Accueil > 16- EDITORIAUX DE "LA VOIX DES TRAVAILLEURS" - > Les mouvements paysans et les tâches des prolétariats de France et du Mercosur

Les mouvements paysans et les tâches des prolétariats de France et du Mercosur

vendredi 29 novembre 2024, par Alex, Waraa

Les mouvements paysans et les tâches des prolétariats de France et du Mercosur

Le quotidien Libération annonçait le 7 novembre dernier :

Les agriculteurs semblent partis pour faire un remake de l’hiver. Un peu partout sur le territoire, la tension monte. Mi-octobre, à Châlons-en-Champagne (Marne), une trentaine de tracteurs ont déversé du fumier devant la préfecture, pour dénoncer un « burn-out administratif » et réclamer une simplification des réglementations, sous l’égide de la branche locale du syndicat majoritaire, la FNSEA. « Le ressenti, dans les corps de ferme, c’est qu’il ne s’est rien passé depuis un an », explique Luc Smessaert, vice-président de l’organisation, qui appelle à intensifier le mouvement à la mi-novembre.

Et il y a quelques jours Le journal Sud-Ouest résumait la situation :

La partie est encore loin d’être gagnée contre l’accord avec le Mercosur. Mais alors que Michel Barnier pourrait tomber, fin décembre, sur le projet de loi de finances si la gauche et le RN venaient à mêler leurs voix, il a obtenu ce mardi 26 novembre à l’Assemblée une victoire symbolique contre cet accord commercial. Dans le sillage du gouvernement, les députés ont très largement rejeté ce traité de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et cinq pays d’Amérique latine : le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay, le Paraguay et la Bolivie.

Une issue qui souffrait d’autant moins de doute que les agriculteurs n’en veulent pas non plus. À cet égard, leur colère de nouveau « tractorisée » a été entendue cinq sur cinq.

Ce n’est ni le premier, ni le dernier mouvement paysan, mais depuis des décennies, les organisations politiques ou syndicales de gauche (PS, PC, LFI, CGT, Solidaires etc) ne proposent aucune perspective aux travailleurs, aux jeunes ayant de la sympathie pour des paysans qui pour beaucoup sont des travailleurs pauvres

La politique des syndicats empêche toute alliance salariés-paysans

Le parti d’extrême-gauche Révolution Permanente (RP) publie un entretien avec Gérard Florenson, ancien secrétaire général de la CGT FranceAgriMer qui avec RP est représentatif de ces gauches syndicales, qui sont tout sauf révolutionnaires.

https://www.revolutionpermanente.fr/Colere-des-agriculteurs-la-FNSEA-mobilise-les-petits-paysans-au-service-des-gros

Ce CGT-iste part certes d’un constat juste :

(...)
il me semble que la FNSEA veut encadrer dès le départ la colère paysanne et éviter les débordements, et cela dans un jeu de rôle avec le gouvernement dont elle veut rester l’interlocutrice.

(...) ce pseudo-syndicat agricole, la main dans la main avec l´Etat bourgeois, au service des financiers et des industriels, détourne cette colère vers de fausses cibles. Le problème est que les paysans aux abois constatent que lors des précédentes mobilisations la FNSEA a contribué à calmer le jeu sans rien obtenir de tangible.

Il faut démasquer l’imposture de la prétendue unité paysanne qui sert à mobiliser la masse des petits paysans au service des intérêts des gros,

Ce cadre de la CGT sait de quoi il parle, puisque la direction de sa confédération CGT fait à peu près la même chose avec les salariés, que la FNSEA fait avec les petits paysans : la collaboration de classe au plus haut niveau des institutions de la démocratie bourgeoise (Parlement, gouvernement etc)

Le groupe RP, à l’image de toute l’extrême-gauche électoraliste (les deux NPA, LO), cautionne ce point de vue, sous-entendant qu’alors que la direction de la FNSEA est ouvertement bourgeoise, celle de la CGT ne le serait pas. Qu’il soit ouvrier comme l’était Martinez, ou "bobo" comme S. BInet qui lui a succédé, un dirigeant de la CGT est depuis 1914 un larbin fidèle de l’impérialisme français, un allié de fait des capitalistes de la FNSEA.

