Accueil > 08- LUTTE DES CLASSES - CLASS STRUGGLE > En Uruguay, des femmes dénoncent les violences sexuelles subies sous le (...)

En Uruguay, des femmes dénoncent les violences sexuelles subies sous le régime militaire

samedi 29 juin 2013

En Uruguay, des femmes dénoncent les violences sexuelles subies sous le régime militaire

Quarante ans après le coup d’Etat du 27 juin 1973, l’Uruguay n’a toujours pas fini de panser les blessures infligées par les tortionnaires. Yvonne Klingler et 27 autres Uruguayennes ont dénoncé devant la justice de Montevideo les violences sexuelles dont elles ont été victimes, alors qu’elles étaient des prisonnières politiques, entre les mains des militaires.

Yvonne Klingler, qui a la double nationalité française, est venue à Paris, pour témoigner. « Raconter n’est pas seulement remémorer, c’est revivre ces traumatismes », confie-t-elle. D’une soixantaine de femmes qui s’étaient réunies à Montevideo pour partager leurs histoires, moins de la moitié ont eu la force de franchir le pas, souvent incomprises par leurs proches eux-mêmes.

Ce groupe de 28 femmes était emprisonné dans une vingtaine de centres de détention clandestins différents. Elles ont subi des violences sexuelles sur une période qui s’étend de 1972 (avant le coup d’Etat) jusqu’à 1983. Certaines ont été violées à l’aide de chiens ou de rats. Ces agressions n’étaient pas liées aux interrogatoires avec tortures. D’ailleurs, les guérilleros Tupamaros étaient défaits avant le putsch de 1973. Pendant les années de dictature en Uruguay, il n’y avait ni guérilla ni affrontement violent. « Les prisonniers politiques étaient détenus pour des raisons purement idéologiques », s’indigne Yvonne Klingler.

Les traitements dégradants étaient la manière choisie par les militaires uruguayens pour répandre la terreur dans le corps social. Au lieu des assassinats et disparitions forcées systématiques, comme en Argentine, des détentions prolongées avec la menace permanente de reprendre les tortures. En Uruguay, on compte environ 200 disparus, mais un taux d’incarcération pour motifs politiques exceptionnellement élevé par rapport à la population de 3 millions d’habitants : 6 500 prisonniers ayant fait l’objet d’une procédure judiciaire (dont 800 femmes), sans doute 3 000 autres sans procès.

Yvonne Klingler a été emprisonnée en 1982, alors qu’elle faisait ses études de médecine. Elle a d’abord été retenue dans un « enfer » (un centre de détention illégal) pendant quatre mois, avant d’être présentée à un juge militaire. « Les militaires parviennent à justifier les tortures, les disparitions, même les vols de bébés, mais ils ne trouvent pas eux-mêmes d’excuses aux viols, explique-t-elle. Certains prétendent que les femmes étaient consentantes, alors que nous étions détenues illégalement, dénudées, cagoulées, attachées, soumises à l’arbitraire des geôliers et des tortionnaires ! » Le groupe de 28 femmes est parvenu à identifier par des recoupements et à dénoncer une centaine d’officiers des forces armées, dépendants de l’Organisme de coordination des opérations anti-subversives (OCOA), qu’elles accusent de sévices sexuelles.

La Cour suprême, composée de juges qui ont commencé leur carrière sous la dictature, veut néanmoins donner un coup d’arrêt aux procès pour violations des droits de l’homme. Les militaires prétendent que ces viols seraient des crimes déjà prescrits, ignorant sciemment que les conditions de séquestration et détention sous un régime d’exception en fait des crimes contre l’humanité, imprescriptibles. L’Uruguay a signé tous les traités internationaux à ce sujet, la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) l’a rappelé, mais les juges peinent à intégrer la jurisprudence internationale.

Si la justice se fait attendre, la vérité et la réparation ne se portent pas mieux. L’indemnisation destinée aux victimes de la dictature n’est pas cumulable avec une retraite. Au pouvoir depuis 2005, le centre gauche n’a pas jugé utile de mettre en place une Commission de la vérité. L’imbroglio juridique sur la loi d’amnistie, deux fois ratifié par référendum à vingt ans d’intervalle (1989 et 2009), n’empêchait en rien de faire toute la lumière sur les exactions de la dictature et de favoriser ainsi une réparation symbolique des victimes.

Yvonne Klingler regrette cette attitude de la gauche. « Si le président José Mujica veut pardonner ses tortionnaires, qu’il le fasse à titre personnel, mais pas à la place des autres victimes, dit-elle. L’impunité n’est pas bonne pour l’avenir de l’Uruguay. »

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.