est de Paris l’étrange attaque de la soirée et de la nuit du 9 février, qui reste encore, elle aussi, l’un des points obscurs de l’histoire de cette période, dont l’objectif était peut-être une prise de pouvoir révolutionnaire par les troupes de choc communistes, mais qui n’avait en tout cas rien de commun avec la démonstration de force et de vigilance républicaine que nous préparions. » (certes, le parti socialiste n’avait aucun objectif révolutionnaire et n’en aura certainement pas davantage quand partis socialistes et communistes seront unis au parti radical !) Malgré le refus des communistes d’organiser une démonstration en commun, les socialistes entendent répliquer aux fascistes… La C.G.T. de Léon Jouhaux réagit à l’unisson du Parti socialiste. Ses militants pensent que la grève constitue la meilleure réplique au fascisme ; ils savent que, lorsque en 1920, un général et un fonctionnaire allemands, von Luttwitz et Kapp, obligèrent le président Ebert à lui abandonner Berlin (notons que le socialiste Jules Moch ne s’étonne pas que le socialiste allemand Ebert ait été aussi facilement « obligé » de céder la capitale sans aucune réaction de sa part), les syndicats eurent raison du coup d’Etat en cinq jours de grève générale. (dire ici « les syndicats eurent raison » est une manière social-démocrate de cacher que la classe ouvrière n’a pas laissé faire le coup d’Etat militaire d’extrême droite et anti-ouvrier).

L’idée d’une telle réplique jaillit d’ailleurs dans tous les milieux syndicaux… Pressés par les militants, Jouhaux et ses amis décidèrent de lancer, le 12 février, une grève générale indicative de la volonté des travailleurs. (au lieu de la « grève générale » qui est à durée illimitée, on notera que celle de Jouhaux n’est rien de plus qu’une journée d’inaction ! Rien de prévu au-delà du 12 ! Les dirigeants de la CGT prétextent qu’une « grève avec la perte d’un seul jour de salaire sera beaucoup plus suivie qu’une action de durée illimitée » explique Moch)…

Les deux idées – grève générale et puissante manifestation – sont jumelées le 7 février au soir. Ces démonstrations auront lieu le 12 février… Que feront la CGTU (syndicat du parti communiste) et le Parti communiste ? Conseilleront-ils l’abstention ou organiseront-ils des contre-manifestations ?

La CGTU s’y ralliée… et elle a été un succès, ni autobus, ni taxis, seules quelques rames de métro, la totalité des ouvriers des manufactures d’Etat, la généralité de ceux du Bâtiment, les quatre conquièmes des enseignants, les trois quart des métallos, les deux tiers des fonctionnaires, etc. L’arrêt des chemins de fer n’a été que symbolique…

Au dernier moment, les communistes décident de se joindre au défilé socialiste… (on se souvient que le parti stalinien sort d’une période où il affirmait que l’ennemi social-démocrate est pire que l’ennemi fasciste et avait refusé en Allemagne toute action commune contre Hitler et Trotsky était l’un des rares dirigeants à prôner en Allemagne l’unité ouvrière contre le fascisme).

L’important est que, sitôt, les deux masses humaines (derrière les socialistes et la CGT et derrière les staliniens et la CGTU), c’est une immense et joyeuse fraternisation, avec les mêmes cris repris d’une colonne à l’autre, les mêmes refrains entonnés. L’unité d’action se réalise spontanément par la base (bel aveu de la part d’un des plus grands dirigeants socialistes !), sous les yeux des dirigeants bouleversés : Léon Blum, Léon Jouhaux, venus participer à la manifestation socialiste, et des militants des Fédérations de la Seine et de la Seine-et-Oise d’un côté ; de l’autre, Marcel Cachin et Jacques Duclos…

« Par une sorte de vague de fond, l’instinct populaire, la volonté populaire avaient imposé l’unité d’action des travailleurs organisés, pour la défense de la République », écrit encore Léon Blum (en donnant comme unique objectif « la défense de la République », cette fameuse république bourgeoise qui réprimait dans le sang les travailleurs et laissait prospérer les fascistes !)

En province comme à Paris, l’unité d’action se réalise à la base…

Le 20 mai 1934, le Parti socialiste tient à Toulouse son 31ème congrès national… et adopte un plan d’action…

« Préserver contre les agressions fascistes sa propre existence » (celle du Parti socialiste seul ?)

« Organiser la défense de tout ce que le fascisme menace : libertés civiques, libertés personnelles, libertés ouvrières et paix » (on remarquera que cette « défense » ne prévoit nullement l’auto-organisation des travailleurs par des comités, des conseils, des assemblées souveraines de salariés)

« et, d’autre part, un programme offensif d’action contre la crise économique » (une politique gouvernementale qui, elle, serait offensive alors que l’action des travailleurs pour la démocratie serait… défensive !)