Le traité Mercosur, concerne l’Amérique du sud et déjà à propos des liens entre ce continent, l’impérialisme français et le dirigeant de la CGT Léon Jouhaux, Trotsky déclarait en 1939 :

Mais Jouhaux — un chien au bout de la laisse impérialiste — comment ose-t-il se présenter en mentor du Mexique et en gardien de la morale ?

Les porte-parole de RP, LO les NPA, ne tiennent pas ce langage de Trotksy à propos des confédérations syndicales. Leurs porte-parole sont pour la plupart des cadres de Sud-Solidaires et de la CGT, des mini Jouhaux.
Ils ne faut donc pas attendre d’eux une politique révolutionnaire ouvrière véritable dans les questions paysannes.

Le responsable CGT interrogé continue :

Notre programme est destiné aux paysans qui sont exploités et n’exploitent personne, en structures familiales, individuelles ou associatives. Selon la terminologie officielle ce sont des indépendants, une indépendance toute relative à laquelle ils restent très attachés. (...)
Le monde agricole est aussi constitué de nombreux salariés, permanents et saisonniers dans les fermes, travailleurs des industries agro-alimentaires, qui ont des salaires de misère, une protection sociale désavantageuse notamment en termes de retraites, avec la plus mauvaises des conventions collectives.

Pourquoi ne pas plutôt souligner que parmi les 5 classes sociales que distinguaient les marxistes comme Lénine et Trotsky dans les campagnes (prolétaires et semi-prolétaires, petits, moyens et riches paysans), les deux premières, prolétaires et semi-prolétaires, sont membres à part entière de la classe ouvrière, et ne sont pas "aussi", mais d’abord et avant tout ceux à qui "notre programme est destiné". La CGT a potentiellement un pied dans les campagnes d’abord à travers eux. Ensuite seulement en troisième position viennent les petits paysans.

Le responsable de la CGT ne développe absolument pas ce point Derrière sa description sociologique des campagnes, qui prend un ton pseudo-marxiste, se dessine la connivence de la CGT avec la FNSEA. La CGT, par un accord tacite avec la FNSEA, ne va pas déranger celle-ci dans ses fiefs campagnards.

Révolution permanente ne commente pas cet entretien, ce parti se fait le porte-parole des bureaucraties syndicales. Commentons en spectateurs des villes ce qui se passe dans les campagnes, est le programme de cette extrême gauche politique et syndicale, qui respecte la ligne des directions syndicales.

Le patriotisme économique

Dans ce même entretien, Le cgtiste fait le constat :

Je n’ai pas la prétention de connaître la bonne réponse. Il est difficile de bâtir un programme qui soit accessible à la majorité des intéressés sans détruire au préalable les mensonges sur la prétendue unité du monde paysan et sur la compétitivité de la « ferme France » opposée aux agricultures du reste du monde.

Le capitalisme ruine les agriculteurs, mais pas tous ! Une minorité de gros bénéficie du système : ceux qui sont aux commandes des fausses coopératives, de la mutualité, du Crédit Agricole, qui touchent de confortables indemnités de ces organismes tout en trustant les aides et subventions. Ces agrariens font partie de la bourgeoisie, du capitalisme que nous combattons.

Certes ce constat est juste, mais encore une fois ce que cette aile gauche de la CGT critique chez la FNSEA, elle fait semblant de ne pas le voir dans sa propre organisation : la compétitivité de la « ferme France » de la FNSEA est une expression reprise par la CGT à propos de la compétitivité de l’ « usine France ».
CGT et Solidaires reprennent ce langage patriotique à propos des liens entre questions ouvrières et paysannes, comme dans cette Tribune publiée dans Libération le 1er février 2024 avec le titre "Non au vol du travail des agriculteurs et des salariés par les multinationales" :

L’industrie française n’a pas pu résister contre le moins-disant social et environnemental. L’usine France a été délocalisée. (...) Sommes-nous prêts à voir le monde agricole continuer à périr sous nos yeux pour au final délocaliser la ferme France   ? (...) De plus en plus de Français et de Françaises aspirent à manger une nourriture de qualité mais n’en ont pas les moyens.

Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération Paysanne
Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT
Murielle Guilbert et Simon Duteil, co-porte-paroles de Solidaires
Benoit Teste, secrétaire général de la FSU
Pierre Thomas, président du Modef

Les porte-parole des NPA, LO et RP appartiennent à ces organisation, il n’y animent aucune tendance ou fraction révolutionnaire, qui dénoncerait ce patriotisme petit-bourgeois offert aux travailleurs comme seule perspective.

Pour un internationalisme ouvrier dans la question paysanne

Les 5 pays membres du Mercosur (un équivalent de l’UE, créé en mars 1991 par le traité d’Asunción, analogue du Traité de Maastricht) sont l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Paraguay, l’Uruguay.

Les prolétaires, semi-prolétaires et petits paysans n’y existent-ils pas ? N’ont-ils pas leur FNSEA, leur CGT locale ? La Confédération syndicale mondiale (CSI) dont est membre la CGT, y recense la Central de Trabajadores de la Argentina (CTA), et la Confederación General del Trabajo de la República Argentina (CGT) en Argentine ; la Central Única dos Trabalhadores (CUT), la Confederação Nacional das Profisões Liberais (CNPL), la Força Sindical (FS) et l’União Geral dos Trabalhadores (UGT) au Brésil. De même les centrales CNT, CUT-A et CPT au Paraguay.

La CGT fait-elle quoi que ce soit pour une action commune avec les salariés, des villes et des campagnes, de ces 7 organisations "soeurs" ?

Alors qu’en 1889 le mouvement ouvrier international prit l’initiative de grèves et manifestations coordonnées dans le monde entier le 1er mai, les bureaucraties syndicales mondiales montrent leur vrai rôle dans cet épisode du Mercosur : empêcher les salariés de s’organiser à l’échelle internationale.

Le Vénezuela faisait partie du Mercosur mais en a été exclu depuis 2016, Mélenchon qui a des ambitions présidentielles n’a donc plus un mot à dire à ce propos ? Il se tait car les grands groupes capitalistes n’admettent pas qu’on vienne les embêter sur ces sujets, Mélenchon ne sera jamais président s’il s’y invite.

Le parti Révolution Permanente est un représentant, analogue au NPA, de ces groupuscules qui se prétendent les héritiers de Trotsky à travers leur appartenance à des regroupements internationaux qui usurpent le nom de IV ème internationale, en référence à celle que Trotsky fonda en 1938. Ces "internationales" sont silencieuses, à part dans des publications confidentielles, alors qu’une question internationale se pose.

Ironie du sort à propos de l’acord UE6Mercosur, le parti d’Anasse Kazib (le porte-parole) de RP prétend faire partie d’une internationale révolutionnaire (FT-QI) qui est la plus latino-américaine parmi celles qui existent. Parmi les 14 adhérents de l’internationale de RP on y trouve 4 (sur les 5) membres du Mercosur : Argentine, Bolivie, Brésil et Uruguay, 5 autres pays d’Amérique Latine : Chili, Costa Rica, le Pérou, le Vénézuela, le Mexique ; dans l’UE les 4 membres : France, Espagne, Allemagne et Italie ; enfin les USA.

Neuf organisations en Amérique Latine, quatre dans l’UE, une aux USA, RP n’a-t-il pas les moyens de mettre en place une campagne de propagande internationale à propos des mouvement paysans face à l’accord UE-Mercosur ? Non car RP et toutes ses organisations soeurs ne font que suivre la Centrale syndicale mondiale, dont la CGT en France, ou les politiciens bourgeois comme Mélenchon. Leur internationalisme est en modèle réduit celui de la Confédération Syndicale Mondiale, organisation corrompue à la botte des impérialismes.

