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Un courrier de Culture et Révolution

dimanche 2 novembre 2014

Bonsoir à toutes et à tous,

Le début de la Première Guerre mondiale qui devait être
« la der des ders » il y a cent ans, aura été
célébré de la façon la plus éclatante, la moins
protocolaire qui soit : par une série de massacres à
Gaza, en Irak, en Syrie, en Ukraine, en Lybie, sans parler
de ceux qui se poursuivent dans un quasi silence médiatique
en République Centrafricaine, au Soudan, en Érythrée et
certaines zones reculées en Birmanie, au Congo Kinshasa ou
en Chine. Sans parler des milliers de personnes qui tentent
de fuir ces guerres et finissent par mourir dans une zone
désertique, au fond d’une mer ou d’un océan.
Terrifiante continuité dans la barbarie entre l’été
1914 et l’été 2014.

Les grandes puissances, dont la France, ont joué leur
partition en coulisse ou directement dans ces guerres. À
présent, elles en mènent une nouvelle en Irak avec toute
une brochette de dictatures pétrolières, au mépris des
intérêts des peuples de la région. Tout ce que ce monde
capitaliste furieusement décadent depuis un siècle compte
d’irresponsables à la tête des États, des armées, des
grandes banques et entreprises et des formations
politiciennes qui complètent le dispositif, est en ordre de
marche pour sauver le système. À l’échelle mondiale, nous
assistons à une inquiétante montée des militarismes et
des nationalismes pour essayer de détourner l’attention des
vrais enjeux et pour casser la dynamique des luttes et des
mobilisations de toutes sortes.

Ce système impérialiste chaotique ne se serait pas
maintenu depuis un siècle s’il n’avait réussi à infuser
dans des millions de cerveaux une drogue morale, sorte de
lot de consolation, qui, lorsque les conditions s’y
prêtent, s’avère être une arme destructrice et même
autodestructrice : l’identité nationale, l’identité
ethnique ou l’identité religieuse. Au nom de ces identités
fallacieuses, on a pu détourner son regard du malheur
frappant « l’autre », montrer du doigt « l’autre »,
haïr « l’autre » et finalement dénoncer, combattre,
martyriser et tuer « l’autre », qu’il soit « le
Juif », « l’Arabe », « l’Allemand », « le
Noir », « l’Arménien », « le Tzigane », « le
Tutsi », etc. De ce point de vue, ni la Première Guerre
mondiale, ni la Deuxième de 1939-1945 ne sont encore
terminées. La guerre d’Algérie non plus ne l’est pas
davantage en ayant laissé en héritage le mépris ou la
haine des immigrés, de leurs enfants et de leurs
petits-enfants. L’antisémitisme, le racisme et la
xénophobie relèvent toujours la tête.

Dans un contexte général de domination, d’exploitation,
de concurrence et de précarité, où la personnalité de
chacun ne peut pas s’épanouir librement, il n’est pas
étonnant que bien des individus se raccrochent à une
identité fictive leur donnant l’illusion d’exister un
tant soit peu socialement.

Et pourtant le siècle qui s’est écoulé depuis ce mois
d’août 1914 aurait pu être tout autre. Il y a eu des
internationalistes, des penseurs et artistes sans préjugés
et se considérant comme des citoyens du monde. Il y a eu
des révolutionnaires courageux dans tous les pays. Ils ont
tenté, ils ont échoué. Il est facile de pointer leurs
erreurs et leurs fautes avec la position de grande
condescendance rétrospective. Du moins ont-ils tenté une
transformation allant vers une société plus humaine. Nous
avons à apprendre de leurs tentatives et des impasses dans
lesquelles ils se sont retrouvés.

Mais nous, gens de gauche et d’extrême gauche,
qu’avons-nous tenté en France ces dernières années ?
Qu’avons-nous fait pour contribuer au succès des
soulèvements dans les pays arabes, qu’avons nous
entrepris dans la foulée du mouvement du Chiapas, des
Indignados espagnols, du mouvement des places en Grèce, de
celui d’Occupy Wall Street aux États-Unis ou du parc Gezy
en Turquie ? Qu’avons-nous appris de ces formidables
mouvements ? Peut-être beaucoup mais les signes n’en
sont guère visibles pour l’instant.

Dans vingt ans, rétrospectivement, il est à craindre que
le fait d’avoir participé pour certains à des campagnes
électorales peu grisantes et prétextes à guerres
picrocholines, le fait d’avoir participé à quelques
grèves et manifestations revendicatives ou de solidarité
(ce qui bien sûr n’est pas rien) ne constitue un bilan un
peu maigre aux yeux des générations futures. Surtout si
elles se penchent sur nos écrits politiques décolorés,
plaintifs, répétitifs, englués dans des schémas
intellectuels périmés. L’admettre serait déjà faire un
pas en avant.

Nous aimerions donner en partage des fruits plus
consistants, ce qui nécessite de penser, écrire, agir
autrement, bref prendre nos responsabilités face à la
réalité présente. Cela ne peut pas se faire en passant à
la trappe toute une histoire complexe et riche
d’éclairages, notamment celle du XXe siècle. Cela n’est
possible qu’en maintenant coûte que coûte un projet
d’émancipation, ici comme partout. Nous sommes toujours
face à cette alternative exprimée par Friedrich Engels et
reprise par Rosa Luxemburg, assassinée sur l’ordre de
sociaux-démocrates gouvernementaux en 1919 :
« Socialisme ou barbarie ».

Culture et révolution

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