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Les classes dirigeantes vietnamiennes essaient de détourner l’explosion de colère ouvrière en flambée nationaliste contre la Chine

jeudi 15 mai 2014

Les classes dirigeantes vietnamiennes essaient de détourner l’explosion de colère ouvrière en flambée nationaliste contre la Chine

Le conflit en mer de Chine pour la possession des îlots pétroliers n’oppose pas seulement la Chine à la Corée du sud mais aussi au Vietnam.

Des dizaines de manifestations antichinoises ont eu lieu au Vietnam depuis 2007, le plus souvent avec la bénédiction du pouvoir. Mais celles-ci sont les plus violentes qu’ait connues le pays depuis longtemps, et semblent avoir échappé au contrôle de Hanoï. Elles ont été déclenchées par l’arrivée, au début du mois, d’une imposante plateforme de forage pétrolier chinoise au large de l’archipel des Paracels. La Chine a annexé par la force, en 1974, cet ensemble d’îles stratégiques riches en pétrole, alors occupé par le Sud Vietnam. Hanoï ne reconnaît pas la souveraineté de la Chine sur cet archipel « vietnamien ».

Dimanche 11 mai, dans Hanoï : un millier de personnes ont défilé ce jour là dans la capitale pour protester contre la récente installation d’une plate-forme de forage chinoise dans les eaux disputées de l’archipel des Paracels.

Une « provocation » chinoise qui avait été à l’origine de l’incident naval musclé du 7 mai, au cours duquel des bâtiments chinois avaient tiré au canon à eau contre des gardes-côtes vietnamiens après les avoir violemment tamponnés.

L’imposante plateforme chinoise, qui permet d’effectuer des forages en eaux profondes, est arrivée escortée d’une flottille de dizaines de navires chinois, civils et militaires. Celle-ci s’est retrouvée confrontée à des dizaines de bateaux vietnamiens tentant d’empêcher la plateforme d’entamer sa prospection. Les navires chinois ont repoussé l’incursion avec de puissants canons à eau, et depuis plus d’une semaine que dure le face-à-face, les deux flottilles se sont éperonnées mutuellement des centaines de fois, dans un ballet dangereux qui peut mal finir à tout moment.

Ces événements, qui sont perçus comme une agression par Hanoï, ont ravivé de mauvais souvenirs chez les Vietnamiens. L’annexion d’un récif vietnamien par la marine chinoise, en 1988, dans les îles Spratlys, qui a coûté la vie à 64 marins vietnamiens. Mais aussi la sanglante (et brève) invasion « punitive » lancée par la Chine contre le nord du Vietnam, en 1979 – qui selon Hanoï s’est soldée par la mort de 200 000 civils vietnamiens. Pékin cherchait alors à « infliger une leçon » au Vietnam, qui venait de chasser du pouvoir au Cambodge son allié Khmer rouge.

La soudaine détérioration des relations sino-vietnamiennes, provoquée par la sérieuse confrontation navale, le 7 mai, entre des bateaux des deux pays au sein d’un archipel disputé de la mer de Chine du sud, vient d’avoir des répercussions inattendues.

Les violences contre les intérêts chinois s’aggravent au Vietnam. Manifestations, usines attaquées, agressions d’expatriés chinois : 22 des 63 provinces vietnamiennes sont touchées par cette flambée de violence.

Les dernières émeutes se sont produites dans le centre du Vietnam, dans la province de Ha Tinh, à quelque 500 kilomètres de Hanoï, la capitale. Après le pillage de parcs industriels dans le sud, c’est une aciérie du groupe taïwanais Formosa qui a été prise pour cible par la vindicte populaire dans la nuit de mercredi à jeudi. Des manifestants anti-chinois avaient déjà incendié mardi plus de dix usines dans des parcs industriels de la région de Ho Chi Minh-Ville, l’ex-Saïgon, capitale économique vietnamienne, dans le sud.

Une manifestation antichinoise d’une vingtaine de milliers d’ouvriers vietnamiens travaillant dans un parc industriel des environs d’Ho Chi Minh-Ville (ex-Saïgon) a dégénéré, mardi 13 mai, en émeute et pillages généralisés.

Environ 250 usines ont été incendiées, endommagées et pillées dans cette zone située dans la province de Binh Duong, au sud du pays. Près de 500 manifestants ont été arrêtés. Un ouvrier chinois a été tué, selon la police vietnamienne, et une centaine de personnes auraient été blessées, indique un diplomate taïwanais en poste au Vietnam.
Selon les experts, c’est la plus grave émeute antichinoise qui se produit au Vietnam depuis la réunification du pays en 1975, date de la chute de Saïgon aux mains des staliniens prétendument "communistes".

Les pillards n’ont pas fait dans le détail, puisque ce sont surtout des usines taïwanaises et singapouriennes qui ont fait les frais d’une colère populaire pouvant par ailleurs englober d’autres revendications, d’ordre social ou économique.