(Suite au 6 février 34 fut conclu un pacte d’Unité d’action entre le PC et le PS, il devait aboutir au front Populaire. Or dès ce point de départ ces deux partis emmenaient la classe ouvrière à la défaite, car dans leur accord les deux partis s’engageaient à ce que des « Comités d’action » élus par la base soient remplacés par des « Comités de coordination » réunissant quelques « responsables » des deux partis. Le PC et le PS ne cherchaient qu’à défendre la place qu’ils occupaient dans un régime au service de la bourgeoisie, contre les concurrents fascistes qui se présentaient. Un des buts de ce pacte était de « mobiliser la population laborieuse contre les organisations fascistes », de demander leur désarmement et leur dissolution … à l’Etat bourgeois. En étouffant la voix des travailleurs organisés dans des comités souverains qui se seraient coordonnés à l’échelle du pays, dès le départ, le PC et le PS rendaient illusoire leur programme de lutte anti-fasciste, tout comme le fit la gauche républicaine en Espagne contre Franco.)

Le 22 septembre 1935, les partis socialistes et communistes signent « une plate-forme d’action commune »… qui réclame notamment la dissolution des ligues factieuses (extrême-droite fasciste)…

Les Radicaux décident à leur congrès d’octobre 1935 de participer à l’élaboration du Programme du Rassemblement populaire…

Un chapitre est consacré à la liberté et comprend le désarmement et la dissolution des formations paramilitaires…

(Vient ensuite la venue au pouvoir du Rassemblement et la vague des grèves.)

Les ligues factieuses sont dissoutes par décrets des 18 et 23 juin 1936. Puis des poursuites sont entamées contre La Rocque et son Parti Social Français (P.S.F.) dans lequel le Gouvernement voit une tentative de reconstitution de ligue dissoute.

D’autres mesures sont prises dans le même esprit : épuration dans la police, la garde mobile, les postes diplomatiques, le personnel dirigeant de la radio, des mises à la retraite sans attribution de l’honorariat sont prononcées…

Quatre ligues, considérées comme factieuses, sont dissoutes en application d’une loi du 11 janvier 1936, donc antérieure à la victoire électorale du Rassemblement populaire, qui vise les formations à structure paramilitaire. Ce sont l’Association des Croix-de-Feu du colonel de La Rocque, forte alors, disent ses dirigeants, de 400 000 membres, les Jeunesses patriotes, de Pierre Taittinger, la Solidarité française, de Jean Renaud et les Francistes de Marcel Bucard…

(L’extrême droite ne peut pas réagir dans un premier temps. Face à la vague grandissante des grèves et des occupations d’usines, le patronat français, apeuré, ne souhaite aucune provocation et exige le calme et pas d’attaques anti-ouvrières.)

Thorez affirme en juin 1936 : « Il faut savoir terminer une grève ! » et, s’opposant à Marceau Pivert, auteur du fameux « Désormais, tout est possible ! », il écrit : « Tout n’est pas possible ! »…

Quelle que soit la raison de cette attitude, elle contribue à « dérévolutionnariser » la gauche, à la faire plus songer au pain, à la liberté et à la paix, selon la devise du front populaire, qu’à l’éventualité du « Grand Soir » (qu’à la révolution sociale en somme, alors qu’elle est en germe dans les grèves).

(En fait, en suivant la gauche réformiste, stalninienne comme social-démocrate ou syndicale, qui dérévolutionnarise tout combat des travailleurs, rien n’est jamais possible pour la classe ouvrière et même pas de baillonner l’extrême droite. La classe ouvrière mobilisée en avait pourtant tout à fait les moyens et l’envie. On se souvient que le point de départ de la mobilisation ouvrière de 1936 a été la lutte contre le fascisme. En l’absence de menace ouvrière révolutionnaire, l’extrême droite redresse rapidement la tête, sans réaction gouvernementale ni de la gauche.)

Onze jours après cette offensive gouvernementale contre les ligues vient la réplique. Le 29 juin, trois nouveaux partis politiques se créent : le Parti Social Français (P.S.F.) du colonel de La Rocque, le Parti Républicain national et social de Pierre Taittinger et le Parti Populaire Français (P.P.F.) de Jacques Doriot.

Huit jours plus tard, contrattaque gouvernementale : une information est ouverte contre ces nouvelles formations, le 7 juillet, pour reconstitution de ligue dissoute.