Un programme ouvrier pour les paysans

La révolte des agriculteurs peut donc à nouveau exploser en Europe. Les salariés doivent proposer leur programme de transformation sociale aux côtés des paysans

Le 4 novembre dernier, journal Le Républicain (Lot et Garone) écrivait

Quelques mois après une révolte historique, la CR 47 s’apprête à remettre le couvert

La Coordination rurale a annoncé un nouveau mouvement de mobilisation à partir du 19 novembre 2024 et espère un "ultime sursaut du gouvernement."
Cela fait plusieurs semaines que la colère du monde agricole couve en Lot-et-Garonne, elle est dorénavant concrète.

La Coordination rurale 47 appelle en effet « tous les agriculteurs » à la mobilisation dès le mardi 19 novembre 2024, devant la préfecture d’Agen, haut lieu de leurs revendications du début d’année 2024.
La menace d’un blocage du fret alimentaire par les agriculteurs

Dans leur communiqué, Karine Duc et José Perez, coprésidents du principal mouvement à l’origine des manifestations de l’hiver 2024 appellent les agriculteurs « à se mettre à jour dans leur ferme, à finir de semer et à se mobiliser devant leur préfecture. »

La CR, qui passe pour la plus radicale du mouvement paysan appelle donc les petits paysan à s’adresser au gouvernement. C’est l’absence de voix provenant du prolétariat qui ouvre la voix au syndicalisme paysan "unitaire", qui dans le contexte actuelle peut prendre les couleurs de l’extrême-droite. Ce n’est pas en votant NFP que les salariés pourront peser dans cette question, mais en avançant leur programme ouvrier révolutionnaire.

Conclusion
Pour les travailleurs conscients, le Programme de transition de Trotsky donne encore la bonne direction

L’ouvrier agricole est, au village, le frère d’armes et l’équivalent de l’ouvrier de l’industrie. Ils constituent deux parties d’une seule et même classe. Leurs intérêts sont inséparables. Le programme des revendications transitoires des ouvriers industriels est aussi, avec tels ou tels changements, le programme du prolétariat agricole.

Les paysans (fermiers) représentent une autre classe : c’est la petite-bourgeoisie du village. La petite-bourgeoisie se compose de couches diverses, depuis les semi-prolétaires jusqu’aux exploiteurs. C’est pourquoi la tâche politique du prolétariat indutriel consiste à faire pénétrer la lutte des classes au village : c’est seulement ainsi qu’il pourra séparer ses alliés de ses ennemis.
(...)
Les bavardages de toutes sortes selon lesquels les conditions historiques ne seraient pas encore "mûres" pour le socialisme ne sont que le produit de l’ignorance ou d’une tromperie consciente. Les prémisses objectives de la révolution prolétarienne ne sont pas seulement mûres ; elles ont même commencé à pourrir. Sans révolution socialiste, et cela dans la prochaine période historique, la civilisation humaine tout entière est menacée d’être emportée dans une catastrophe. Tout dépend du prolétariat, c’est-à-dire au premier chef de son avant-garde révolutionnaire. La crise historique de l’humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire.

Travailleurs des campagnes et des villes, exploités et opprimés, passifs et sur la défensive derrière les réformistes, vous n’êtes rien, alors que, prenant la tête de tous les révoltés, l’avenir est à vous !

Travailleurs, cessez de vous défendre et attaquez le système, vous serez les plus forts, prenant les capitalistes au coffre-fort, menaçant leur propriété des capitaux et des entreprises et leur pouvoir d’Etat alors que les réformistes ne font que proposer de sauver le système. Prenez la tête de tous les opprimés et exploités, des femmes, des jeunes, des démunis, des petits artisans, paysans, pêcheurs, commerçants, auto-entrepreneurs, auto-exploités du monde, de tous les opprimés, de tous les révoltés vous pourrez mener toutes les luttes sociales et politiques dans le monde entier, et vous serez le plus grand pouvoir de demain, capable de prendre la tête du monde, capable de bâtir une nouvelle société, débarrassée de toute exploitation et oppression, débarrassée des guerres et des crises économiques.

Salariés, paysans, chômeurs, femmes et jeunes, en avant vers la mise en place de comités révolutionnaires prenant en mains les luttes et toute la société !

Messages

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par les responsables.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.