A Hanoï, les manifestations ont réuni aussi bien d’anciens militaires que de jeunes "communistes" brandissant des drapeaux frappés de la faucille et du marteau, et des activistes critiques du régime.
Mais alors que, la plupart du temps, les manifestations nationalistes contre Pékin sont rapidement dispersées, les autorités ont cette fois permis à la colère populaire de s’exprimer aux alentours de l’ambassade de Chine. Des manifestations similaires, quoique de moindre importance, ont eu lieu également ce jour là à Saïgon et Danang.

Un tel laisser-faire de la part du gouvernement vietnamien, qui s’attache d’ordinaire à assurer un strict contrôle politique et social, avait un objectif précis : « Hanoï est conscient que permettre ce genre de manifestation est un message clair envoyé à Pékin, même si [les autorités] sont aussi conscientes qu’elle doivent maintenir l’ordre social », a commenté pour l’AFP Jonathan London, de l’université de Hongkong.

Le Vietnam est ainsi pris dans un double étau. En instrumentalisant un sentiment antichinois partagé par une écrasante majorité de Vietnamiens, il prend le risque de laisser éclater des bouffées de colère qui peuvent se retourner contre le gouvernement à un moment où les réseaux sociaux relaient d’abondantes critiques à l’égard du Parti communiste vietnamien (PCV).

« Les émeutes montrent les dangers de laisser s’exprimer une ferveur nationaliste dans un environnement aussi répressif que celui du Vietnam », a également remarqué Jonathan London.

L’autre équilibre délicat à maintenir pour Hanoï est celui consistant à affirmer sa revendication de souveraineté territoriale face à Pékin tout en se gardant de laisser dégénérer une confrontation avec un partenaire économique essentiel.

D’habitude, le Vietnam s’efforce de suivre la voie diplomatique dans sa relation aussi complexe que conflictuelle avec le grand voisin du nord.

En 2011, Hanoï et Pékin s’étaient entendus pour résoudre leurs différends maritimes dans le cadre d’un dialogue bilatéral. La récente mise en place par la Chine de cette plate-forme de forage en face des côtes vietnamiennes a fait voler en éclats ces initiatives de conciliation.
La relation sino-vietnamienne, faite de proximité culturelle, ancrée dans une longue histoire commune et de confrontations récurrentes, achoppe donc une fois de plus sur des questions de souveraineté.
L’archipel des Paracels avait été conquis par la Chine en 1974 lors d’une confrontation avec l’ex-régime fantoche de Saïgon, à la fin de la guerre du Vietnam.

Depuis, Hanoï continue à le revendiquer comme sien. Il en va de même avec un archipel situé plus au sud, celui des Spratleys, zone maritime elle aussi potentiellement riche en hydrocarbures et dont la Malaisie, l’émirat de Brunei, les Philippines et Taïwan se disputent la souveraineté, aux côtés de la Chine et du Vietnam.

Naguère alliés des Chinois durant la guerre d’Indochine contre les Français, les Vietnamiens ont toutes les raisons d’entretenir à l’égard de Pékin un sentiment de suspicion.

En 1979, pour punir le Vietnam d’avoir envahi un peu plus tôt le Cambodge afin d’en chasser le régime khmer rouge allié de Pékin, la Chine mena en territoire vietnamien une attaque aussi sanglante que brutale. Guerre éclair qui vit une résistance acharnée des troupes vietnamiennes et au cours de laquelle périrent plusieurs dizaines de milliers de soldats des deux pays.

En 1988, les Chinois repassèrent à l’attaque dans l’archipel des Spratleys, mitraillant des bateaux vietnamiens au cours d’un combat qui fit peut-être près de 200 morts.

Le récent épisode de confrontation dans les Paracels inquiète les pays d’une région alarmée par le caractère agressif des visées chinoises.
Lors du sommet de l’Association des nations de l’Asie du sud-est (Asean), organisé dimanche en Birmanie, pays qui assure en 2014 la présidence tournante de l’organisation, les partenaires régionaux, pourtant divisés quant à l’attitude à adopter face à la Chine, ont fait part de leur « sérieuse inquiétude » devant la montée des tensions maritimes dans ce que les Vietnamiens appellent la « mer orientale ». Et non la « mer de Chine »…

16 Chinois, ainsi que quatre Vietnamiens, qui auraient péri dans ces émeutes au cours desquelles des centaines d’entreprises chinoises, ou estampillées chinoises, ont été mises à sac par des foules de manifestants nationalistes vietnamiens.

Dans de nombreux cas, les émeutiers n’ont pas fait de différence entre les entreprises réellement chinoises, et les compagnies taïwanaises et sud-coréennes. Des dizaines d’usines à capitaux mixtes ont été incendiées et réduites en cendres, dans plusieurs parcs industriels du pays. Dans le même temps, des centaines de Chinois ont commencé à fuir le pays. Plus de 600 d’entre eux ont traversé hier la frontière séparant le Vietnam du Cambodge. Le gouvernement chinois a enjoint le Vietnam, jeudi, à protéger les ressortissants chinois, à « punir » les émeutiers, et à compenser les victimes de ces hordes nationalistes. Hanoï, écrit un éditorialiste du Huanqiu, un journal officiel chinois, est « piégé par un nationalisme dévorant » et « se ridiculise » en se montrant incapable de garantir un environnement stable aux investisseurs étrangers.

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