(En fait, rien de sort dans l’immédiat de cette « information » et le parquet n’a même communication du dossier que le 1er mars 1937. L’extrême droite ne sera jamais « dissoute » comme le proclamait le front populaire ! Pire même, une partie de la gauche et du Rassemblement va progressivement rejoindre l’extrême droite et mener ainsi au pouvoir vichyste.)

(Doriot est le premier dirigeant fasciste issu de la gauche.)

L’équipe fondatrice du P.P.F. est formée d’ex-communistes, tels son président, Jacques Doriot, et son secrétaire général, Henri Barbé, associés à des conservateurs et à des fascistes. Le P.P.F. aurait compté 100 000 adhérents lors de son premier congrès en novembre 1936.

(Les autres groupes fascistes peuvent se mobiliser eux aussi, sans susciter de réelle réaction du gouvernement, des syndicats, du parti socialiste et du parti communiste.)

Les membres du P.S.F. seraient (après l’interdiction gouvernementale) au nombre de 600 000. Le mouvement de Pierre Taittinger est de moindre importance…

A ces trois mouvements nationaux d’agitation (expression du « socialiste » Moch pour parler des fascistes !), s’en ajoutent trois autres : les autonomistes alsaciens, le mouvement paysan et poujadiste de Dorgères, et enfin un mouvement clandestin, celui de la « Cagoule », regroupe deux réseaux clandestins (le Comité social d’action révolutionnaire de Deloncle et le réseau Gorvignoles) sous la direction d’un ancien ingénieur du Génie Maritime, Eugène Deloncle. Il s’est livré et se livrera encore à divers attentats. A son exemple, les Francistes se réorganisent clandestinement, après leur dissolution, sans adhérer à aucun autre mouvement et sans attiter sérieusement l’attention. (Du moins l’attention très faible de la gauche, occupée à imposer à la classe ouvrière d’arrêter ses grèves…)

Un regroupement de l’extrême droite unit le PPF de Doriot, le parti de Taittinger, la Fédération républicaine de Louis Marin, un parti agraire dirigé par Fleurant-Agricola, qui forment un « Front de la liberté »…

(L’extrême-droite ne se cache pas de ne pas obéir aux ordres de dissolution du gouvernement qui ne s’appuie contre elle ni sur une vraie lutte légale ni sur la mobilisation populaire.)

Le 7 juillet 1936, après avoir ranimé la flamme sur la tombe du Soldat inconnu à l’Arc de Triomphe, un nombre assez imposant d’ex Croix de Feu, d’anciens membres des Jeunesses patriotes et les adhérents à l’Union Nationale des Combattants se forment en cortège sur les Champs-Elysées en scandant des slogans antisémites… La police a des ordres : elle les laisse descendre l’avenue des Champs-Elysées… (Et surtout, elle n’arrête personne !)

Le 6 septembre 1936, les ex-Croix de Feu se regroupent à l’Etoile pour faire face au rassemblement socialiste de porte Maillot et à la grande fête socialiste de Luna-Park. La police les empêche de perturber Luna-Park. (sans nullement chercher à les arrêter ni les inculper pour ligue dissoute.)

(Pendant qu’on constate l’absence de répression policière du gouvernement de front populaire à l’égard des fascistes, les premières attaques policières contre les ouvriers qui poursuivent la grève et l’occupation des usines malgré les ordres de reprise du travail du gouvernement, du parti communiste, du parti socialiste et des syndicats.)

C’est à cette époque que Marx Dormoy, successeur de Salengro comme ministre de l’Intérieur, fait procéder à la première expulsion policière d’ouvriers occupant leur lieu de travail, la Chocolaterie des Gourmets. (Jusque-là, face à la marée montante des grèves, le patronat avait demandé au gouvernement de ne jamais réprimer ouvertement de peut d’étendre l’incendie social.)

L’usine Sautter-Harlé, à Paris dans le 15e arrondissement, est occupée par les ouvriers depuis un mois… Le ministre Gasnier-Duparc arrête la grève en réquisitionnant l’usine au nom de la Défense nationale : son arrêt compromet une fourniture d’appareils d’optique à la Marine…

(Le 16 mars 1937, la police de Blum ouvre le feu à Clichy sur des contre-manifestants de gauche qui veulent s’opposer à la tenue d’une réunion publique d’une ligue prétendument dissoute par le ministère de l’Intérieur.

Lire ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fusillade_de_Clichy)

(Voici comment Jules Moch rapporte ce crime de son gouvernement : )

Bientôt, hélas, une tragédie à Clichy nous bouleverse et crée de nouvelles difficultés.

