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Haïti : répression de l’ONU contre une manifestation réprouvant l’occupation militaire étrangère

jeudi 4 novembre 2010

La situation a été tendue à Port-au- Prince le vendredi 15 octobre. Les troupes de l’ONU ont tiré en l’air et sur une foule de quelque 100 manifestants qui s’étaient rassemblés à l’extérieur de la base de l’ONU à l’aéroport de Port-au-Prince pour protester contre le renouvellement de la Mission des Nations Unies pour stabiliser Haïti (MINUSTAH). Bien que le Conseil de sécurité ait déjà renouvelé le mandat de la MINUSTAH le 14 octobre, une coalition des groupes de base et de l’opposition avait pris les rues pour réclamer la fi n de cette occupation militaire de six ans qui a coûté $612 millions l’an dernier, miné la sécurité de la population, sans l’assurer de façon générale, selon les manifestants. La manifestation du 15 octobre a été le point culminant de deux semaines de différentes actions de la coalition anti-occupation.

Bien qu’ils aient été avertis de la manifestation, les soldats de l’ONU ne semblaient pas être prêts à gérer la foule qui bloquait l’entrée de la base. Les manifestants ont bloqué la circulation et ont peint des slogans anti-ONU sur les voitures offi cielles qui essayaient d’entrer dans la base. Il y a eu de nombreuses manifestations similaires au cours des derniers mois, mais les affrontements de vendredi ont été parmi les plus intenses observés ici au cours des dernières semaines. A un moment, un agent de sécurité est entré dans la foule, en créant des bousculades. Des coups ont été échangés suivis de tirs en l’air par les soldats jordaniens, formant un cordon autour de la base. Un véhicule de l’ONU a eu l’audace de forcer une poignée de journalistes à reculer jusqu’à tomber, dans un fossé rempli d’ordures, dont le correspondant d’Al Jazeera et moi-même. Pendants que les chefs de la sécurité de l’ONU faisaient des appels demandant des gaz lacrymogènes, des renforts sont arrivés en tenue anti-émeute et ont dispersé la foule. Les deux chefs ont couvert leur identifi cation de l’ONU et ont refusé de faire appel à l’attaché de presse de l’ONU.

La MINUSTAH a été déployée en Haïti en Juin 2004 pour prendre le relais des troupes d’occupation américaines, françaises et canadiennes qui avaient aidé à chasser le président haïtien Jean-Bertrand Aristide et à installer le régime de facto du Premier ministre Gérard Latortue.

Les manifestations anti-occupation ont lieu chaque année dans les semaines avant l’expiration du mandat en mi-Octobre, mais le ressentiment est encore plus intense cette année à la suite de la réponse de la MINUSTAH au séisme du 12 janvier. Plutôt que d’aider à sortir les gens des décombres, les forces des Nations Unies ont axé leurs activités sur la protection d’installations contre le « pillage ». Malgré le renforcement de la MINUSTAH à plus de 13.000 soldats et policiers armés, après le séisme, le viol dans les camps a quadruplé, et la violence contre les personnes déplacées à l’intérieur s’aggrave de plus en plus avec de nombreux citoyens chassés de leurs camps. Au moment où Haïti entre dans sa période de campagne électorale souvent turbulente, l’ancien Premier ministre de Préval, le candidat Jacques Edouard Alexis, a accusé son ancien patron de distribuer des armes en vue d’une campagne d’intimidation.

Partout où vous allez dans cette ville, il y a la preuve de l’animosité que de nombreuses personnes ressentent à l’endroit de la présence de l’ONU. Les graffi tis omniprésents de « A bas l’occupation » ou « A bas les voleurs de l’ONU” refl ètent le sentiment général de la population envers la présence des troupes des Nations Unies ici. En tant qu’organisateur de la base et démonstrateur Yves-Pierre Louis explique : « Elle [la Minustah] viole la Constitution haïtienne et la Charte de l’ONU qui précisent que cette force n’est nécessaire que quand un pays menace la paix et la sécurité internationales. Haïti n’est pas en guerre ... elle ne produit pas de bombes atomiques, des terroristes ou des drogues, alors d’où vient la menace ? »

Ni l’agent responsable de l’équipe anti-émeute, ni le porte-parole de la MINUSTAH Vicenzo Pugliese n’ont fait un commentaire offi ciel sur la manifestation. Une des raisons invoquées par le Conseil de sécurité de l’ONU pour renouveler le mandat a été que la présence continue des forces de l’ONU aiderait à assurer un vote « crédible et légitime » le 28 novembre. Mais les plaintes sont de plus en plus nombreuses que l’élection est déjà injuste. Comme 45 membres du Congrès américain ont récemment mis en garde dans une lettre au président américain Barack Obama, l’exclusion du parti d’Aristide, Fanmi Lavalas, l’un des rares avec un large soutien populaire, avec 13 autres, rend le processus électoral anticonstitutionnel et antidémocratique.

Le 15 octobre a été aussi le début offi ciel de la campagne électorale, mais beaucoup de sinistrés qui vivent dans des camps insistent pour dire qu’ils ne voteront pas vu qu’ils sont sous des « pwela ». Ils disent qu’ils ont participé au processus démocratique, mais ont vu toutes ces deux fois leur volonté collective circonvenue par des coups d’Etat. Avec de très hautes frustrations et de nombreux Haïtiens qui se rendent compte que les élections de Préval n’apporteront pas des améliorations à leur vie quotidienne, la MINUSTAH pourrait trouver Haïti particulièrement chaude cette année, si le fort ressentiment de la population devenait une rage bouillante contre les soldats et les armes importées pour réprimer et châtier.

Articles de Isabeau Doucet publiés par Mondialisation.ca

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