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Le prétendu méa culpa du FMI sur la Grèce annonce la mise en faillite du pays et sa sortie de l’euro

vendredi 7 juin 2013

Voilà ce que divulgue la presse (Le Monde) :

Le Fonds monétaire international (FMI) a reconnu, jeudi 6 juin, dans un rapport sur le bilan du premier plan de sauvetage de la Grèce, accordé en 2010, que ce dernier s’était soldé par des "échecs notables". Et d’admettre des projections trop optimistes balayées "dans une très large mesure", que ce soit pour la croissance, dont elle espérait la reprise dès 2012, ou pour la réduction de la dette, qui augmente depuis 2011.

Ce constat, largement partagé, n’est pas nouveau. En revanche, leur explication fait apparaître sous un jour nouveau des relations complexes entre le FMI et ses partenaires européens. Selon le Fonds, ces "échecs" sont imputables au fonctionnement même de la troïka, trio de représentants des bailleurs de fonds, qu’il forme avec la Commission européenne et la Banque centrale européenne (BCE), et dont il pointe les lacunes.

D’une part, le FMI – qui a entre temps fait savoir que la troïka des créanciers (FMI-UE-BCE) avait "bien fonctionné" et "fonctionnait bien" – juge dans son rapport que cette cohabitation l’a obligé à "négocier d’abord avec les pays de la zone euro (...) et ensuite avec les autorités grecques", créant de fait une "incertitude considérable", alimentée par les désaccords politiques au sein même de la zone euro. Le FMI reproche notamment à ses partenaires européens d’avoir repoussé pendant deux ans la restructuration massive de la dette privée grecque (opération que l’institution aurait souhaité mener dès l’été 2010), et qui ne l’a finalement été qu’au printemps 2012.

L’opération avait été "exclue par les dirigeants de la zone euro", qui craignaient qu’elle ne soit pas approuvée par les parlements nationaux, regrette le FMI, ajoutant que ce retard a permis à de nombreux créanciers privés de "s’échapper" du pays sans subir la moindre perte, et de finalement "passer le fardeau" aux Etats, et donc aux contribuables.

De son côté, la Commission européenne réplique que le rapport du FMI "ne tient pas compte de l’interconnexion entre les pays de la zone euro". Selon elle, l’institution ne se rend pas compte que la restructuration de la dette grecque portait en elle "le risque d’une contagion systémique si elle avait été entreprise à ce stade".

Le casus belli est loin d’être réglé. Alors qu’Athènes estime nécessaire, à terme, une nouvelle restructuration de sa dette, les avis sont partagés au sein de la troïka : le FMI, pour qui la dette de la Grèce "n’est pas viable", plaide pour un effacement négocié avec les pays membres de la zone euro, tandis que l’Allemagne – premier contributeur des pays de l’union monétaire aux deux plans de sauvetage – s’y oppose pour l’instant, pour cause de campagné électorale en vue des législatives de septembre.

Par ailleurs, l’institution estime qu’"il n’y avait pas de division claire du travail" au sein de la troïka. Un avis partagé par le think tank belge Bruegel. Dans un rapport, en mai, il explique n’avoir aucune idée de la répartition du travail entre les trois parties.

D’après ses observations, chacune contribue en fonction de ce qu’elle sait le mieux faire : le FMI explique la "méthode" d’application du programme, la Commission apporte son "expertise sur les réformes structurelles et sectorielles" à mener et la BCE prête particulièrement attention à toutes les "questions liées au secteur financier".

Toutefois, impensable pour le FMI de remettre en question l’existence même de la troïka. Répondant à la question de savoir si "les jours de la troïka étaient comptés", lors d’une conférence téléphonique jeudi matin, Poul Thomsen, chef de la mission du FMI en Grèce, a répondu non sans ironie que sur ce dossier le trio avait "étonnament bien fonctionné", si l’on considère que les "trois établissements n’ont pas l’habitude de travailler ensemble".

De son côté, Simon O’Connor, un porte-parole de la Commission, a fait part de son "désaccord fondamental" avec le FMI. Il a estimé jeudi que la crise grecque était une "situation difficile et sans précédent", qui a obligé la troïka, "mise sur pied à partir de rien", à apprendre sur le tas. Et de conclure : Au sein de la troïka, "nous avons des traditions et des approches différentes, mais nous avons toujours réussi à aboutir à des solutions solides".

C’est certainement le point le plus sensible. Dans son rapport, le FMI juge que les Européens n’avaient pas les "compétences" requises pour mener à bien ce type de programme d’aide, lié à de très strictes conditions. Contrairement à lui, sous-entend le Fonds, qui pilote des plans d’ajustement structurels depuis des dizaines d’années.

"Fort de ces expériences dont il a eu le temps de faire le bilan, le FMI a mis peu à peu de l’eau dans son vin et ce, dès la fin des années 2000, époque à laquelle Joseph Stiglitz mène une fronde contre sa politique", rappelle Anne-Laure Delatte, économiste à la Rouen Business School.

"A partir de septembre 2010, le FMI a commencé à parler, lors de ses conférences, des limites de l’austérité, qui ne peut fonctionner selon lui que si une dépréciation de la monnaie est mise en place en parallèle pour doper les exportations et ainsi compenser la baisse de la croissance. Or, 70 % des échanges commerciaux en Europe se font en interne et ne dépendent donc pas du taux de change, ce qui prouve, selon la thèse même du FMI, que l’austérité ne pouvait être pleinement efficace en zone euro", souligne-t-elle.

Plus récemment, c’est un aveu du chef économiste du Fonds, Olivier Blanchard, qui a créé l’émoi : il a admis une erreur sur l’élaboration des mutiplicateurs budgétaires de l’institution qui mesurent l’impact des programmes d’austérité sur la croissance. En avril, la réputation du Fonds a encore été écornée par deux anciens de ses cadres, Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, après qu’un étudiant a trouvé plusieurs erreurs dans une de leur études économétriques sur l’austérité, souvent citée par les partisans de la rigueur.

Ces derniers mois ont ainsi été l’occasion pour le FMI d’amorcer un changement de ton. Le Fonds a ainsi beaucoup insisté sur la nécessité de rétablir la confiance dans le système financier mondial, particulièrement fragile en cette période de crise. "Avant, on disait que le FMI n’était pas l’acronyme de International Monetary Fund mais de ’It’s mostly fiscal’ ("C’est surtout un problème budgétaire"), en référence aux coupes budgétaires exigées systématiquement par le Fonds en échange de son aide, note Anne-Laure Delatte. Maintenant, ce serait plutôt : ’It is mostly financial’ ("C’est surtout un problème financier")".

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