Le P.S.F. de La Rocque tient, ce soir-là, une réunion dans une salle de cinéma de cette cité de banlieue de Paris ; le bruit court que La Rocque y viendra… Les élus (socialistes, communistes et socialistes-communistes) qui se partagent les mandats de maire, consieller général et député, sont d’accord pour réclamer l’interdiction de la réunion. Le gouvernement s’y refuse. Les partis de gauche organisent le même jour et à la même heure une réunion de protestation devant la mairie. Les autorités ont réclamé que la manifestation n’aille pas vers le cinéma où sont les fascistes… Mais un millier de manifestants, obéissant peut-être à un mot d’ordre, foncent vers le cinéma. Le service d’ordre s’interpose… Des coups de feu sont tirés. (Moch essaie de ne pas dire que la police a tiré mais tout le monde le sait aujourd’hui. Il reconnait ensuite que des balles « ont été tirées par deux policiers abrités derrière un camion. »

On relève, hélas, cinq morts, poursuit Moch !

Il rajoute : Qui a tiré les premiers coups de feu, sans qu’aucun ordre ait été donné, aucune sommation effectuée ? Des policiers énervés ou des provocateurs. (Et il lance ensuite quelques allusions laissant croire que le cortège de gauche que le gouvernement venait de faire mitrailler aurait été infesté d’agents provocateurs et de fascistes ! )

(Les travailleurs ne sont pas dupes : le gouvernement de gauche a fait tirer sur une manifestation antifasciste de travailleurs de gauche !)

L’enterrement des cinq victimes, le 19 mars, est suivi par une foule estimée à 300 000 personnes…

(Blum a dit qu’il voulait démissionner, sans qu’on sache si cette démission signifiait le moins du monde un désaveu pour le crime de la police. Mais il démissionne peu après, le 21 juin 1937, sur un désaccord qu’il estime sans doute bien plus important : le débat sur les pouvoirs financiers.)

(Il n’y a pas eu de vote, pas de perte de voix de la gauche. Pourtant, Blum ne se contente pas de quitter la tête du gouvernement, il refuse qu’un socialiste ou dirigeant de gauche lui succède, il veut que ce soit un du parti radical qui, soi-disant, est censé continuer l’œuvre du Rassemblement populaire et du front populaire ! Blum a donné le signal de la faillite : désormais, la dérive vers la droite ne va plus cesser. Et elle est cautionnée par la gauche puisque le gouvernement Chautemps est soutenu par le parti socialistes et le Rassemblement populaire. Mais en fait le front populaire est déjà mort. Il a joué son rôle : éviter l’explosion ouvrière. Et maintenant, l’extrême droite peut se déchainer.)

Le 11 septembre 1937, deux explosions ont lieu dans l’ouest de Paris… L’enquête de police montre que les coupables appartiennent au Comité Secret d’Action Révolutionnaire, dit CSAR ou encore Cagoule… Son chef, Eugène Deloncle, prévient l’état-major de l’Armée qu’un coup de main communiste aurait lieu dans la nuit du 25 novembre. Le général de l’armée de l’Air, Dusseigneur, de la deuxième section depuis 1936 et cagoulard tente d’alerter ses collègues en activité.

(Ce petit coup d’Etat démontre que la prétendue purge des forces de répression n’a nullement fait partir tous les fascistes ni de l’armée ni de la police, et on verra par la suite que les fasciste Pétain et Laval n’auront pas besoin de purger la police à nouveau, cette fois des éléments de gauche, pour lui faire mener des actions d’extrême-droite très violentes.)

(Mais on voit aussi que la classe ouvrière, elle, peut damer le pion des forces de répression et aux fascistes.)

Moch le reconnait :

Sur le plan social, on constate un renouveau sensible de grèves avec occupation, depuis la démission de Léon Blum. Une tentative d’évacuation de l’usine de pneus Goodrich, menée par des forces de l’ordre avec des effectifs insuffisants, échoue devant l’afflux d’ouvriers de toute la région et entraine en représailles une grève générale d’une demi-journée qui paralyse Paris.

Le 13 janvier 1938, Chautemps, exposant à la Chambre les raisons de l’aggravation sociale telles qu’il les voit, demande les pleins pouvoirs financiers. Il a une phrase malheureuse : « Il est possible que certains hommes, que certains groupes donnant à la classe ouvrière des conseils de violence. »

(Cette fois le front populaire est publiquement mort, Chautemps appelant le Parti communiste à se retirer du Rassemblement populaire avant de démissionner.)

Pendant le ministère Chautemps, les grèves se multiplient et, pour la première fois, une sentence rendue en application de la loi sur l’arbitrage obligatoire, est violée par les ouvriers ; ça et là des occupations d’usines sont signalées.

(Le parti socialiste accorde ses voix au gouvernement Daladier en avril 1938.)

(Les décrets-lois de Paul Reynaud vont déchirer les avancées arrachées par la grève générale.)

L’autoritarisme se développe en France. Le 24 août 1939, un décret-loi permet la saisie de toutes publications « de nature à nuire à la défense nationale ».

(De nombreux dirigeants socialistes vont maintenant basculer dans le fascisme comme Paul Faure, le secrétaire général du parti socialiste.)

Moch déplore : « les plus venimeux seront les anciens socialistes passés à la collaboration. »

Fin des extraits de Jules Moch

La lutte qui se déroula dans les années 30 de la part des organisations ne fût donc pas celle de la démocratie contre le fascisme, ni celle des partis de gauche contre l’extrême-droite. Toutes les organisations politiques ou syndicales qui faisaient le choix de servir l’Etat bourgeois, fournirent des personnalités qui sont passeront au service du fascisme. Et les travailleurs ne doivent pas être troublés par ces volte-face qui n’en sont pas. Le 6 février 1934 l’Association Républicaine de Anciens Combattants, proche du PC, participa à la manifestation, à laquelle L’Humanité avait appelée ! Le Parti socialiste connut dès 1933 une scission aboutissant au départ des « néo-socialistes » dont la devise était « Ordre, autorité, nation ». Son chef M. Déat finira dans les bras du fascisme. Le PCF vit le départ de J. Doriot, qui finira également fasciste.

Léon Blum a présenté Pétain dans, Le Populaire, organe du PS, en mars 1939, comme « le plus noble, le plus humain de nos chefs militaires ».

Lors du vote des pleins-pouvoirs à Pétain en juillet 1940, un socialiste ancien ministre du Front Populaire s’exprimait en des termes que nos militaires et policiers semblent reprendre aujourd’hui : « Le Parlement va se charger des fautes communes. Ce crucifiement est nécessaire pour que le pays ne tombe pas dans les violences de l’anarchie. Retrouvons un orgueil national. Nous avons cru à la liberté individuelle, à l’indépendance de l’homme. Ce n’était qu’une anticipation sur un avenir qui n’était pas à notre portée. » Le PCF ne fût pas en reste. Entre la signature du pacte germano-soviétique et l’offensive de l’Allemagne contre l’URSS qui y mit fin, le PCF, bien qu’interdit, sur ordre de Staline, offrit ses services à Pétain et à l’occupant nazi, marchant sur les traces de Doriot. Seuls des militants étrangers, souvent juifs, de la CGT-MOI, comme Krasucki et Manouchian, furent des résistants de la première heure.

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article6254

Barta en 1944 :

Une classe ouvrière prisonnière de la politique bourgeoise (Front Populaire, Résistance, etc...) qui prétend lutter contre le fascisme dans le cadre du régime capitaliste ne peut pas attirer à elle les couches exploitées de la petite-bourgeoisie.
Les politiciens bourgeois et social-traîtres prétendent que pour lutter contre le fascisme, il faut abandonner le programme révolutionnaire et faire front avec la bourgeoisie et la petite-bourgeoisie pour la défense de la "démocratie". Mais ce qui intéresse les couches exploitées de la petite-bourgeoisie ce n’est pas tant la "démocratie", qu’une issue à leurs conditions de vie intolérables. Quant aux ouvriers, la démocratie c’est le droit d’association, de presse, de grève, etc... pour mieux se défendre contre les capitalistes. Or le système bourgeois "démocratique" et ses politiciens maintiennent pour les petits-bourgeois aussi bien que pour les ouvriers l’exploitation et la misère, tandis qu’ils s’efforcent le plus possible de limiter les véritables droits démocratiques. Si bien qu’à la longue les couches exploitées de la petite-bourgeoisie cherchent une issue hors du régime "démocratique" (capitaliste) ; mais cette issue elles ne peuvent pas la trouver du côté du prolétariat si celui-ci, à cause de la politique de ses dirigeants, est cramponné aux "démocrates" c’est-à-dire aux représentants de "gôche" du capitalisme ; elles la chercheront alors du côté fasciste.

De tout ceci il résulte que le principe fondamental de la lutte contre le fascisme est le suivant : pas d’union avec la bourgeoisie de "gauche" sur un programme "démocratique" capitaliste, mais union de tous les démocrates véritables autour de la lutte prolétarienne contre la bourgeoisie.

La petite-bourgeoisie craint-elle cette action, comme le disent les bureaucrates ouvriers ? Rappelons seulement qu’entre le 12 février 1934 et juin 1936, la classe ouvrière, ayant fait montre d’une grande décision d’action qui laissait espérer à l’ensemble de la population laborieuse la lutte décisive pour un régime nouveau, la petite-bourgeoisie fit bloc (surtout dans la lutte) autour de l’action ouvrière. Ce n’est qu’à partir du "il faut savoir finir une grève" de Thorez, pendant les grèves de juin 1936, que l’espoir des masses fut déçu. Les bureaucrates ouvriers ayant trahi le Front Unique prolétarien en faveur d’un front avec Daladier (Front Populaire), ce "front" sombra dans le marasme parlementaire et la désillusion des masses ouvrit la voie à la réaction à partir de 1937.
La véritable lutte contre le fascisme est seulement la lutte anti-capitaliste. C’est donc, comme nous le disions au début, par leur position de classe que les ouvriers se trouvent être les vrais champions de la lutte anti-fasciste. Mais pour que la classe ouvrière constitue pour les couches exploitées petites-bourgeoises un pôle d’attraction dans cette lutte, elle doit réaliser son unité de combat, pour devenir assez forte pour renverser la bourgeoisie. D’autre part elle doit pouvoir défendre un programme capable de satisfaire les revendications de la petite-bourgeoisie, sur le terrain de la lutte révolutionnaire.

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article2993

Barta en 1944 :

DIX ANNEES DE GUERRE CIVILE

Quand le 6 février 1934, sous prétexte de lutter contre la "corruption", les bandes fascistes faillirent s’emparer du Palais Bourbon, une grande émotion s’empara des ouvriers et des milieux populaires de Paris et de province.

La veille encore de soi-disant chefs répétaient : "La France n’est pas l’Allemagne". Mais en Allemagne aussi les ouvriers avaient été bernés par de pareils leaders qui leur disaient, en présence des bandes de Hitler, que "l’Allemagne n’est pas l’Italie".

Malgré l’échec en ce qui concerne le but principal, la tentative fasciste du colonel de la Rocque et des différentes ligues paramilitaires ouvrait en France une époque de guerre civile qui ne pouvait se terminer que par la victoire du capitalisme sur les masses réduites à l’impuissance et à un niveau de vie inférieur ("vaincre la crise") ou par la victoire du socialisme, c’est-à-dire l’expropriation des capitalistes par le prolétariat.

L’entrée en scène des bandes fascistes pour soutenir le capitalisme ouvrit la série des gouvernements extra-parlementaires, les gouvernements des décrets-lois et des mesures anti-démocratiques, qui eurent ce caractère sans exception de Doumergue, en passant par Léon Blum, jusqu’à Daladier et Reynaud.

Au coup fasciste les masses prolétariennes ripostèrent par la grève générale du 12 février, qu’elles imposèrent à la direction capitularde de la CGT et de la SFIO, et au PC qui avait manifesté seul le 9 février. Par une politique instinctive et par une volonté puissante de combat, les masses prolétariennes réalisaient ainsi l’unité prolétarienne de combat, par dessus la tête des vieilles organisations.

L’histoire des années qui suivirent peut se résumer ainsi : les masses, et non seulement les masses ouvrières mais l’immense majorité de la population pauvre des villes et des campagnes, voulaient en finir avec un régime qui les vouait à la misère et à l’insécurité. Mais leur poussée se heurta à la politique des organisations ouvrières officielles (CGT, CGTU, SFIO, SFIC) qui, elles, s’accrochèrent au cadavre pourrissant du parlementarisme. Les masses entrèrent en lutte d’une façon décisive en juin 1936. Mais au lieu de pousser la lutte, à travers les étapes nécessaires jusqu’au renversement de la bourgeoisie, le parti "communiste" donna le signal de la retraite sur la base des accords Matignon : "il faut savoir finir une grève", tel est le "bolchévisme" qu’enseigne Thorez aux travailleurs de France au moment-même où la révolution espagnole se transformait en LUTTE ARMEE.

Toute l’histoire de la classe ouvrière montre que si l’on n’ose pas aller jusqu’au bout, toute demi-victoire mène à une grande défaite. Juin 1936 fut une demi-victoire que le Front Populaire (alliance des partis ouvriers avec les agents "démocratiques" de l’impérialisme : Daladier, Sarraut, Cot, etc...) transforma en une grande défaite. A juin succédèrent les fusillades de Clichy en 1937, quand le "socialiste" Dormoy fit tirer sur les manifestants ouvriers. La grève générale de novembre 1938 à laquelle les masses participèrent avec dévouement sous le coup des sanctions impitoyables prises par le gouvernement Daladier, échoua parce qu’à la tête des organisations se trouvaient les mêmes chefs bons à encaisser les cotisations, mais non à se battre contre la bourgeoisie.

Mais c’est la guerre impérialiste à l’extérieur qui permit à la bourgeoisie de porter le coup décisif aux masses. De novembre 1939 à juin 1940 Daladier et Reynaud introduisirent le système des camps de concentration, de la chasse à l’étranger, des emprisonnements, des tortures et de la peine de mort contre les militants de la classe ouvrière adversaires de leur politique, montrant ainsi ce que cachait véritablement l’écran du parlementarisme : l’Etat bourgeois, c’est-à-dire "des hommes armés et des prisons" (Engels).

Après juin 1940, avec l’Occupation, ce système prit une ampleur exceptionnelle, sa violence décupla, centupla le nombre des victimes. Mais en aurait-il été autrement si Reynaud était resté au pouvoir derrière des troupes se battant sur le front ?

L’agonie du capitalisme arrivé au stade impérialiste, ne laisse pas d’autre issue aux masses qu’une guerre civile menée jusqu’au bout, jusqu’au renversement du capitalisme. Sans cette volonté du prolétariat d’aller jusqu’au bout dans sa guerre civile contre la bourgeoisie c’est la bourgeoisie qui mène jusqu’au bout sa guerre impérialiste à l’extérieur et sa guerre civile à l’intérieur contre le prolétariat.

A BAS LA GUERRE IMPERIALISTE !

VIVE LA GUERRE CIVILE CONTRE LA BOURGEOISIE !

https://www.marxists.org/francais/barta/1944/02/ldc24_020644.htm

POURQUOI LES OUVRIERS ONT-ILS FAIT LA GREVE GENERALE DU 12 FEVRIER 1934 ?
Nous reproduisons une affiche publiée le 11 février 1934 par l’union départementale des syndicats du Haut-Rhin, le P.S. et le P.C. (à l’époque S.F.I.C.), et qui rappellera aux ouvriers la signification de leur mouvement :

GREVE GENERALE

La réaction se lance au choc décisif contre la classe ouvrière. Les amis et les protecteurs des Staviski et autres voleurs, les Chiappe et Tardieu, royalistes, fascistes de toutes sortes, fils d’une bourgeoisie engraissée de la peine des ouvriers, veulent rétablir le régime de la dictature, de la poigne, pour anéantir avec la démocratie et la république toutes les libertés péniblement arrachées par la classe ouvrière.

Pour détourner l’attention de sa responsabilité dans la crise, le chômage et la misère générale, la féodalité des banques et de l’industrie excite les masses contre le régime.
On est sur le point d’établir un Directoire composé d’une poignée de politiciens et généraux aveuglément soumis aux banques et au capitalisme.

Les traitements et salaires de tous les travailleurs seront encore réduits et des lois d’exception étoufferont dans l’oeuf toute résistance. La dictature fasciste veut sauver une société capitaliste complètement pourrie.

Mais le peuple français ne veut pas de dictature à la Hitler.

La classe ouvrière saura défendre les libertés publiques.

Elle n’ajoutera pas foi à la campagne mensongère d’une presse à la solde des capitalistes et des fascistes.

A la meute déchaînée de la dictature doit s’opposer l’unanime refus de tous les travailleurs.

La classe ouvrière en a assez.

Assez de scandales, assez de ces fourberies et escroqueries qui ne seront pas arrêtées par une dictature, mais simplement tenues secrètes. Assez de l’exploitation, du refus des possédants de prendre les mesures réclamées par le peuple pour lutter contre le chômage.

Tous les travailleurs, employés et fonctionnaires doivent, par une grève générale de 24 heures, donner un premier avertissement aux puissants.

Cheminots, postiers, fonctionnaires, ouvriers et employés des services publics, tramways, gaz, électricité, employés de banques, ouvriers des ateliers, usines et mines, vous cesserez le travail le 12 février pour 24 heures !

Montrez au fascisme prêt à prendre le pouvoir que vous vous opposerez à sa domination, par tous les moyens.

https://www.marxists.org/francais/barta/1946/01/vdt06_012746.htm

Le front populaire de 1936 en France était le pire ennemi de la grève ouvrière de masse contre la misère, le fascisme et la guerre

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article7670

DIX ANNEES DE GUERRE CIVILE

Quand le 6 février 1934, sous prétexte de lutter contre la "corruption", les bandes fascistes faillirent s’emparer du Palais Bourbon, une grande émotion s’empara des ouvriers et des milieux populaires de Paris et de province.

La veille encore de soi-disant chefs répétaient : "La France n’est pas l’Allemagne". Mais en Allemagne aussi les ouvriers avaient été bernés par de pareils leaders qui leur disaient, en présence des bandes de Hitler, que "l’Allemagne n’est pas l’Italie".

Malgré l’échec en ce qui concerne le but principal, la tentative fasciste du colonel de la Rocque et des différentes ligues paramilitaires ouvrait en France une époque de guerre civile qui ne pouvait se terminer que par la victoire du capitalisme sur les masses réduites à l’impuissance et à un niveau de vie inférieur ("vaincre la crise") ou par la victoire du socialisme, c’est-à-dire l’expropriation des capitalistes par le prolétariat.

L’entrée en scène des bandes fascistes pour soutenir le capitalisme ouvrit la série des gouvernements extra-parlementaires, les gouvernements des décrets-lois et des mesures anti-démocratiques, qui eurent ce caractère sans exception de Doumergue, en passant par Léon Blum, jusqu’à Daladier et Reynaud.

Au coup fasciste les masses prolétariennes ripostèrent par la grève générale du 12 février, qu’elles imposèrent à la direction capitularde de la CGT et de la SFIO, et au PC qui avait manifesté seul le 9 février. Par une politique instinctive et par une volonté puissante de combat, les masses prolétariennes réalisaient ainsi l’unité prolétarienne de combat, par dessus la tête des vieilles organisations.

L’histoire des années qui suivirent peut se résumer ainsi : les masses, et non seulement les masses ouvrières mais l’immense majorité de la population pauvre des villes et des campagnes, voulaient en finir avec un régime qui les vouait à la misère et à l’insécurité. Mais leur poussée se heurta à la politique des organisations ouvrières officielles (CGT, CGTU, SFIO, SFIC) qui, elles, s’accrochèrent au cadavre pourrissant du parlementarisme. Les masses entrèrent en lutte d’une façon décisive en juin 1936. Mais au lieu de pousser la lutte, à travers les étapes nécessaires jusqu’au renversement de la bourgeoisie, le parti "communiste" donna le signal de la retraite sur la base des accords Matignon : "il faut savoir finir une grève", tel est le "bolchévisme" qu’enseigne Thorez aux travailleurs de France au moment-même où la révolution espagnole se transformait en LUTTE ARMEE.

Toute l’histoire de la classe ouvrière montre que si l’on n’ose pas aller jusqu’au bout, toute demi-victoire mène à une grande défaite. Juin 1936 fut une demi-victoire que le Front Populaire (alliance des partis ouvriers avec les agents "démocratiques" de l’impérialisme : Daladier, Sarraut, Cot, etc...) transforma en une grande défaite. A juin succédèrent les fusillades de Clichy en 1937, quand le "socialiste" Dormoy fit tirer sur les manifestants ouvriers. La grève générale de novembre 1938 à laquelle les masses participèrent avec dévouement sous le coup des sanctions impitoyables prises par le gouvernement Daladier, échoua parce qu’à la tête des organisations se trouvaient les mêmes chefs bons à encaisser les cotisations, mais non à se battre contre la bourgeoisie.

Mais c’est la guerre impérialiste à l’extérieur qui permit à la bourgeoisie de porter le coup décisif aux masses. De novembre 1939 à juin 1940 Daladier et Reynaud introduisirent le système des camps de concentration, de la chasse à l’étranger, des emprisonnements, des tortures et de la peine de mort contre les militants de la classe ouvrière adversaires de leur politique, montrant ainsi ce que cachait véritablement l’écran du parlementarisme : l’Etat bourgeois, c’est-à-dire "des hommes armés et des prisons" (Engels).

Après juin 1940, avec l’Occupation, ce système prit une ampleur exceptionnelle, sa violence décupla, centupla le nombre des victimes. Mais en aurait-il été autrement si Reynaud était resté au pouvoir derrière des troupes se battant sur le front ?

L’agonie du capitalisme arrivé au stade impérialiste, ne laisse pas d’autre issue aux masses qu’une guerre civile menée jusqu’au bout, jusqu’au renversement du capitalisme. Sans cette volonté du prolétariat d’aller jusqu’au bout dans sa guerre civile contre la bourgeoisie c’est la bourgeoisie qui mène jusqu’au bout sa guerre impérialiste à l’extérieur et sa guerre civile à l’intérieur contre le prolétariat.

A BAS LA GUERRE IMPERIALISTE !

VIVE LA GUERRE CIVILE CONTRE LA BOURGEOISIE !

Barta

https://www.marxists.org/francais/barta/1944/02/ldc24_020644.htm

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